Épuisement du moi

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L'épuisement du moi renvoie à l'idée que la maîtrise de soi ou la volonté repose sur un réservoir limité de ressources mentales [1]. Lorsque l'énergie nécessaire à l'activité mentale est faible, la maîtrise de soi est généralement altérée, ce qui peut être considéré comme un état d'épuisement du moi. En particulier, vivre dans un état d'épuisement du moi nuit à la capacité de se contrôler soi-même. Une tâche épuisante nécessitant une maîtrise de soi peut avoir un effet gênant sur une tâche ultérieure qui demande une maîtrise de soi, même si les tâches n'ont pas de rapport entre elles. La maîtrise de soi joue un rôle précieux dans le fonctionnement du moi, tant au niveau individualiste qu'interpersonnel. L'épuisement du moi est donc un sujet critique en psychologie expérimentale, en particulier en psychologie sociale, car c'est un mécanisme qui contribue à la compréhension des processus d'autocontrôle de l'être humain. Des études ont été menées pour soutenir [2] et remettre en cause [3] la validité théorique de l'épuisement du moi.

Certaines méta-analyses et études ont mis en doute l'importance et l'existence de l'effet d'épuisement du moi[3]. La validité finale de ces études ultérieures n'est pas universellement acceptée[4]. Martin Hagger et Nikos Chatzisrantis, dont la méta-analyse de 2010 semblait corroborer l'existence de l'effet d'épuisement du moi[4], ensuite répliqué 23 études de laboratoires préenregistrées qui n'ont révélé aucun effet d'épuisement du moi[5].

Premières preuves expérimentales[modifier | modifier le code]

Le psychologue social américain Roy Baumeister et ses collègues ont proposé un modèle qui décrit l'autocontrôle comme un muscle, qui peut à la fois se fortifier et se fatiguer. Les recherches ont suggéré que l'utilisation initiale du « muscle » d'autocontrôle pourrait entraîner une diminution de la force, ou un épuisement de l'ego, lors de la réalisation de futures tâches. Des résultats expérimentaux ultérieurs tendent à soutenir ce modèle musculaire de la maîtrise de soi et d'épuisement de moi[6].

Une expérience clef réalisée par Baumeister, Ellen Bratslavsky, Mark Muraven et Dianne Tice en 1998, a apporté certaines des premières preuves démontrant que l'épuisement du moi avait des conséquences dans divers contextes ou situations[1]. Ils ont montré que les personnes qui résistaient initialement à la tentation des chocolats étaient par la suite moins capables de persévérer dans une tâche de puzzle difficile et frustrante. Ils ont attribué cet effet à l'épuisement du moi, résultant de la résistance antérieure à une friandise tentante. De plus, il a été démontré que lorsque les gens prononçaient volontairement un discours qui incluait des croyances contraires aux leurs, ils étaient également moins susceptibles de persévérer dans le casse-tête difficile, indiquant un état d'épuisement du moi. Cet effet était affaibli lorsque les individus n'avaient pas le choix et étaient « forcés » d'écrire un discours allant à l'encontre de leurs convictions. Ainsi, ils ont proposé qu'aussi bien l'acte de choix et que les comportements s'opposant à leurs convictions font appel au même réservoir de ressources limitées. Bien que le discours allant à l'encontre de convictions produise un épuisement du moi, l'introduction de l'élément de choix augmente encore le niveau d'épuisement ressenti. Ces résultats démontrent les effets de l'épuisement du moi dans différentes situations et soulignent que l'épuisement du moi peut ne pas être spécifique au contexte. Cette expérience était cruciale dans la mesure où les chercheurs ont synthétisé les idées proposées par des études antérieures qui avaient apporté des indices quant à un modèle de force relatif à la volonté. Avec cette étude, Baumeister et ses collègues ont donc fourni la première preuve expérimentale directe de l'épuisement du moi et ont nourrit un intérêt de recherche sur le sujet.

Causes physiologiques[modifier | modifier le code]

Les chercheurs ont exploré le rôle du glucose en tant que forme spécifique d'énergie nécessaire à l'autocontrôle. Le glucose, un sucre présent dans de nombreux aliments, est le premier carburant du corps et du cerveau. Plusieurs expériences ont établi un lien entre l'épuisement de l'autocontrôle et la réduction de la glycémie, et ont suggéré que les performances en matière d'autocontrôle pourraient être reconstituées par la consommation de glucose[7]. Cependant, certaines des conclusions ont, par la suite, été mises en doute[8]. Plusieurs expériences récentes ont montré que les effets d'épuisement des ressources peuvent être inversés par le simple fait de goûter (sans avaler ni manger) des boissons sucrées [9],[10],[11] pouvant avoir des propriétés gratifiantes[12]. D'autres ont suggéré que le goût du sucre (mais pas des édulcorants artificiels) avait des effets de signalisation psychophysiologiques.

Une expérience menée par Segertrom (2007) et Solberg Nes a montré que la variabilité de la fréquence cardiaque ( VFC ) est à la fois un marqueur de l'épuisement du moi et un indice d'autocontrôle avant la tâche[13].

Les processus neuronaux sous-jacents associés à l'échec de l'autocontrôle ont récemment été examinés à l'aide de techniques neurophysiologiques. Selon les modèles cognitifs et neuroscientifiques de contrôle mental, un « système de surveillance des conflits et de détection des erreurs » identifie les écarts entre les objectifs visés et les comportements réels[14]. Les signaux de négativité liée à une erreur (NLE) sont une forme d'onde de potentiels liés à un événement, qui semblent être générés dans le cortex cingulaire antérieur lorsque des individus commettent des erreurs dans diverses tâches psychologiques[15]. En utilisant des enregistrements électroencéphalographiques (EEG), Inzlicht et Gutsell ont découvert que les individus ayant subi une tâche de suppression des émotions affichaient un signal NLE plus faible que ceux n'ayant pas subi de tâches de suppression des émotions[14]. Ces résultats démontrent une preuve préliminaire que l'épuisement ressenti après avoir exercé l'autocontrôle peut affaiblir les mécanismes neuronaux responsables de la surveillance des conflits.

La majorité des études sur l'épuisement du moi ont été menées sur des étudiants universitaires, ce qui soulève des inquiétudes quant à la généralisation des résultats. Les effets de l'âge sont inconnus, mais il est possible que les personnes plus jeunes soient plus susceptibles aux effets de l'épuisement du moi, étant donné que les zones du cerveau impliquées dans l'autocontrôle continuent de se développer jusqu'à la moitié de la vingtaine. Par exemple, une étude récente a révélé que les personnes de plus de 40 ans ne s'épuisaient pas après une procédure typique d'épuisement, contrairement aux étudiants universitaires plus jeunes[16].

Les manifestations[modifier | modifier le code]

Culpabilité et comportement prosocial[modifier | modifier le code]

L'épuisement du moi a également été impliqué dans la culpabilité et le comportement prosocial. Le sentiment de culpabilité, bien que désagréable, est nécessaire pour faciliter les interactions humaines adaptatives[17]. L'expérience de la culpabilité dépend de la capacité individuel à réfléchir aux actions et comportements passés. Il a été démontré que l'épuisement du moi entrave la capacité de s'engager dans une telle réflexion, rendant ainsi difficile l'expérience de la culpabilité[18]. Puisque la culpabilité conduit généralement à un comportement prosocial, l'épuisement du moi réduit donc les bonnes actions qui résultent souvent d'un sentiment de culpabilité. Dans l'étude de Xu et de ses collègues, il a été demandé à certains participants de réprimer leurs émotions tout en regardant un film sur les animaux abattus, ce qui a entraîné un état d'épuisement du moi[18]. Les participants ont ensuite été amenés à se sentir coupables en jouant à un jeu dans lequel un joueur adverse était sanctionné par des bruits désagréables lorsqu'il commettait des erreurs. À la fin de l'expérience, les participants avaient la possibilité de laisser de l'argent à un autre participant et avaient également le choix de faire un don caritatif. C'étaient là les mesures du comportement prosocial. Les résultats de cette étude ont indiqué que les personnes ayant connu l'épuisement de leur moi se sentaient moins coupables et donnaient moins d'argent que les personnes non épuisées. Cela démontre que l'épuisement du moi a un effet indirect sur le comportement prosocial en réduisant le sentiment de culpabilité.

Niveaux perçus de fatigue[modifier | modifier le code]

Il a été démontré que le niveau de fatigue perçu par un individu influe sur ses performances ultérieures dans le cadre d'une tâche nécessitant une autorégulation, indépendamment de son état d'épuisement actuel[19]. Cet effet est appelé fatigue illusoire. Cet effet a été démontré par une expérience dans laquelle les participants s'engageaient dans une tâche, ou épuisante, ou non épuisante, qui déterminait le véritable état d'épuisement de chaque individu. En fin de compte, lorsque les participants ont été amenés à croire que leur niveau d'épuisement était inférieur à leur état d'épuisement réel, ils ont obtenu de bien meilleurs résultats dans une tâche difficile impliquant la mémoire. Cela indique qu'une augmentation du niveau perçu de fatigue peut entraver la performance de l'autorégulation, indépendamment de l'état d'épuisement réel.

Motivation et croyances[modifier | modifier le code]

Il a été démontré que l'épuisement du moi avait des conséquences plutôt débilitantes, notamment des troubles de l'autorégulation. Ces effets peuvent toutefois être temporairement atténués par des motivations externes et des croyances en une volonté illimitée. En 2012, Boucher et Kofos ont donné l'exemple d'un tel facteur de motivation externe : l'argent. Des participants épuisés à qui l'argent été évoqué, avaient mieux réalisé une tâche ultérieure impliquant une maîtrise de soi[20].

Une expérience de Carol Dweck et des travaux ultérieurs de Roy Baumeister (en) et Kathleen Vohs (en) ont montré que la croyance en une maîtrise de soi illimitée aide à atténuer l'épuisement du moi pendant une courte période, mais pas sur le long terme. Les participants qui ont été amenés à croire qu'ils ne s'épuiseraient pas, ont bien réalisé la deuxième tâche, mais ont été complètement épuisés lors de la troisième[21].

Implications concrètes[modifier | modifier le code]

Dans un état d'épuisement du moi, l'incapacité d'un individu à s'autocontrôler peut être impliquée dans un éventail de comportements indésirables et mal-adaptés, tels que des actes d’agression. Un savoir et des stratégies pour contrecarrer l'épuisement du moi serait ainsi salvatrice dans un certain nombre de situation concrètes[réf. nécessaire].

Suivi d'un régime[modifier | modifier le code]

Une expérience réalisée par Kathleen Vohs et Todd Heatherton (en) a montré à quel point l'épuisement de l'ego est particulièrement pertinent dans le cas de personnes suivant habituellement un régime par rapport à ceux qui n'en suivent pas[22]. Les personnes habituellement en régime travaillent constamment pour résister à leurs envies et limiter leur consommation en nourriture. Vohs et Heatherton ont montré que la tâche de réguler la consommation alimentaire pouvait être compromise par la tentation de grignoter des en-cas, en particulier lorsque la personne connaît un état d'épuisement de son moi. Les personnes au régime et ceux qui n'en suivent pas ont dû tenter de supprimer leurs réactions émotionnelles pendant qu'elles regardaient un film. Par la suite, les participants devaient consommer de la crème glacée pour pouvoir participer à un test de goût. La principale découverte est que les personnes au régime qui répriment leurs réactions émotionnelles relatives au film subissent plus d'épuisement de leur moi que celles qui ne sont pas tenues de réprimer leurs émotions. En outre, ces personnes ont par la suite mangé beaucoup plus de crème glacée lors de la phase de test du goût. Les personnes ne faisant pas de régime n'ont pas présenté les mêmes échecs d'autorégulation que les personnes au régime dans ces tâches. Par conséquent, il semble que le simple fait de suivre un régime soit une forme de dépense en ressources mentales. Les personnes à la diète dépensent beaucoup d'énergie à essayer de limiter leur consommation de nourriture, mais ces efforts risquent d'être sapés face à une tentation écrasante.

Performance athlétique[modifier | modifier le code]

Des recherches ont montré que la détermination mentale des athlètes de compétition peut être davantage entravée après une tâche cognitive exigeante qu'après une tâche cognitive facile[23]. Cela indique que les effets gênants de l'épuisement du moi peuvent être appliqués non seulement à l'exécution ultérieure de tâches cognitives, mais également à des tâches physiques.

Comportement du consommateur[modifier | modifier le code]

Dans le monde du consumérisme, les individus sont confrontés à des décisions et à des choix qui nécessitent l'utilisation de ressources énergétiques précieuses afin de faire des achats en connaissance de cause, tout en résistant à la tentation des achats impulsifs et/ou inutiles. Les consommateurs sont constamment bombardés d'un large éventail d'options. Afin de faire le meilleur choix, il faut comparer les nombreux aspects des différents produits. La complexité des décisions de consommation peut en elle-même entraîner l'épuisement du moi[24]. Ceci, à son tour, pourrait avoir un impact sur les décisions ultérieures que les consommateurs doivent prendre. Lorsque les consommateurs sont épuisés, ils sont plus susceptibles de devenir passifs et de prendre des décisions plus impulsives qui risquent de ne pas correspondre à leurs vraies intentions.

Les consommateurs sont confrontés à une large gamme de prix et de qualités sur le marché. Le fait de disposer de nombreuses options peut perdre les consommateurs et peut épuiser leur moi[25]. Des publicités expliquant aux consommateurs ce qu'ils méritent et ce qu'il doivent avoir un produit peuvent causer de la fatigue mentale et de la frustration, amenant ainsi les gens à accepter un produit[26]. La fatigue et la frustration peuvent également provenir d'affaires comportant des exigences spécifiques sur les moyens d'acheter un produit, ainsi que des efforts considérables pour choisir le magasin proposant les meilleures offres ou tenter de le rejoindre. Les gens seront alors amenés à acheter le produit le plus cher ou le produit de moins bonne qualité[27].

Les consommateurs qui ont une faible capacité d'autocontrôle sont susceptibles d'être davantage investis dans l'obtention d'un produit d'un statut élevé[28]. Ces mêmes consommateurs sont plus susceptibles d'être davantage motivés, persistants et susceptible de payer davantage pour un produit. Cela amène les consommateurs à avoir un sentiment d'émancipation ; ils se sentent à nouveau en position de contrôle et auront l'impression de surmonter leur état d'épuisement de leur moi. Cela peut aussi les amener à acheter une marque qui jouit d'un statut élevé. Le consommateur peut penser que le produit de marque est plus bénéfique et plus sûre.

Le soulagement[modifier | modifier le code]

Dans une expérience récente, il a été démontré qu'induire une humeur positive peut atténuer les effets néfastes de l'épuisement du moi sur les performances ultérieures[29]. Une attitude positive a été induite en amenant les individus à regarder des vidéos de comédie ou en leur offrant un cadeau surprise. L'humeur positive semblait permettre aux gens de se remettre plus rapidement de l'épuisement du moi et, en outre, d'améliorer leur capacité à s'autoréguler. Rien ne permet d'affirmer que l'humeur positive puisse procurer un avantage général aux personnes qui n'avaient jamais participé à des tâches d'autorégulation ; mais une humeur positive peut restaurer la capacité des individus épuisés par leur autorégulation. De plus, ce travail expérimental n'examine pas en profondeur les mécanismes par lesquels la performance est restaurée. On ne sait pas si l'humeur positive contrecarre l'épuisement du moi ou si l'humeur positive motive simplement un individu à persister dans une tâche, malgré son état d'appauvrissement.

L'effet d'épuisement du moi lui-même (sans intervention de l'humeur), n'a cependant pas été associé aux changements d'humeur, comme le montrent les multiples expériences d'appauvrissement du moi qui ont surveillé l'humeur ou n'ont pas constaté de changements d'humeur. Ainsi, l'affect positif n'est qu'un moyen de contrer l'épuisement du moi après l'épuisement d'une personne.

Explications théoriques[modifier | modifier le code]

Hypothèse de la conservation[modifier | modifier le code]

L'hypothèse de la conservation est une explication partielle de l'épuisement du moi. Cela suggère qu'il y a deux sortes d'épuisement :

  1. Cas de l'épuisement complet, associé à une incapacité à se contrôler.
  2. Cas de l'épuisement partiel, associé à une réduction des efforts d'autocontrôle pour éviter un épuisement complet[30].

Selon ce point de vue, lorsque les gens se sentent épuisés, il est possible qu'il existe encore une réserve d'énergie pouvant être utilisée dans des situations extrêmes et hautement prioritaires pouvant être rencontrées à l'avenir. Cela peut être adaptatif dans la mesure où dépenser plus de ressources à un moment donné peut rendre un individu totalement épuisé de ses ressources dans une situation imprévue nécessitant une autorégulation ou d'autres comportements d'autocontrôle. L'existence d'un réservoir libre d'énergie mentale explique en définitive pourquoi divers facteurs de motivation peuvent atténuer les effets d'un épuisement léger ou modéré du moi. Dans un état de ressources faibles, un individu manque de motivation pour utiliser plus d'énergie, mais si la motivation est présente, il reste des ressources supplémentaires qui peuvent être utilisées. Ainsi, l'épuisement du moi pourrait être conceptualisé comme une contrainte psychologique nécessaire pour préserver les ressources précieuses qui pourraient être nécessaires dans des situations d'urgence future. En cas d'épuisement léger, les personnes ont encore une petite quantité d'énergie dans leur « réservoir », auquel elles n'ont pas accès en temps normal[31].

Critique[modifier | modifier le code]

Questions et explications alternatives[modifier | modifier le code]

Bien que l'autocontrôle ait traditionnellement été considérée comme une ressource limitée pouvant être épuisée, certains chercheurs sont en désaccord avec ce modèle. Bien que de nombreuses études aient corroboré l'effet d'épuisement du moi, il n'existe actuellement aucune mesure directe de l'épuisement du moi et les études l'observent principalement en mesurant la durée de persistance des personnes dans une seconde tâche après avoir exécuté une tâche d'autocontrôle (la tâche d'épuisement)[1].

Cependant, de nombreuses études sur l'épuisement du moi ont montré que l'état d'esprit n'est pas pertinente pour les résultats. En fait, de nombreuses expériences antérieures ont testé les effets de l'état d'esprit et n'ont constaté aucun effet de l'humeur. En outre, l'étude et la mesure de l'épuisement du moi peuvent être affectées par l'effet confondant de la dissonance cognitive. Les chercheurs se sont demandé si les sujets subissaient réellement un épuisement de leur moi, ou s'ils ne faisaient que ressentir une dissonance cognitive dans les tâches psychologiques[1].

Modèle de processus[modifier | modifier le code]

Contrairement au modèle d'autocontrôle le plus connu, Michael Inzlicht et Brandon J. Schmeichel proposent un modèle alternatif d'épuisement, qu'ils appellent le modèle de processus[32]. Selon ce modèle de processus, les premiers efforts de volonté incitent les individus à abandonner le contrôle et à se gratifier. Dans le cadre de ce processus, l'attention se détourne des signes indiquant la nécessité d'un contrôle et s'oriente vers les signes signalant l'indulgence. Inzlicht et Schmeichel soutiennent que le modèle de processus fournit un point de départ pour comprendre l'autocontrôle et que davantage de recherches examinant ces influences cognitives, affectives et de motivation sur l'autocontrôle sont nécessaires.

Controverse sur la reproductibilité et méta-analyses contradictoires[modifier | modifier le code]

En 2016, une étude majeure (2141 participants) réalisée dans deux douzaines de laboratoires à travers le monde en utilisant un protocole unique n'a pas permis de trouver la moindre preuve d'un épuisement de l'ego[3],[33]. En réponse, Baumeister a fait valoir que son protocole initial avait été rejeté par les coordinateurs du projet et qu'après la stagnation de la discussion, il avait seulement accepté à contrecœur une tâche qui différait quelque peu des études initiales de 1998[34]. Des difficultés de réplication sont également apparues pour 5 protocoles supplémentaires (opérationnisme) de l'effet de base de l'épuisement du moi[35].

Une méta-analyse de 2010 de 198 tests indépendants a révélé que l'effet était significatif avec une importance d'effet allant de moyenne à grande (d = 0,6). Même en tenant compte d'éventuelles études infructueuses non publiées, l'analyse a conclu qu'il est extrêmement improbable que l'effet existe[36].

En 2015, une méta-analyse de plus de 100 études réalisée par Carter et McCullough a révélé que la méta-analyse de 2010 n'avait pas tenu compte des biais de publication. Ils ont montré des preuves statistiques de biais de publication. Lorsqu'ils contrôlaient statistiquement le biais de publication, l'estimation de la taille de l'effet était petite (d = 0,2) et non significativement différente de zéro[37],[38]. Michael Inzlicht (en) et ses collègues ont loué la méta-analyse de Carter, tout en affirmant que les techniques de correction de biais ne sont pas suffisamment précises pour permettre une estimation précise de la taille du contrôle[4], [39]. Cunningham et Baumeister ont répondu que les analyses de Carter et McCullough contenaient des erreurs dans leur collecte des données et dans les diverses analyses utilisées[4].

Ulrich Schimmack a mené une méta-analyse d'études publiées et a constaté que la plupart des études ne pouvaient produire des résultats significatifs qu'à l'aide d'une erreur d'échantillonnage aléatoire. Compte tenu de la faiblesse des études, on pourrait s'attendre à un grand nombre de résultats non significatifs, mais ces résultats ne figurent pas dans les articles publiés. Cette constatation confirme la méta-analyse de Carter et McCullough qui montrait un biais de publication avec une autre méthode statistique. Le rapport sur la réplicabilité de Schimmack a également identifié un petit ensemble d'études suffisamment puissantes pour prouver l'épuisement de l'ego. Ces études sont les études les plus prometteuses pour un projet de réplication visant à déterminer si les effets d'épuisement du moi peuvent être reproduits de manière cohérente dans plusieurs laboratoires indépendants[40].

Voir également[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]