Volontaires et conscrits étrangers de la Waffen-SS

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Volontaires ukrainiens de la division Galicie marchant à Sanok en Pologne, mai 1943
Volontaires bosniaques de la 13e division de montagne Waffen SS Handschar inspectés par le grand mufti de Jérusalem, aux côtés du SS-Brigadeführer Karl-Gustav Sauberzweig, novembre 1943.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Waffen-SS recrute un nombre important de non-Allemands, à la fois comme volontaires et comme conscrits[1]. Au total, quelque 500 000 non-Allemands et germanophones Volksdeutsche, venant pour la plupart de pays d'Europe occupée, sont enrôlés entre 1940 et 1945[2]. Ces unités sont sous le contrôle du SS-Führungshauptamt aux ordres de Heinrich Himmler. Sur le plan opérationnel, les unités de la Waffen-SS dépendent de l'Oberkommando der Wehrmacht[3].

Contexte[modifier | modifier le code]

La Waffen-SS est créée comme l'aile militaire de la Schutzstaffel, « escadron de protection » du parti nazi. Ses origines remontent à la sélection d'un groupe de 120 SS en 1933 par Sepp Dietrich pour former le Sonderkommando Berlin, devenu la 1re division SS Leibstandarte SS Adolf Hitler (LSSAH)[4]. En 1934, la SS développe sa propre branche militaire, la SS-Verfügungstruppe (SS-VT), qui, avec la LSSAH, évolue pour devenir la Waffen-SS[4]. Sous l'autorité de Himmler, la Waffen-SS développe une structure de commandement entièrement militarisée et passe de trois régiments à plus de 38 divisions pendant la Seconde Guerre mondiale, servant aux côtés de la Heer, sans jamais en faire officiellement partie[5]. Hitler ne souhaite pas que la Waffen-SS soit intégrée à l'armée ou la police d'État, mais qu'elle reste une force indépendante à la disposition du Führer[6] [5].

Recrutement et conscription[modifier | modifier le code]

En 1934, Himmler fixe des exigences strictes pour les enrôlés. Ils doivent être ressortissants allemands, capables de prouver leur ascendance aryenne jusqu'en 1800, célibataires et sans casier judiciaire, âgés de 17 à 23 ans, mesurer au moins 1,74 m (1,78 m pour la Leibstandarte), avoir une dentition et une vue parfaites et fournir un certificat médical[7]. En 1938, les conditions de taille et dentaires sont assouplies, et les lunettes pour l'astigmatisme et la correction légère de la vision sont autorisées[8]. Après que la guerre a commencé en Europe, les exigences physiques ne sont plus strictement appliquées[8]. À la suite de la Bataille de France en 1940, Hitler autorise l'enrôlement de « personnes perçues comme étant apparentées », selon l'expression d'Himmler, pour élargir le recrutement[9]. Un certain nombre de Danois, de Néerlandais, de Norvégiens, de Suédois et de Finlandais se portent volontaires pour servir dans la Waffen-SS sous le commandement d'officiers allemands[10],[11]. Les unités non germaniques ne sont pas considérées comme faisant directement partie des SS, qui maintiennent des critères raciaux stricts, mais comme des ressortissants étrangers servant sous commandement SS[12].

Le recrutement commence en avril 1940 avec la création de deux régiments : Nordland (plus tard 11e division SS Nordland) et Westland (plus tard 5e division SS Wiking)[9]. Avec la croissance des effectifs, les volontaires sont regroupés en légions (de la taille d'un bataillon ou d'une brigade) ; leurs membres comprennent les soi-disant non-Allemands germaniques ainsi que des officiers d'origine allemande originaires des territoires occupés. Contre la volonté d'Hitler - qui interdisait d'utiliser des unités militaires de personnes dites « racialement inférieures » - les SS ajoutent des recrues étrangères et les utilisent pour contourner les pénuries de main-d'œuvre[13]. Certaines de ces unités Waffen-SS étrangères sont employées à des missions de sécurité, entre autres[13].

Après l'invasion de l'Union soviétique lors de l'opération Barbarossa, on recrute en France, en Espagne, en Belgique (y compris des Wallons), en Tchécoslovaquie occupée, en Hongrie et dans les Balkans[9]. En février 1942, le recrutement en Europe du Sud-Est se transforme en conscription obligatoire pour toutes les minorités allemandes en âge de servir[11]. À partir de 1942, d'autres unités non germaniques sont constituées[11] : ces légions sont formées d'hommes d'Estonie, de Lettonie, de Bosnie, d'Herzégovine, de Croatie, de Géorgie, d'Ukraine, de Russie et de cosaques[9]. Cependant, en 1943, les Waffen-SS ne peuvent plus prétendre globalement être une force de combat « d'élite ». Le recrutement et la conscription se font sur la base d'une « expansion numérique plutôt que qualitative », et de nombreuses unités « étrangères » sont utilisées pour le service d'arrière-garde[14].

Un système de nomenclature est développé pour distinguer formellement le personnel en fonction de son lieu d'origine. Les unités germaniques portent le préfixe « SS » et celles non-germaniques le préfixe « Waffen »[15]. La 5e division SS Wiking inclut des recrues du Danemark, de Norvège, de Finlande, de Suède et d'Estonie tout au long de son histoire[16]. Malgré les pénuries de main-d'œuvre, la Waffen-SS reste fondée sur l'idéologie raciste du nazisme : ainsi les Polonais sont spécifiquement considérés comme des « de seconde classe » et sont la seule population dont ni les unités volontaires SS ni la police auxiliaire n'ont jamais voulu[17]. Au début de 1943, la Waffen-SS accepte 12 643 des 53 000 recrues rassemblées dans l'ouest de l'Ukraine, et en 1944, leur nombre atteint 22 000[18].

Les efforts de recrutement en 1943 en Estonie rapportent environ 5 000 soldats pour la 20e division estonienne des Waffen-SS[19]. En Lettonie, cependant, les nazis ont plus de succès avec en 1944 plus de 100 000 soldats servant dans les divisions lettones Waffen-SS[19]. Avant la fin de la guerre, les étrangers ayant servi dans la Waffen-SS sont quelque 500 000, y compris ceux enrôlés de force[2]. L'historien Martin Gutmann ajoute que certaines forces supplémentaires sont venues d' « Europe de l'Est et du Sud-Est, y compris des soldats musulmans des Balkans »[20].

Après-guerre[modifier | modifier le code]

Au cours des procès de Nuremberg, la Waffen-SS est déclarée organisation criminelle pour son implication majeure dans des crimes de guerre et pour avoir été « partie intégrante » des SS[21],[22]. Les conscrits qui n'ont pas eu d'autre choix que de rejoindre ses rangs et qui n'ont pas commis « de tels crimes » ne sont pas concernés par cette déclaration[23] [note 1].

Le collaborateur belge Léon Degrelle s'enfuit en Espagne, malgré sa condamnation à mort par contumace par les autorités belges[24]. Environ 150 soldats baltes de Lettonie, de Lituanie et d' Estonie qui se sont battus contre les Soviétiques et se sont réfugiés en Suède, sont extradés vers l'Union soviétique en 1946[25].

Les hommes du 15e corps SS de cavalerie cosaque se retrouvent en Autriche à la fin de la guerre et se rendent aux troupes britanniques. Bien qu'ils aient reçu l'assurance de ne pas être rapatriés, ils sont néanmoins renvoyés en Union soviétique. Beaucoup sont exécutés pour trahison[26].

Après la guerre, les membres des unités de Waffen-Grenadier de la Baltique sont considérés par les Alliés occidentaux comme séparés et distincts, dans leur idéologie et leurs actions, des SS allemands[27] [note 2]. Durant les procès de Nuremberg en 1946, les Estoniens, les Lettons et les Lituaniens enrôlés dans les Waffen-SS, ne sont pas qualifiés de criminels car ayant été « coincés entre et soumis aux deux diktats régimes autoritaires »[28].

Parmi les 11 000 membres ukrainiens de l'ancienne SS Galizien qui se sont enfuis vers l'ouest pour se rendre - vêtus de leurs uniformes SS allemands - aux Britanniques en Italie, seuls 3 000 d'entre eux sont rapatriés en Union soviétique. Les autres restent temporairement hébergés à Rimini comme personnes déplacées, beaucoup deviennent ensuite citoyens britanniques ou canadiens en raison de la guerre froide[29].

Unités étrangères Waffen-SS recrutées par l'Allemagne nazie[modifier | modifier le code]

Albanie[modifier | modifier le code]

Total : 6 500 à 7 000[30]

Belgique[modifier | modifier le code]

Total: 18 000 (environ "répartis également entre Flamands et Wallons")[32]

Bulgarie[modifier | modifier le code]

  • Régiment de grenadiers Waffen SS (1er bulgare)[31]

Bohême et Moravie[modifier | modifier le code]

Total : 77. Créé à la mi-mars 1945, n'a jamais combattu.

  • Compagnie Saint-Venceslas[34]

Croatie[modifier | modifier le code]

Danemark[modifier | modifier le code]

Total : 6 000[9]

Estonie[modifier | modifier le code]

Total : 20 000[37]

Finlande[modifier | modifier le code]

Total : 1 180[38] à 3 000 [30]

France[modifier | modifier le code]

Total : 20 000[32]

Hongrie[modifier | modifier le code]

Total : 20 000[30]

Inde[modifier | modifier le code]

Total : 4 500[40]

Italie[modifier | modifier le code]

Total : 15 000[30]

Lettonie[modifier | modifier le code]

Total : 80 000[30],[note 3]

Pays-Bas[modifier | modifier le code]

Total : 20 000[note 4]

Norvège[modifier | modifier le code]

Total : 6 000[9]

  • SS Freiwilligen Legion Norwegen[42] (1941) : 1 218[33]
  • SS-Schijager-Batalljon Norwegen[42]
  • SS-Panzergrenadier-Regiment 23 Norge[43]

Roumanie[modifier | modifier le code]

Total : 50 000[30]

  • Volontaires roumains dans la Waffen-SS [42]
  • Waffen Grenadier Regiment der SS (1er roumain) [42]
  • Waffen Grenadier Regiment der SS (2e roumain) [42]

Espagne[modifier | modifier le code]

  • Spanische-Freiwilligen-Kompanie der SS 101 [42]
  • Spanische-Freiwilligen-Kompanie der SS 102 [42]

Union soviétique[modifier | modifier le code]

Suède[modifier | modifier le code]

  • Waffen-SS Abteilung Sveaborg.
  • Le nombre d'hommes SS suédois n'est pas clair ; les historiens l'estiment entre 100 et 300. Les volontaires suédois ont rejoint plusieurs unités SS, y compris la 5e division SS Wiking[45] et le III Germanisches Panzer Korps, entre autres[46].

Suisse[modifier | modifier le code]

Au total, environ treize cents volontaires suisses ont rejoint les SS[47].

Serbie[modifier | modifier le code]

Total : 27 886

Royaume-Uni[modifier | modifier le code]

Total : 54 [48]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Un certain nombre de volontaires ont été exécutés, tandis que d'autres ont été jugés et emprisonnés par leur pays. D'autres encore ont vécu en exil ou sont retournés dans leur pays.
  2. Voir aussi : Richard Rashke, Useful Enemies: America's Open-Door Policy for Nazi War Criminals, Open Road Media (2013).
  3. L'historien Andrejs Plakans l'estime à 100,000[19].
  4. See: http://publications.niod.knaw.nl/publications/Veld_SSenNederland_01.pdf

Références[modifier | modifier le code]

  1. Elizabeth M.F. Grasmeder, « Leaning on Legionnaires: Why Modern States Recruit Foreign Soldiers », International Security (consulté le )
  2. a et b Stein 1984, p. 133.
  3. Stein 1984, p. 23.
  4. a et b Flaherty 2004, p. 144.
  5. a b et c McNab 2009.
  6. Reitlinger 1989, p. 84.
  7. Weale 2010.
  8. a et b Weale 2010, p. 204.
  9. a b c d e et f Stein 1984.
  10. Koehl 2004.
  11. a b et c Longerich 2012.
  12. Longerich 2012, p. 769.
  13. a et b Kott, Bubnys et Kraft 2017, p. 162.
  14. Wegner 1990.
  15. Młynarczyk et al. 2017, p. 200.
  16. Hale 2011, p. 324.
  17. Młynarczyk et al. 2017.
  18. Młynarczyk et al. 2017, p. 167.
  19. a b et c Plakans 2011, p. 357.
  20. Gutmann 2017, p. 31.
  21. Flaherty 2004.
  22. Stein 1984, p. 251.
  23. Avalon Project–Yale University, Judgement: The Accused Organizations.
  24. Griffiths 2005, p. 144.
  25. Buttar 2013.
  26. Mueggenberg 2020.
  27. U.S. Government 1949.
  28. Mole 2012, p. 48.
  29. Hale 2011, p. 379.
  30. a b c d e et f McNab 2009, p. 95.
  31. a b c d e et f Hale 2011, p. 387.
  32. a et b Stein 1984, p. 136.
  33. a b c et d Stein 1984, p. 154.
  34. Littlejohn 1987b, p. 238.
  35. a b c d e f g h i et j Hale 2011, p. 388.
  36. Hale 2011.
  37. Thomas 2012, p. 15.
  38. Stein 1984, p. 161.
  39. Littlejohn 1987a.
  40. Stein 1984, p. 189.
  41. a b c d e f g h i j k et l Hale 2011, p. 389.
  42. a b c d e f g h i j k et l Hale 2011, p. 390.
  43. Goldsworthy 2010, p. 242.
  44. a b c d e et f Hale 2011, p. 391.
  45. Larrson 2015, p. 28.
  46. Larrson 2015.
  47. Gutmann 2017, p. 20.
  48. Thurlow 1998, p. 168.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Lectures complémentaires[modifier | modifier le code]