Pair-aidance

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La pair-aidance est une trajectoire de rétablissement qui repose sur une entraide entre personnes étant ou ayant été atteintes d'une maladie somatique, psychique ou vivant une problématique sociale.

Si le domaine de la psychiatrie en fut précurseur, on considère aujourd'hui plus largement comme « pair-aidant » un individu ayant vécu les situations subies par et/ou faisant encore partie d'un groupe stigmatisé ou minoritaire, et souhaitant apporter son aide dans les situations qu'il connaît, envers une communauté pour laquelle il se sent concerné et par laquelle il est au moins théoriquement accepté ; On trouve ainsi des pair-aidants dans des domaines aussi variés que la maladie (somatique ou psychique), la toxicomanie, la grande précarité, le stress post-traumatique ou encore la prostitution.

Cette pratique est de plus en plus recommandée dans le cadre de l'autonomisation des patients en santé mentale, d'une amélioration du respect des droits de l'homme en santé mentale ainsi que d'une condition pour accomplir l'idée de rétablissement en santé mentale (officiellement depuis 2005 au Québec, en lien avec plusieurs universités)[1].

La pratique peut se faire dans le cadre plus ou moins formels et encadrés (centres médicaux, associations, groupes d'entraide ...)

Histoire[modifier | modifier le code]

L'entraide existe depuis que l'humanité existe, mais la notion de pair-aidance semble s'être formalisée et développée aux États-Unis dans les années 1970, dans le contexte de la vague d'une révolte de patients envers les pronostics fatalistes de médecins et avec une volonté de reprendre le pouvoir sur leurs vies[2].

La pair-aidance a continué à se développer en Amérique du Nord. Apparentée ou associée à la psychothérapie, elle est dans certains pays (Canada par exemple) devenue un métier reconnu, de soutien à la prévention, à la guérison et à la réadaptation, explicitement incluse et valorisée dans certaines stratégies nationales (ex : Plan d’action interministériel en santé mentale 2022-2026 ; Programme québécois pour les troubles mentaux ou PQPTM)[1]. Aux États-Unis, l'Obamacare a permis que le pair aidant soit remboursé par les compagnies d'assurances[1].

Dans ces cas, le pair-aidant est une personne qui a transformé son expérience vécue en savoir expérientiel, mais qui a aussi reçu une formation complémentaire, et généralement effectué des stages de pair-aidance (préparant par exemple au travail en contexte hospitalier)[1].

Principes[modifier | modifier le code]

Si le médecin peut soigner la maladie d'une personne, seule celle-ci peut en définitive accéder au rétablissement, car il relève du devenir de la personne en question, contrairement à son pronostic. Puisque seule la personne peut « se rétablir », il importe que les médecins reconnaissent le savoir expérientiel des patient-es, et promeuvent leur autonomisation[2]. Les pair-aidants sont des personnes qui accompagnent les personnes concernées dans leur rétablissement, suivant la notion de Rétablissement en santé mentale[3].

La pair-aidance affecte la reconstruction de la personne dans toutes les dimensions de sa vie, personnelle, affective et sociale, professionnelle, spirituelle, citoyenne[2], des autosoins à une démarche plus systémique de psychothérapie[1].

Les trois piliers de la pair-aidance[4],[5],[6][modifier | modifier le code]

Des auteurs comme : Bonnami (2019) Burke & al. (2018) ; Céphale & al. (2019) ; Cloutier & Maugiron (2016) ou encore Vignaud (2017) ont identifié trois concepts sur lesquels reposent la pratique de la pair-aidance : le rétablissement, les savoirs expérientiels et l’espoir.

Les missions du pair-aidant[modifier | modifier le code]

Collaborer avec les professionnels, ce n’est pas toujours facile pour le pair-aidant. Il s'agit de trouver sa place auprès des soignant-es, et pour les soignants, de lui laisser une place. En effet le pair-aidant va passer de statut de patient, usager… à celui de collègue : « il va passer de l’autre côté de la vitre » (Petit, 2021, p 44). Dujardin et Jamoulle (2017) rapportent que l’intégration des pairs-aidants au sein des institutions a engendré des troubles, notamment par la confrontation entre les savoirs académiques détenus par les professionnels et les savoirs expérientiels des pairs-aidants.

Aider les pairs : le pair-aidant se retrouve dans le principe du don et du contre don, il a été aidé quand il en avait besoin et souhaite venir en aide, maintenant qu'il va mieux.

S’engager dans une relation : Bastin et al. (2018) décrit l’ambivalence de cette relation qui doit à la fois permettre la mise en place d’une confiance réciproque, et être assez distante pour prévenir l'identification entre l’aidant et l’aidé. En effet les problèmes ou encore la souffrance de l’un ne doit pas devenir celle de l’autre.

Communiquer : c'est-à-dire savoir écouter, échanger, partager, questionner et être questionné-e.

S’informer : Petit (2021) précise que cette idée divise les pairs-aidants. En effet certains identifient une plus-value à maîtriser les pathologies et la pharmacologie dans la compréhension de la situation de l’aidé, alors que d’autres estiment que la formation aux savoirs académiques risque de leur faire perdre leur authenticité, issue des savoirs expérientiels.

S’aider soi–même : faire des allers-retours sur sa propre histoire et sur la situation de l’aidé, pour mieux aider l’Autre et se comprendre soi-même. Dans cette perspective, Dujardin et Jamoulle (2017) préconisent la mise en place d’un espace de consultation et de supervision pour le pair-aidant, qui constitue une « soupape de sécurité » quand le travail d’introspection est difficile.

Communication et langage "aidant"[modifier | modifier le code]

Souvent, le langage employé dans le contexte médical est dépendant d'un rapport de pouvoir, et peut être susceptible de rendre pathologiques des réponses normales à des évènements considérés par la personne comme traumatiques[7].

Il est recommandé au pair-aidant de définir la personne aidée selon des termes non-stigmatisants (la personne victime d'une expérience douloureuse ou d'un handicap ou d'autres facteurs d'exclusion sociale a souvent tendance à s'auto-accuser ou s'« auto-stigmatiser »)[1] et choisis par celle-ci, de ne pas formuler de pronostics définitifs quant à la condition de la personne ou à son obligation de médicamentation et de consultation médicale, et d'utiliser un langage aux structures ouvertes plutôt que fermées en se référant à ces sujets[7]. Le pair-aidant cherche à établir une relation d'égal à égal avec le pair-aidé, et ce, en partageant avec ce dernier des éléments de son vécu personnel en tant que personne en rétablissement[8].

La formation à la pair-aidance[modifier | modifier le code]

  • En Europe :

- En France, il existe la formation universitaire qui forme des médiateurs de santé pairs en cours d'emploi à l'université par une formation reconnue Licence 3 Sciences Sanitaires et sociales en partenariat avec le CCOMS de Lille.

Plusieurs universités proposent des formations visant à professionnaliser la pratique de pair-aidance, à contribuer également à la reconnaissance de la fonction et de fait à l’institutionnaliser. Ainsi les départements de l’éducation et de la formation et celui de la santé publique de l’Université de Tours se sont associés pour proposer « un Diplôme Universitaire (DU) Pair-aidance croisée : théories et pratiques situées ». Ou encore L’Université Claude Bernard Lyon 1 qui propose quant à elle un DU « Pair –aidance et santé mentale ».

La formation et un parrainage pour devenir pair-aidant, peut être proposer par des associations. Par exemple la Maison Des Personnes handicapées de Seine-et Marne, précise dans sa page d’accueil les missions du pair-aidant et la nécessité pour lui d’être parrainé par une structure ou une association de pair-aidance.

- En Belgique, [à compléter]

- Ailleurs en Europe...

  • Outre-Atlantique :

Un diplôme sur la pair-aidance et le rétablissement en santé mentale est proposé. Il a été élaboré en partenariat avec la faculté de l'éducation permanente de l’Université de Montréal, Canada et celle de l'Université de Yale[9], Etats-Unis.

Des avantages à la formation pair-aidance ?[modifier | modifier le code]

Selon Petit (ibid.), la formation à la pair-aidance constitue un réel avantage pour les futurs pairs-aidants en santé mentale. La formation leur permet d'acquérir les bases utiles pour devenir pair–aidant, d'avancer dans la connaissance de soi et de créer des liens sociaux.

« Se former pour devenir pair–aidant » signifie pour commencer que les personnes en formation vont prendre conscience qu’ « un cercle vertueux se crée : se rendre compte de l’impact d’un pair-aidant auprès des patients renforce l’envie de devenir pair-aidant ». La formation leur permet aussi d’appréhender les difficultés qu’ils peuvent rencontrer lors de leurs missions et donc se sentir renforcés.

Elle contribue, pour les futurs pair-aidants, à « acquérir une connaissance de soi » : à travers les contenus de la formation, les personnes sont amenées à poser un regard réflexif sur leur propre parcours de santé et de soins, à réaliser un travail d’introspection sur leur maladie et leur rétablissement. Cela permet à chacun-e de « se (ré-)approprier son vécu, son parcours de vie et d’en avoir une vision plus positive » (ibid., p 38).

Enfin, en ce qui concerne « créer des liens sociaux » Petit explique que « ce soutien créé permet de surmonter les moments de vulnérabilité pouvant être déclenchés par la formation. Se former à la pair-aidance permet de s'ouvrir à l'autre et de se réintégrer socialement[9] » (p 40).

Il suggère également que les compétences acquises en formation pourraient permettre aux pairs-aidant de prétendre à rémunération. Néanmoins pour le moment il n’y a pas encore consensus en France sur ce statut et la reconnaissance par la formation, que certains jugent paradoxale au sens où les savoirs sur lesquels s'appuient la pair-aidance sont issus justement de l'expérience et non d'un apprentissage formatif conventionnel. Maurice et al. (2020) répondent que la formation à la pair-aidance ne constitue pas un paradoxe, au sens où elle permet au futur pair-aidant non pas tant d'acquérir que de valoriser son savoir expérientiel, et de l'ajuster aux contextes en vigueur pour mieux venir en aide aux pairs-aidés[10].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e et f Jean-François Pelletier, « Conférence : Pair-aidance et auto-soins en santé mentale », (consulté le )
  2. a b et c Alice Vignaud, « La pair-aidance en psychiatrie : se rétablir, innover et donner du sens », Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique, vol. 175, no 8,‎ , p. 736–740 (ISSN 0003-4487, DOI 10.1016/j.amp.2017.08.006, lire en ligne, consulté le ).
  3. Nicolas Frank et Caroline Cellard, Pair-aidance en santé mentale : Une entraide professionnelle, Elsevier Masson, premier juillet 2020, 304 p. (ISBN 978-2-294-77119-4 et 2-294-77119-2)
  4. Bonnami, A. (2019). La reconnaissance des savoirs expérientiels dans la formation de pairs aidants. Vie sociale, 25-26(1-2), 225-242. https://doi.org/10.3917/vsoc.191.0225
  5. Cloutier, G., & Maugiron, P. (2016). La pair-aidance en santé mentale : l’expérience québécoise et française. L’information psychiatrique, 92(9), 755-760. https://doi.org/10.1684/i pe.2016.1545
  6. Vignaud, A. (2017). La pair-aidance en psychiatrie : se rétablir, innover et donner du sens. Annales Médico Psychologiques, 175, 736-740. https://doi.org/10.1016/j.amp.2017.08.0 06
  7. a et b Pair-aidance individuelle par et pour les personnes avec une expérience vécue, formation Quality Rights de l'OMS, 2019
  8. Pelletier 2021.
  9. a et b PETIT, Anouk (2021) La pair-aidance Étude qualitative du vécu du pair-aidant en santé mentale. Mémoire de master en Sciences Psychologiques à finalité spécialisée en psychologie clinique, Université de Liège
  10. Maurice, A., Staedel, B., Sebbane, D., Roelandt, J.-L., & Franck, N. (2020). Formation à la pair-aidance en France. In. N. Franck, C. Cellard, & P. Mariotti (Eds.), Pair-aidance en santé mentale : une entraide professionnalisée (pp. 239-249). Elsevier.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Jean-François Pelletier, Se rétablir en santé mentale : Fondements et pratiques du rétablissement par la pair-aidance, Paris : Elsevier Masson, 184 pages, 2021 (ISBN 9782294773556)

Vidéographie[modifier | modifier le code]

Jean-François Pelletier, « Conférence : Pair-aidance et auto-soins en santé mentale », (consulté le )