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Aspects juridiques de la réalisation du programme Concorde[modifier | modifier le code]

Les aspects juridiques de la réalisation du programme Concorde sont aussi insoupçonnés que remarquables. Pourtant, Concorde est également un avion extraordinaire sur le plan des questions juridiques que sa mise en service a soulevées. D'abord, l'avion franco-britannique est le résultat d'une coopération inter-étatique par voie conventionnelle sans précédent dans l'histoire de l'aviation civile. Ensuite, le Concorde a fait l'objet d'un processus de certification hors du commun, tant sur le plan de la sécurité de ses vols que de ses nuisances (dont le bang qui a aussi donné lieu à des positions radicales). Enfin, jamais un avion n'aura déclenché une telle bataille pour obtenir le droit d'atterrir à l'aéroport de New York JFK.

Cadre juridique du projet[1][modifier | modifier le code]

La réalisation du Concorde est le résultat d'une coopération interétatique très poussée, dont le fondement est l'accord du 29 octobre 1962 de Londres conclu entre la France et la Grande-Bretagne "pour la construction d'un avion de transport supersonique civil". Par ce traité, les gouvernements orchestrent le projet et chapeautent le travail des industriels. D'ailleurs, le traité entérine les accords passés entre industriels, c'est-à-dire entre les constructeurs français et les constructeurs britanniques. Il s'agit de l'accord du 28 novembre 1961 concernant l'ensemble propulsif, passé entre la SNECMA (la société française nationale d'études de construction des moteurs d'avion) et Bristol Siddeley d'une part, et de l'accord du 25 octobre 1962 concernant les éléments de cellule, conclu entre Sud Aviation et British Aircraft Corporation, d'autre part.

Ce traité est unique car “jamais les pouvoirs publics ne sont intervenus d'aussi près dans la définition, le lancement et le financement d'un avion”[2]. Pour autant, ce qui frappe est le caractère extrêmement sommaire du texte initial (7 brefs articles sur 1 page), comparé à l'ampleur d'un tel projet. De plus, son contenu reste peu précis : il prévoit la réalisation d'une version long et moyen courrier mais ne dit absolument rien sur leurs caractéristiques. Considéré comme un "accord cadre" trop rudimentaire, il a été modifié par 6 annexes ultérieures sur la définition technique des avions" (annexe 1), quant à l'organisation au sein des industries nationales (annexes 2 et 3), portant calendrier du programme (annexe 4), définissant un plan de financement et un échéancier des engagements (annexe 5), et enfin relativement au partage du travail" (annexe 6)[3].

Le traité demeure très contraignant en posant un principe ambitieux d'une égalité parfaite entre les deux États : “le principe de la collaboration est le partage égal entre les deux pays, du travail, des dépenses engagées par les deux pays et du produit des ventes” (article 2).

Dans la pratique, au niveau organisationnel d'abord, la contrainte égalitaire a rendu difficile le travail en commun, favorisant la floraison d'innombrables comités à présidence tournante qui ont ralenti considérablement le processus de décision. Pour Claude-Alain Sarre, le principe égalitaire a battu en brèche l'esprit l'équipe notamment car “les lourdes charges supportées par les États ont amené les fonctionnaires à s'estimer investis d'un contrôle renforcé sur les industriels (…)”[4]. La création d'un comité exécutif opérationnel, le “Concorde Management Board”, créé par Jean Forestier en 1966 permettra une réelle simplification organisationnelle.

Au niveau technique ensuite, Jean Forestier rapporte ainsi les griefs attribués au principe égalitaire : “ le respect des 50-50 ne put être obtenu que par un artifice qui ne satisfit personne : contrairement aux habitudes françaises, le train fut classé équipement et non élément de structure. Attribué à l'industrie française, il représentait un tel pourcentage du total qu'il ne devait plus rester grand chose pour les équipementiers qui se sentirent lésés, sans que la répartition finale satisfasse les Britanniques dont l'industrie des équipements jugeait inadmissible la répartition égalitaire globale”[5].

Dans ce contexte, de nombreuses “crises de coopération”[6] ont failli mettre le projet en péril. En 1964, la Grande-Bretagne souhaite se retirer du programme mais l'accord ne contenant aucune clause de retrait, le projet commun pourra être mené à bien.

Processus de certification[7][modifier | modifier le code]

Sécurité : la certification de navigabilité[8][modifier | modifier le code]

D'après l'article 31 de la Convention Universelle de Chicago de 1944 relative à l'aviation civile internationale : “tout aéronef employé à la navigation internationale doit être muni d'un certificat de navigabilité délivré par l'État dans lequel il est immatriculé”[9]. À cette fin, les États établissent les normes techniques, autrement appelées “règlements de navigabilité” auxquels les aéronefs doivent satisfaire pour pouvoir voler. Les constructeurs se voient délivrer un certificat de navigabilité si leur avion est contrôlé par les États comme conforme à leurs règlements de navigabilité[10]. La navigabilité ne concerne que la sécurité des vols, et donc la protection de la vie humaine.

À l'époque, le processus de certification d'un avion subsonique conventionnel prend environ 5 années (entre l'introduction de la demande et la délivrance du certificat). Les constructeurs de Concorde déposent leur demande en 1960 auprès des administrations françaises et britanniques (la DGAC et le Air Registration Board) et en 1965 auprès de l'administration américaine (la “FAA”, Federal Aviation Administration). Prévus pour 1966, les essais en vol ont finalement lieu en 1969 et le premier certificat est délivré en 1975. Les raisons de ce retard reposent sur le contexte juridique de l'époque.

Le besoin de nouvelles normes adaptées au transport supersonique[modifier | modifier le code]

Dans les années 1960, les règlements de navigabilité nationaux, à l'instar de la célèbre “FAR part 25”[11] (Federal Aviation Regulation 25[12]) contenant les prescriptions techniques de sécurité en matière de conception publiées par l'administration américaine, sont adaptés aux caractéristiques des vols subsoniques, et ne peuvent pas répondre aux exigences du transport supersonique. Il faut rappeler à ce stade que dans les années 1960, les États-Unis travaillent aussi à la réalisation de leur programme supersonique (jusqu'en 1971, date de son abandon par le Sénat américain). Ils sont donc eux aussi dans l'obligation de faire évoluer leurs règlements de navigabilité. On notera d'ailleurs que la réalisation du projet supersonique soviétique "Tupolev" ne donne pas lieu aux questionnements juridiques précédents puisqu'il n'est alors exploité que sur des lignes intérieures à l'Union soviétique.

D'après l'article 33 de la Convention de Chicago relative à l'aviation civile internationale de 1944 : “Les certificats de navigabilité (...) délivrés ou validés par l’État contractant dans lequel l’aéronef est immatriculé, seront reconnus valables par les autres États contractants si les conditions qui ont régi la délivrance ou la validation de ces certificats (…) sont équivalentes ou supérieures aux normes minimales qui pourraient être établies conformément à la présente Convention”[9]. Par “normes minimales” on entend notamment les normes fixées à l'annexe 8 (à la Convention précitée de Chicago de 1944) adoptée en 1949. Cette annexe 8 “Navigabilité des aéronefs” comprend les règles minimales en matière de sécurité des aéronefs et en matière de délivrance des certificats. Cette annexe, toujours en vigueur, a pour but d'assurer un standard minimal de sécurité des vols internationaux civils[13].

Ce principe est une pierre angulaire de l'aviation civile internationale : si un avion est certifié par une administration conformément à l'annexe 8, il ne peut se voir refuser le droit de survoler le territoire d'un autre État-Membre à la Convention par exemple. Ce principe est repris dans des accords bilatéraux régissant les relations de trafic aériens conclus entre États, en marge du cade central mais minimal de la Convention de Chicago de 1944. Ici, l'accord dit “des Bermudes” de 1946 conclu entre les États-Unis et la Grande-Bretagne a servi de modèle à plus de 3000 accords subséquents. Le principe de reconnaissance y figure d'ailleurs en son article 4[14].

Statut juridique des aéronefs importés[modifier | modifier le code]

Dans les années 1960, des compagnies américaines se sont positionnées pour l'achat d'avions Concorde (notamment la compagnie Braniff). Or, en matière d'avions importés, des accords particuliers ont été conclus, en marge des accords bermudiens. Ici, l'accord du 26 septembre 1973 entre la France et la Grande-Bretagne nous servira d'exemple: “les autorités aéronautiques auront le droit de subordonner leur reconnaissance de toute certification émise par les autorités de l'État exportateur, à l'observation de toute exigence additionnelle que l'État importateur considère comme nécessaire pour être assuré que le produit atteint un niveau de sécurité équivalent à celui auquel conduirait l'application de la législation, de la réglementation et des exigences en vigueur en la matière pour un produit similaire fabriqué dans l'État importateur” (art. 4). L'accord du 28 décembre 1972 conclu entre les États-Unis et la Grande-Bretagne contient une disposition similaire[15]. À travers la disposition précitée, il s'agit de garantir une compétition économique équitable entre avions importés et avions nationaux tout en tirant les standards de sécurité vers le haut.

Ainsi, en vertu de ces accords, les avions Concorde franco-anglais importés peuvent théoriquement se voir opposer par les Américains des prescriptions supplémentaires applicables aux avions supersoniques américains.

À ce stade de leur programme, les trois États protagonistes ont donc un intérêt commun à établir des normes harmonisées pour supprimer les obstacles juridiques dans la réalisation de leurs programmes technologiquement complexes et coûteux[16]. Pour la première fois dans l'histoire de l'aviation civile, trois nations vont travailler en commun pour établir des règlements de navigabilité[17].

Elaboration normative tripartite[18][modifier | modifier le code]

La coopération normative tripartite commence en 1961. Une première conférence se tient en 1961 puis une seconde en 1963. Réunion des membres de la DGAC, du ARB et la FAA, la conférence prend le nom de “FAUSST” (French, Anglo, US Supersonic Transport), forum visant à créer des règlements de navigabilité harmonisés.

Le forum est marqué par sa durée (7 années). Les négociations sont longues car chaque État dispose d'une culture de sécurité différente[16].

Par ailleurs, écrire une règlementation pour une technologie non encore terminée nécessite des ajustements permanents et donc un processus laborieux. D'ailleurs, les autorités françaises se sont souvent plaint du manque de clarté des normes américaines, ces dernières évoluant constamment au cours des réunions. Également, lors de certaines réunions, les membres de la FAA sont largement en sous-représentation par rapport aux membres de la DGAC et du ARB. Et, sous la pression des constructeurs américains, ils ont pu montrer des réticences à communiquer des informations de nature technique[18]. Mais globalement, la FAA se révèle une partenaire loyale, ''de bonne volonté et de rapidité pour toutes les opérations de certification de Concorde aux États-Unis. Elle a même donné sa caution au dossier présenté par les compagnies aériennes à l'Autorité Portuaire de New York et New Jersey"[19] afin que Concorde puisse atterrir à l'aéroport New York JFK.

Après 7 années, le Forum FAUSST débouche sur l'élaboration de normes communes en 1968 appelées “SST STANDARDS” (supersonic transportation standards) et qui serviront de référentiel de certification.

Concorde finalement certifié en 1975 et 1979[modifier | modifier le code]

Entre 1969 et 1975, deux mille heures de simulateur permettent de lever des doutes sur 8 000 points de certification. 1007 heures de vol de certification seront nécessaires pour lever les 2000 restants. À l'issue de ce travail, Concorde reçoit sont certificat de navigabilité de la DGAC (8 octobre 1975) puis du ARB (5 décembre 1975). Il recevra son certificat américain en le 9 janvier 1979[20].

Plus exactement, Concorde reçoit d'abord des administrations un certificat dit “de type”. Les avions de série Concorde (une dizaine au final) reçoivent par la suite un “certificat individuel “de navigabilité, attestant qu'ils sont conformes au type, selon une procédure beaucoup plus rapide et moins coûteuse[21].

Nuisances : Concorde démuni de certificat[modifier | modifier le code]

Souvent déclaré avion le plus sûr du monde, Concorde est également le plus polluant et le plus bruyant, en particulier au décollage. Concorde provoque aussi un désagréable “bang” audible au sol par les populations survolées à vitesse supersonique. En plus d'un certificat de navigabilité, les aéronefs doivent aussi obtenir un certificat de limitations de nuisance attestant qu'ils respectent les normes en vigueur de limitation de bruit (et de pollution aérienne) ce qui inclut les minima de l'annexe 16 “bruit des aéronefs” (1971) à la Convention de Chicago[13]. Mais Concorde ne possède aucun certificat de limitation de nuisances. En ce qui concerne le bruit plus particulièrement, la certification franco-britannique ou américaine aurait nécessité l'élaboration de normes acoustiques nouvelles relevant significativement les niveaux applicables aux subsoniques. Cependant, les États décident de ne pas se à livrer à une telle opération. Concorde bénéficiera donc d'un "traitement de faveur"[22] pour les principales raisons développées ci-après.

  1. Les États ont considéré que la nuisance notamment sonore produite par le nombre réduit d'avions Concorde en circulation (une dizaine) restait acceptable rapportée à celle provoquée par la flotte de subsoniques déjà très bruyants et en permanente croissance.
  2. La réglementation des États-Unis, la “FAR part 36”[11] fixant les niveaux acoustiques, n'a donc pas été adaptée aux supersoniques. L'administration américaine a décidé que les avions Concorde mis en service après 1980 – soit tous les avions Concorde - seraient exemptés de plafonds. Ils bénéficient de ce qui a été appelé la “clause du grand-père” aux États-Unis[23]. Cette position a notamment été explicitée à l'occasion d'une décision historique, sur le plan diplomatique et juridique, du secrétaire d'État américain au transports, W. T. Coleman en 1976, par laquelle les compagnies se voient octroyer un permis d'exploitation aux États-Unis[24]. On précisera ici qu'il est déjà très difficile à l'époque pour les subsoniques de respecter la FAR 36.
  3. Au sein de l'OACI, ce traitement privilégié se retrouve dans l'ancien chapitre 12.2 de l'annexe 16 “bruit des aéronefs” (actuel chapitre 3 modifié) : pour les demandes de certification de supersoniques introduites antérieurement à 1975 (c'est le cas de Concorde) aucun niveau acoustique n'est applicable[25]
  4. Pour de nombreux pays à l'époque, accueillir Concorde est un honneur, et ils sont prêts à accepter un atterrissage sur leurs sols du Concorde, même non muni d'un certificat de nuisances (Brésil, Sénégal, Mexique notamment). Ils se révèlent des “destinations accueillantes”[26].
  5. Les certificats de limitation de nuisances ne bénéficient pas du principe de reconnaissance mutuelle des certificats, selon une interprétation a contrario de l'article 33 de la convention de Chicago.

Le statut juridique du Bang[modifier | modifier le code]

Le phénomène a fait beaucoup débat. En raison des craintes des populations autour des effets du bang, les autorités se sont penchées sur le sujet. Le 31 août 1966, un arrêté du Premier Ministre Français créé une commission “chargée d'étudier les implications d'une éventuelle expérimentation destinée à étudier la tolérance des populations au bruit engendré par le vol supersonique”[27]. L'OACI (Organisation de l'Aviation Civile Internationale) vote également une première résolution n°A-16-4 en septembre 1968 sur le sujet, qui est complétée par une deuxième en 1978 (n°A 22-14) dénommée “problèmes techniques et économiques que pose la mise en service commerciale d'avions supersoniques”[28]. L'OACI y invite les États qui ont entrepris la construction d'avion supersoniques à lui présenter des propositions sur la manière de protéger les populations des effets du bang[29].

Mais finalement, le 28 mars 1973, malgré les espoirs franco-britanniques, la FAA interdit le survol de son territoire en mode supersonique dans sa réglementation FAR 91[30]. En cette même année 1973, l'Allemagne, le Canada, le Danemark, le Japon, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède et la Suisse imitent les États-Unis. Cette interdiction finit par se généraliser dans le monde. Concorde ne pourra survoler à vitesse supersonique que les territoires aériens adjacents à la haute mer (zone internationale). Les terres habitées seront survolées en mode subsonique, le temps de rejoindre la limite externe des mers territoriales. Les routes au-dessus des eaux internationales (océans) seront donc privilégiées pour les vols Concorde. Enfin, ironie du sort, la seule compagnie américaine (Braniff) à exploiter l'avion, assurera les lignes intérieures américaines en mode subsonique.

Procédures judiciaires pour atterrir à l'aéroport NY JFK[31][modifier | modifier le code]

4 février 1976 : l'autorisation fédérale d'atterrir aux États-Unis[modifier | modifier le code]

Au moment de délivrer aux compagnies un permis d'exploitation du Concorde sur le sol américain, le contexte américain est assez hostile à la technologie supersonique.

L'opinion et les associations font de plus en plus pression sur les politiques pour que ces derniers prennent les mesures nécessaires à la protection de l'environnement. Le National Environmental Policy Act (1969) et le Noise Control Act (1972) sont adoptés en réponse à cette demande. Au niveau politique fédéral, dès 1975 un Sénateur et un Représentant tentent d'introduire une proposition de loi pour supprimer les aides fédérales aux aéroports laissant atterrir des avions supersoniques ne respectant pas la FAR 36. La tentative échoue, comme les suivantes intentées jusqu'en 1977[32].

Malgré ce contexte très hostile, l'administration américaine reste soucieuse de ménager ses alliés franco-britanniques dans un contexte juridique international “bermudien” très libéral et donc très largement favorable aux intérêts économiques américains. L'administration, dans un souci de loyauté, délivre donc aux compagnies Air France et British Airways un permis d'exploitation sur le sol américain. Dans sa décision du 4 février 1976, les deux principaux arguments juridiques de la décision du secrétaire d'État W. T. Coleman sont les suivants :

  1. La FAR 36 n'est pas applicable aux supersoniques; par ailleurs, 80% des subsoniques américains ne la respectent pas - les Beoing 747 sont quasiment aussi bruyants que Concorde ; refuser l'accès de Concorde au territoire américain est donc de nature discriminatoire ; l'équité commande d'autoriser l'accès de Concorde au sol américain.
  2. Conformément au National Environmental Policy Act de 1969, la FAA a réalisé une étude d'impact ne permettant pas d'établir que Concorde représente une menace particulière pour l'environnement.

Concorde est donc autorisé à atterrir aux États-Unis au titre d'une période test de 16 mois, puis définitivement en juin 1978.

La décision administrative “Coleman” fait l'objet d'un recours produit par le Comté de Fairfax dans lequel se situe l'aéroport de Washington Dulles et par une association de protection de l'environnement appelée Environmental Defense Fund[33]. Les principaux arguments juridiques des requérants sont les suivants[34]:

  1. le Noise Control Act de 1972 place la FAA sous l'obligation de promulguer des niveaux sonores supersoniques antérieurement à l'ouverture des lignes Concorde; pour la FAA en revanche, conditionner les vols à l'établissement préalable d'une réglementation acoustique revient à discriminer les avions Concorde, ce qui enfreint les principe d'égalité de traitement posé par l'accord des Bermudes (art. 2 et 5) et la convention de Chicago (art. 11).
  2. Les requérants invoquent une mauvaise application du NEPA de 1969 : M. COLEMAN a surestimé les avantages et sous-estimé les inconvénients de la technologie Concorde exploitée aux États-Unis ; l'article 101 du NEPA obligeait également à prendre en compte les questions de sécurité liées à la technologie Concorde. Argument d'ailleurs contré par la FAA au regard du principe de reconnaissance mutuelle des certificats de navigabilité.

Au final, la juridiction américaine saisie, dans une décision d'une extrême brièveté, confirme la décision Coleman et son caractère exécutoire[35]. L'absence de motivation juridique (aucune référence aux textes légaux précités) laisse à penser que la justice n'a pas souhaité s'immiscer dans une décision de nature politique. La décision Coleman devient donc pleinement exécutoire le 19 mai 1976.

Si Concorde peut atterrir à Washington dès le 24 mai 1976, il devra attendre plus d'un an et demi pour atterrir à New-York JFK en raison d'une décision du 11 mars 1976 prise par l'Autorité Portuaire des États de New York et du New Jersey.

11 mars 1976 : l'interdiction locale d'atterrir à New-York JFK[36][modifier | modifier le code]

Coup d'arrêt juridique pour la réalisation du Programme[37][modifier | modifier le code]

Le 11 mars 1976, l'Autorité Portuaire de New York et du New Jersey vote une résolution refusant temporairement l'accès de Concorde aux installations portuaires de l'aéroport JFK de New York. L'autorité motive l'interdiction par le non-respect des limites maximales fixées par l'autorité elle-même (à savoir 112 PN décibels, Perceived Noise Decibels) et par la production de basses fréquences aux effets inconnus sur la santé. À l'époque, les douze commissaires constituant l'Autorité sont directement sous l'autorité de l'État de New York, dont le Gouverneur M. Hugh Carey est un des plus influents détracteurs du Concorde.

Au cours d'échanges acharnés, les compagnies et constructeurs du Concorde s'emploient activement à démontrer à l'Autorité que l'avion peut respecter les 112 Décibels en utilisant les pistes 31L et 22R avec une procédure de décollage particulière, et que Concorde n'émet pas de basses fréquences dangereuses.

Malgré les efforts déployés, l'Autorité renouvelle son interdiction le 11 mars 1977 puis le 7 juillet 1977 pour une durée indéterminée. Après une campagne active mais infructueuse de communication auprès de l'Autorité, les compagnies, constatant le temps perdu, n'ont plus d'autre choix que de porter l'affaire devant la justice américaine.

Une interdiction annulée par la justice américaine[38][modifier | modifier le code]

Tout se joue en appel le 14 juin 1977[39]. Le Juge Kaufmann donne d'abord raison à l'Autorité en rappelant l'affaire City of Burbank vs. Lockheed Air Terminal de 1973. Dans cet arrêt précité, la Cour Suprême admet que la compétence fédérale (à travers la FAR 91 et en particulier la FAR 36) ne fait pas obstacle à celle des propriétaires d'aéroports d'édicter des niveaux acoustiques complémentaires. Cependant, le juge Kaufman pose une réserve à cette compétence : “les propriétaires peuvent refuser l'accès de leurs aéroports à des avions considérés trop bruyants, à condition qu'un tel refus ne soit ni arbitraire ni discriminatoire”[40]. Or, à l'audience, l'Autorité, si elle reconnaît que Concorde peut respecter les 112 Décibels, demeure toujours incapable de démontrer l'existence de basses fréquences dangereuses pour la santé, et ce après 17 mois d'études. Un expert de l'Autorité témoigne à l'audience : “Je n'en sais pas plus aujourd'hui sur la question du bruit de Concorde que quand nous avons commencé. Nous n'avons procédé à aucune véritable étude pour savoir si Concorde pouvait avoir un impact indésirable sur les populations. On nous l'a jamais demandé...”[41]. L'inaction publique est jugée déraisonnable et donc discriminatoire envers un aéronef étranger. Le 17 octobre 1977, la procédure se termine favorablement en Cour Suprême[42]. Concorde peut enfin atterrir à New York le 22 novembre 1977.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Sur cette partie voir l'introduction de l'article de Nicolas RUGET, Le statut juridique de l'avion Concorde, péripéties juridiques de la réalisation du programme Concorde, in Revue de la Recherche Juridique (RRJ), presses de l'Université d'Aix-Marseille, 2003 no 4, p. 2580 à 2583.
  2. AMARANTINIS Thierry, La coopération franco-britannique et l'accord du 29 novembre 1962 pour la réalisation de Concorde, In Revue Générale de l'Air, 1969, p. 154.
  3. Voir AMARANTINIS Thierry, La coopération franco-britannique et l'accord du 29 novembre 1962 pour la réalisation de Concorde, In Revue Générale de l'Air, 1969.
  4. SARRE Claude-Alain, Le dossier vérité du Concorde, Ed. aéronautiques, 2002, p. 92.
  5. FORESTIER Jean, Les aspects juridiques du programme Concorde, in VELLAS Pierre, La vie de l'avion commercial, 1990, ed. Pedone, p. 31.
  6. Expression tirée de l'étude de TOUCSOZ Jean, La coopération aéronautique franco-britannique : l'affaire Concorde, in Annuaire du Droit International, 1965, PP. 174-192.
  7. Voir la Partie 1 « un processus de certification hors du commun » de l'article de Nicolas RUGET, Le statut juridique de l'avion Concorde, péripéties juridiques de la réalisation du programme Concorde, in Revue de la Recherche Juridique (RRJ), presses de l'Université d'Aix-Marseille, 2003 no 4, p. 2585 et s.
  8. Sur les questions relatives à la certification du Concorde, voir les différents articles sur le sujet dans VELLAS Pierre, La vie de l'avion commercial, 1990, ed. Pedone.
  9. a et b le texte de la convention est consultable dans toutes les langues sur le site de l'OACI : https://www.icao.int/publications/Documents/7300_cons.pdf
  10. Michel BOURGEOIS, Certification des aéronefs civils, in VELLAS PIERRE, La vie de l'avion commercial, 1990, Pédone, p. 79 et s.
  11. a et b Les règlements s'appellent "PART 36—NOISE STANDARDS: AIRCRAFT TYPE AND AIRWORTHINESS CERTIFICATION". Consultable sur: https://www.ecfr.gov/cgi-bin/text-idx?SID=cedd9863b5c95a3Cb53310ea8493e50ad&mc=true&node=pt14.1.36&rgn=div5Toutes les normes FAR peuvent également être consultées sur le site de la FAA : https://www.faa.gov/regulations_policies/faa_regulations/
  12. Se reporter aux normes "FAR" en matière de sécurité des aéronefs : FAR 21 à FAR 35 sur le site de la FAA ou alors sur le site officiel de règlementation en ligne suivant : https://www.ecfr.gov/cgi-bin/text-idx?SID=cedd9863b5c95a3b53310ea8493e50ad&mc=true&tpl=/ecfrbrowse/Title14/14CIsubchapC.tpl
  13. a et b L'annexe 8 et 16 OACI sont en libre accès sur le site de l'OACI.
  14. Sur les accords bermudiens : voir DUTHEIL DE LA ROCHERE Jacqueline, La politique des États -Unis en matière d'aviation civile internationale, LGDJ, 1971, p. 327.
  15. Source : Mac Dowell Eleanor, Contemporary practice of the US relating to international law: supersonic transport, in American Journal of International Law, 1976, no 70. p. 564-570
  16. a et b TURCAT André, Les chemins de l'homologation, in VELLAS Pierre, La vie de l'avion commercial, 1990, ed. Pedone, p. 73.
  17. Harpur, N., "The Airworthiness Certification of Concorde, " in REVUE SAE Transaction, Paper 710756, 1971, vol. 80.
  18. a et b Les difficultés sont rapportées par OWEN Kenneth, Concorde and the Americans, International politics and the supersonic transports, Smithonian Institution Press, 1997, pages 138 et s.
  19. SARRE Claude-Alain, le Dossier Vérité du Concorde, 2002, éditions aéronautiques, page 111.
  20. Une copie du certificat délivré par la FAA au Concorde peut être téléchargé sur http://www.concordesst.com/A45eu.pdf (domaine public).
  21. Sur cette section voir TURCAT André, Les chemins de l'homologation, in VELLAS Pierre, La vie de l'avion commercial, 1990, ed. Pedone.
  22. FRANTZEN Claude, Problèmes de règlementation pour les avions supersoniques, in Actes du Symposium de Strasbourg, 1989, p. 145.
  23. OWEN Kenneth, Concorde and the Americans, International politics and the supersonc transports, Smithonian Institution Press, 1997, p. 144, pour les questions d'inapplicabilité de la FAR 36 à Concorde.
  24. Voir pour l'analyse des motivations politiques, juridiques et diplomatiques de la décision COLEMAN, l'article de Nicolas RUGET, Le Statut juridique de l'avion Concorde, péripéties juridiques de la réalisation du programme Concorde, in Revue de la Recherche Juridique (RRJ), presses de l'Université d'Aix-Marseille, 2003/4, p. 2606 et s.
  25. Voir MANKIEWICZ Thierry, Organisation de l'aviation civile internationale, in Annuaire du droit international, 1977, p. 625 et s. notamment pages 644 et s.
  26. Claude-Alain SARRE, le Dossier vérité du Concorde, p. 237.
  27. Texte officiel non retrouvé sur www.legifrance.gouv.fr. Source : Voir Claude-Alain SARRE, le Dossier vérité du Concorde, p. 227.
  28. Lien vers toutes les résolutions de l'OACI : https://www.icao.int/publications/Documents/9902_en.pdf.
  29. Voir MANKIEWICZ Thierry, Organisation de l'aviation civile internationale, in Annuaire du droit international, 1977, p. 625 et s., notamment pages 644 et s
  30. Plus exactement : il s'agit du Code of Federal Regulation Part 91.817 and Appendix B to Part 91. Source site officiel de la FAA, article "supersonic flights" : https://www.faa.gov/news/fact_sheets/news_story.cfm?newsId=22754. Voir aussi FORESTIER Jean, Un point de vue très personnel, in Icare 1998/2, p. 188.
  31. Voir Nicolas RUGET, Le Statut juridique de l'avion Concorde, péripéties juridiques de la réalisation du programme Concorde, in Revue de la Recherche Juridique (RRJ), presses de l'Université d'Aix-Marseille, 2003/4, p. 2606 à 2633, Partie 2 « un parcours juridique accidenté pour atterrir aux États-Unis».
  32. Voir OWEN Kenneth, Concorde and the Americans, International politics and the supersonic transports, Smithonian Institution Press, 1997, chap. 11 “through the political sound barrier”.
  33. Voir décision Board of Supervisors of Fairfax County vs Mac Lucas, 6 envrionmental la w reports, DDC march 2 1976; US district court for the district court of Columbia, 1976, -79, docket 76-0139. Le Board sera amené à se joindre par la suite à l'action déjà introduite par le Environmental defense fund et la ville de New York devant la Cour d'Appel du district de Columbia, c'est pourquoi une seule décision sera rendue sur cette affaire.
  34. Concernant les arguments des parties: US Environmental Law Reports, april 1976, no 6, pp-10072 à 10084 “Much to do about Concorde”. Voir aussi PEERS Richard, The Concorde decision, application of NEPA and noise control act still unresolved, in Harvard Envrionmental Law Review, 1976, p. 171.
  35. Environmental defense fund Inc vs Departement of Transportation, 6 environmental law reports, May 19 1976 (per curiam); US Court of Columbia 1976, Dockets 76-1105, -1231,1-1259, -1260, -1321.
  36. Voir Nicolas RUGET, Le statut juridique de l'avion Concorde, péripéties juridiques de la réalisation du programme Concorde, in Revue de la Recherche Juridique (RRJ), presses de l'Université d'Aix-Marseille, 2003/4, p. 2620 à 2633, « une bataille judiciaire sans précédent pour atterrir à NY ».
  37. Voir MUSS Joshua, Aircraft noise : federal preemption of local control : Concorde and other recent cases, in Journal of Air Law and Commerce, 1977, no 43
  38. Voir Environmental law reports: indefinite ban against Concorde landing overturned as unreasonable, oct. 1977, no 7, 10195.
  39. Première instance, Juge Pollack: Décision :US District Court, southern district of NY, no 76, civ 1276, 11 may 1976 432 fed. Supplement 1216-1226.
  40. US Court of Appeals, second circuit, no 1403, docket 77-72237 14 juin 1977, 558, federal reporter 2nd 75-86.
  41. Voir décision précitée.
  42. Décision US Reports vol 434 17 oct. 1977 order A 327.