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Sources à exploiter[modifier | modifier le code]

  • Marie-Louise Martinez, Pour en finir avec le XXe siècle et ses éternelles adolescences, un roman d'éducation pour le troisième millénaire, cairn.info, (lire en ligne), p. 93-110
Résumé : « Une lecture des sept tomes d’Harry Potter [1] avec les outils de l’anthropologie mimétique permet de montrer que l’œuvre de J. K. Rowling présente une véritable vision de la société, de l’école et de l’éducation. On trouve dans la saga une mise en lumière de la violence dans ses deux principaux processus : ségrégation ou confusion. Rompant avec les best-sellers du XXe siècle et leur fascination romantique pour l’adolescence, Harry Potter renverrait au travail de refondation anthropologique à l’œuvre aujourd’hui dans les imaginaires de la jeunesse contemporaine. L’histoire des petits sorciers contribuerait donc à une nouvelle intelligibilité de l’humain et au désensorcellement du monde. »
  • Marie-Paule Durieux et Jean-Paul Matot, Le Carnet PSY, cairn.info, (lire en ligne), « Variations psychanalytiques sur les aventures de Harry Potter », p. 19-34

Citations[modifier | modifier le code]

« Les aventures de Harry et de ses compagnons présentent une description métaphorique d’un ensemble de processus développementaux et défensifs susceptibles de prendre place à l’adolescence. Elles offrent une transposition, dans un univers magique, d’une diversité de vécus, sentiments, expériences, que peuvent éprouver au quotidien les adolescents d’aujourd’hui ; en cette « familière étrangeté » réside peut-être une dimension de l’attraction exercée sur des jeunes qui y retrouvent des parts d’eux-mêmes, mais dans un contexte qui leur donne un relief nouveau[1]. »

« Un conte [de fées] du 21ème siècle[1]. »

Description métaphorique d’un ensemble de processus développementaux et défensifs susceptibles de prendre place à l’adolescence

« La répartition entre les quatre « maisons » de Poudlard introduit une autre dimension identitaire, celle du contrat narcissique (Aulagnier, 1975) et de l’affiliation : lors de la cérémonie qui préside à l’entrée en première année des nouveaux élèves à Poudlard, chaque apprenti-sorcier doit poser sur sa tête le « choixpeau » magique qui, à l’issue d’un examen « psychique », l’attribue à une « maison », dont la tradition et les valeurs, portées par chaque sous-groupe mais aussi déterminées en négatif par les autres sous-groupes, vont jouer un rôle important dans le développement de l’adolescent. Le terme « choixpeau » évoque également l’idée du choix d’une peau (Anzieu, 1985), en particulier d’une peau contenante groupale pour le processus développemental et les remaniements identitaires[1]. »

« M. Simond (2001), évoquant l’apprentissage inhérent au devenir-sorcier, souligne l’importance que prennent deux « matières » et leurs enseignants : le cours de Métamorphose, évocateur des transformations de l’adolescence ; et le cours de Défense contre les Forces du Mal, dans lequel on pourrait retrouver les figures des différentes formes d’identification projective et de contre-identification projective ; de notre point de vue, il pourrait représenter également une voie symbolique de dégagement des angoisses persécutives, d’intégration de la destructivité et d’un mouvement vers l’autonomie[1]. »

« En fait, chaque tome met en scène une série d’enjeux et d’épreuves qui jalonnent le développement des adolescents et symbolisent des étapes du travail psychique à l’adolescence : réduction des clivages, affrontement et intégration de la destructivité, élaboration de la rivalité, construction identitaire et autonomisation[1]. »

« Rowling montre que l’adolescence est une découverte de soi qui ne peut se faire que dans la solitude, certes avec d’autres, avec des pairs et des adultes bienveillants, mais au bout du compte, dans la responsabilité écrasante de ses propres choix. D’ailleurs, l’histoire devient, au fil des volumes, de plus en plus dure, noire, marquée par la douleur morale, les deuils et la solitude[1]. »

« La transformation progressive du rapport entre Harry et Dumbledore est un axe central de la saga. Figure paternelle idéalisée et omnisciente au départ, Dumbledore subit l’émergence progressive des vécus paranoïdes liés à la réactivation des traumatismes infantiles de Harry (et, parallèlement, à la réactivation de sa propre histoire traumatique) et l’effet de la réduction progressive des clivages et de la désidéalisation chez Harry. Il est progressivement ressenti comme indifférent, voire hostile. Des doutes surgissent quant à ses intentions ; il se révèle faillible, défaillant, décevant. La désidéalisation le montre faible, peut-être lâche. Dumbledore lui-même est en proie à des sentiments ambivalents voire persécutifs à l’égard de Harry, en particulier dans le cinquième tome, l’Ordre du Phénix, où il prend ses distances vis-à-vis de son élève, parce qu’il craint que Voldemort ne prenne possession d’Harry pour l’espionner, lui. A travers ces mouvements douloureux se dessine progressivement pour Harry une autre modalité du lien, où les dimensions pulsionnelles libidinales et agressives peuvent coexister avec une dépendance limitée et une autonomie inquiète et incertaine. Finalement, dans le dernier tome, lors d’un magnifique dialogue final avec Dumbledore, c’est dans un état de conscience intermédiaire que s’achève pour Harry le mouvement d’introjection qui clôture un processus de deuil des imagos infantiles[1]. »

« Le cadre scolaire de l’internat – anglais – offre dans le roman un cadre stable, sécurisant et bienveillant, nourrissant aussi (les repas à Poudlard sont copieux et délicieux), avec de larges possibilités de diffraction et d’aménagement des ambivalences et des clivages. Le monde de l’adolescence est un monde incertain, où tous les repères bougent, vacillent, se transforment, d’abord aux marges, puis de plus en plus fondamentalement. Une illustration métaphorique en est donnée par les escaliers et les couloirs de l’école de Poudlard dont la configuration se modifie sans cesse[1]. »

« Ils apprennent à affronter puis à maîtriser leurs peurs : J.K. Rowling invente les Epouvantards, sortes d’émergences fantomatiques représentant les terreurs du monde interne de chaque adolescent, qui ne peuvent être combattues que par l’évocation d’un souvenir heureux. Autour de Harry, chacun de ses amis - Hermione, Ron, Neville, … - mais aussi de ses adversaires et des élèves de Poudlard, avec leurs histoires personnelles, leurs angoisses, leurs potentialités, témoignent de la diversité des itinéraires suivis face aux enjeux de l’adolescence : la place dans le groupe à travers la réussite des études et les compétitions sportives ; les relations amoureuses et l’éveil à la sexualité ; l’amitié ; la rivalité, l’envie et la jalousie et, surtout, la transformation du rapport au monde de l’enfance et au monde adulte[1]. »

« Un article récent de J. Rosegrant (2009) développe des idées très proches des nôtres concernant la fonction de l’enchantement, soulignant son importance particulière à l’adolescence comme formation inter- médiaire permettant d’intégrer l’expérience de réalité sans perdre la créativité. Il distingue deux dimensions du monde magique dans la saga de J.K. Rowling : les sortilèges d’une part, et l’univers des créatures magiques culminant au sein de l’école Poudlard d’autre part. Rosegrant (2009) rapproche de manière très intéressante les sortilèges de la technologie en considérant que la magie constitue l’arrière-plan de la technologie, et peut elle-même fonctionner comme une technologie, avec les risques que cela implique[1]. »

« Tout au long des premiers tomes, nous voyons les jeunes apprentis-sorciers confrontés à l’apprentissage, avec les mêmes enthousiasmes, les mêmes déceptions, les mêmes colères et les mêmes rages que n’importe quel lycéen ordinaire. Certains sorciers enseignants disposent d’une capacité d’enchanter leurs étudiants, d’autres de les endormir ou de susciter en eux des vécus de passivation et d’humiliation. Pour permettre à Harry de supporter la médiocrité du monde adulte (représenté par les « Moldus ») dans un contexte de dépressivité – voire, nous le verrons, de réactivation de noyaux mélancoliques –, un monde magique vient s’offrir à un investissement authentique, sans pour autant que le contact ne se perde avec le monde réel (Moldu). Le monde magique s’insère dans les espaces interstitiels de la réalité sensible, telle cette voie 9 ¾ de la gare de King’s Cross d’où part le train pour l’école de Poudlard[1]. »

L’élaboration des noyaux traumatiques à l’adolescence

« Deux destins adolescents, ceux de Harry et de Lord Voldemort, s’enchevêtrent, avec une génération d’intervalle ; dans le même temps se dévoilent progressivement les secrets de leurs histoires infantiles, familiales et transgénérationnelles. Ces deux destins sont ceux d’enfants abordant l’adolescence à partir d’un passé traumatique. L’impact de ce passé aura pour l’un et pour l’autre des issues différentes : pour Harry, l’affrontement d’une problématique mélancolique, pour Voldemort, le développement d’une psychose paranoïaque[1]. »

« Il a été élevé par sa tante maternelle et son oncle, les Dursley, mais est resté un étranger dans cette famille substitutive, victime d’un certain ostracisme, tant au niveau matériel que, surtout, sur le plan des liens affectifs et de la valorisation narcissique. Sans doute représente-t-il pour cette famille d’accueil petite-bourgeoise une menace liée à l’ouverture à l’imaginaire. Harry a été confiné tout au long de son enfance dans un placard sous l’escalier, figuration métaphorique de l’enfermement de la pulsionnalité, de la créativité, de l’imagination et de l’aspiration à une ouverture au monde[1]. »

« Toute la petite enfance de Voldemort est également marquée par des deuils précoces et des carences affectives. […] Celui-ci est placé dans un orphelinat jusqu’à l’anniversaire de ses 11 ans, âge charnière du devenir-sorcier, auquel il est admis par le Professeur Dumbledore, directeur de l’Ecole Poudlard. Dès son enfance, Tom Jedusor est décrit comme un enfant cruel qui fonctionne dans l’omnipotence. Au cours de son adolescence, on le retrouve sous les traits d’un jeune garçon séduisant et manipulateur. La nature sorcière apparaît chez lui comme une défense radicale contre la perte, impensable, et comme associée à un potentiel d’immortalité. Son idée étant que si sa mère avait été une sorcière, elle ne serait pas morte. Lorsqu’il découvre la vérité sur son histoire, le traumatisme psychique vécu l’amène au parricide et à l’élaboration de ses théories racistes sur le « sang pur ».[1]. »

« L’entrée à l’internat de Poudlard à l’âge de 11 ans s’inscrit comme une véritable délivrance par rapport aux souffrances endurées au cours de l’enfance, et comme une promesse de restauration narcissique, pour le héros comme pour son ennemi. Cette dimension de rituel initiatique associé à une très importante valorisation narcissique accompagnant l’admission dans le monde adulte, certes en tant qu’élève, mais déjà inclus, dans un statut de semblable, constitue d’ailleurs un fond commun pour tous ces apprentis-sorciers[1]. »

« la xénophobie et l’idéal de pureté raciale – amenant l’extermination ou du moins la soumission des « impurs » par l’esclavage – occupent une place significative dans le roman. Rowling décrit la dérive « raciste » de Voldemort et de ses fidèles, les « Mangemort », qui prônent la pureté du sang sorcier et l’asservissement ou l’élimination non seulement des « moldus », mais également des sorciers de sang impur (les « sangs de bourbe » et les « sangs mêlés ») et de tout sorcier qui s’oppose à leurs visées. Elle fait partie de l’arsenal « idéologique » de Voldemort et constitue un des vecteurs de l’identité groupale des « Mangemorts ». Les derniers tomes de la saga, qui voient le parti de Voldemort prendre le pouvoir, montrent le déploiement d’un racisme d’Etat et des mesures mises en œuvre pour l’asservissement des « impurs » et des opposants : la mainmise sur la presse (la « Gazette des Sorciers »), la propagande, l’intimidation, les commissions et tribunaux raciaux du Ministère de la Magie, etc. Rowling propose ainsi aux lecteurs adolescents, à travers une reprise métaphorique des théories racistes, un véritable travail de mémoire relatif aux génocides. Cependant, le monde des sorciers se présente d’abord et avant tout à Harry et au lecteur comme celui de la fantaisie, de la légèreté, de la joie et de la convivialité. Son caractère chaleureux, fraternel, vivant, est représenté notamment par les Weasley, la famille de Ron, le meilleur ami de Harry à Poudlard, et de ses frères, infatigables inventeurs de « farces et attrapes ». Cet univers sorcier créatif et surprenant contraste avec la fermeture, l’obsessionnalité et l’ennui d’un monde adulte bourgeois « moldu » étriqué et intéressé uniquement par les choses matérielles dont la nourriture ; l’oncle et la tante de Harry, les Dursley, et leur enfant-roi, tyrannique et obèse, Dudley, en constituent des figures paradigmatiques.[1]. »

« L’idéalisation de la communauté des sorciers se concentre sur l’Ecole de Poudlard qui les accueille, porte d’entrée de cette inscription narcissique communautaire en rupture avec le monde de l’enfance. L’idéalisation concerne en particulier le directeur de cette Ecole, le professeur Dumbledore, substitut parental puissant et mystérieux, mais juste et bon, qui à la fois soigne et rappelle les traumatismes de la filiation[1]. »

« Les traumatismes de Harry et de Tom Jedusor ne sont pas de même nature. Pour Harry, qui a commencé sa vie entouré de l’amour de ses parents, et qui a contracté à leur égard – et tout particulièrement à l’égard de sa mère – une double dette de vie, la reprise d’un développement personnel, en début d’adolescence, s’étaye sur la réactivation d’investissements narcissiques précoces solides constitutifs d’une bonne illusion primaire (Winnicott, 1951), enfouie et protégée à travers les vicissitudes des pertes objectales. « Avoir été aimé si profondément te donne à jamais une protection contre les autres… » dit Dumbledore (tome 1). Pour Tom Jedusor, orphelin d’une mère morte en couches, enfant non investi, carencé et rejeté par un père psychopathe, la béance narcissique ne peut être déniée que par l’accomplissement d’un destin grandiose qui se place sous l’égide de la haine de l’existence d’autrui, ne laissant comme issue « sociale » que la domination cruelle et l’emprise omnipotente. Ainsi, les destins croisés de Harry et Voldemort offrent en premier lieu la possibilité de mettre en évidence l’importance des premiers liens mère-bébé et de la fonction maternelle pour la construction d’un narcissisme primaire et d’une sécurité de base suffisamment solides, permettant d’affronter la position dépressive et de supporter la désillusion nécessaire à l’abord de la réalité. Harry au fil des volumes reste ancré dans la réalité et développe des liens filiaux et amicaux marqués par la fidélité, la culpabilité et la sollicitude ; il va devoir en particulier faire face à des sentiments de culpabilité envahissants, en lien avec le sacrifice de ses parents, qui prennent par moment une allure mélancolique. Si les expériences négatives prédominent, comme c’est le cas pour Voldemort, les fantasmes et les angoisses de persécution sont renforcées ; le sujet est plongé dans un monde violent, schizo-paranoïde, peuplé de fantasmes sadiques et dominé par la loi du talion, sans accès possible à l’amour et à la sollicitude pour l’autre, qui est précisément l’univers dans lequel Voldemort se débat. Lorsque la capacité de rêverie maternelle est défaillante, le bébé reste envahi par des émotions violentes, non représentées, qu’il ne peut qu’évacuer en les projetant sur le monde extérieur, et qui lui reviennent, à l’instar de Voldemort, sous forme d’angoisses persécutives ; les expériences de frustration répétées et intolérables entraînant haine et envie l’amènent à attaquer et détruire sa propre fonction alpha naissante de même que celle de ses objets et à cliver tout lien de sa dimension affective beaucoup trop menaçante ; l’autre n’est reconnu que comme un objet pourvoyeur de satisfactions matérielles ou narcissiques[1]. »

« La prophétie est l’agent de la destruction qu’elle annonce, mais elle serait sans effet si elle ne rencontrait le vecteur de la croyance paranoïde. C’est le fait que Voldemort soit fondamentalement convaincu que la destruction est à la fin de tout la seule issue, qui fait qu’il croit à la prophétie et à la nécessité vitale d’éliminer le bébé Harry. C’est précisément cette croyance qui fait de lui l’agent de sa propre destruction[1]. »

« Deux créations romanesques très originales représentent les problématiques centrales de Harry et de Voldemort : les Détraqueurs pour le premier, figuration du noyau mélancolique ; et les Horcruxes pour le second, solution d’encapsulement et d’externalisation de parts clivées du psychisme, érigée pour préserver une existence qu’elle condamne dans le même mouvement[1]. »

« Chez Harry, on peut faire l’hypothèse que la perte violente et soudaine de ses parents ait entravé le processus d’élaboration de la position dépressive, rendant impensables ses mouvements agressifs à l’égard de ses parents, maintenus clivés pour préserver des objets parentaux idéaux. L’affrontement du noyau mélancolique, réactivé par le processus adolescent, est représenté chez Harry par les Détraqueurs (la première confrontation se passe lors de la troisième rentrée scolaire, dans le train de Poudlard) : « ils jouissent de la pourriture et du désespoir, ils vident de toute paix, de tout espoir, de tout bonheur, l’air qui les entoure … toute sensation de plaisir, tout souvenir heureux disparaissent. Si on lui en donne le temps, le Détraqueur se nourrit des autres jusqu’à les réduire à quelque chose qui lui ressemble ». Le pouvoir des Détraqueurs repose sur leur capacité à induire chez leur victime une résurgence hallucinatoire des vécus traumatiques : leur approche se manifeste pour Harry par le fait qu’il entend les dernières paroles de sa mère et ses cris alors qu’elle est assassinée par Voldemort, réviviscence de ce noyau traumatique et de la culpabilité primaire qui l’accompagne. Dans le prolongement de la formule freudienne de Deuil et mélancolie (1915) de l’ombre de l’objet tombant sur le moi, R. Roussillon (2008) considère que l’incorporation (qualifiée d’identification narcissique) de l’objet perdu persécuteur s’accompagne d’une perte de la différenciation moi/ non-moi. Dans cette perspective, le baiser des Détraqueurs qui enlève toute joie de vivre et aspire l’âme figure cette incorporation indifférenciatrice : « la première forme de la mort de soi, écrit Roussillon, serait celle issue de la perte de la différence avec l’objet, celle de l’inceste réalisé, celle de l’indifférenciation… » (Roussillon, 2008). Harry va progressivement apprendre à éloigner les Détraqueurs, qui représentent son lien mélancolique à un mauvais objet interne, en créant un Patronus, véritable activation d’un bon objet interne protecteur : il s’agit d’une silhouette lumineuse – représentant généralement un animal – qui « jaillit de l’extrémité de sa baguette » lorsque le sorcier, se concentrant sur un souvenir particulièrement heureux, prononce la formule magique « spero patronum ». « Le patronus … représente une force positive, une projection de tout ce qui sert de nourriture aux Détraqueurs – l’espoir, le bonheur, le désir de vivre … ». Or, le Patronus de Harry est le même que celui de son père … On voit apparaître ici la fonction tierce d’un bon objet paternel permettant le dégagement d’un lien mélancolique à un mauvais objet maternel. Dans les tomes suivants, les Détraqueurs sont toujours présents mais passent davantage à l’arrière-plan du scénario, tandis que Harry se retrouve de manière croissante en contact avec des éléments de sa propre dépression qu’il va devoir affronter. Cette descente progressive dans la dépression – avec à certains moments un risque mélancolique qui resurgit – le mène jusqu’à l’errance solitaire du dernier tome où il est submergé par la culpabilité, l’impuissance, la dévalorisation mais aussi la colère et le découragement[1]. »

« Sur le plan de la description métaphorique d’un ensemble de processus développementaux et défensifs susceptibles de prendre place à l’adolescence, la « trouvaille » des Horcruxes, déjà évoquée plus haut, témoigne d’une intuition remarquable, chez J.K. Rowling, de mécanismes défensifs extrêmement archaïques. C’est très clairement la menace d’être détruit qui le pousse à mettre en place ce procédé qui est décrit comme aliénant : le Moi perd le contact avec les parties ainsi encryptées - au point de ne pouvoir sentir lorsqu’elles sont effectivement découvertes et détruites. Ce mécanisme accompagne et soutient chez Voldemort le déploiement progressif de la psychose paranoïaque. Ce procédé défensif, primitif et exceptionnel, est décrit comme s’accompagnant d’un appauvrissement de la personnalité dans le domaine des relations aux autres mais aussi dans le domaine des éprouvés et des vécus affectifs. Il s’accompagne de l’apparition de stigmates physiques – Tom Jedusor, qui était au départ un bel adolescent séducteur, se déshumanise et prend des traits reptiliens[1]. »

« Cette part commune cependant s’inscrit chez Harry en continuité avec une problématique dépressive, menacée à certains moments par une issue mélancolique. Chez Voldemort, elle participe d’un fonctionnement psychotique, et fait partie des clivages qui organisent la survie de son Moi, en lien avec des fantasmes d’immortalité et de toute puissance. Cette part commune entre Harry et Voldemort révèle le potentiel de destructivité mortifère lié aux noyaux traumatiques que chacun d’entre eux porte en lui ; mais elle apparaît également comme ce qui peut en permettre le traitement. Rowling propose les méta phores des Détraqueurs et des Horcruxes pour représenter les issues extrêmes des problématiques mélancoliques et paranoïaques, où le sacrifice vital est total[1]. »

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v et w Marie-Paule Durieux et Jean-Paul Matot, Le Carnet PSY, cairn.info, (lire en ligne), « Variations psychanalytiques sur les aventures de Harry Potter », p. 19-34.