Bisclavret

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Bisclavret
Enluminure représentant Marie de France, Paris, BnF, Bibliothèque de l'Arsenal, Ms. 3142, fo 256.
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XIIe siècleVoir et modifier les données sur Wikidata
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Bisclavret est le nom breton du loup-garou, mentionné dans un lai de Marie de France[1]. Le lai dit « de Bisclavret » est aussi l'un des rares textes anciens où l'homme atteint de lycanthropie n'est pas considéré comme maléfique. Le « Lai de Bisclavret » est à mettre en relation avec les Fables de Marie de France qui ont également été traduites par Françoise Morvan en respectant la forme originale de ces poèmes.

Résumé du Lai de Bisclavret[modifier | modifier le code]

Il était un baron, bon seigneur, ami du roi, heureux en mariage. Douce et avenante, la dame craint cependant qu'il ne lui soit infidèle, car il s'absente trois jours par semaine. Elle l'interroge et celui-ci finit par céder, révélant qu'il enlève ses vêtements, les dissimule et devient loup. Sous l'insistance de son épouse, le baron révèle également la cachette de ses vêtements, qui lui permettent après chaque sortie de retrouver son apparence humaine. Épouvantée par cet aveu et par l'idée d'avoir partagé sa vie avec un animal sauvage, la dame cherche à fuir son mari. Lors d'une de ses absences, elle fait appel à un chevalier dont elle avait toujours repoussé les faveurs et lui révèle son infortune. Puis elle l'envoie voler les vêtements de son mari, qui sans eux s'avère incapable de reprendre forme humaine. On le fait rechercher mais les mois passant, on conclut à sa disparition. La dame est alors libre de se remarier avec le chevalier.

Un an après, le roi chasse avec ses gens sur les terres de Bisclavret et se lance à la poursuite d'un loup. Alors que l'animal est acculé et sur le point d'être mis à mort, il s'incline devant le roi. Tout le monde s'étonne, c'est une bête miraculeuse, douée d'intelligence. Le roi prend alors ce loup sous sa protection et l'emmène en son château.

Lors d'une cour du roi à laquelle le nouveau mari de la dame est convié, Bisclavret tente de l'attaquer. On maîtrise le loup mais il continue de se montrer ouvertement hostile. On se dit qu'assurément le chevalier lui causa quelque tort, et l'affaire s'arrête là. Le roi repart chasser sur les terres de Bisclavret mais un soir, la nuit tombant, l'équipage doit faire halte. Apprenant qu'il se trouve dans la contrée, l'épouse de Bisclavret décide d'aller porter au roi un somptueux cadeau. Dès qu'il l'aperçoit, Bisclavret se jette sur elle et lui arrache le nez. Un sage homme remarque alors que l'animal n'a montré d'hostilité qu'envers elle et son mari. Soumise à la torture, elle avoue tout. Le roi la somme de rendre les vêtements : Bisclavret redevient alors humain, tandis que la dame et le chevalier sont exilés. Ils donnèrent naissance à de nombreux enfants, dont des filles sans nez[2].

Analyse[modifier | modifier le code]

L'origine des thèmes du loup-garou remonte à la littérature antique, puisqu'on trouve leur mention dans Pline L'Ancien, Histoire naturelle, VIII, 81, et dans Pétrone, Le Satyricon, chapitre 62. Marie de France combine ce thème avec celui de l'adultère, ainsi qu'avec la gentillesse du loup puis sa vengeance, ce dernier élément étant repris à la gentillesse et vengeance des chiens chez Pline l'Ancien, Histoire naturelle, VIIII, 142[3].

Le Moyen Âge regorge d'histoires de loups-garous, parsemées dans toute l'Europe[4]. Deux types de loups-garous existent alors : ceux qui dévorent les humains, et ceux qui ne dévorent que des bêtes sauvages (Bisclavret fait partie de cette dernière catégorie)[5]. Ce type de loups-garous existaient surtout dans des récits irlandais, où les loups-garous peuvent parler, comme c'est le cas dans le lai de Marie[6].

Le lai de Bisclavret est très semblable à un lai anonyme, vraisemblablement écrit à la même période, qui s'intitule Lai de Mélion[7].

Ernest Hoepffner se sert de ce lai pour montrer que la localisation des poèmes de Marie de France en Bretagne est une simple convention, la Bretagne étant pour elle essentiellement le territoire du merveilleux[8].

Adaptation cinématographique[modifier | modifier le code]

En 2011, le Lai de Bisclavret fait l'objet d'une adaptation au cinéma sous la forme d'un court métrage d'animation, Bisclavret, réalisé par Émilie Mercier au studio Folimage, en association avec Arnaud Demuynck et Arte France. Son scénario se base sur la traduction de Françoise Morvan publiée par Actes Sud. Le film est sélectionné au Festival international du film d'animation d'Annecy la même année, ainsi que dans plusieurs festivals internationaux.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Éditions
  • Marie de France, Lais de Marie de France, transposés en français moderne par Paul Truffau, Paris, L'Edition de l'Art,
  • Marie de France, Lais de Marie de France, Paris, Honoré Champion, édition de Jean Rychner, .
  • Marie de France, Lais, Paris, Garnier Flammarion, édition de Laurence Harf-Lancner, .
  • Marie de France, Lais, Paris, édition de Philippe Walter, Gallimard, , p. 93-111. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  • Marie de France, Lais de Marie de France, Paris, édition de Françoise Morvan, Actes Sud, coll. Babel,
  • Lais, Paris, édition de Nathalie Koble et Mireille Séguy, Champion Classiques, , p. 241-265.
  • Lais du Moyen Âge, Paris, direction éditoriale Philippe Walter Gallimard, coll. « Pléiade », , p. 92-107.
  • Marie de France, Lais, d'après la traduction de Françoise Morvan, édition de Clara de Raignac, collection « Les ateleirs d'Actes sud », 2022.
Ouvrages
  • Emil Schiött, L'Amour et les amoureux dans les lais de Marie de France, Lund, Thèse, .
  • Edgard Sienaard, Les lais de Marie de France : du conte merveilleux à la nouvelle psychologique, Genève, Champion, .
  • P. Menard, Les lais de Marie de France, contes d’amours et d’aventures du Moyen Âge, Paris, Littératures Modernes, .
  • Laurence Harf-Lancner, Les fées au Moyen Âge, Paris, Champion,
  • G. S. Burgess, The Lais of Marie de France. Text and context, Manchester,
  • Édouard Brasey, La Petite Encyclopédie du merveilleux, Paris, Le pré aux clercs, , p. 201
  • Bernard Sergent, L'origine celtique des Lais de Marie de France, Genève, Droz, . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article[9].
Articles
  • Joseph Bédier, « Les Lais de Marie de France », Revue des Deux Mondes, no 107,‎ , p. 835-863.
  • Lucien Foulet, « Marie de France et les lais Bretons », ZRPh, no 29,‎ , p. 19-56 et 293-322.
  • Ernest Hoepffner, « La tradition manuscrite des lais de Marie de France », Neophilologus, no 12,‎ , p. 1-10 et 85-96.
  • Leo Spitzer, « Marie de France Dichterin von Problemmärchen », Zeitschrift für romanische Philologie, no 50,‎ , p. 29-67.
  • Ernest Hoepffner, « La géographie et l'histoire dans les Lais de Marie de France », Romania, no 56,‎ , p. 1-32. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article (Lien web).
  • Ernest Hoepffner, « Pour la chronologie des Lais de Marie de France », Romania, no 59,‎ , p. 351-370.
  • H. Ferguson, « Folklore in the Lais of Marie de France », Romanic Review, no 57,‎ , p. 3-24.
  • R.N.Illingworth, « La chronologie des lais de Marie de France », Romania, no 87,‎ , p. 433-475.
  • Jean Frappier, « Une Édition nouvelle des Lais de Marie de France », Romance Philology, no XXII,‎
  • J. Flori, « Seigneurie, noblesse et chevalerie dans les lais de Marie de France », Romania, no 108,‎ , p. 183-206.
  • D. M. Faust, « Women Narrators in the Lais of Marie de France », Women in French Litterature, Saragora,‎ , p. 17-27.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Marie de France, Lais de Marie de France, traduction, présentation, traduction et notes de Laurence Harf-Lancner. Paris, Librairie générale française, 1990
  2. « Le lai de Bisclavret » (consulté le )
  3. Sergent 2014, p. 111
  4. Voir par exemple l'anthologie de Gaël Milin, Les Chiens de Dieu, Brest, Centre de Recherche Bretonne et Celtique, Université de Bretagne occidentale, 1993
  5. Sergent 2014, p. 102
  6. Sergent 2014, p. 103
  7. Sergent 2014, p. 106
  8. Hoepffner 1930, p. 2
  9. White-Le Goff, Myriam, « Bernard Sergent, L’origine celtique des Lais de Marie de France », Cahiers de recherches médiévales et humanistes. Journal of medieval and humanistic studies,‎ (ISSN 2115-6360, lire en ligne, consulté le ).

Annexes[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]