Utilisateur:Everhard/brouillon/introduction holodomor

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Scène de rue à Kharkiv en 1932.
Scène de rue à Kharkiv en 1933.

L’Holodomor (en ukrainien : Голодомо́р, littéralement « extermination par la faim ») est un terme désignant la partie spécifiquement ukrainienne de la Famine soviétique de 1932-33. Particulièrement meutrière dans les régions agricoles, cette famine fit, selon les estimations, entre 4,5[1] et 8 millions de morts en URSS, dont 3[2] à 5[3] en Ukraine même, la majorité des historiens estimant le nombre de victimes supérieur à 4 millions[4],[5].

Les origines de la famine ukrainienne furent fondamentalement les mêmes que dans le reste de l'URSS[6]. L'anarchie économique résultante des brutales politiques de collectivisation et de « dékoulakisation » du gouvernement soviétique, exacerbées par la résistance acharnée de la paysannerie[7] et les mauvaises conditions climatiques des années 1931-33[8] entraina une profonde crise d'approvisionnement dans l'ensemble du pays. Cette situation fut encore aggravée par l'attitude du régime stalinien qui, face au spectre grandissant d'une terrible famine, continua a exporter des céréales tout en poursuivant la réquisition de grains et entreprit de dissimuler l'ampleur de la tragédie en filtrant les informations et en empêchant, par de sévères restrictions de déplacement, un exode massif. Le constat de la spécificité de la famine ukrainienne apparait cependant nécessaire à de nombreux historiens[9],[10],[11], en raison du traitement particulièrement brutal dont à fait l'objet l'Ukraine de la part du pouvoir central pendant la famine : réquisitions jusqu'à la saisie des réserves familiales, fermeture totale des frontières, vague de terreur anti-ukrainienne.

Deux points sont particulièrement controversés. D'une part, la question de savoir si les autorités soviétiques ont volontairement aggravé, voire artificiellement créé, cette famine[12]. D'autre part, la question d'une spécificité du cas ukrainien (accusation de génocide). Ces controverses sont anciennes chez les historiens, favorisées par la difficulté d'accès aux archives. Elles connaissent un regain d'intérêt depuis quelques années, depuis l'indépendance de l'Ukraine[13],[14]. Fin 2006, l'Ukraine a officiellement qualifié l'Holodomor de génocide, qualification reconnue par certains pays. Pour le Parlement européen, l'holodomor est une famine artificielle, qu'il qualifie de « crime contre le peuple ukrainien et contre l'humanité »[15]. Le caractère génocidaire de cette famine est nié par le le Kazakhstan et la Russie — cette dernière arguant notamment que l'Ukraine n'a pas été la seule république touchée[16] — et n'est pas reconnu par l'ONU. Le terme même d'« Holodomor », qui semble avoir été employé la première fois à la fin des années 1980, suggère le caractère intentionnel de la famine[17].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Stephen Wheatcroft, Robert W. Davies, The Years of Hunger: Soviet Agriculture, 1931-1933, Palgrave, 2004.
  2. Stanislav Kulchitsky, « La famine en URSS en 1932-1933 », Infographie de RIA Novosti.
  3. Robert Conquest, Sanglantes moissons : la collectivisation des terres en URSS, Paris, 1995
  4. Voir par exemple Nicolas Werth, Case Study: The Great Ukrainian Famine of 1932-33, avril 2008.
  5. La Commission Internationale d'enquête sur la famine de 1932-33 faite en 1984 par Congrès mondial ukrainien a estimé le nombre de morts à au moins 4,5 millions en Ukraine et à 3 millions ailleurs en URSS [Fichier:http://en.wikipedia.org/wiki/International_Commission_of_Inquiry_Into_the_1932–33_Famine_in_Ukraine International Commission of Inquiry Into the 1932–33 Famine in Ukraine.]
  6. Selon Andrea Graziosi, « à l’exception du Kazakhstan, les causes du phénomène étaient partout similaires », Les famines soviétiques de 1931-1933 et le Holodomor ukrainien, Cahiers du monde russe, n° 46/3, 2005.
  7. Moshe Lewin énumère différends stratagèmes utilisées par les paysans soviétiques pour résister à la collectivisation : battage délibérément insuffisant, récupération des épis avant la moisson et surtout abattage massif du bétail menacé d'être réquisitionné par l'État. Selon l'auteur, « Le coup que ce phénomène porta à l'économie nationale fut pire encore que les dommages infligés onze ans plus tard à l'élevage soviétique par l'invasion allemande ». La Formation du système soviétique. Essais sur l'histoire sociale de la Russie dans l'entre-deux-guerres, Paris, Gallimard, 1987, p. 213-216.
  8. (en)Natural Disaster and Human Actions in the Soviet Famine of 1931-1933, Mark Tauger, Carl Beck Papers in Russian and East European Studies, Juin 2001.
  9. Robert Conquest, Sanglantes moissons", op. cit.
  10. Andrea Graziosi, Les famines soviétiques de 1931-1933 et le Holodomor ukrainien],
  11. Nicolas Werth, Case Study: The Great Ukrainian Famine of 1932-33, avril 2008.
  12. Graziosi, A., 2005, “Les famines soviétiques de 1931-1933 et le Holodomor ukrainien. Une nouvelle interprétation est-elle possible et quelles en seraient les conséquences ?”, Cahiers du monde russe et soviétique, 46: 453-472.
  13. Selon Eric Aunoble, « De la présidence Koutchma au régime « orange », il y a continuité et renforcement de la politique étatique de valorisation du holodomor », politique qui vise en partie à « conjurer politiquement la menace russe et le danger rouge », La famine de 1933 en Ukraine : du tabou au totem, Comité de vigilance face aux usages publics de l'histoire, 23 octobre 2008
  14. « The August 1991 coup in Moscow and the shift of the authorities in Ukraine to a pro-independence stance radically changed the political climate in Ukraine. The ruling former Communist elite adopted many of the symbols of the Ukrainian national movement (the blue-and-yellow flag) and elements of the Ukrainian national historical vision, including the view of the Famine. », Frank E. Sysyn, The Famine of 1932-33 in the Discussion of Russian-Ukrainian Relations, The Harriman Review, vol. 15, juin 2005.
  15. Commémoration de l'Holodomor, la famine artificiellement provoquée en Ukraine (1932-1933), texte adopté le jeudi 23 octobre 2008 par le Parlement européen.
  16. « L'Holodomor de 1932-1933, une tragédie partagée », RIA Novosti 25 novembre 2008
  17. « Le terme a été créé par la fusion des mots holod (en ukrainien, la faim, la famine) et moryty , tuer (par privations), affamer, épuiser ; ce qui met donc l’accent sur l’aspect intentionnel, à la différence du terme plus neutre de holod (golod en russe). Il semble qu’il a été utilisé pour la première fois par l’écrivain Oleksa Musienko dans un rapport à l’organisation du parti de l’Union des écrivains ukrainiens de Kiev (SPU), en 1988. », Andrea Graziosi, [PDF] Les famines soviétiques de 1931-1933 et le Holodomor ukrainien, Cahiers du monde russe, n° 46/3, 2005.