Dilatation du temps

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Le terme dilatation du temps désigne un effet de relativité restreinte selon lequel l'intervalle de temps entre deux évènements mesuré dans un référentiel inertiel quelconque est toujours supérieur à l'intervalle de temps mesuré dans le référentiel où les deux évènements ont la même position[1].

Étant donné que le temps est défini, dans la théorie de la relativité, par la donnée initiale d'une horloge pour chaque référentiel[2],[3],[4], on peut dire de manière équivalente : une horloge en mouvement par rapport au référentiel inertiel de l'observateur sera vue comme fonctionnant au ralenti par rapport aux horloges immobiles dans son référentiel, qu'il peut qualifier de fixes[5]. Bien sûr, cet effet intervient sur tout mesureur du temps[6].

Ce phénomène de ralentissement des horloges s'étend, en relativité générale, aux horloges proches d'un corps massif, qui vont ralentir par rapport à celles qui en sont plus éloignées.

Le diagramme de Minkowski, en deux dimensions, permet une compréhension qualitative et intuitive du phénomène de dilatation du temps.

En relativité restreinte

Exemple

Considérons deux événements, par exemple l'émission de deux éclairs, émis par un appareil transporté par une fusée, et séparés par l'intervalle de temps Δτ  mesuré dans cette fusée (c'est l'intervalle de temps propre les séparant car ces éclairs sont émis au même endroit pour la fusée). Chaque éclair est émis alors que la fusée passe devant un observateur terrestre différent lisant l'heure sur sa montre, et ces deux observateurs constatent que leurs lectures diffèrent du temps Δt . Comme la fusée se déplace à la vitesse v par rapport à la Terre, la distance entre ces deux observateurs terrestres concernés est de v Δt. Les deux mêmes événements « éclairs » étant séparés par l'intervalle d'espace-temps (Δx =vΔt, Δt ) dans le repère terrestre et (0, Δτ ) dans le repère de la fusée, la relativité restreinte affirme que le carré de l'intervalle d'espace-temps entre les deux événements est le même dans les deux repères et que de ce fait l'égalité suivante est respectée :

On en déduit:

ce que l'on peut aussi obtenir par les transformations de Lorentz.

Ainsi, si , le temps propre mesuré dans la fusée est  : le temps s'écoule plus lentement dans la fusée d'après les observateurs terrestres.

Cet effet est négligeable pour de faibles vitesses et c'est la raison pour laquelle la correction n'intervient pas dans la vie courante et que le phénomène n'est pas perceptible d'ordinaire. En revanche dès qu'un objet atteint une vitesse de l'ordre du 1/10e de celle de la lumière, ou lorsque la précision demandée est importante, comme dans le cas d'un GPS, cet effet relativiste est notable et peut même devenir colossal, croissant sans limites, si v se rapproche tout près de la valeur c.

Vérifications expérimentales

  • Une vérification expérimentale a été menée en 1960 par les physiciens Robert Pound et Glen Rebka en accélérant des atomes par augmentation de la chaleur (les atomes restent sur place car ce sont les atomes d'un cristal radioactif vibrant autour de leur position d'équilibre par agitation thermique), ce qui a donné une diminution de la fréquence des rayons gamma émis (ce qui signifie un ralentissement du temps propre des atomes par rapport à celui des atomes non accélérés), les mesures étant en accord avec les prévisions avec 10% de marge d'erreur[7].
  • On a observé que les particules instables se désintègrent plus lentement du point de vue de l'observateur lorsqu'elles se meuvent à grande vitesse par rapport à celui-ci, notamment dans les accélérateurs de particules.
  • Cet effet est également observé pour les muons atmosphériques produits par la collision des rayons cosmiques (particules très énergétiques en provenance de l'espace cosmique) et les molécules de l'atmosphère. Ces muons, animés d'une vitesse proche de celle de la lumière, atteignent le sol où ils sont observés et ce malgré leur courte durée de vie propre, la dilatation du temps leur donnant le temps nécessaire pour atteindre les détecteurs.
  • Un autre cas observé de dilatation temporelle est le décalage entre horloges atomiques au sol et en vol ; mais il se complique dans ce dernier cas de considérations gravitationnelles de sorte que le cadre de la relativité restreinte est insuffisant et qu'on doit considérer les effets de Relativité générale. Incidemment l'expérience réelle d'horloges atomiques embarquées en avion est une version réalisable, et souvent réalisée, de l'expérience des jumeaux, laquelle exploite l'effet de ralentissement des horloges en mouvement.
  • Signalons également que l'on observe aussi une dilatation du temps lorsqu'on mesure la durée de l'évolution de la luminosité des supernovas lointaines, mais que ce dernier effet est dû à l'expansion de l'Univers.

Paradoxe apparent de la symétrie

Supposons qu'un observateur no 1 voit, depuis son référentiel inertiel muni d'une horloge (dite no 1) qui y est immobile, une horloge (dite no 2) en mouvement à vitesse constante comme fonctionnant au ralenti. Alors, par symétrie, un observateur no 2 immobile par rapport à l'horloge no 2 voit l'horloge no 1 comme étant en mouvement à vitesse constante par rapport à son référentiel (dit no 2) et donc comme fonctionnant au ralenti. Ainsi chacun voit l'horloge de l'autre comme fonctionnant au ralenti. La contradiction semble flagrante si on imagine qu'ils se croisent deux fois : la première fois ils initialisent leurs deux horloges à 0, mais, la seconde fois, quelle horloge sera en retard par rapport à l'autre ? Le paradoxe n'est qu'apparent car pour qu'il y ait deux rencontres, une des deux horloges a dû changer de référentiel inertiel : la relativité restreinte s'y applique différemment et les calculs montrent que c'est cette horloge qui, à la seconde rencontre, retarde sur l'autre[7].

En relativité générale

Description du phénomène

En relativité générale, la courbure de l'espace-temps (c'est-à-dire la gravitation) ralentit le temps par rapport à celui mesuré hors champ de gravitation : si deux horloges sont identiques et que l'une a fait un séjour dans un champ de gravitation, alors elle retarde par rapport à l'autre, et ce d'autant plus que la gravitation a été forte.

Métrique de Schwarzschild

On sait que la métrique est . Dans le cas d'une masse à symétrie sphérique, on peut utiliser la métrique de Schwarzschild

avec le rayon de Schwarzschild de la masse sphérique, strictement inférieur au rayon .

On en déduit . Ainsi est l'élément infinitésimal de temps propre du corps, et est celui du temps mesuré dans le référentiel de l'observateur, par hypothèse non soumis à la gravitation (sinon les formules sont différentes).

On peut dire que par la gravitation le temps propre est ralenti par rapport au temps du référentiel (qui est par hypothèse mesuré hors d'influence de la masse), ou que le temps impropre est dilaté par rapport au temps propre du corps influencé par la gravitation.

Cas d'un trou noir

Dans le cas d'un trou noir, ici réduit à ses caractéristiques liées à la métrique, une horloge peut s'approcher du rayon de Schwarzschild du corps massif. En la supposant quasi-immobile dans le référentiel, elle marque son temps propre , et le temps observé très loin du trou noir (à l'infini, pour faire court) est . Ce qui signifie qu'au fur et à mesure que l'horloge s'approche du rayon de Schwarzschild, le temps de l'horloge parait mettre un temps infini pour s'écouler aux yeux de l'observateur, et semble même s'arrêter à ses yeux, mais l'horloge ne s'arrête pas pour elle-même.

Résultats expérimentaux

En 1977, une expérience embarquant des horloges atomiques dans une fusée a confirmé les prévisions théoriques avec une précision de 0,01 %[8]. En 1959, Robert Pound et Glen Rebka ont pu vérifier expérimentalement que la différence d'altitude de 22,6 mètres d'une tour de l'université Harvard donnait une différence de fréquence de la lumière conforme aux prévisions de la relativité générale (expérience de Pound-Rebka mettant en évidence le décalage d'Einstein)[8],[9]. En 2009, une équipe de physiciens a mesuré avec une précision 10 000 fois supérieure à la précédente expérience (Gravity Probe A (en)) cette dilatation du temps sans déceler de différence avec les prédictions de la relativité générale[10],[11].

Dans la fiction

Dans le film Interstellar de Christopher Nolan, sorti en novembre 2014, est utilisé ce phénomène de dilatation du temps. L’astronaute Cooper voyage sur une exo-planète à l'horizon d'un trou noir supermassif ("Gargantua"). La force gravitationnelle du trou noir est si forte que le temps sur cette exo-planète s'écoule plus lentement avec un ratio de 1 heure pour 7 années terrestres[12].

Notes et références

  1. David Langlois, Introduction à la relativité : Principes fondamentaux et conséquences physiques, VUIBERT (13 juillet 2011), , 192 p., pp 16 à 19
  2. Premier paragraphe du §1 de Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique, t. 2 : Théorie des champs [détail des éditions] : Pour pouvoir décrire les phénomènes naturels il est nécessaire de définir un "système de référence" ou "référentiel". On entend par système de référence un système de coordonnées permettant d'indiquer les positions spatiales des particules auquel est liée une horloge marquant le temps.
  3. Chapitre 2, §2.1.2, page 18 de Relativité et gravitation, par Philippe Tourrenc (Armand Colin éditeur, 1992, (ISBN 2 200 21209 7)) il est indiqué que pour construire un système de coordonnées, nous mettons tout d'abord en place un certain nombre de « règles matérielles », dont une horloge en chaque point de l'espace, qu'il faut « synchroniser », plus loin qu'il faut utiliser des horloges « idéales » et que tout cela est complexe, tant du point de vue pratique que conceptuel.
  4. Chapitre 2, page 10 du cours de relativité restreinte de Pierre Billoir : il faut préciser une méthode opérationnelle pour établir un repérage de l'espace et du temps, dont des horloges indéréglables, qu'on synchronise.
  5. « Le temps propre d'un objet mobile est toujours inférieur à l'intervalle de temps correspondant dans un système fixe; on peut dire qu'une horloge mobile marche plus lentement qu'une horloge fixe » dans le §3 de Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique, t. 2 : Théorie des champs [détail des éditions].
  6. p 6 du cours de relativité générale par Bernard Linet, il est indiqué, avant tout postulat sur l'espace et le temps, qu'un observateur possède une horloge (et une règle graduée, le tout pour explorer son environnement) et que c'est un fait d'expérience que tous les phénomènes périodiques, classiques ou quantiques, donnent le même temps t.
  7. a et b D'après James H. Smith, Introduction à la relativité, chez Masson édition de 1997, page 101 (chapitre "le paradoxe des jumeaux")
  8. a et b Jean-Claude Boudenot, chapitre VI p. 145 à p. 147 de Électromagnétisme et gravitation relativiste, édité chez ellipse en 1989, ISBN 2-7298-8936-1.
  9. (en) R. V. Pound, « Gravitational Red-Shift in Nuclear Resonance », Physical Review Letters, vol. 3, no 9,‎ 1e november 1959, p. 439–441 (DOI 10.1103/PhysRevLett.3.439, lire en ligne, consulté le )
  10. Laurent Sacco, Retard des horloges : un test donne – encore – raison à Einstein sur Futura-sciences
  11. (en) Holger Müller, « A precision measurement of the gravitational redshift by the interference of matter waves », Nature, vol. 463,‎ , , 926-929 (DOI 10.1038/nature08776, lire en ligne, consulté le )
  12. « Décryptez la physique des trous noirs du film Interstellar », (consulté le )

Annexes

Bibliographie

Articles connexes