« Conséquences économiques de l'immigration » : différence entre les versions

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Les conséquences économiques de l'immigration sont l'ensemble des effets d'ordre économique de l'immigration, c'est-à-dire de l'installation d'un individu dans un pays autre que celui dont il est originaire. La science économique s'est intéressée depuis longtemps aux questions liées à la mobilité des travailleurs. Les études économétriques sur les effets économiques de l'immigration se sont multipliées au XXe siècle.

Vue synthétique

Une étude publiée par David Card, Christian Dustmann et Ian Preston (2012), « Immigration, Wages, and Compositional Amenities », indique que « la plupart des études existantes sur les conséquences économiques de l'immigration suggère que ces conséquences sont faibles, et qu'en moyenne, elles sont positives pour la population autochtone »[1]. Örn Bodvarsson et Hendrik Van den Berg conduisent, dans leur livre The Economics of Immigration: theory and policy (2013), une revue des articles académiques sur le lien entre immigration et niveau de vie, et concluent « une comparaison des preuves apportées par différentes études [...] rend clair que, à quelques rares exceptions, il n'y a pas de preuve statistique forte qui soutienne l'opinion commune selon laquelle l'immigration a un effet adverse sur les travailleurs autochtones du pays de destination des migrants »[2].

Le consensus parmi les économistes européens est que la liberté de mouvement des travailleurs au sein de l'Europe améliore le niveau de vie de l'Européen moyen, ainsi que de l'Européen moins qualifié[3]. L'augmentation du niveau de vie des populations autochtones due à l'immigration qualifiée fait consensus parmi les économistes américains[4]. Il fait aussi consensus que l'immigration non-qualifiée améliore le niveau de vie des autochtones, mais a un effet négatif sur les populations moins qualifiées, à défaut d'une compensation[5].

Le consensus parmi les économistes américains au sujet du lien entre immigrationet innovation est que « l'immigration qualifiée stimule l'innovation et la productivité »[6]. Dans le Handbook of the Economics of International Immigration (2015), Robert W. Fairlie et Magnus Lofstrom écrivent que, comme l'a montré une étude de 2013 sur la littérature académique économique, « la plupart de la recherche qui a été réalisée [sur ce sujet] indique une contribution positive nette des entrepreneurs immigrés »[7].

Effets sur l'innovation et l'entrepreneuriat

Beaucoup d'études académiques trouvent un lien positif entre l'immigration et l'innovation[8],[9].

Une étude menée par Akcigit Ufuk, Grigsby John et Nicholas Tom (2017) montre que les zones où les immigrés sont les plus nombreux aux Etats-Unis sont des zones où l'on innove beaucoup plus ; l'innovation y est mesurée par les dépôts de brevets et les citations académiques[10]. Dans ce pays, les immigrés ont un taux de création d'entreprises plus élevé que les autochtones (Sari Pekkala Kerr et William R. Kerr, 2016)[11]. Ainsi, dans un Policy Brief (2016), la National Foundation for American Policy remarque que « les immigrés ont fondé plus de la moitié (44 sur 87) des startups américaines qui ont une valeur supérieure à un milliard de dollars, et plus encore sont des membres clefs du management ou des équipes de développement des produits dans 70% de ces entreprises (62 sur 87) »[12].

La présence d'immigrés décrochant un diplôme d'université est aussi corrélée à une augmentation de l'innovation. Une étude de Jennifer Hunt et Marjolaine Gauthier-Loiselle (2010) conclut qu'aux Etats-Unis, « une augmentation d'un point de pourcentage d'individus immigrés ayant obtenu un diplôme de licence dans la population augmente le niveau de brevets par tête entre 9 et 18 pourcents »[13]. Les entreprises détenues par des immigrés ont un taux d'innovation plus élevé que les entreprises fondées par des entrepreneurs nés en Amérique[14].

L'immigration de masse peut aussi stimuler l'innovation et la croissance. Cela a fait l'objet d'études historiographiques et économiques dans le cas de l'immigration d'hughenots français en Prusse[15], ou encore dans le cas de l'immigration juive et bohémienne à Berlin au XIXe siècle[16]. Un lien a aussi été montré, dans le cas américain, entre l'immigration juive et l'innovation[17], ainsi qu'entre l'immigration européenne en en Argentine et la croissance entre 1850 et 1914[18]. L'immigration est-allemande en Allemagne de l'Ouest[19], ou les migrations de Polonais en Allemagne après que la Pologne a rejoint l'Union européenne[20], peuvent aussi être cités.

L'immigration de travailleurs économiques augmente généralement le capital humain des pays qui reçoivent ces travailleurs[21],[22],[23],[24],[25]. La fuite des cerveaux joue à ce titre un rôle important pour les pays qui réussissent à les attirer. Les doctorants d'origine étrangère sont une source de croissance importante pour les Etats-Unis[26]. Dans ce pays, les travailleurs immigrés représentent une part disproportionnée des métiers dans les champs scientifiques, technologiques, ou liés à l'ingénierie et aux maths. Comme le remarque une étude du National Bureau of Economic Research (2016), « en 2013, les travailleurs immigrés représentent 19,2% des travailleurs dans le domaine de la science, de la technologie, de l'ingénierie et des maths disposant d'une licence, 40,7% de ceux disposant d'un master, et plus de la moitié - 54,5% - de ceux qui ont un doctorat »[27].

Immigration et exportations

En 2018, Dany Bahar et Hillel Rapoport montrent qu'« une augmentation de 10% d'immigrés issus de pays qui exportent un bien est associée avec une augmentation de 2% de la probabilité que le pays hôte commence à exporter ces biens dans la décennie qui suit [alors qu'elle ne le produisait pas avant] »[28].

Notes et références

  1. David Card, Christian Dustmann et Ian Preston, « Immigration, Wages, and Compositional Amenities », Journal of the European Economic Association, vol. 10, no 1,‎ , p. 78–119 (ISSN 1542-4774, DOI 10.1111/j.1542-4774.2011.01051.x, S2CID 154303869, lire en ligne)
  2. (en) Örn B Bodvarsson et Hendrik Van den Berg, The economics of immigration: theory and policy, New York; Heidelberg [u.a.], Springer, (ISBN 978-1461421153, OCLC 852632755), p. 157
  3. « Migration Within Europe | IGM Forum », sur www.igmchicago.org (consulté le )
  4. « Poll Results | IGM Forum », sur www.igmchicago.org (consulté le )
  5. « Poll Results | IGM Forum », sur www.igmchicago.org (consulté le )
  6. Sari Pekkala Kerr, William Kerr, Çağlar Özden et Christopher Parsons, « High-Skilled Migration and Agglomeration », Annual Review of Economics, vol. 9, no 1,‎ , p. 201–234 (DOI 10.1146/annurev-economics-063016-103705, S2CID 157793269, lire en ligne)
  7. Robert W. Fairlie et Magnus Lofstrom, « Immigration and Entrepreneurship », Handbook on the Economics of International Immigration, vol. 1, no 7669,‎ , p. 877–911 (ISBN 978-0444633729, DOI 10.1016/B978-0-444-53768-3.00017-5, S2CID 152830080, lire en ligne)
  8. William R. Kerr, « Breakthrough inventions and migrating clusters of innovation », Journal of Urban Economics, vol. 67, no 1,‎ , p. 46–60 (DOI 10.1016/j.jue.2009.09.006, CiteSeerx 10.1.1.461.9614)
  9. (en) Stephen G Dimmock, Jiekun Huang et Scott J Weisbenner Give Me Your Tired, Your Poor, Your High-Skilled Labor: H-1B Lottery Outcomes and Entrepreneurial Success (rapport), (DOI 10.3386/w26392)
  10. (en) Akcigit Ufuk, Grigsby John et Nicholas Tom, « Immigration and the Rise of American Ingenuity », American Economic Review, vol. 107, no 5,‎ , p. 327–331 (ISSN 0002-8282, DOI 10.1257/aer.p20171021, S2CID 35552861, lire en ligne)
  11. Sari Pekkala Kerr et William R. Kerr, « Immigrant Entrepreneurship », Harvard Business School Working Paper Series # 17-011,‎ (lire en ligne)
    • (en) Sari Pekkala Kerr et William R. Kerr Immigrant Entrepreneurship (rapport), (DOI 10.3386/w22385)
  12. « Immigrants and Billion Dollar Startups »
  13. Jennifer Hunt et Marjolaine Gauthier-Loiselle, « How Much Does Immigration Boost Innovation? », American Economic Journal: Macroeconomics, vol. 2, no 2,‎ , p. 31–56 (DOI 10.1257/mac.2.2.31, JSTOR 25760296, S2CID 15707203, lire en ligne)
  14. (en) J. David Brown, John S Earle, Mee Jung Kim et al. Immigrant Entrepreneurs and Innovation in the U.S. High-Tech Sector (rapport), (DOI 10.3386/w25565, hdl 10419/196688, S2CID 169210007)
  15. Erik Hornung, « Immigration and the Diffusion of Technology: The Huguenot Diaspora in Prussia », American Economic Review, vol. 104, no 1,‎ , p. 84–122 (DOI 10.1257/aer.104.1.84, hdl 10419/37227, lire en ligne)
  16. Erik Hornung, « Diasporas, Diversity, and Economic Activity: Evidence from 18th-century Berlin », Explorations in Economic History, vol. 73,‎ , p. 101261 (ISSN 0014-4983, DOI 10.1016/j.eeh.2018.10.001, S2CID 53649771)
  17. Petra Moser, Alessandra Voena et Fabian Waldinger, « German Jewish Émigrés and US Invention », American Economic Review, vol. 104, no 10,‎ , p. 3222–3255 (DOI 10.1257/aer.104.10.3222, lire en ligne)
  18. (en) Federico Droller, « Migration, Population Composition, and Long Run Economic Development: Evidence from Settlements in the Pampas », The Economic Journal, vol. 128, no 614,‎ , p. 2321–2352 (ISSN 1468-0297, DOI 10.1111/ecoj.12505, S2CID 53352818, lire en ligne)
  19. (en) Ricardo Hausmann et Frank M. H. Neffke, « The workforce of pioneer plants: The role of worker mobility in the diffusion of industries », Research Policy, vol. 48, no 3,‎ , p. 628–648 (ISSN 0048-7333, DOI 10.1016/j.respol.2018.10.017, S2CID 158524654, lire en ligne)
  20. (en-US) « Polish immigrants stimulate innovation in Germany », LSE Business Review,‎ (lire en ligne)
  21. Taryn Dinkelman et Martine Mariotti, « The Long Run Effects of Labor Migration on Human Capital Formation in Communities of Origin », American Economic Journal: Applied Economics, vol. 8, no 4,‎ , p. 1–35 (DOI 10.1257/app.20150405, S2CID 5140105, lire en ligne)
  22. (en) Slesh A. Shrestha, « No Man Left Behind: Effects of Emigration Prospects on Educational and Labour Outcomes of Non-migrants », The Economic Journal, vol. 127, no 600,‎ , p. 495–521 (ISSN 1468-0297, DOI 10.1111/ecoj.12306, S2CID 154362034)
  23. (en) Michel Beine, Fréderic Docquier et Hillel Rapoport, « Brain Drain and Human Capital Formation in Developing Countries: Winners and Losers », The Economic Journal, vol. 118, no 528,‎ , p. 631–652 (ISSN 1468-0297, DOI 10.1111/j.1468-0297.2008.02135.x, hdl 2078.1/5768, S2CID 28988486, lire en ligne)
  24. Catia Batista, Aitor Lacuesta et Pedro C. Vicente, « Testing the 'brain gain' hypothesis: Micro evidence from Cape Verde », Journal of Development Economics, vol. 97, no 1,‎ , p. 32–45 (DOI 10.1016/j.jdeveco.2011.01.005, hdl 10419/44193, S2CID 4489444, lire en ligne)
  25. « Skilled Emigration and Skill Creation: A quasi-experiment – Working Paper 152 » (consulté le )
  26. (en) Eric T. Stuen, Ahmed Mushfiq Mobarak et Keith E. Maskus, « Skilled Immigration and Innovation: Evidence from Enrollment Fluctuations in US Doctoral Programmes », The Economic Journal, vol. 122, no 565,‎ , p. 1143–1176 (ISSN 1468-0297, DOI 10.1111/j.1468-0297.2012.02543.x, S2CID 19741509, CiteSeerx 10.1.1.712.2787)
  27. (en) « Immigrants Play a Key Role in STEM Fields », sur NBER (consulté le )
  28. (en) Dany Bahar et Hillel Rapoport, « Migration, Knowledge Diffusion and the Comparative Advantage of Nations », The Economic Journal, vol. 128, no 612,‎ , F273–F305 (ISSN 1468-0297, DOI 10.1111/ecoj.12450, hdl 10419/130392, S2CID 54856798, lire en ligne)