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« Loi forte des grands nombres » : différence entre les versions

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Une '''loi forte des grands nombres''' est une loi mathématique selon laquelle la moyenne des ''n'' premiers termes d'une suite de [[variable aléatoire|variables aléatoires]] converge [[Convergence de variables aléatoires#Convergence presque sûre|presque sûrement]] vers une constante (non aléatoire), lorsque ''n'' tend vers l'infini. Lorsque ces variables ont même espérance, par exemple lorsqu'elles ont toutes même loi, cette limite constante est l'[[Espérance mathématique|espérance]] commune à toutes les variables aléatoires de cette suite. La loi forte est vérifiée sous diverses conditions de dépendance et d'intégrabilité portant sur les variables aléatoires de la suite.
Une '''loi forte des grands nombres''' est une loi mathématique selon laquelle la moyenne des ''n'' premiers termes d'une suite de [[variable aléatoire|variables aléatoires]] converge [[Convergence de variables aléatoires#Convergence presque sûre|presque sûrement]] vers une constante (non aléatoire), lorsque ''n'' tend vers l'infini. Lorsque ces variables ont même espérance, par exemple lorsqu'elles ont toutes même loi, cette limite constante est l'[[Espérance mathématique|espérance]] commune à toutes les variables aléatoires de cette suite. La loi forte est vérifiée sous diverses conditions de dépendance et d'intégrabilité portant sur les variables aléatoires de la suite.


Les exemples les plus célèbres concernent la proportion de résultats pile ou face lors des ''n'' premiers lancers d'une série potentiellement infinie de lancers (cette proportion converge presque sûrement vers 0,5), ou la proportion de chiffres 0, 1, 2, ..., 8 ou 9 dans le développement décimal d'un nombre réel tiré au hasard. La première version de la loi forte des grands nombres est dûe à [[Émile Borel]], qui démontre ainsi, en 1909, le théorème des [[Nombre normal|nombres normaux]].
Les exemples les plus célèbres concernent la proportion de résultats pile ou face lors des ''n'' premiers lancers d'une série potentiellement infinie de lancers (cette proportion converge presque sûrement vers 0,5), ou la proportion de chiffres 0, 1, 2, ..., 8 ou 9 dans le développement décimal d'un nombre réel tiré au hasard. La première version de la loi forte des grands nombres est dûe à [[Émile Borel]], qui démontre ainsi, en 1909<ref>{{Article
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</ref>, le théorème des [[Nombre normal|nombres normaux]].


== Énoncé général==
== Énoncé général==

Version du 24 mars 2011 à 20:24

Une loi forte des grands nombres est une loi mathématique selon laquelle la moyenne des n premiers termes d'une suite de variables aléatoires converge presque sûrement vers une constante (non aléatoire), lorsque n tend vers l'infini. Lorsque ces variables ont même espérance, par exemple lorsqu'elles ont toutes même loi, cette limite constante est l'espérance commune à toutes les variables aléatoires de cette suite. La loi forte est vérifiée sous diverses conditions de dépendance et d'intégrabilité portant sur les variables aléatoires de la suite.

Les exemples les plus célèbres concernent la proportion de résultats pile ou face lors des n premiers lancers d'une série potentiellement infinie de lancers (cette proportion converge presque sûrement vers 0,5), ou la proportion de chiffres 0, 1, 2, ..., 8 ou 9 dans le développement décimal d'un nombre réel tiré au hasard. La première version de la loi forte des grands nombres est dûe à Émile Borel, qui démontre ainsi, en 1909[1], le théorème des nombres normaux.

Énoncé général

Le principe de la loi forte des grands nombres est que sous certaines conditions (sur la dépendance, sur l'homogénéité et sur les moments) la moyenne d'une suite de variables aléatoires converge presque sûrement vers la même limite (constante) que l'espérance de la moyenne. En particulier, l'adjectif "fort" fait référence à la nature de la convergence établie par ce théorème : il est réservée à un résultat de convergence presque sûre. Par opposition, la loi faible des grands nombres, établie par Bernoulli, est un résultat de convergence en probabilité, seulement. Soit:

Principe général — 

Il existe différents théorèmes selon le type d'hypothèses faites sur la suite [2] :

  • observations indépendantes et identiquement distribuées,
  • observations indépendantes et non-identiquement distribuées,
  • observations dépendantes et identiquement distribuées.

Observations indépendantes et identiquement distribuées

Loi forte des grands nombres (Kolmogorov, 1929) — Si est une suite de v.a. i.i.d., on a équivalence entre:

(i)
(ii) la suite converge presque sûrement.
De plus, si l'une de ces deux conditions équivalentes est remplie, alors la suite converge presque sûrement vers la constante

C'est la première loi forte à avoir été démontrée avec des hypothèses optimales[3]. Pour la démontrer, il fallait définir rigoureusement le concept de convergence presque sûre, ce qui a amené Kolmogorov à considérer les probabilités comme une branche de la théorie de la mesure: saut conceptuel dont Kolmogorov prouvait ainsi l'efficacité. La théorie moderne des probabilités s'est construite à partir du travail fondateur de Kolmogorov sur la loi forte des grands nombres. La loi forte des grands nombres est aussi un ingrédient important dans la démonstration d'autres lois fortes des grands nombres, comme la LFGN pour les processus de renouvellement, ou la LFGN pour les chaînes de Markov. C'est de ce théorème qu'on parle lorsqu'on dit "la loi forte des grands nombres", les autres théorèmes n'étant que des lois fortes des grands nombres. Ce théorème est aussi intéressant parce qu'il aboutit à une conclusion plus forte : il établit l'équivalence entre l'intégrabilité de la suite et sa convergence, alors que les autres théorèmes fournissent seulement des implications, sans leurs réciproques. Dans le cas où les termes de la somme sont des variables de Bernoulli, la loi forte des grands nombres a été établie par Émile Borel en 1909. D'autres versions de la loi forte des grands nombres ont succédé à la version due à Borel, jusqu'à la version définitive de Kolmogorov.

Observations indépendantes et non-identiquement distribuées

Théorème de Markov — Soit une suite de variables aléatoires indépendantes d'espérance finie . S'il existe tel que alors

Pour pouvoir relacher l'hypothèse d'équidistribution, on est amené à faire une hypothèse plus forte sur l'intégrabilité.

Observations dépendantes et identiquement distribuées

Théorème ergodique — Soit une suite de variables aléatoires stationnaire ergodique avec et d'espérance identique finie Alors

Loi forte des grands nombres de Kolmogorov

La moyenne empirique d’une suite de variables aléatoires indépendantes, identiquement distribuées, et intégrables, converge presque sûrement vers leur moyenne mathématique (ou espérance).

Autres formulations

On note souvent :

Ainsi l'énoncé devient

Théorème — Pour une suite de v.a. i.i.d., on a :

De plus, si l'une de ces deux conditions équivalentes est remplie, on a:

Énoncé usuel de la loi forte

L'énoncé ci-dessous est la forme habituelle de la loi forte des grands nombres, et est une conséquence directe (une forme affaiblie) du Théorème donné plus haut :

Théorème — Soit une suite de variables aléatoires indépendantes et de même loi, intégrables. Alors

Remarques

  • En statistiques, ou bien est appelée moyenne empirique des , et est souvent notée .
  • On peut formuler l'hypothèse , sous différentes formes, e.g.
  • ,
  • ,
ou bien encore, puisque les ont toutes même loi,
  • ,
  • ,
  • .

Démonstration de la loi forte de Kolmogorov

1ère étape de la démonstration : troncature

On suppose tout d'abord que les variables sont centrées. On n'abandonnera cette hypothèse qu'à la toute dernière étape de la démonstration. On pose

et

Dans cette section on démontre que

Proposition 1. —  Soit une suite de variables aléatoires indépendantes et de même loi, intégrables. Alors (la loi forte des grands nombres)

est équivalente à

Dans les sections suivantes on va donc démontrer que

L'idée est que plus les variables concernées sont intégrables, i.e. plus la queue de distribution décroît rapidement, plus il est facile de démontrer la loi forte des grands nombres à l'aide du lemme de Borel-Cantelli. Ainsi il est facile de démontrer une forme affaiblie de la loi forte des grands nombres, par exemple sous l'hypothèse que les variables sont i.i.d. bornées, auquel cas est nulle pour assez grand, ou bien sous l'hypothèse, moins brutale, que les variables sont i.i.d. et possèdent un moment d'ordre 4, auquel cas . Ici, en tronquant les , Kolmogorov s'est ramené à des variables bornées et indépendantes, mais qui n'ont pas même loi.

2ème étape de la démonstration : recentrage

Les ont beau être centrées, cela n'entraîne pas que les soient centrées, sauf si on suppose, par exemple, que les sont symétriques, i.e. sauf si a même loi que . Par exemple, si , alors, dès que n'est pas centrée. Il est commode, pour la suite, de centrer les  : on pose

et

Alors

Proposition 2. —  Soit une suite de variables aléatoires indépendantes et de même loi, intégrables. Alors

est équivalent à

3ème étape : Inégalité de Kolmogorov

C'est l'étape où Kolmogorov utilise l'hypothèse d'indépendance (et, sans le dire, la notion de temps d'arrêt). Par contre, l'Inégalité de Kolmogorov ne requiert pas des variables de même loi.

Inégalité de Kolmogorov. — Soit une suite de v.a.r. indépendantes et centrées. Posons

Alors, pour tout ,

Voir aussi l'article en anglais sur le même sujet.

4ème étape : Convergence de séries de variables aléatoires

L'inégalité de Kolmogorov est, avec le lemme de Borel-Cantelli, l'ingrédient essentiel de la preuve de la proposition suivante :

Proposition 3. —  Soit une suite de v.a.r. indépendantes et centrées. Si

alors la suite est presque sûrement convergente, ou bien, équivalemment, la série est presque sûrement convergente.

5ème étape : Lemme de Kronecker

Lemme de Kronecker. — Soit une suite de nombres strictement positifs, décroissante vers 0. Si est une série convergente, alors

Pour conclure sa démonstration, Kolmogorov utilise le lemme de Kronecker avec , voir section suivante.

6ème étape : Conclusion dans le cas de variables centrées

Lemme 1. —  Avec les notations de l'étape "recentrage", on a

Du Lemme 1 et de la Proposition 3, on déduit que, presque sûrement,

puis, grâce au lemme de Kronecker, on déduit que, presque sûrement,

ce qui est équivalent à la loi forte des grands nombres (pour des variables centrées), comme on l'a vu aux étapes "troncature" et "recentrage".

7ème étape : décentrage

Si on ne suppose plus les centrées, mais seulement i.i.d. et intégrables, on pose

et, les étant centrées, i.i.d. et intégrables, la conclusion des étapes précédentes est que

Mais

Donc

C.Q.F.D.

Réciproque

Supposons que l'ensemble Ωc défini par

est de probabilité 1. Notons la limite de la suite ci-dessus, lorsqu'elle est définie, i.e. lorsqu' ω appartient à Ωc . L'ensemble Ωc est inclus dans l'ensemble suivant

puisque, lorsqu' ω appartient à Ωc , on a

Ainsi, l'ensemble Ω0 lui aussi est de probabilité 1. Posons

La limite supérieure des An est disjointe de l'ensemble Ω0 , donc elle est de probabilité nulle. En vertu de la loi du zéro-un de Borel, on en déduit, puisque les événements An sont indépendants, que

Par ailleurs, en toute généralité, comme on l'a vu lors de la première étape,

Notes et références

  1. Émile Borel, « Les probabilités dénombrables et leurs applications arithmétiques », Rendiconti del Circolo Matematico di Palermo, vol. 27, no 1,‎ , p. 247-271 (ISSN 0009-725X et 1973-4409, DOI 10.1007/BF03019651, lire en ligne).
  2. Classification et notation reprise de White (1984).
  3. On doit à Émile Borel une version de la LFGN pour les variables de Bernoulli, dès 1909, dans l'article Les probabilités dénombrables et leurs applications arithmétiques. Rend. Circ. Math. Palermo 27, pp. 247-271.


Voir aussi

Articles connexes

Références

  • (en) Halbert White, Asymptotic Theory for Econometricians, Orlando, Academic Press, , 228 p. (ISBN 0127466509)
  • Sidney I. Resnick, A Probability Path [détail des éditions]

Liens externes