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Saint Patrice
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Mattheus Borrekens, « Saint Patrice apôtre d'Hibernie », 1625-1670, estampe, Rijksmuseum, Amsterdam, inv. RP-P-BI-2744.
Saint
Vénéré par Église catholique
Église orthodoxe
Communion anglicane
Église luthérienne
Fête 17 mars (Fête de la Saint-Patrice)
Saint patron Irlande, Nigeria, Montserrat, Archidiocèse de New York, Boston, Loíza, Murcie

Saint Patrice (anglais : Patrick ; latin : Patricius ; irlandais : Pádraig) est un personnage de légende, considéré dans le monde chrétien comme l'apôtre de l'Irlande et l'évêque fondateur de l'Église irlandaise. Sa fête est fixée le 17 mars.

Éléments d'historiographie[modifier | modifier le code]

Saint Patrice est un personnage de légende dont l'existence n'est pas prouvée historiquement[1]. Les très nombreux documents anciens le concernant rapportent des légendes[2] parfois contradictoires[3] qui ne peuvent être reliées à aucun des faits historiques attestés[4]. Écrivains, hommes d'église et historiens en sont donc réduits à émettre des hypothèses. L'historien Edward Ledwich a même contesté son existence[5]. Sa thèse fit cependant l'objet d'une réfutation par le révérend John Lanigan[6]. Cette controverse est d'ailleurs évoquée dans la thèse présentée par Philippe de Félice en 1906 à la Faculté de théologie protestante de Montauban sur le Purgatoire de Saint Patrice. Ce dernier rappelle « [qu']il n'est pas démontré que ce personnage ait jamais existé » et évoque ainsi le problème soulevé par la difficile remise en cause d'un mythe sacré devenu national : « La date de sa naissance et celle de sa mort sont inconnues, et l'on sait si peu de chose sur sa vie, qu'on hésite à l'identifier avec Palladius, le premier apôtre d'Hibernie. Il est vrai que la moindre de ces affirmations constitue aux yeux des Irlandais un véritable blasphème. »[7] D'autres auteurs, comme R. Steel Nicholson[8], s'appliquèrent à prouver que le saint n'avait pu exister à l'époque à laquelle sa vie était antérieurement datée[9]. En 1942, O'Rahilly publia un ouvrage intitulé The two Patricks dans lequel il expose sa théorie des deux Patrice. Dans celle-ci il propose de voir en saint Patrice un mélange de deux personnages différents. L'essentiel de la personnalité du saint des hagiographies aurait été emprunté à Palladius[10]. Il signale en outre que dans les textes en latin le terme « Patricius » peut être employé comme titre honorifique, d'où d'éventuelles méprises dans l'interprétation des manuscrits[11]. Périodiquement des auteurs[12], liés le plus souvent à des cercles religieux[13], publient de nouveaux ouvrages sur la question. Quand ils ne formulent pas de nouvelles hypothèses[14], ces ouvrages ne font que confirmer l'absence de sources fiables en dehors de la Confession et de l‘Épitre à Coroticus dont l'authenticité n'a par ailleurs jamais été sérieusement mise en doute.

Patrice, qui n'a jamais été canonisé par l'Église, est cependant considéré dans le monde chrétien comme le saint évangélisateur de l'Irlande. Comme évêque, il aurait par ailleurs été le fondateur de l'Église irlandaise. Sa fête aurait été fixée le 17 mars d'après La vie de sainte Gertrude de Nivelles[15]. Elle ne fut inscrite au calendrier romain qu'en 1632[16] par le Pape Urbain VIII.

Les sources[modifier | modifier le code]

On peut distinguer d'une part les différentes Vies de saint Patrice qui sont souvent considérées comme de pures légendes et d'autre part les écrits qui lui sont attribués. Ces derniers sont constitués par sa Confession et par son Épître à Coroticus, mais ni l'un ni l'autre de ces documents ne constituent une autobiographie[17]. Le premier de ces écrits raconte comment il a été conduit à devenir l'apôtre de l'Irlande. Le second est une lettre adressée aux sujets de Coroticus, roi de Strathclyde, sous Valentinien III (425-455)[18] pour protester contre les mauvais traitements infligés aux chrétiens fraichement convertis. Tirés du Livre d'Armagh, manuscrit irlandais du IXe siècle, ces écrits intitulés Libri sancti Patricii Episcopi ont été traduit du latin en français par Georges Dottin en 1908[19]. Ce professeur à l'Université de Renne, retrace à grands traits dans son introduction la légende de saint Patrice à partir de différents manuscrits. Il conclue par ces mots :

« Cette légende, dont je n'ai reproduit que les principaux traits et ceux qui semblent garder quelque trace d'histoire, s'est prodigieusement étendue au cours des siècles. On attribua à Patrice toutes les sortes de miracles que l'on trouve dans les recueils hagiographiques ; il fit parler les animaux, changea les hommes en bêtes, guérit les malades, ressuscita les morts et laissa en Irlande la réputation d'un des plus grands thaumaturges qui aient existé.[20] »

Dans son ouvrage intitulé The life of St. Patrick and his place in history [21], John Bagnell Bury fait la recension des Vies et documents sur saint Patrice. Pour les sources primaires, il cite :

  • Le Mémoire de Patrice de Tirechán : c'est le texte le plus ancien. Il fut écrit vers 675 par un évêque natif de Tirawley (comté de Mayo). Il raconte son jeûne de 40 jours et 40 nuits au sommet du mont Croagh Patrick.
  • La Vie de Patrice de Muirchu : selon John Bagnell Bury, c'est la première biographie de saint Patrice. Elle fut composée à la fin du VIIe siècle.
  • L‘Hymne sur la Vie de saint Patrice : la tradition attribue cet hymne au barde Fiacc. C'est dans le premier vers de la seconde strophe de cet hymne que le nom de Patrice est donné : « Succat était son nom, nous dit-on ; ». [22].
  • Les Actes de Patrice : écrits irlandais du Ve siècle.
  • La Vita secunda et la Vita quarta : ce sont deux écrits anonymes en latin.
  • La Vie Tripartite de saint Patrice (Bethu Pháttric) fut rédigée en irlandais entre 895 et 900[23].
  • La Vita tertia : cette Vie anonyme est selon John Bagnell Bury peut être du IXe siècle.
  • Les Vitæ sanctum de Porbus : cet ouvrage en huit volumes sur la vie des saints date probablement du Xe siècle.
  • Patrice dans l‘Historia Brittonum : c'est dans ce document (§51) que le nom de Maun est cité[24].

Saint Patrice au Moyen Âge[modifier | modifier le code]

Jacques de Voragine dans sa Legenda aurea rapporte différents épisodes de sa vie légendaire[25]. Parmi ceux-ci les récits du bourdon perforant le pied du roi des Scots, celui du purgatoire et les aventures de Nicolas en enfer ont au Moyen Âge profondément marqués les esprits[26].

Le bourdon et les serpents[modifier | modifier le code]

Bien connu, ce motif de la vie légendaire de saint Patrice se termine par une évocation du prodige par lequel il chassa les serpents et les autres animaux venimeux d'Irlande.

« Patrice, qui vécut vers l’an du Seigneur 280, prêchait la passion du Christ au roi des Scots, et comme, debout devant ce prince, il s'appuyait sur le bourdon qu'il tenait à la main et qu'il avait mis par hasard sur le pied du roi, il l’en perça avec la pointe. Or, le roi croyant que le saint évêque faisait cela volontairement et qu'il ne pouvait autrement recevoir la foi du Christ s'il ne souffrait ainsi, il supporta cela patiemment. Enfin le saint, s'en apercevant, en fut dans la stupeur, et par ses prières, il guérit le roi et obtint qu'aucun animal venimeux ne put vivre dans son pays. [...] »

Le Purgatoire de saint Patrice[modifier | modifier le code]

Xylographie tirée du Voyage du puys sainct patrix, Paris, 1506.

Jocelin, moine de Furness (fl. 1175-1214), situe le Purgatoire de saint Patrice sur le mont Croagh Patrick dans le comté de Mayo à l'Ouest de l'Irlande, tandis que Giraud de Barri le place dans sa Topographia Hibernica (1188), avec de nombreux auteurs à sa suite, sur l'Île des Saints, (ang. Saints Island ou Station Island) sur le Lough Derg dans le comté de Donegal en Ulster.

« En prêchant dans l’Irlande, saint Patrice y opérait très peu de bien ; alors il pria le Seigneur de montrer un signe qui portât les pécheurs effrayés à faire pénitence. Par l’ordre donc du Seigneur, il traça quelque part un grand cercle avec son bâton ; la terre s'ouvrit dans toute la circonférence et il y apparut un puits très grand et très profond. Il fut révélé au bienheureux Patrice que c'était là le lieu du Purgatoire où quiconque voudrait descendre n'aurait plus d'autre pénitence à faire et n'aurait plus souffrir pour ses péchés un autre purgatoire : que la plupart n'en sortiraient pas, mais que ceux qui en reviendraient, devraient y être restés depuis un matin jusqu'à l’autre. Or, beaucoup de ceux qui entraient n'en revenaient pas. [...] »

Nicolas en enfer[modifier | modifier le code]

Cet épisode rapporté par Jacques de Voragine doit beaucoup aux écrits apocryphes chrétiens comme l’Apocalypse de Pierre et l’Apocalypse de Paul, et se retrouve dans ses grandes lignes avec quelques variantes dans divers textes du Moyen Âge comme la Vision de Tundale[27], le Tractatus de Purgatorio Sancti Patricii de H[enry de Saltrey][28] ou le Pélerinage de l’âme de Guillaume de Digulleville[29]. Dans ces légendes, le héro n'est plus Nicolas, mais l'intrigue et les motifs restent proches. Ces légendes connurent un succès considérable à la fin du Moyen Âge.

« Longtemps après la mort de saint Patrice, un homme noble, appelé Nicolas, qui avait commis beaucoup de péchés, en, fit pénitence et voulut endurer le Purgatoire de saint Patrice. Après s'être mortifié, comme tous le faisaient, par quinze jours de jeûne, et avoir ouvert la porte avec une clef qui se gardait dans une abbaye, il descendit dans le puits en question et trouva, à son côté, une entrée par laquelle il s'avança. Il y rencontra une chapelle, où entrèrent des moines revêtus d'aubes qui y célébraient l’office. Ils dirent à Nicolas d'avoir de la constance, parce que le diable le ferait passer par bien des épreuves. Il demanda quel aide il pourrait avoir contre cela : les moines lui dirent : « Quand vous vous sentirez atteint par les peines, écriez-vous à l’instant et dites : J.-C., fils du Dieu vivant, ayez pitié de moi qui suis un pécheur. » Les moines s'étant retirés, aussitôt apparurent des démons qui lui dirent de retourner sur ses pas et de leur obéir, s'efforçant d'abord de le convaincre par ses promesses pleines de douceur, l’assurant qu'ils auront soin de lui, et qu'ils le ramèneront sain et sauf en sa maison. Mais comme il ne voulut leur obéir en rien, tout aussitôt il entendit des cris terribles poussés par différentes bêtes féroces, et des mugissements comme si tous les éléments fussent ébranlés. Alors plein d'effroi et tremblant d'une peur horrible, il eut hâte de s'écrier: « J.-C., fils du Dieu vivant, ayez pitié, de moi qui suis un pécheur. » Et à l’instant ce tumulte terrible de bêtes féroces s'apaisa., tout à fait. Il passa outre et arriva en un lieu où il trouva; une foule de démons qui lui dirent : «Penses-tu nous échapper ? pas du tout; mais c'est l’heure où tu vas commencer à être affligé et tourmenté. » Et voici apparaître un feu énorme et terrible; alors les démons lui dirent : « Si tu ne te mets à notre disposition, nous te jetterons dans ce feu pour y brûler. » Sur son refus, ils le prirent et le jetèrent (370) dans ce brasier affreux ; et quand il s'y sentit torturé, il s'écria de suite : « J.-C., fils... etc. » et aussitôt le feu s'éteignit. De là il vint en un endroit où il vit des hommes être brûlés vifs et flagellés parles démons avec des lames de fer rouge jusqu'au point de découvrir leurs, entrailles, tandis que d'autres, couchés à plat ventre; mordaient la terre de douleur, en criant : « Pardon! Pardon ! » et les diables les battaient plus cruellement encore. Il en vit d'autres dont les membres étaient dévorés par des serpents et auxquels des bourreaux arrachaient les entrailles avec des crochets enflammés. Comme Nicolas ne voulait pas céder à leurs suggestions, il fut jeté dans le même feu pour endurer de semblables supplices et il fut flagellé avec des lames pareilles et ressentit les mêmes tourments. Mais quand il se fut écrié : «J.-C., fils du Dieu vivant, etc. » il fut incontinent délivré de ces angoisses. On le conduisit ensuite en un lieu où les hommes étaient frits dans une poêle; où se trouvait une roue énorme garnie de pointes de fer ardentes sur lesquelles les hommes étaient suspendus par différentes parties du corps ; or, cette roue tournait avec une telle rapidité qu'elle jetait des étincelles. Après quoi, il vit une immense maison où étaient creusées des fosses pleines de métaux en ébullition, dans lesquelles l’un avait un pied et l’autre deux. D'autres y étaient enfoncés jusqu'aux genoux, d'autres jusqu'au ventre, ceux-ci jusqu’à la poitrine, ceux-là jusqu'au col, quelques-uns enfin jusqu'aux yeux. Mais en parcourant ces endroits, Nicolas invoquait le nom. de Dieu. Il s'avança encore; et vit un puits très large d'où s'échappait une fumée horrible accompagnée d'une puanteur insupportable de là sortaient des hommes rouges comme du fer qui jette des étincelles; mais les démons les ressaisissaient. Et ceux-ci lui, dirent : « Ce lieu que tu vois, c'est l’enfer, qu'habite notre maître Beelzébut. Si tu ne te mets à notre disposition, nous te jetterons dans ce puits or, quand tu y auras été jeté, tu n'auras aucun moyen d'échapper. » Comme il les écoutait avec mépris, ils le saisirent et le jetèrent dans ce trou : mais il fut abîmé d'une si véhémente douleur qu'il oublia presque d'invoquer le nom du Seigneur cependant en revenant à lui : « J.-C, fils, etc.., » s'écria-t-il du fond du cœur (il n'avait plus de voix), aussitôt il en sortit sans aucun mal; et toute la multitude dés démons s'évanouit comme réellement vaincue. [...] »

Hagiographies modernes en français[modifier | modifier le code]

L.-M. Pétin, 1850[modifier | modifier le code]

« PATRICE (saint), apôtre d'Irlande, né vers l'an 372, dans un village de la Grande-Bretagne qu'il nomme Bonaven-Taberniae, et qu'on croit être Kille-Patrick en Ecosse, était fils de Calphurnius, homme distingué dans le pays, et de Comesse, que quelques auteurs font nièce de saint Martin de Tours. Il nous apprend lui-même, dans sa Confession, qu'à l'âge de quinze ans il commit une faute qu'il pleura le reste de sa vie, et qu'à l'âge de seize ans il ne connaissait point encore Dieu : ce qui signifie, non qu'il était idolâtre, mais seulement qu'il n'était pas un zélé serviteur de Dieu, comme il le devint dans la suite.

Ayant été enlevé par une troupe de barbares, avec des esclaves et des vassaux de son père, il fut conduit en Irlande, et obligé par ses ravisseurs de garder les troupeaux. Dans cette triste servitude, il eut beaucoup à souffrir de la faim et du froid ; mais Dieu lui donna le courage de supporter en chrétien sa misérable situation. Il passait en prières une partie des jours et des nuits. Après être resté six ans dans un esclavage qui avait beaucoup contribué à sa sanctification, il fut averti en songe qu'un vaisseau l'attendait sur la côte, pour le ramener dans sa patrie.

Il se mit aussitôt en route, et, arrivé sur le port où se trouvait le navire, il demanda d être admis au nombre des passagers ; mais on ne voulut pas le recevoir, probablement parce qu'il n'avait pas la somme suffisante pour payer son passage. Patrice se disposait donc à retourner vers le maître qu'il venait de quitter, lorsque le patron du navire se ravisant, lui permit de prendre place sur son bord. Au bout de trois jours, il aborda au nord de l'Écosse, sur une cote déserte, et l'on fut vingt-trois jours sans trouver aucune provision. Comme Patrice parlait souvent de la puissance de Dieu à ceux qui avaient fait la traversée avec lui, ceux-ci lui demandèrent enfin pourquoi il ne le priait pas de les tirer de leur détresse. Il leur répondit que s'ils voulaient joindre leurs prières aux siennes, et invoquer avec lui le Dieu des chrétiens, il ne doutait pas qu'ils ne ressentissent les effets de sa protection. Ils suivirent son conseil, et dès le jour même ils contrèrent un troupeau de porcs, dont ils vécurent jusqu'à ce qu'ils eussent atteint un pays habité. Pendant qu'il était en proie aux horreurs de la faim, il refusa des viandes offertes aux idoles ; et un jour qu'il se reposait sous un rocher, une pierre qui s'en détacha faillit l'écraser ; mais l'intercession du prophète Elie, qu'il invoqua, le préserva de ce danger. Il y avait quelques années qu'il était de retour dans sa patrie, lorsqu'il perdit à nouveau la liberté, qu'il recouvra au bout de deux mois.

Dieu pour lui faire connaître qu'il le destinait à convertir l'Irlande, lui envoya plusieurs visions, une entre autres, qui lui montrait tous les enfants de cette île qui, du sein de leurs mères, lui tendaient les bras et imploraient son secours à grands cris. On lit dans la Vie de saint Micomer que Patrice passa plusieurs années à Auxerre, sous la conduite de saint Germain, et il semble faire allusion à ce séjour, lorsqu'il dit dans ses Confessions qu'il avait été tenté de quitter l'Irlande pour retourner dans les Gaules, visiter les saints qu'il y connaissait. Quelques historiens ont même avancé qu'il avait fait un voyage en Italie, où il aurait reçu sa mission du pape Célestin Ier ; mais il paraît que ce fut dans son propre pays qu'il reçut les ordres sacrés et l'onction épiscopale, malgré l'opposition de sa famille et même des évêques de la contrée, qui n'approuvaient pas son projet d'aller évangéliser les idolâtres d'Irlande et qui ne négligèrent rien pour le détourner de son entreprise : quelques-uns allèrent même jusqu'à prétendre qu'il n'avait pas les qualités requises pour réussir dans cette œuvre et qu'elle était au-dessus de ses forces. Patrice eut recours à Dieu, qui l'encouragea dans une vision ; et, étouffant la voix de la chair et du sang, il passa en Irlande, et se mit à annoncer la parole de vie. Ses prédications opérèrent des effets merveilleux, et les païens venaient en foule demander le baptême. Le saint apôtre ordonna des prêtres pour le seconder dans ses travaux, établit des moines et consacra des vierge, pour lesquelles il bâtit des monastères. Les nouveaux convertis voulurent l'enrichir des biens temporels, en échange des biens célestes qu'ils avaient reçus de lui ; mais loin de les accepter, il distribuait son propre bien en aumônes et faisait des présents aux rois de l'île, afin de les rendre favorables aux progrès de l'Évangile.

Corotic, qui régnait dans le pays de Galles, ayant fait une descente en Irlande, ce prince, qui était chrétien, ne craignit pas de déshonorer la religion qu'il professait, en pillant la province où saint Patrice venait d'administrer le sacrement de confirmation ; et après avoir massacré une parti de ces néophytes, qui portaient encore l'habit Blanc, il emmena les autres et les vendit à des païens. Le lendemain de cette barbare expédition, saint Patrice, pénétré de la plus profonde douleur, écrivit à Corotic une lettre qu'il lui fit porter par un de ses prêtres, et par laquelle il réclamait les chrétiens qu'il avait emmenés captifs, et une partie au moins des choses qu'il avait pillées ; mais cette lettre ne produisit aucun effet sur ce prince avide et cruel, qui se moqua de la réclamation du saint apôtre. Celui-ci, pour prévenir le scandale que pouvait faire naître dans l'esprit des nouveaux convertis l'odieuse conduite d'un prince qui se disait chrétien, écrivit une lettre circulaire par laquelle il déclare qu'en qualité d'évêque d'Irlande il sépare de Jésus-Christ et de la communion Corotic et tous ceux qui ont été les complices de son crime ; il défend de manger eux et de recevoir leurs aumônes, jusqu'à ce qu'ils aient satisfait à Dieu par une sincère pénitence, et rendu la liberté aux disciples de Jésus-Christ.

Saint Patrice était parvenu à un âge avancé lorsqu'il écrivit sa Confession, ouvrage qui respire la piété la plus tendre et qui montre que son auteur était profondément versé dans la connaissance de l'Écriture sainte. Il porte le titre de Confession parce que le saint y fait avec une admirable humilité l'aveu de ses fautes et de ses tentations, parmi lesquelles il cite le désir qu'il avait eu de quitter l'Irlande pour retourner dans son pays. Quelque temps avant de composer cet écrit, il fut arrêté avec les personnes qui l'accompagnaient, et retenu quinze jours en prison par l'ordre d'un roi, irrité de ce qu'il avait baptisé son fils. Il éprouva, dans le cours de apostolat, bien d'autres persécutions, et tous les jours il s'attendait au martyre, après lequel il soupirait sans cesse. Il tint plusieurs conciles pour établir, dans l'Église qu'il venait de fonder, la discipline observée dans le reste de la chrétienté. On croit qu'il fixa son siège à Armagh, et qu'il fonda plusieurs évêchés dépendant de ce siège. Il eut pour successeur à Armagh saint Bénigne ou Benen, dont il avait converti le père, qui était un prince de l'île, conversion qui fut suivie de celle des rois de Dublin et de Munster, et des sept fils du roi de Connaught. Il mourut vers l'an 464, après avoir eu la consolation de voir l'Irlande presque tout entière soumise au joug de l'Évangile. Il fut enterré a Down, en Teltonie, dans une église qui prit dans la suite son nom, et dans laquelle on retrouva son corps, l'an 1185. Sa fête, qui a toujours été en grande vénération en Irlande, se célèbre le 17 mars.[30] »

Paul Guérin, 1876[modifier | modifier le code]

Créée au XVIIe siècle par Jean Bolland, la Société des Bollandistes regroupe essentiellement des jésuites chargés d'étudier la vie et le culte des saints chrétiens. On doit à Paul Guérin (1830-1908) les Vies des saints en quinze volumes. Dans le troisième tome se trouve l'article consacré à saint Patrice. Il reprend les deux écrits fondamentaux qui lui sont attribués, la Confession et l‘Épître à Coroticus, et ajoute quelques traits tirés du Bréviaire romain :

« Par la prédication de Patrice, l'Irlande, auparavant foyer d'idolâtrie, devint l'île des Saints. Il enrichit son église métropolitaine de reliques de saints, apportées de Rome. Les visions d'en haut, le don de prophétie, de grands miracles, dont Dieu le favorisa, le firent tellement briller, que la renommée de Patrice se répondit très-loin. Il adorait Dieu trois cents fois par jour les genoux en terre ; en récitant chaque heure du bréviaire il faisait sur lui cent signes de croix. Partageant la nuit en trois parties, pendant la première il récitait cent psaumes et faisait deux cents génuflexions il passait la deuxième à réciter les cinquante autres psaumes, plongé dans l'eau froide, le cœur, les yeux, les mains élevées vers le ciel il consacrait la troisième à un léger repos, étendu sur la pierre nue. D'une humilité singulière, il travaillait des mains comme l'Apôtre.[31] »

L'article se termine par une partie consacrée à l'iconographie , aux légendes et au Purgatoire de saint Patrice.

Jules Baudot, 1925[modifier | modifier le code]

« S. Patrice, né en Grande-Bretagne (ou peut-être en Ecosse) était fils du décurion Calpurnius, et de Conchena, une parente de saint Martin de Tours. Captif à 16 ans il dut garder les troupeaux, parvint à s'échapper au bout de six ans, subit une seconde captivité, puis se sentant appelé à l'apostolat, il s'appliqua à l'étude des sciences sacrées, au sud de la Gaule, aux Îles de Lérins, en Italie. À Auxerre, il apprit la mort de Palladius, missionnaire d'Irlande, reçut la consécration épiscopale des mains de saint Germain, partit pour l'Irlande qui fut désormais le champ de son apostolat. Sa prédication fut très fructueuse. Dieu l'honora de visions célestes, du don de prophétie, lui fit opérer d'éclatants miracles. Aux yeux de la nation irlandaise la piété et la pénitence de Patrice furent les caractéristiques de sa sainteté. Il mourut le 17 mars 461 : de nombreux sanctuaires furent bâtis en son honneur. De tout temps l'Irlande l'a honoré comme jamais apôtre national ne l'a été.[32] »

Iconographie[modifier | modifier le code]

Les attributs du saint sont :

  • la mitre et la crosse d'évêque qui rappelle sa fonction ecclésiastique ;
  • le serpent qui évoque les animaux venimeux qu'il aurait chassé d'Irlande ;
  • la harpe qui symbolise le pays où il exerça son apostolat [33] ;
  • le trèfle dont il est dit qu'il se servit pour expliquer la Trinité.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Ouvrages cités[modifier | modifier le code]

Classés par date.

  • Le voyage du puys sainct patrix : auquel lieu on voit les peines de purgatoire ; at aussi les joyes de paradis, Paris, Pollet / édit. scientifique : réimpression de A. Veinant et Giraud de Savines (1799-1859), (lire en ligne)
  • (ang) Edward Ledwich, Antiquities of Ireland, Dublin, .
  • (ang) Edward Gibbon, The History of the Decline and Fall of the Roman Empire, vol. 4, Londres, .
  • (ang) John Lanigan, An Ecclesiastical History of Ireland : from the first introduction of Christianity among the Irish to the beginning of the thirteenth century, vol. 1, Dublin, D. Graisberry, (lire en ligne).
  • L. M. Pétin, Dictionnaire hagiographique : ou Vie des saints et des bienheureux honorés en tout temps et en tous lieux depuis la naissance du christianisme jusqu'à nos jours avec un Supplément pour les saints personnages de l'Ancien et du Nouveau Testament et des divers ages de l'Eglise, t. 2, Paris, Migne, (lire en ligne), p. 651-654.
  • (ang) R. Steele Nicholson, Saint Patrick : Apostole of Irland in the third century - The story of his mission by pope Celestine in A.D. 431, and of his connexion with the church of Rome proved to be a mere fiction; with an appendix, containing his Confession and epistle to Coroticus translated into english, Dublin/Londres/Belfast, .
  • Paul Guérin, Les petits Bollandistes : vies des saints, t. III : 24 février au 25 mars, Paris, Bloud et Barral, .
  • Paul Guérin, Les petits Bollandistes : vies des saints [...] : T. III, du 24 février au 25 mars d'après les Bollandistes, le père Giry, Surius... ; par Mgr Paul Guérin, Paris, Bloud et Barral, (lire en ligne), p. 467-478
  • Jacques de Voragine (trad. avec introduction, notices et recherches sur les sources par L'abbé J.-B. M. Roze), La légende dorée, Paris, Édouard Rouveyre, .
  • (ang) John Bagnell Bury, The life of St. Patrick and his place in history, London/New York, Macmillan, (lire en ligne)
  • Philippe de Félice, L'autre monde, mythes et légendes : Le purgatoire de Saint Patrice, Paris, Champion, .
  • Les livres de Saint Patrice, apôtre de l'Irlande (trad. avec introduction et notes par Georges Dottin), Paris, Bloud & Cie, .
  • (ang) Thomas Francis O'Rahilly, The two Patricks : a lecture on the history of Christianity in fifth-century Ireland, Dublin, Dublin Institute for Advanced Studies, .
  • Émile Mâle, L'art religieux de la fin du Moyen Âge en France : Étude sur l'iconographie du Moyen Âge et ses sources d'inspiration, Paris, Armand Colin,
  • Enzo Lodi, Les saints du calendrier romain : avec les propres nationaux d'Afrique du Nord, de Belgique, Canada, France, Luxembourg, Suisse ; prier avec les saints dans la liturgie, Paris/Montréal, Médiaspaul, .
  • (ang) Thomas O'Loughlin, Saint Patrick, Londres, Society for Promoting Christian Knowledge Publishing, .
  • (ang) Thomas O'Loughlin, Discovering Saint Patrick, Darton, Longman & Todd Ltd, .
  • (ang) Marcus Losack, Rediscovering Saint Patrick, Dublin, Columba Press, .

Articles[modifier | modifier le code]

  • Georges Dottin, « Louis Eunius ou le purgatoire de saint Patrice », Annales de Bretagne, t. 26, no 4,‎ , p. 781-810.
  • Bernard Merdrignac, « Le Purgatoire de Saint Patrick », Britannia Monastica, no 1,‎ , p. 23-40.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Cf. Félice 1906, p. 78.
  2. L'historien anglais Edward Gibbon écrit dans Gibbon 1821, p. 67 : « The sixty-six lives of St. Patrick, which were extant in the ninth century, must have contained as many thousand lies ».
  3. Cf. Bernard Merdrignac, « Le Purgatoire de Saint Patrick », Britannia Monastica, no 1,‎ , p. 23-40.
  4. Cf. Nicholson 1828, p. 2.
  5. Cf. Ledwich 1804, p. 54-69.
  6. Cf. Lanigan 1822, p. 47 (Chap. II).
  7. Cf. Félice 1906, p. 78-79.
  8. Cf. Nicholson 1828.
  9. « The simple solution of the question thus raised as to the existence of St. Patrick is, as the writer believes, and as he hopes to prove, that the Saint did not exist during the period in which he was so reported to have lived. » Nicholson 1828, p. 2.
  10. Cf. O'Rahilly 1942.
  11. Patricius signifie « patricien ». On retrouve d'ailleurs en français le nom commun « patrice » qui désigne un patricien romain. Cf. CNTRL.
  12. Cf. O'Loughlin 1999, O'Loughlin 2005, Losack 2013, etc...
  13. Professeur de théologie historique à l'université de Nottingham, Thomas O'Loughlin est sponsor du Wijngaards Institute for Catholic Research et Marcus Losack a été ordonné prêtre anglican.
  14. Ainsi, par exemple, Marcus Losak propose comme nouvelle hypothèse de situer le lieu de naissance de saint Patrice en Bretagne armoricaine, près de Saint-Malo. Cf. Losack 2013.
  15. Dans la Vie de sainte Gertude rapportée par les Bollandistes on peut lire : « [...] lorsqu'elle se sentit extrêmement affaiblie, elle envoya un de ses chanoines au monastère de Fosse, qu'elle avait fait bâtir au diocèse de Liège, pour savoir de saint Ultan, frère de saint Fursy et de saint Foillan, en quel temps elle partirait de ce monde. Le Saint répondit "Demain, pendant la célébration de la sainte messe, l'épouse de Jésus-Christ, Gertrude, sortira de cette vie pour aller jouir d'une vie immortelle dites-lui qu'elle n'a rien à craindre, et que saint Patrice, accompagné des bienheureux anges, recevra son âme pour la mettre en possession de la gloire". Ces agréables nouvelles lui étant apportées, son cœur en fut comblé de joie, et sa bouche remplie des louanges de son divin Epoux ; le lendemain, qui était le second dimanche de Carême, dès les six heures, elle se fit apporter le saint Viatique et l'Extrême-Onction, et, suivant la prophétie de saint Ultan, lorsque le prêtre disait les oraisons avant la préface, elle rendit son âme à Jésus-Christ, le dimanche 17 mars 664, selon les uns 659, selon d'autres. » Guérin 1876, p. 480.
  16. Cf. Lodi 1995, p. 99.
  17. Cf. Dottin 1908.
  18. Dottin 1908, p. 24.
  19. Voir bibliographie.
  20. Dottin 1908, p. 23.
  21. Cf. Bury 1905.
  22. Voir la traduction française de l'Hymne.
  23. Merdrignac 1990, p. 27.
  24. « The death of Palladius being known, the Roman patricians, Theodosius and Valentinian, then reigning, pope Celestine sent Patrick to convert the Scots to the faith of the Holy Trinity; Victor, the angel of God, accompanying, admonishing, and assisting him, and also the bishop Germanus. Germanus then sent the ancient Segerus with him as a venerable and praiseworthy bishop, to king Amatheus,79 who lived near, and who had prescience of what was to happen; he was consecrated bishop in the reign of that king by the holy pontiff,80 assuming the name of Patrick, having hitherto been known by that of Maun; Auxilius, Isserninus, and other brothers were ordained with him to inferior degrees. »
  25. Les extraits revus et corrigés de la Légende dorée sont tirés de Voragine 1902.
  26. Voir Mâle 1969, p. 461.
  27. Cf. La vision de Tondale (Tnudgal) : textes français, anglo-normand et irlandais publiés par V.-A. Friedel et Kuno Meyer, Paris, H. Champion, .
  28. L'auteur, moine cistercien de Saltrey (aujourd'hui Sawtry), signe son manuscrit de sa seule initiale « H. ». Selon Bernard Merdrignac, « Au XIIIe s., Matthieu Paris qui reprend son récit, précise qu’il s’appelait Henri, sans en apporter la preuve. » Il l'identifie à « Hugues », nom porté par le second abbé de Warden/Sartis, qui exerça de 1173 à 1185. Cf. Merdignac 1990, p. 25. Sur le Tractatus de Purgatorio Sancti Patricii voir Félice 1906.
  29. Cf. Frédéric Duval, Descente aux enfers avec Guillaume de Digulleville, Archives départementales de la Manche, .
  30. Pétin 1850, p. 651-654.
  31. Guérin 1976, p. 475-476.
  32. Jules Baudot, Dictionnaire d'hagiographie : mis à jour à l'aide des travaux les plus récents, Paris, Bloud et Gay, (lire en ligne), p. 510.
  33. Curieusement, la présence de la harpe dans les attributs du saint est notamment expliquée dans l'article des Petits Bollandistes par ces mots : « sans doute pour exprimer les ardentes prières de la patrie affligée »Guérin 1876, p. 477.

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