Bruce's Beach

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Bruce's Beach
Localisation
Coordonnées
Pays
Commune
Description
Type
Fonctionnement
Propriété
Willa et Charles Bruce
Propriétaire
Charles Bruce (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Public accepté
Public afro-américain
Période d'ouverture
1912-1924
Carte

Bruce's Beach est une ancienne plage de la station balnéaire de Manhattan Beach, dans le comté de Los Angeles, en Californie, acheté en 1912 et exploitée par Charles et Willa Bruce, un couple afro-américain. Le complexe permettait aux membres de la communauté afro-américaine de bénéficier d'opportunités non disponibles dans d'autres zones de plage en raison de la ségrégation raciale en vigueur.

La propriété est reprise par la ville par une procédure d'expropriation en 1924, et elle est fermée, puis elle est transformée en parc municipal dans les années 1960. Elle prend son nom actuel de Bruce's Beach en 2007.

La plage devrait être restituée aux descendants des Bruce, première restitution à une famille noire d'un terrain expropriée durant la ségrégation aux États-Unis.

Bruce's Beach vue du ciel en 2023.

Histoire[modifier | modifier le code]

Willa et Charles Bruce achètent pour 1 225 $ en 1912 un terrain dans la baie de Santa Monica, sur laquelle ils établissent un complexe balnéaire[1]. Il s'agit de deux parcelles numérotées 8 et 9, sur le bloc 5, bordées par la 26e et 27e rues[2]. La plage est alors située à environ une heure de Los Angeles, et elle est desservie par une ligne de trolleybus récemment ouverte[3]. Le Los Angeles Times évoque alors la « grande agitation » provoquée par le projet des Bruce et l'« opposition des voisins blancs »[4]. Malgré cette opposition, Willa Bruce témoigne de sa détermination et indique que « partout » où le couple a essayé d'acheter un terrain pour y établir une station balnéaire, l'autorisation leur a été refusée, mais qu'elle est « propriétaire de ce terrain et qu'[elle] va le garder »[4].

La station balnéaire comprend des cabines de plage où les clients peuvent se changer ou louer un maillot[3], un restaurant, un dancing, quelques chambres à louer. Elle est alors l'unique plage de Manhattan Beach accessible aux Afro-Américains[5]. L'accès aux plages publiques est alors très restreint pour les Afro-Américains[6]. Leur présence est tolérée sur une seule autre plage californienne, The Inkwell, à Santa Monica[3],[7]. Willa et Charles Bruce sont soumis aux intimidations de voisins blancs et du Ku Klux Klan[4].

La municipalité prend une mesure d'expropriation de la propriété des Bruce en 1924, en indiquant qu'elle agit dans le cadre d'un projet d'aménagement d'un parc et procède à la destruction des bâtiments en 1927[8],[2]. En fait, le parc ne voit jamais le jour[9], et la propriété reste inoccupée pendant plusieurs décennies[4]. Dans les années 1960, elle est finalement intégrée dans un parc municipal, d'abord appelé Bayview Terrace Park, puis Parque Culiacan. Le parc est situé sur une pente surplombant l'océan et comprend des terrasses herbeuses vallonnées avec des bancs et de petits arbres. Il est situé à quelques pâtés de maisons de la plage, entre la 26e et la 27e rue[2], et s'étend vers l'ouest, de Highland Avenue à Manhattan Avenue[1].

En 2006, le conseil municipal de Manhattan Beach décide de renommer le parc, « commémorant la compréhension de notre communauté selon laquelle l'amitié, la bonne volonté et le respect de tous commencent à l'intérieur de nos propres frontières et s'étendent à la communauté mondiale. Tous sont les bienvenus. »[1]. Au cours d'une cérémonie qui se déroule le , la plage prend son nom actuel de Bruce's Beach[10],[11].

Le , en écho aux manifestations qui ont suivi la mort de George Floyd, le conseil municipal crée un groupe de travail, le « Bruce's Beach Task Force »[12],[13].

Le , le conseil du comté de Los Angeles approuve la restitution de la propriété de Bruce's Beach aux descendants de la famille. La propriété à restituer est estimée à 75 millions de dollars à l'époque[14]. Le processus de transformation d'un terrain public en propriété privée nécessite un certain nombre de modifications législatives[2].

Un projet de loi du , approuvé à l'unanimité par le Sénat de Californie, initie le processus de restitution de la plage aux descendants de Willa et Charles Bruce[15],[16]. Le sénateur Steven Bradford, auteur du projet de loi, indique en effet qu'« il n'est jamais trop tard pour la justice ». Il ajoute qu'il s'agit d'une « parfaite occasion de restituer un terrain injustement volé à la famille Bruce […] une famille noire privée de son bien du fait de sa race » et il y voit une occasion exemplaire de « réparation »[15]. L'Assemblée de l'État de Californie se prononce le [17] et est ratifiée par le gouverneur Gavin Newsom le [18].

Le la remise du titre de propriété aux descendants de Charles et Willa Bruce fait l'objet d'une cérémonie[19]. Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom présente des excuses officielles à la famille. Celle-ci revend la plage, en au comté, pour 20 millions de dollars[19].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Dawnya Pring, « City Council wrap », The Beach Reporter,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. a b c et d Tyler Shaun Evains, « LA County releases plan to retrurn Bruce's Beach to family », Daily Breeze (en),‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. a b et c Corinne Lesnes, « Bruce’s Beach, symbole de la lutte pour la réparation des spoliations subies par les Noirs en Californie », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  4. a b c et d Sam Levin, « A beach town seized a Black couple’s land in the 1920s. Now their family could get it back », The Guardian,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  5. Josh Sides, L.A. City Limits: African American Los Angeles from the Great Depression to the Present, University of California Press, (ISBN 978-0-520-23841-1, lire en ligne), p. 21
  6. Douglas Flamming, Bound for Freedom: Black Los Angeles in Jim Crow America, University of California Press, (ISBN 978-0-520-24990-5, lire en ligne)
  7. Alison Rose Jefferson, « The Inkwell, Santa Monica, California (1905-1964) », sur BlackPast, (consulté le ).
  8. (en) Deborah Schoch, « Erasing a line drawn in the sand », Los Angeles Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. (en-US) Rosanna Xia, « Manhattan Beach was once home to Black beachgoers, but the city ran them out. Now it faces a reckoning », Los Angeles Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  10. (en) Deborah Schoch, « A deep tide of goodwill at Bruce's Beach », Los Angeles Times,‎ (lire en ligne [archive du ], consulté le )
  11. « The History of Bruce's Beach, California » [archive du ], Weekend America, (consulté le )
  12. (en) Suzanne Hadley, « Manhattan Beach State of the City: Rallying to protect small beach town during the pandemic », The Beach Reporter,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. Mark McDermott, « Racial Reckoning: Manhattan Beach City Council stops short of issuing a Bruce's Beach apology », Easy Reader News,‎ (lire en ligne, consulté le )
  14. « LA County Supervisors Vote To Return Bruce’s Beach To Owners’ Descendants », CBS Los Angeles,‎ (lire en ligne, consulté le )
  15. a et b (en) « State Senate Passes Bill To Return Bruce's Beach To Owners' Descendants », CBS Los Angeles,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. (en) « State Senate Approves Bill to Return Bruce's Beach Property Descendants of Black Couple », sur NBC 7 San Diego, (consulté le )
  17. (en) Joe Hernandez, « A Beachfront Property Taken From A Black Family A Century Ago May Soon Be Returned » [archive du ], sur NPR News, (consulté le )
  18. Rosanna Xia, « Newsom signs bill to return Bruce's Beach to Black family », Los Angeles Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  19. a et b Corinne Lesnes, « En Californie, le mouvement pour les réparations pour l’esclavage confronté aux réalités », Le Monde,‎ .

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Kali Holloway, « In California, a Case of Black Land Loss Is Finally Being Made Right », The Nation,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  • Alison Rose Jefferson, Living the California Dream: African American Leisure Sites during the Jim Crow Era, University of Nebraska Press, , 366 p. (ISBN 978-1-4962-1930-5, lire en ligne)
  • Corinne Lesnes, « Bruce’s Beach, symbole de la lutte pour la réparation des spoliations subies par les Noirs en Californie », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  • Corinne Lesnes, « En Californie, le mouvement pour les réparations pour l’esclavage confronté aux réalités », Le Monde,‎ .
  • Michael Scott Moore, « California’s Novel Attempt at Land Reparations », The New Yorker,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Liens externes[modifier | modifier le code]