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Utilisateur:Charles Albert Rod/Brouillon

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Création du camp: Décret de loi N°26 539 du 23 avril 1936.


Les conditions:

On pourrait décrire la plaine de Tarrafal comme une plaine, longue de trois à quatre kilomètres, entourée de monts et ouverte sur l'océan. Le climat était extrême, les sécheresses longues et fréquentes (famines) et les pluies torrentielles avec des eaux stagnantes où pullulaient des milliards de larves à moustiques. Le paludisme et la dysenterie touchaient tous les prisonniers et la plupart des gardes.

L'eau était de loin le premier souci des détenus. Il fallait aller la chercher dans le puits du Chambão à 700 mètres vers la mer. L'eau était insalubre. Elle abreuvait aussi les autochtones affamés. Elle était transportée dans des bidons d'essence suspendus à une traverse et portée à dos d'homme. Les rations d'eau pour la toilette dépassaient rarement une gamelle d'un litre. Il fallait purifier l'eau avec les maigres moyens. Des filtres étaient fabriqués en pierre ponce (goutte à goutte), l'eau était bouillie sur des petits feux enterrés, mais il fallait payer le bois, quand cela était autorisé.

Le manque d'eau était permanent et au cours du temps, la maladie emporta trente quatre prisonniers dont les dirigeants, anarchiste Mario Castelhano en octobre 1940 et communiste Bento Gonçalves en septembre 1942. Cependant c'est au cours des deux premières années que les conditions ont été les plus violentes. Après la première tentative collective d'évasion en août 1937, la répression atteignit des sommets. Entre le 20 septembre et le 29 octobre, au cours de ce que les témoins appellent la "période aïgue", sept détenus furent emportés par les fièvres et les mauvais traitements. (Francisco José Pereira; Pedro de Matos Filipe; Francisco Domingos Quintas; Rafael Tobias; Augusto da Costa; Candido Alves Barja; Abilio Augusto Belchior).

Anecdote: Il fallait vider les bidons des latrines (à ciel ouvert et sans porte) dans la mer à un kilomètre de marche. Antonio Bartolo n'avait pas d'odeur et cela devenait une compétence qu'il mettait au service des autres, deux fois par jour, accompagné d'un autre prisonnier, toujours sous bonne garde. Il fallait descendre les rochers et entrer dans l'eau jusqu'à la poitrine, vider les bidons au moment du reflux et s'écarter rapidement sans lâcher les récipients. Quelquefois le coup était loupé et les excréments revenaient se déposer sur les malheureux. devant les rires moqueurs des soldats restés sur la berge. Au cours de l'une de ces expéditions, Ricardo de Oliveira échappa de peu à la gourmandise d'un squale.

A frigideira: (Littéralement " poile à frire") 1937

C'était un parallélépipède en béton exposé en plein soleil qui comprenait deux cellules identique séparées. Murs et sol intérieur étaient en béton brut, il n'y avait aucune commodité, on y dormait par terre. La porte d'accès était basse, en fer percé d'une ligne de cinq à six trous et surmontée d'un fenestron grillagé également en métal. Le jour les prisonniers cuisaient sous le soleil, la nuit ils grelotaient. A trois ou quatre il était possible de s'allonger, mais on y enfermait jusqu'à vingt détenus souvent dénudés. Les prisonniers qui ont séjourné le plus longtemps dans ce cachot sont très certainement Tomaz Ferreira Rato et surtout Gabriel Pedro qui a battu le triste record d'enfermement. Ce dernier, blessé par les coups et désespéré y a tenté de se suicider en se déchirant les veines avec un bout de fer blanc arraché à un bidon. Il a été sauvé in-extrémis par ses camarades.

Arame farpado: (Fer barbelé, barbelés en général)

L'enceinte en barbelés, haute de 3 mètres, comportait à un certain endroit, une espèce de cage très étroite où l'on pouvait juste tenir debout, nu le plus souvent, exposé aux intempéries, rompu de douleur des coups qui avaient précédé la punition. Le premier à l'avoir expérimenté semble être un garde angolais qui avait commis une faute. Il en décéda du tétanos.

Par la suite, nombre de récalcitrants y ont passé des nuits et des jours entiers. (Carlos Galan, l'anarchiste qui passa en premier, Tomaz Ferreira Rato; Gabriel Pedro et tant d'autres.)

Anecdote: Le Capitaine Manuel dos Reis, a d'ailleurs été surnommé "Manel dos arames" qu'on pourrait traduire par "Manu des Barbelés"

Brigada Brava: (Brigade Sauvage)

Le régime n'abandonnait pas l'idée de retourner les individus (le terme utilisé était "regénérer") vers la cause de l'Ordre Nouveau de Salazar. En octobre 1938 le Capitaine João da Silva suivi de ses sbires, le Capitaine Osorio Fernandes et le sinistre Sergent Seixas prirent leurs fonctions avec la ferme intention d'une "régénération" intensive. Les résistants étaient nombreux et les prisonniers désignés pour leur résistance tant idéologique que face aux mauvais traitements furent recrutés dans une brigade de travail créée pour la circonstance.

La Brigade Sauvage était chargée d'effectuer les travaux de carrière, les plus pénibles, des journées durant avec une surveillance constante avec des rations d'eau et de nourriture minimes et avec très peu de moments de soulagement. Cela dura 45 jours au cours desquels tous les bagnards tombèrent tour à tour sous les coups et l'épuisement, incapables de lever un outil. La Brigada Brava cessa faute de participants.

Anecdotes: Après la révolution des œillets, des poursuites furent engagées à l'encontre des tortionnaires du régime salazariste.

Le médecin Esmeraldo Pais Prata, qui exerçait dans la région de Porto après son départ de Tarrafal en 1946, s'est vu "bricolé" une réputation d'ami des pauvres et malgré de nombreux témoignages, il ne fut jamais réellement inquiété. Le Sergent Seixas qui avait exercé jusqu'en 1974, fu arrêté et jugé: quatre ans de prison et 400 escudos d'amende (en 1977 cela correspondait à 15 francs). Il effectua un an de détention et fut remis en liberté sans autre forme de procès. Le Capitaine João da Silva qui avait dirigé la prison de Caxias après son départ de Tarrafal, est mort écrasé par un camion à Lisbonne… ironie du sort… avenue de la Liberté!

Le début de la fin:

En janvier 1945 le Capitaine David Prates da Silva prit ses fonctions à la direction du camp. Il restera jusqu'à sa fermeture en 1954. Avec lui les conditions de vie s'améliorèrent. Ce revirement des autorités dans la gestion du camp était directement lié au contexte international et par contre coup national. L 'avancée des troupes alliées semait le doute dans les esprits du régime. La découverte par les troupes soviétiques du camp d'Auschwitz, le suicide d'Hitler (avril) et la fin du conflit en mai, soulevèrent l'enthousiasme des foules à Lisbonne. Des manifestations se produisirent dans tout le pays exigeant des élections démocratiques, la libération des prisonniers politiques et la fermeture du camp de Tarrafal. Début octobre sous la pression, Salazar décréta une amnistie partielle et promit des élections libres. Trois prisonniers furent rapatriés pour être hospitalisés, quarante autres furent transférés vers les prisons du pays.

Pour les autres l'attente dura quelques mois. Le soir du 26 janvier 1946 des chaloupes emportaient vers le paquebot "Guiné" des groupes d'hommes enfin libres. Cinquante trois prisonniers restèrent encore pour y accomplir leur peine. Le 1er février le navire accosta sur les quais d'Alcantara. La foule acclamait des hommes qui n'imaginaient pas l'ampleur de leur popularité.

Le camp resta ouvert. Parmi les hommes libérés, plusieurs y retourneront.