Chromatographie en phase liquide à haute performance

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Un chromatographie en phase liquide à haute performance. De gauche à droite: un dispositif de pompage destiné à générer un gradient de deux solvants - a steel enforced column? et un détecteur pour mesurer l'absorbance.
Un chromatographie en phase liquide à haute performance moderne.

La chromatographie en phase liquide à haute performance (CLHP) — mais on trouve plus fréquemment l'abréviation anglaise HPLC (high performance liquid chromatography) depuis les années 1990 — est une technique de séparation analytique et/ou préparative de molécules présentent dans un mélange. Cela permet d'adapter les méthodes chromatographiques usuelles (voir Colonne) sur un montage haute pression.

Cette forme de chromatographie est fréquemment utilisée en biochimie, ainsi qu'en chimie analytique.

Le P du sigle, à l'origine signifiait Pression mais lorsque la méthode a été améliorée (réduction des particules et régulation de la phase stationnaire) le P a été attribué à Performance afin de marquer cette innovation.

Principe

L'échantillon à analyser est poussé par un liquide (appelée phase mobile) dans une colonne remplie d'une phase stationnaire de fine granulométrie (les « grains » sont de très petite taille). Le débit d'écoulement de la phase mobile est élevé ce qui entraîne une augmentation de la pression dans le système. Ce débit élevé diminue le temps nécessaire pour séparer les composants le long de la phase stationnaire. La fine granulométrie de la phase stationnaire permet une meilleure séparation des composants. En effet, pour un même volume de phase stationnaire la surface d'échange augmente si les « grains » qui la composent sont de diamètre plus petit. Les pics obtenus (via un détecteur à UV (les protéines absorbent à 275-280nm) relié à un système d'intégration et de calcul) sont plus étroits donc la résolution est améliorée (les pics sont bien séparés, on peut donc bien les différencier), le seuil de détection est également plus bas (des pics étroits et hauts sont plus faciles à isoler du bruit de fond que des pics larges et bas). La combinaison de ces attributs - rapidité et résolution élevées - conduit à l'appellation « haute performance».
Les phases mobiles utilisées sont des mélanges d'eau et d'un solvant organique miscible (acétonitrile, méthanol) ou des combinaisons de solvants organiques (alcools, hexane, dichlorométhane...) miscibles entre eux.
Souvent, la composition de la phase mobile est modifiée au cours de l'analyse, c'est le mode dit « gradient » ou « élution graduée » (en opposition au mode « isocratique », pour lequel la composition de la phase mobile reste la même tout au long de l'analyse). Par exemple, sur une colonne apolaire, en utilisant un mélange eau/méthanol comme phase mobile, les composants les plus hydrophobes sont élués avec une concentration élevée en méthanol alors que les composants plus hydrophiles sont élués préférentiellement avec une concentration faible en méthanol. Selon la nature de la phase stationnaire, on commencera par une concentration élevée en méthanol ou le contraire.

Appareillage et fonctionnement

Pompe

C'est la partie qui sert à stocker l'éluant et à l'injecter sous pression dans la colonne. Elle est composée de :

On utilise une pompe pour une élution isocratique ou plusieurs pour une élution par gradient.

Injecteur

Des tubes en acier inoxydable, en Teflon, en PEEK ou en silice fondue permettent de relier la ou les pompes à l'injecteur chromatographique. Il y a plusieurs types d'injecteurs :

  • Boucle d'injection : permet la répétabilité du volume d'injection
  • Injecteur seringue
  • Extraction sur phase solide en ligne

Colonne

Elle dépend du type de chromatographie en phase liquide que l'on veut faire et donc de la nature et du nombre de composés que l'on veut séparer. Il peut y avoir plusieurs colonnes parallèles. Il y a donc plusieurs types de chromatographies en phase liquide :

Chromatographie d'adsorption

Dans cette chromatographie, la phase stationnaire consiste en une matière solide à grand pouvoir d'adsorption, tel que l'oxyde d'aluminium, les silicates de magnésium, les gels de silice. Les composants sont simplement plus ou moins retenus à la surface de la phase stationnaire par adsorption physique. C'est une technique qui prend en compte la polarité des composants.

Chromatographie de partage

Dans cette chromatographie les analytes sont séparés en fonction de leur affinité avec les phases stationnaire et mobile. L'affinité dépend de la polarité des analytes et des phases. En mode normal la phase stationnaire est polaire, en mode inverse elle est apolaire. Il y a deux types de chromatographie de partage :

  • liquide - liquide : la phase stationnaire consiste en une très fine couche de liquide répartie par adsorption physique à la surface du matériau support le plus inerte possible. Les composants sont séparés comme dans une extraction liquide-liquide, sauf que la répartition des composants se fait lors du passage dans la phase liquide et non par agitation.
  • liquide - solide ou liquide - phase greffée : la phase stationnaire consiste en une espèce organique liée par des liaisons chimiques à la surface des particules du matériau support.

Chromatographie par échange d'ions

La phase solide est une résine insoluble munie de groupes fonctionnels capable de dissocier. Ce sont, habituellement, des groupes « acide sulfonique » (SO3H) pour les échangeurs de cations et « ammonium quaternaire » (N(R)3) pour les échangeurs d'anions.

Chromatographie d'exclusion stérique

Les composants sont séparés selon leur dimension moléculaire. La phase stationnaire est composée d'un matériau poreux (petites particules de silice ou de polymères), les molécules dont le diamètre est supérieur à celui des pores ne peuvent pénétrer et ne sont pas retenues. La durée de séjour dans la colonne augmente lorsque la taille des analytes diminue.

Chromatographie chirale

Cette technique de chromatographie consiste en la formation de liaisons non covalentes entre les énantiomères du substrat et l'absorbant chromatographique chiral donnant des complexes diastéréoisomères ayant des affinités de liaisons différentes. Elle sert donc en particulier à séparer des énantiomères.

Détecteur

Il existe plusieurs types de détecteurs :

  • Détecteur à absorption UV ou visible
  • Détecteur à indice de réfraction
  • Détecteur UV à barrette de diodes (DAD)
  • Détecteur à fluorescence
  • Détecteur de type spectromètre de masse (MS)
  • Détecteur évaporatif à diffusion de la lumière (DEDL)
  • Détecteur électro-chimique (DEC)

Dégazeur

Comme son nom l'indique, ce composant permet de retirer le gaz (oxygène) présent dans le(s) solvant(s) afin d'éviter d'endommager les échantillons ou la phase stationnaire. Deux types de dégazeurs sont utilisés en HPLC :

  • Dégazeur à gaz inerte : On fait barboter un gaz inerte dans la PM (Phase Mobile) pour retirer le gaz dissous dans le liquide. L'helium est le gaz inerte le plus utilisé pour cette application.
  • Dégazeur par vide  : Cette méthode consiste à descendre en pression dans une enceinte où se trouve le solvant à l'aide d'une pompe à vide primaire, et ainsi séparer le gaz dissous dans le fluide. Elle est bien plus efficace, ne requiert plus de gaz inerte, et remplace de plus en plus l'ancienne technique dans le domaine de l'analyse HPLC. La pression dans l'enceinte est de l'ordre du millibar.

Différentes phases stationnaires

Phase normale

Les colonnes en phase normale sont des colonnes dont la phase stationnaire est polaire et acide.

La phase normale la plus utilisée est à base de gel de silice : à sa surface se trouvent des groupes silanols (-OH) et des groupes siloxanes (-O-). Ces groupes permettent à la silice de retenir les composés à analyser par des liaisons hydrogènes.

Cette phase sert ainsi principalement à séparer des composés polaires.

Phase inverse

La base d'une phase inverse est une phase normale sur laquelle des chaînes alkyles (ou autres selon la polarité recherchée) ont été greffées au niveau des groupes silanols (end-capping). En général, la phase stationnaire est majoritairement composée de petites particules de silice sur lesquelles on a greffé des fonctions chimiques, le plus souvent de chaines alkyles à 8 ou 18 atomes de carbones.
Les fonctions silanols (Si-OH) qui subsistent engendrent des interactions hydrophiles parasites, qui rendent les résultats non reproductibles surtout pour les molécules basiques. Pour éviter cela, la surface de la silice est généralement recouverte par une fonction méthyle et les fonctions silanols ne sont plus libres mais sous la forme (Si-O-CH3), c'est cette étape que l'on appelle « end-capping ». Les fonctions chimiques utilisées pour le end-capping peuvent toutefois être de nature très diverses et les colonnes de dernières générations résistant à des pH extrêmes sont généralement end-capped avec des fonctions proposant une plus grande gène stérique, tel que le tert-butyle (Si-O-C(CH3)3).

Selon le taux de greffage, on obtient une plus ou moins grande résolution.

Cette phase stationnaire est dite « inverse » car de polaire et hydrophile (sans les « greffes »), la phase devient apolaire et hydrophobe.

Paramètres de chromatographie

La qualité et la durée d'une séparation peuvent changer avec la nature de la phase stationnaire et de la phase mobile utilisées. Mais pour un même type de phase stationnaire et une même phase mobile, la qualité et la durée d'une séparation peuvent aussi être modifiées par les caractéristiques géométriques et opératoires de ces deux phases.

Caractéristiques géométriques de la phase stationnaire

  • la longueur L et le diamètre interne dc de la colonne
  • le diamètre des particules de phase stationnaire dp

Caractéristiques opératoires de la phase mobile

  • la vitesse linéaire de l'écoulement u
  • la perte de charge ou pression appliquée ΔP entre l'entrée et la sortie de la colonne (la pression de sortie étant généralement atmosphérique). Elle est donnée par la loi de Darcy


est la viscosité de la phase mobile et Φ est le facteur de résistance à l'écoulement qui dépend de la forme des particules et de la qualité du remplissage de la phase stationnaire.
Pour des colonnes bien remplies de particules sphériques ou irrégulières, la formule empirique de Vérillon[1]



établie avec les unités usuelles, permet le calcul commode d'une estimation de ΔP en fonction du débit F de la phase mobile avec une incertitude inférieure à 25 %, et dans un large domaine de conditions opératoires (2 μm < dp < 50 μm, 1 mm < dc < 100 mm) pour les chromatographies en phases liquide et supercritique.

Remarque : la loi de Darcy est à l'hydraulique ce que la loi d'Ohm est à l'électricité. La pression hydraulique est analogue au potentiel électrique, le débit de liquide est analogue à l'intensité du courant, la perméabilité hydraulique est analogue à la conductivité électrique, la pressurisation et la dépressurisation d'une colonne chromatographique sont respectivement analogues à la charge et à la décharge d'un condensateur électrique.

Grandeurs caractéristiques en chromatographie

Le résultat observable d'une analyse HPLC se présente sous la forme d'une courbe du signal détecté en fonction du temps : c'est le chromatogramme. Il comporte plusieurs pics de forme gaussienne, de caractéristiques différentes :

  • le temps de rétention ou tR, temps du maximum du pic. On appelle t0 ou temps de rétention nulle le temps correspondant à un composé non retenu chromatographiquement.
  • la largeur du pic, mesurée à mi-hauteur : ω1/2, ou à sa base, par l'intersection des tangentes du pic à ses points d'inflexion avec la ligne de base : ω.


De là peuvent être calculées plusieurs caractéristiques de la colonne pour la séparation des pics :

  • le facteur de rétention k' du pic, par la formule

  • l' efficacité N ou nombre de plateaux théoriques, reliée à la largeur du pic par la formule


Cette valeur mesure la finesse du pic. À partir de cette valeur peut être calculée la hauteur équivalente à un plateau théorique (HEPT) H, qui permet de comparer des colonnes de longueur différente

  • la sélectivité α entre deux pics 1 et 2 (2 étant plus retenu que 1), définie par le rapport de leurs deux facteurs de rétention


Elle mesure la capacité de la colonne à séparer les maxima des pics. Plus elle est supérieure à 1, plus les temps de rétention sont éloignés.

  • la résolution RS entre les pics 1 et 2


Cette valeur mesure la qualité de séparation et d'absence de recouvrement entre les 2 pics considérés.


La résolution ainsi définie est l'objectif de la séparation chromatographique. C'est une fonction des trois caractéristiques (efficacité, sélectivité et rétention), elles-mêmes définies ci-dessus, dont l'expression est

Cette expression montre notamment qu'une même résolution peut être obtenue dans des conditions chromatographiques ou bien très efficaces (optimisation cinétique) ou bien très sélectives (optimisation thermodynamique). Quoi qu'il en soit, la performance qui caractérise la technique HPLC est définie par le pouvoir de résolution par unité de temps, ce qui n'implique pas systématiquement l'utilisation de la pression la plus haute possible.

Notes et références

  1. J. L. Cuq, 2007, La Chromatographie Liquide, Université Montpellier 2, p. 13-14.

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