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LE FAIRE

            Cet ouvrage relate d'une discussion ayant eu lieu à Bruxelles le 17/04/2017. Discussion et non entretien, le sujet émerge par le fruit de réflexions propres à la conversation. Ainsi ce n'est pas l'oeuvre de l'artiste qui est mis en avant plan, mais bel et bien la situation même d’être artiste. Comment parler de son art ?

Un enregistrement d'une heure trente donnera lieu à de multiples questions. Avoir des réponses a tout, surtout quand on parle d'art, est bien entendu très difficile. Cette difficulté est alors à prendre comme une chance pour travailler davantage, afin d'approfondir, de débroussailler, d'aiguiser la pensée au rythme des mots. Ces quelques pages sont une retranscription des moments forts de la discussion. Découpes dans la bande sonore, interruptions; Manipulations. Pour palier a toutes ces ambiguïtés l'ouvrage sera bien sur soumis a l'artiste avant sa publication.

Leïla Daquin, étudiante au sein de L'ARBA-ESA est cette artiste. Un mot un peu grossier d'ailleurs. Elle dit "faire des choses", la question de se considérer en tant que tel passe au second plan. Cette considération prend d'ailleurs bien racine dans le langage comme système de compréhension. Or nous le verrons, l'acte de peindre se passe des mots. Cet acte nous montre ainsi les limites du langage parlé lorsqu'il tente d'interpréter le langage proprement plastique. Malgré cela, hélas, ce sont bien des mots que prononce Leila. Cependant il ne s'agit encore une fois pas de répondre a tout, mais bien d'une tentative d'approche dans un domaine où le spasme et le rictus sont plus justes et véritables que la théorie et le discours.

L'intention

"Souvent je pense à des choses avant, parfois même des idées assez arrêtées sur ce que je veux, mais à chaque fois que je me met a dessiner, ça fait autre chose, toujours, quoiqu'il arrive. »

"C'est même chiant parfois, mais c'est bien pour beaucoup de points parce que du coup je découvre d'autres choses, quand ces choses arrivent"

"Les choses auxquelles je pense ne sont pas du tout ressemblantes à ce que je fais, ou ce que je sais faire"  " ne pas se figer dans le ’je veux ça, je peins ça, et ça marche’ » 

"je n’ai pas envie d’être dans une attitude de respecter trop tout de suite ce que je fais (…) avoir peur de peindre c'est ça qui bloque trop de gens "

Le discours ? La théorie ?

"Je n’ai pas envie de me censurer dans ce que je peins (…) Si on me demande pourquoi j'ai dessiné des vagins, et on me l'a demandé, qu'est ce que tu veux que je dise...Si à la rigueur je travaillais sur l'urbanisme et bien ok, parlons en !! (Rires) »

« Il y a un moment où les obsessions, en tout cas pour moi, sont assez personnelles, intimes, alors, quoi dire? »

"J'en sais rien, je dis des trucs cons… Je dis des banalités et ça me saoule de faire ça, en même temps je ne vois pas comment m’en sortir sans en arriver là… »

L'école d'art

" De toute façon je pense que, par principe, une école d'art c'est perdu d'avance - un peu, c'est bien pour les discussions que tu peux avoir avec des gens qui font comme toi "

" C'est bien d'avoir des contacts avec des gens qui peigne, qui dessine...des gens qui ont un peu plus d'expérience qui nous conseille. Ils donnent de bon conseil, pas toujours mais voilà, la plupart du temps ça ne me déplait pas de discuter avec les profs, ce genre de choses, mais en soi le fait de noter, d'avoir des... déjà ça, ça sort de la…ça sort du truc quoi. Ce n'est pas quelque chose qui est fait pour être cadré, c'est quelque chose qui doit aller dans tout les sens"

« il faut pas être borné, il faut être de bonne foi, mais il faut garder son chemin en tête »

" Les étudiants ne devraient pas s'attacher a ça aussi en arrivant dans une école d'art - enfin c'est eux qui ont tord aussi… »

et donc ?

" C'est juste un truc pour formaliser le fait que pendant tant d'année tu as peint officiellement, et on a reconnu ça...(Rire)"

" Il faut arriver là et avoir assez de recul pour ne pas se perdre et en même temps être de bonne foi, de bonne volonté. Ce n'est pas non plus n'importe qui qui parle de dessin, ce sont quand même des gens qui dessinent eux mêmes et qui ont des choses à nous apporter »

" C'est une question de sincérité, de bonne foi, de travail"

Le parcours avec Marcel Duchamp

" Selon toutes les apparences, l'artiste agit a la facon d'un etre médium-nique qui, du labyrinthe par delà le temps et l'espace, cherche son chemin vers une clairière"  MD

" On fait beaucoup, on en fait toujours trop, surtout quand on est jeunes, quand on commence, quand on est encore un peu trop fiévreux de faire, un peu fougueux. "

" On est tout en feu pour tout, on s'emballe, il y a du trop tout le temps"

" C'est pour ça qu'il y a quelque chose d'émouvant a lire par exemple tout les textes d'un auteur, j'ais jamais lu touts les textes d'un auteur mais j'en ai lu beaucoup de certains »

" J'allais dire sinon que plus tu avances dans la vie d'une oeuvre plus ça se débroussaille du trop, du surplus, plus ça gagne en pureté et en simplicité, et c'est à la fin que c'est d'une simplicité immense mais que tu peux n'atteindre finalement qu'en traversant du trop tout le temps, enfin j'ai l'impression"

" Disons qu'il y a un moment ou se serait pas le vrai d'un instant d'écrire une phrase d'une simplicité véritable"

" Ce qui compte c'est une sincérité de bout en bout, qu'importe comment ça fini"

" Je sais que j'en fais toujours trop, je ne renie pas ça et je n'ai pas envie de le renier en me forçant a être plus tamisé dans ce que je fais. Si il y a des moments ou j'ai envie de faire un truc hyper tendre je le ferais et puis c'est tout "

" Je fais des trucs parfois un peu cru mais je ne suis jamais violente dans ce que je fais »

" Il y a des choses que je voudrais savoir retranscrire, je n'y arrive pas encore parce que c'est des choses à la fois trop simple et trop complexe pour que...j'ai besoin de travailler encore ça, et donc de faire, il faut faire"

" Je pense qu'il faut toujours faire, il ne faut pas être dans un orgueil mal placé de dire qu'on veux tout de suite faire bien"

Le Style..

‘« on a tendance à perpétuer un peu un même genre, un peu sans faire exprès ou pas, et si c’est avec ce genre qu’on grimpe, qu’on plaît, à tout changer d’un coup on aura bien tendance à se faire emmerder. Ca c’est un truc qui va nous faire chier dans la vie… »

Et Picasso ?

" Oui, au moins il s'est senti libre, c'est ça le plus important, il faut être libre dans ce qu'on fait, sinon ça n'a plus de sens, on est pas des artisans de la peinture"

Le tragique a partir de Michel Leyris :

 " Pour qui l'applique aux êtres humains et le pousse a l'extreme, le réalisme pourrait il déborder sur autres chose que la tragédie ? " ML

" C'est faux de dire aussi qu'un corps abimé, ou qu'une vraie sale gueule c'est plus intéressant qu'un gentil visage, ce serait injuste de dire ça, c'est pas vrai"

" En fait ça fait partie des choses simples, de faire un vrai beau portrait de quelqu'un qui rentre par exemple dans les critères de beauté qu'on connait serait sans doute plus compliqué que de faire un beau portrait de quelqu'un qui est marqué, qui a déjà une gueule abimé"

" C'est pour ça que c'est des sujets où on tombe facilement dans le médiocre, ce serait du génie de faire une peinture qui soit drôle, ou légère et qui soit très bonne, sans parler de caricature"

" Le tragique forcément ça nous fascine plus que le léger. Ca c'est peu être un problème qu'on a a ne pas trouver le léger profond, parce que c'est aérien...ce n'est pas vrai"

"C'est peut être pour ça qu'on atteint une simplicité au moment, peut être au moment ou on se dégage un peu de nos fascinations un peu répétées, ou nos complexes, ou fierté, ou je ne sais pas quoi"

" Par exemple, peindre un paysage ou il fait beau, et que ça marche, il faut le faire quand même. »

" On valorisera tout le temps un livre dur mais fort a un livre léger, comme si le tragique allait toujours au dessus de ça, comme si ça écrasait tout, toujours plus fort..."

L'autre

" Il faut s'exercer et donc il faut faire et à un moment il faut enlever le trop, ça s’aiguise en fait, il faut de toute façon faire"

" Il faut pas avoir peur de rougir devant sois même et ce qu'on fait. Si on a peur de ça on en fait plus rien de toute façon. Il faut savoir se replonger dans des trucs même si ça nous fait faire la grimace ou quoi. De toutes façon c'est de l'entrainement, ce n'est jamais bon a jeter."

" Avant je demandais à beaucoup de gens des avis parce que j'avais l'impression que ça allait m'aider, en tout cas j'avais l'envie d’être conforté dans le fait que oui en effet c'est un bon début, un bon...et puis c'est surtout ça qui m'a cassé un peu, et c'est pour ça que je prend un peu mes distances avec ça maintenant"

" Oui, quand tu es enthousiaste devant un truc et que tu ressens pas ça de l'autre tu as une frustration. Tu as envie que les gens ressente comme toi...c'est pour ça que pour ça il faut faire un petit deuil ( Rire ), en fait il faut rester dans son truc, ne pas se faire perturber, ne pas se faire arrêter par les gens"

" Il faut prendre des distances avec ça et en même temps il faut les recevoir aussi, il y a un juste milieu"

" Beaucoup de gens sont dans des idées assez arrêtées des choses, souvent d’ailleurs pas par mauvaise foi, plus par manque d'intérêt pour la chose, et puis c'est pas grave, ce n'est pas blâmable non plus"

" Même si on dit qu'on fait ça pour nous, on ne peut pas nier le fait que ça fait du bien quand on porte un intérêt a ce qu'on fait ect...mais en même temps si ce n'est pas compris, si ce n'est pas entendu par certaine personnes, et même si ça nous frustre, il faut passer au dessus, faire son chemin un peu tout seul"

" C'est quelque chose que l'on fait d'abord seul, c'est un travail solitaire et dont on fait part ensuite éventuellement a d'autres yeux. Il faut être capable d’être seul"

Les mots et la peintures

" On arrive jamais a tout saisir dans un poème, enfin c'est rare, il y a toujours un coté abstrait comme ça qui...et puis dans la peinture ce qui fait que ça marche c'est toutes les choses dont de toute façon on ne parle pas, si on est touché on est touché. Ca sert pas a grand chose de le dire et puis on ne sait jamais vraiment quoi dire devant une peinture qui nous plait. Si on essaie de dire quelque chose ça finit toujours pas un pauvre ‘c’est beau…’ ( Rire). C'est même un peu frustrant parce que parfois on est devant des peintures qui nous plaise terriblement et on est incapables de dire autre chose que ‘c’est beau et ça me touche’, et en même temps c'est comme ça, c’est le jeu de la peinture (Et de tout art) "

" comme la phrase de De Vinci : La peinture est une poésie qui se voit au lieu de se sentir, la poésie est une peinture qui se sent au lieu de se voir"