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Utilisateur:NBiblio/Brouillon/Circé-Côté

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Contrairement aux communautés anglophones de Montréal qui peuvent fréquenter la bibliothèque du Montreal Mechanic’s Institute, du Fraser Institute, de la Westmount Public Library ou du Young Men's Christian Association, la population francophone de la fin du XIXe siècle a très peu accès à des bibliothèques[1], notamment à cause de la volonté du clergé d'exercer un contrôle sur les ouvrages sélectionnés[2]. Malgré le contexte de l'époque, la Commission de la bibliothèque de la ville de Montréal approuve en 1903 la fondation de la bibliothèque technique[3]. Cette dernière est aménagée au Monument-National, propriété de la Société Saint-Jean Baptiste [4], et sa collection est constituée d'ouvrages scientifiques servant à parfaire la formation des ouvriers[5].

Cinq personnes soumettent leur candidature pour pourvoir au poste de bibliothécaire et de conservateur à la bibliothèque technique : Fabien Vanasse, M. Dubreuil, Mme Tremblay, Idola Saint-Jean et Éva Circé[6]. Même si elle ne possède pas de formation de bibliothécaire[7], l'appui des dames patronnesses de l'Association Saint-Jean-Baptiste ainsi que le rayonnement d'Éva Circé en tant que journaliste, poète et dramaturge ont joué en sa faveur pour l'obtention du poste[8].

À titre de bibliothécaire et de conservatrice, Éva Circé reçoit un salaire annuel de 400 $ (CAD) et elle poursuit en parallèle sa carrière de journaliste[8]. Toutefois, sa nomination à la bibliothèque technique semble précaire[3], car dans un article paru dans le journal La Presse du 12 août 1903 qui mentionne l'embauche de Circé-Côté, il est précisé que « plus tard, lorsque les besoins du service l’exigeront, on nommera un homme »[9]. À son ouverture, la bibliothèque technique est ouverte 85 heures par semaine, et du lundi au samedi, ses portes ferment à 22 heures pour permettre aux travailleurs d'y accéder[10]. En 1909, Éva Circé-Côté y travaille 40 heures par semaine, soit du lundi au samedi, de 10 à 13 heures et de 19 à 22 heures ainsi que le dimanche, de 14 à 18 heures[11].

À ses débuts, la collection de la bibliothèque technique est composée d'ouvrages destinés aux travailleurs[12] et les sujets abordés traitent de mécanique, des travaux publics, de la photographie, de la métallurgie, des mathématiques, de la physique et de la géographie[13]. En novembre 1905, la Commission de la bibliothèque permet à Éva Circé-Côté d'élargir le mandat de la bibliothèque technique[14] en permettant l'acquisition de romans, de livres poétiques, historiques et artistiques[15]. Ce glissement de vocation mécontente les autorités religieuses dont monseigneur Bruchési et en février 1907, il avise par écrit les membres de la Commission de la bibliothèque de la présence de ces livres qu’il juge indésirables soit parce qu'ils ne correspondent pas à la mission technique de la bibliothèque ou qu'ils sont inscrits à l'Index[16]. Le 10 novembre 1908, le Conseil municipal de Montréal vote un projet de règlement qui confirme le caractère technique de la bibliothèque et quelques mois plus tard, soit le 16 juin 1909, Éva Circé-Côté est remplacée par le journaliste Lorenzo Prince[17]. Ensuite, elle est rétrogradée au poste d’assistante-bibliothécaire[17] où son salaire annuel est révisé à 300 $ (CAD)[18]. Du 2 juin au 13 octobre 1909, Lorenzo Prince occupe le poste de bibliothécaire et de conservateur à la bibliothèque technique[19], puis il est remplacé en 1909 par Frédéric Villeneuve qui maintient Éva Circé-Côté dans ses fonctions d'assistante[20] et son salaire annuel est révisé à 350 $ (CAD).[18]

Au fil des années, les autorités municipales, le Conseil de la bibliothèque, le clergé et Éva Circé-Côté ont plusieurs conflits concernant le choix de livre puisque deux visions de la bibliothèque technique s'affrontent : « fournir une aide technique aux travailleurs ou éduquer et distraire lecteurs et lectrices »[21]. Toutefois, avec l'appui de son patron Frédéric Villeneuve, et de son successeur Hector Garneau, Éva Circé-Côté poursuit son mandat d'acquérir une grande variété d'ouvrages tout en refusant de céder aux pressions du clergé concernant les choix d'acquisition[22].

Dans les journaux où elle publie ses chroniques, Éva Circé-Côté a rédigé une cinquantaine d'articles sous différents pseudonymes pour présenter les enjeux de la bibliothèque publique à Montréal[23]. Ces chroniques présentent les idées de Circé-Côté concernant la bibliothèque, soit qu'elle est un lieu d'instruction[22], qu'elle doit être indépendante des autorités en place, notamment du clergé catholique[24], et qu'elle doit acquérir une grande variété d'ouvrages : de la littérature légère, des ouvrages scientifiques, des romans, etc[25].

En 1910, la bibliothèque acquiert la collection du bibliophile Philéas Gagnon et Éva Circé-Côté devient la responsable du catalogue de cette collection[26]. En 1911, la Bibliothèque technique déménage dans l’École technique de Montréal située sur la rue Sherbrooke[22]. En 1913, son patron Frédéric Villeneuve lui fait suivre des cours de bibliographie à l'Université McGill pour parfaire ses connaissances du domaine et l'aider dans la gestion de la collection Gagnon[20]. Grâce à cette formation, elle augmente son salaire annuel à 900$[20].

En 1914, l’annonce de la construction d’une bibliothèque municipale qui remplacera la bibliothèque technique enchante Circé-Côté[22] et elle dédie un article sur ce sujet sous le pseudonyme de Fantasio dans le journal Le Pays le 27 juin 1914[27]. En 1915, Frédéric Villeneuve décède et Éva Circé-Côté devient bibliothécaire en chef intérimaire pour une durée de neuf mois[28]. Lorsque Hector Garneau, petit-fils de l'historien François-Xavier Garneau, est attitré au poste de bibliothécaire en chef, elle retourne dans ses fonctions d'assistante-bibliothécaire[29].

Bibliothèque municipale [modifier | modifier le code][modifier | modifier le code]

En 1917, la bibliothèque technique devient la bibliothèque municipale et Éva Circé-Côté est présente le jour de l'inauguration dans les nouveaux locaux situés sur la rue Sherbrooke en face du parc Lafontaine (aujourd'hui l'Édifice Gaston-Miron)[30]. Quelques mois après son ouverture, Éva Circé-Côté constate que les rayons de la bibliothèque municipale sont dégarnis et elle écrit une chronique, toujours sous le couvert d'un pseudonyme, pour exiger l'augmentation du budget d'acquisition de livres[30]. En 1921, elle aborde dans ses chroniques la nécessité d'embaucher des assistantes et en 1931, elle milite pour l'accessibilité de la bibliothèque municipale aux enfants[31].

En 1922, la bibliothèque municipale s'attaque au catalogage de la collection Gagnon et cette tâche est incombée à Éva Circé-Côté ainsi qu'à son assistante Marie-Claire Daveluy[32]. Après le départ de Hector Garneau en 1930, Félix Desrochers devient le nouveau bibliothécaire en chef jusqu'en 1932[19]. Aegidius Fauteux quitte son poste à la bibliothèque Saint-Sulpice et devient le nouveau bibliothécaire en chef de la bibliothèque municipale[33]. Circé-Côté et Fauteux ne s'entendent pas sur le mandat que doit avoir la bibliothèque : alors que le directeur veut en faire une institution tournée vers les «gens d'étude et la classe instruite», Circé-Côté veut en préserver le caractère populaire et démocratique[34]. En 1932, à l'âge de 61 ans, Éva Circé-Côté est congédiée par Aegidius Fauteux[33]. Marie-Claire Daveluy prend alors sa place pour la gestion du catalogue[35]. En guise de compensation, Éva Circé-Côté reçoit une pension mensuelle de 809,10 $ (CAD)[35].

  1. Michèle Dagenais, Autour de la Bibliothèque municipale de Montréal. Dans La Vie culturelle à Montréal vers 1900, sous la direction de Micheline Cambron, Fides, , 413 p. (ISBN 9782762122220), p. 111
  2. Michèle Dagenais, Autour de la Bibliothèque municipale de Montréal. Dans La Vie culturelle à Montréal vers 1900, sous la direction de Micheline Cambron, Fides, , 413 p. (ISBN 9782762122220), p. 116
  3. a et b Andrée Lévesque, Éva Circé-Côté, première bibliothécaire de la Ville de Montréal. Dans Marcel Lajeunesse, Éric Leroux et Marie D. Martel (dir.), Pour une histoire des femmes bibliothécaires au Québec : portraits et parcours de vies professionnelles., Québec, Presses de l'Université du Québec, (ISBN 978-2-7605-5252-4), p. 9
  4. Juliette Chabot, Montréal et le rayonnement des bibliothèques publiques, Montréal, Fides, , 189 p., p. 32
  5. Michèle Dagenais, Autour de la Bibliothèque municipale de Montréal. Dans La Vie culturelle à Montréal vers 1900, sous la direction de Micheline Cambron, Fides, , 413 p. (ISBN 9782762122220), p. 114-115
  6. « La Bibliothèque Industrielle sera ouverte au public aux premiers jours de septembre : Mlle Éva Circé (Colombine) est nommée bibliothécaire. », La Presse,‎ , p. 5
  7. Andrée Lévesque, Éva Circé-Côté, première bibliothécaire de la Ville de Montréal. Dans Marcel Lajeunesse, Éric Leroux et Marie D. Martel (dir.), Pour une histoire des femmes bibliothécaires au Québec : portraits et parcours de vies professionnelles., Québec, Presses de l'Université du Québec, , 200 p. (ISBN 9782760552517), p. 13
  8. a et b Andrée Lévesque, Éva Circé-Côté : libre-penseuse, 1871-1949, Éditions du Remue-ménage, , 478 p. (ISBN 9782890912854), p. 56
  9. « La Bibliothèque Industrielle sera ouverte au public aux premiers jours de septembre : Mlle Éva Circé (Colombine) est nommée bibliothécaire », La Presse,‎ , p. 5
  10. Michèle Dagenais, « Vie culturelle et pouvoirs publics locaux. La fondation de la bibliothèque municipale de Montréal. », Urban History Review/Revue d’histoire urbaine,‎ 24(2) 2013, p. 47 (lire en ligne)
  11. Michèle Dagenais, « Vie culturelle et pouvoirs publics locaux. La fondation de la bibliothèque municipale de Montréal », Urban History Review/ Revue d’histoire urbaine,‎ 24(2) 2013, p. 47 (lire en ligne)
  12. Andrée Lévesque, Éva Circé-Côté : libre-penseuse, 1871-1949, Montréal, Éditions du Remue-ménage, , 478 p. (ISBN 9782890912854), p. 55
  13. François Séguin, D’obscurantisme et de lumières : la bibliothèque publique au Québec, des origines au 21e siècle, Montréal, Hurtubise, , 657 p. (ISBN 9782897238803), p. 463
  14. Michèle Dagenais, Autour de la Bibliothèque municipale de Montréal. Dans La Vie culturelle à Montréal vers 1900, sous la direction de Micheline Cambron, Fides, , 413 p. (ISBN 9782762122220), p. 115
  15. François Séguin, D'obscurantisme et de lumières. La bibliothèque publique au Québec des origines au 21e siècle, Montréal, Hurtubise, , 657 p. (ISBN 9782897238803), p. 465
  16. François Séguin, D’obscurantisme et de lumières : la bibliothèque publique au Québec, des origines au 21e siècle, Montréal, Hurtubise, , 657 p. (ISBN 9782897238803), p. 465
  17. a et b François Séguin, D’obscurantisme et de lumières : la bibliothèque publique au Québec, des origines au 21e siècle, Montréal, Hurtubise, , 657 p. (ISBN 9782897238803), p. 473
  18. a et b Andrée Lévesque, Éva Circé-Côté : libre-penseuse, 1871-1949, Montréal, Éditions du Remue-ménage, , 478 p. (ISBN 9782890912854), p. 384
  19. a et b Juliette Chabot, Montréal et le rayonnement des bibliothèques publiques, Fides, , 189 p., p. 36
  20. a b et c Andrée Lévesque, Éva Circé-Côté : libre-penseuse, 1871-1949, Éditions du Remue-ménage, , 478 p. (ISBN 978-2-89091-285-4), p. 119
  21. Andrée Lévesque, Éva Circé-Côté, première bibliothécaire de la Ville de Montréal. Dans Marcel Lajeunesse, Éric Leroux et Marie D. Martel (dir.), Pour une histoire des femmes bibliothécaires au Québec : portraits et parcours de vies professionnelles, Québec, Presses de l’Université du Québec, , 200 p. (ISBN 9782760552517), p. 14
  22. a b c et d Andrée Lévesque, Éva Circé-Côté, première bibliothécaire de la Ville de Montréal. Dans Marcel Lajeunesse, Éric Leroux et Marie D. Martel (dir.), Pour une histoire des femmes bibliothécaires au Québec : portraits et parcours de vies professionnelles, Québec, Presses de l’Université du Québec, , 200 p. (ISBN 9782760552517), p. 16
  23. Andrée Lévesque, Éva Circé-Côté, première bibliothécaire de la Ville de Montréal. Dans Marcel Lajeunesse, Éric Leroux et Marie D. Martel (dir.), Pour une histoire des femmes bibliothécaires au Québec : portraits et parcours de vies professionnelles, Québec, Presses de l’Université du Québec, , 200 p. (ISBN 9782760552517), p. 13
  24. Andrée Lévesque, Éva Circé-Côté : libre-penseuse, 1871-1949, Éditions du Remue-ménage, , 478 p. (ISBN 978-2-89091-285-4), p. 83
  25. Andrée Lévesque, Éva Circé-Côté : libre-penseuse, 1871-1949, Éditions du Remue-ménage, , 478 p. (ISBN 978-2-89091-285-4), p. 82
  26. Andrée Lévesque, Éva Circé-Côté : libre-penseuse, 1871-1949, Éditions du Remue-ménage, , 478 p. (ISBN 978-2-89091-285-4), p. 95
  27. Fantasio, « Enfin, nous allons l'avoir! », Le Pays,‎ , p. 3
  28. Andrée Lévesque, Éva Circé-Côté : libre-penseuse, 1871-1949, Éditions du Remue-ménage, , 478 p. (ISBN 978-2-89091-285-4), p. 120
  29. Andrée Lévesque, Éva Circé-Côté, première bibliothécaire de la Ville de Montréal. Dans Marcel Lajeunesse, Éric Leroux et Marie D. Martel (dir.), Pour une histoire des femmes bibliothécaires au Québec : portraits et parcours de vies professionnelles, Québec, Presses de l'Université du Québec, (ISBN 978-2-7605-5252-4), p. 19
  30. a et b Andrée Lévesque, Éva Circé-Côté, première bibliothécaire de la Ville de Montréal. Dans Marcel Lajeunesse, Éric Leroux et Marie D. Martel (dir.), Pour une histoire des femmes bibliothécaires au Québec : portraits et parcours de vies professionnelles, Québec, Presses de l'Université du Québec, (ISBN 978-2-7605-5252-4), p. 17
  31. Andrée Lévesque, Éva Circé-Côté, première bibliothécaire de la Ville de Montréal. Dans Marcel Lajeunesse, Éric Leroux et Marie D. Martel (dir.), Pour une histoire des femmes bibliothécaires au Québec : portraits et parcours de vies professionnelles, Presses de l'Université du Québec, 2020 p. (ISBN 978-2-7605-5252-4), p. 17-18
  32. Andrée Lévesque, Éva Circé-Côté, première bibliothécaire de la Ville de Montréal. Dans Marcel Lajeunesse, Éric Leroux et Marie D. Martel (dir.), Pour une histoire des femmes bibliothécaires au Québec : portraits et parcours de vies professionnelles, Presses de l'Université du Québec, (ISBN 978-2-7605-5252-4), p. 20
  33. a et b Andrée Lévesque, Éva Circé-Côté, première bibliothécaire de la Ville de Montréal. Dans Marcel Lajeunesse, Éric Leroux et Marie D. Martel (dir.), Pour une histoire des femmes bibliothécaires au Québec : portraits et parcours de vies professionnelles. Presses de l'Université du Québec., Québec, Presses de l'Université du Québec, (ISBN 978-2-7605-5252-4), p. 22
  34. Andrée Lévesque, Éva Circé-Côté : libre-penseuse, 1871-1949, Éditions du Remue-ménage, , 478 p. (ISBN 978-2-89091-285-4), p. 189
  35. a et b Andrée Lévesque, Éva Circé-Côté : libre-penseuse, 1871-1949, Éditions du Remue-ménage, , 478 p. (ISBN 978-2-89091-285-4), p. 190