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Utilisateur:Lou93-IED8/Brouillon

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Sociologie[modifier | modifier le code]

Le mot a été introduit en sociologie en 1912 par Ernst Troeltsch pour désigner la domination basée sur l’autorité de type charismatique au sein d’un groupe religieux minoritaire (notion de secte). Parmi les travaux sur ce sujet, on notera ceux de Max Weber sur les religions et la structure de certaines sociétés. L’une des raisons amenant à revisiter les analyses de Weber, tient dans le fait que ces dernières ont été interprétées et débattues par divers anthropologues et sociologues ; parmi lesquels Pierre Bourdieu.

D'après le sociologue Max Weber, le charisme est « la croyance en la qualité extraordinaire […][1] d'un personnage, qui est, pour ainsi dire, doué de forces ou de caractères surnaturels ou surhumains ou tout au moins en dehors de la vie quotidienne, inaccessible au commun des mortels ; ou encore qui est considéré comme envoyé par Dieu ou comme un exemple, et en conséquence considéré comme un « chef ». »

En ce qui concerne le charisme, le reproche majeur fait par Bourdieu consistait en une retenue de Weber à formuler une vision sociologique du charisme, basée sur des relations inter-individuelles soumises à des déterminismes. Ainsi Bourdieu, pour souligner les hésitations supposées de Weber, pointera des incohérences dans les définitions qu’il proposera du charisme.

Bourdieu, dans sa revue des travaux de Weber, suppose qu’il attribue injustement au charisme des qualités métaphysiques et endogène à l’individu. Bourdieu reproche à Weber, principalement sa conception uniforme du charisme, qui relèverait plus d’une forme de prédisposition que d’interaction ou de projections entre individus.

La germaniste, Isabelle Kalinowski, propose de nuancer cette critique de Bourdieu à l’égard de Weber, en cernant les différents regards que l’on peut poser sur la notion de charisme. En résumé des études approfondies d’Isabelle Kalinowski, on peut identifier 3 modes de charismes. Non exclusifs les uns aux autres, ces modes de charisme figureraient les pôles d’un même phénomène. L’essentiel du propos dans cette section d’article se base sur la contextualisation proposée par Isabelle Kalinowski (une référence sera rajoutée à cet endroit vers l'article qui m'a servi a rédiger cette synthèse et qui est disponible sur CAIRN).

Charisme héréditaire ou gentilice[modifier | modifier le code]

Le 1er mode de charisme identifié par Isabelle Kalinowski est un mode qu’on peut qualifier arbitrairement de charisme par ascendance. Il se caractérise soit par un lien de filiation direct, soit par une lignée. Dans le 1er cas, on parle de charisme héréditaire dont bénéficie un individu, à la suite du legs d’un ascendant de 1er rang. Le 2ème cas de charisme par ascendance est le charisme gentilice. Il repose sur la reconnaissance d’un clan envers lui-même ou un de ses membres, en référence à un ou plusieurs ancêtres communs. Le charisme gentilice résulte souvent de la glorification des liens du sang.

Weber distinguera la domination de ce mode de charisme de la domination féodale, par le fait que cette dernière résulte de l’attribution de charges, fiefs ou fonctions. Ainsi, la domination féodale s’apparenterait à un échange de procédés aboutissant à un lien de loyauté entre un délégataire et un ordonnateur. Elle est mise en évidence par la régence du délégataire. Par opposition, dans le cas général du charisme, les attributs charismatiques sont validés par la démonstration d’une compétence active du charismatique ; ce qui contraint ce dernier à une obligation d’efficacité et l’expose au risque de révocabilité des sujets sur lesquels il exerce ses attributs charismatiques.

Weber illustre l’obligation d’efficacité et le caractère manifeste du charisme, en rapportant ses implications dans le maintien des castes en Inde. Il notera également que le charisme, au sein de ces castes, est structuré par une transmission non rationalisable et partiellement traditionnelle. Ainsi, le bénéficiaire ne pourra faire la démonstration de son charisme que s’il dispose au préalable d’une réceptivité aux tâches incombant à son charisme. L’acquisition des bénéfices charismatiques se distingue des autres modes d’acquisition basés fréquemment sur l’apprentissage, car il ne repose pas sur la réception passive d’un potentiel déjà abouti.

La descendance dotée d’un charisme gentilice serait donc préalablement en possession de dons dits « extra quotidiens » ou « magiques ». Cette particularité du charisme, une fois manifestée et confirmée, le rend exclusif au bénéficiaire(s), unanime et relativement immuable dans la perception des disciples ou de l’entourage du charismatique. En somme, on peut résumer le charisme gentilice par la combinaison d’une prédisposition (i.e.  dons extra quotidiens) et d’une hérédité.

Dans le cas des castes indiennes, au charisme héréditaire s’ajouteraient une phase d’apprentissage ou d’initiation. Weber, suppose que le charisme doive être activé à cette phase afin d’atteindre son potentiel d’usage.  Ce besoin d’activation du charisme, permet de qualifier les compétences qui y sont associées de « savoir-faire » relevant d’un éveil, plutôt que d’un enseignement. Ce savoir-faire serait intellectuel, sans pour autant être rationalisable (i.e. accessible à tous) ; il prend alors une dimension magique.

Sur la base du modèle charismatique héréditaire, dans le cas de la caste indienne des Brahman, Weber conclura que la reconnaissance des compétences se base sur des compétences (i.e. savoir-faire, initiation), elles-mêmes découlant de qualités proprement charismatiques (i.e. hérédité, prédisposition). Weber, par ces travaux sur le charisme héréditaire, aboutit à l’identification de 3 dimensions applicables au charisme : l’hérédité, les propriétés spécifiques de l’individu, l’attestation de compétences. Il interroge donc le caractère purement inné du charisme, en soulignant « la compétence qu’il implique.

Charisme de fonction[modifier | modifier le code]

À la suite d’une controverse initiée par l’africaniste Luc de Heush, une distinction sera faite entre :

  • le charisme dans son assertion standard visant un individu aux facultés extraordinaires et doté d’un rayonnement personnel, lui permettant de réaliser certaines œuvres ;
  • le charisme obtenu par procuration via des rites ou manipulations mystiques ou religieuse, conférant aux charismatique les propriétés associées.

A l’issue de ce débat, un cas particulier sera fait du charisme par procuration. Isabelle Kalinowski évacue l’hypothèse selon laquelle Weber aurait été aveugle à ce 2ème mode de charisme. En effet, ce dernier l'avait déjà identifié notamment dans ses travaux sur les cérémonies d’ordination des prêtres ou de sacralisation des rois. Weber avait qualifié ce charisme de « charisme de fonction » et lui avait assigné les particularités suivantes :

  • la croyance charismatique est moins dépendante des qualités intrinsèques du charismatique, que du vecteur et du cérémonial de transfert des facultés ;
  • la notion de charactère indélébile qui rend définitif et irrévocable le statut du charismatique, bien qu’il n’en ait plus les attributs ou l’usage ;
  • l’intériorisation ou l’inférence par le public ou les croyants charismatique de valeurs morales indissociables des attributs charismatiques, bien qu’elles ne soient pas confirmées (e.g. travaux de Weber sur le Calvinisme qui userait de ce procédé pour édifier des personnalités religieuses influentes). A la différence des charismes par ascendance, le processus d’intériorisation du charisme de fonction permet aux croyants ordinaires de prétendre aux attributs charismatiques et donc indirectement à la grâce divine ;
  • la démonstration, par le charismatique, d’un dévouement excessif à la fonction assignée dans le but d’éviter tout soupçon d’extériorité des attributs charismatiques. On a dans ce cas un imitation des dispositions du charisme héréditaire (i.e. charisme d’origine interne) ;
  • la sacralisation de la fonction et de la personne charismatique, bien que la 1ère sacralisation puisse être évincée au profit de ressorts divins (e.g. puritanisme protestant). Ce qui peut compromettre la hiérarchisation des fonctions au sein d’une société et s’oppose donc à un système de castes.

L’ensemble de ces particularités, et surtout la désacralisation de la fonction charismatique, vont contribuer à une rationalisation du charisme de fonction par les croyants. Cette rationalisation aboutira dans le puritanisme a une organisation du travail par division, de sorte à ne pas offenser les dogmes religieux et ne pas favoriser des personnalités en concurrence avec le divin. Cette organisation du travail a auguré de la transition vers le modèle de société capitaliste et le déclin du statut charismatique. Toutefois, dans la société capitaliste américaine du début du 20ème siècle, une résurgence de la sacralisation de la personne et de la fonction a été observé par Weber, en opposition au mythe du « self-made man ».

Charisme personnel et psychologie du charismatique[modifier | modifier le code]

Le 3ème mode de charisme étudié par Weber est le charisme personnel. Cette assertion découle du mode de domination spécifique qu’il génère et qui est qualifié de labile ou instable.

Additionnée aux phénomènes d’intériorisation et de naturalisation qu’il partage avec les autres modes de charismes, le charisme personnel est également soumis à une individualisation. Cette individualisation souligne tant l’appropriation d’attributs par un individu charismatique que la possibilité qu’il en soit déchu. Cette possibilité de perte des attributs charismatiques est perceptible dans les deux autres modes de charisme.

L’instabilité du charisme personnel réside dans le fait qu’il ne nécessite pas une validation formelle des croyants charismatiques. Par ailleurs, ce mode de charisme met l’accent sur l’expérience du charismatique. Ainsi on pourrait l’étiqueter comme un charisme de la défaillance ou charisme-fardeau, dont Weber va caractériser l’essentialisation à travers des troubles physiques ou symptômes psychiques, dans la religion judaïque.

Ces afflictions chez les charismatiques n’étaient pas perçues en tant que déviances de la norme. En effet, les croyants charismatiques considéraient ces troubles comme des traits singuliers/uniques chez les prophètes judaïques. Cette valorisation des manifestations psychiques n’est pas une constante dans toutes les civilisations et varie notamment en fonction des classes sociales.

De la même façon que le lien entre charisme et propriétés supposées naturelles n’étaient pas toujours fondées, mais projetées par le charismatiques ou ses croyants (i.e. intériorisation), il était fréquent que les traits physiques du charismatique soient injustement corrélées au charisme ou naturalisées. Cette corrélation obéirait, selon Weber, à des critères propres à chaque culture ou religion (e.g. Lalitavistara dans le corpus bouddhique).

Il est également postulé que Weber attribue la cause de cette naturalisation du charisme personnel à son rôle de révélateur et structurant de la croyance charismatique au quotidien. Les disciples, par la naturalisation, espéraient ancrer dans le temps et l’espace les aptitudes du charismatique. En définitive, la naturalisation opérée les croyants remplissait deux objectifs :

  • lutter contre la nature précaire du charisme, sous la menace d’un démenti en l’absence de manifestations charismatiques récurrentes ou à la suite d’une perte d’efficacité des œuvres charismatiques ;
  • se préserver de modes de dominations plus stables que ceux du charisme personnel, mais d’ordres autoritaires ou despotiques.

Outre la naturalisation véhiculée par l’essentialisation des afflictions, Isabelle Kalinowski attribue à Weber les constatations suivantes sur le charisme personnel :

  • il ferait partie intégrante des deux autres modes de charisme, dans des proportions variables ;
  • il ne relèverait moins de rites initiatiques ou d’un apprentissage, que d’une révélation (e.g. proclamation des prophètes religieux dans le « Judaïsme antique »);
  • il s’accompagnerait de phénomènes psychiques notables tant sur le charismatique que sur ses disciples (e.g. abnégation, transcendance des troubles, vœux de silence, interprétation des afflictions et des perceptions etc.).

Weber aurait ainsi conclu que la restitution des paroles sacrées par le charismatique et leur interprétation sont le résultat d’une survivance du charismatique à l’encontre de ces états psychiques. Ainsi le charismatique transcenderait ses troubles et ses perceptions, pour accéder à leur interprétation ; elle même provenant des entités sacrées ou de divinités.

On peut noter que les aspects psychopathologiques des phénomènes charismatiques ont été l’objet d’obsessions de Max Weber. Obsessions qui l’auraient mené à établir des parallèles entre sa personne et celle du prophète Jérémie. Parmi ses autres interprétations sur la psychopathologie des prophètes, Weber aurait admis une proximité entre «la folie » et la « création » des prophètes.

  1. À l'origine déterminée de façon magique tant chez les prophètes et les sages, thérapeutes et juristes, que chez les chefs des peuples chasseurs et les héros guerriers.