Trois parties de l'âme

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Les trois parties de l'âme sont une thèse philosophique de Platon.

Thèse[modifier | modifier le code]

Thèse ontologique[modifier | modifier le code]

Dans la République (436a), Platon pense l'âme comme une entité non pas simple, mais composée[1]. Il la découpe en deux parties, l'une rationnelle, et une irrationnelle, qui peut être divisée en deux parties. La plus haute de ces trois parties est la partie rationnelle (logos), qui permet le discours raisonné. La partie la plus basse est la partie la plus irrationnelle, celle qui est concupiscible (epithumia). La partie intermédiaire des trois parties est le thumos, qui appelle le courage et l'appétit[2]. Le découpage est ainsi réalisé :

Tripartition de l'âme chez Platon[1] avec sa vertu associée[3] (la République), et stimulation nécessaire[4] (le Timée)
En français En grec ancien Fonction Vertu associée Stimulation nécessaire
Partie rationnelle Raison τό λογιστικόν Celle par laquelle l'âme raisonne Raison Philosophie et mathématiques
Partie ardente Cœur τό θυμοειδές Celle par laquelle l'âme a de l'appétit Courage Musique et gymnastique
Partie désirante Concupiscence τό έπιθυμητικόν Celle par laquelle l'âme désire Tempérance Diététique

Ces trois parties de l'âme sont au principe de la vie : l'une « fait que nous apprenons, l'autre, que nous nous mettons en colère, la troisième que nous recherchons le plaisir de manger, d'engendrer et les autres jouissances du même genre »[5]. La justice se trouve, au niveau de l'homme, dans l'harmonie de ces facultés, c'est-à-dire lorsque chaque fonction obéit à la fonction supérieure, chacun étant tenue en bride par la partie rationnelle[2],[6].

Si la doctrine évolue selon les œuvres de Platon, et qu'elle n'est pas fixée dans le Phèdre, elle est fixée dans le Timée (69c)[1] et n'évolue plus après[7].

Thèse politique[modifier | modifier le code]

Dans le quatrième livre de la République, Platon mobilise la thèse de la tripartition de l'âme dans le cadre de sa philosophie politique. Socrate demande : « Il écrit ainsi : n'y a-t-il pas grande nécessité de convenir qu'en chacun de nous se trouvent les mêmes formes et les mêmes caractères que dans la cité ? ». Le philosophe roi doit être à la tête de la Cité, c'est-à-dire en être la partie rationnelle ; les gardiens doivent en être la partie ardente, c'est-à-dire combattante ; les laboureurs, enfin, la partie désirante, productrice[8].

Postérité[modifier | modifier le code]

Aristote et l'augmentation de la tripartition[modifier | modifier le code]

La tripartition de l'âme est reprise par Aristote, élève de Platon, qui ou bien la critique ou bien l'augmente. Dans Des vertus et des vices, il reprend la tripartition de l'âme en donnant explicitement le crédit à Platon[9]. Dans le De l'âme, Aristote confirme son adhésion à la tripartition de l'âme, tout en n'en soutenant pas moins l'unité de l'âme[10].

Succès et débats dans la philosophie occidentale[modifier | modifier le code]

Elle est discutée à de multiples reprises par la philosophie occidentale, dans un grand nombre d'ouvrages. Au XVIIIe siècle, par exemple, Hyacinthe-Sigismond Gerdil revient sur la théorie dans le cadre d'une argumentation contre John Locke[11]. Henri Bergson traitera de la tripartition de l'âme dans son cours au Collège de France sur L'évolution du problème de liberté[7].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c France Farago, Nicolas Kiès et Christine Lamotte, La Parole: Prépas scientifiques - Programme 2012-2013, Armand Colin, (ISBN 978-2-200-28170-0, lire en ligne)
  2. a et b Monique Dixsaut, Etudes sur la République de Platon, Vrin, (ISBN 978-2-7116-1815-6, lire en ligne)
  3. Pierre Hadot, La Citadelle intérieure: Introduction aux Pensées de Marc Aurèle, Fayard, (ISBN 978-2-213-65215-3, lire en ligne)
  4. Dominique Venner, Histoire et traditions des Européens: 30 000 ans d'identité, Editions du Rocher, (ISBN 978-2-268-00528-7, lire en ligne)
  5. Alain Tornay, Éléments de philosophie comparée, Editions Saint-Augustin, (ISBN 978-2-88011-291-2, lire en ligne)
  6. (de) Irini-Fotini Viltanioti, L'harmonie des Sirènes du pythagorisme ancien à Platon, Walter de Gruyter GmbH & Co KG, (ISBN 978-1-5015-0281-1, lire en ligne)
  7. a et b Henri Bergson, L'évolution du problème de la liberté. Cours au Collège de France 1904-1905, Presses Universitaires de France, (ISBN 978-2-13-078578-1, lire en ligne)
  8. Michel Humm, Appius Claudius Caecus: La République accomplie, Publications de l’École française de Rome, (ISBN 978-2-7283-0682-4, lire en ligne)
  9. Aristote, Aristote : Oeuvres complètes et annexes (annotées, illustrées): Éthique de Nicomaque, Rhétorique, La métaphysique, Les Politiques, De l'âme, Poétique ..., Arvensa Editions, (ISBN 979-10-273-0589-6, lire en ligne)
  10. Auguste Gratry, De la connaissance de Dieu, Jules Gervais, (lire en ligne)
  11. Giacinto Sigismondo Gerdil, L'immatérialité de l'âme démontrée contre M. Locke par les mêmes principes, par lesquels ce philosophe démontre l'existence et l'immatérialité de Dieu: avec des nouvelles preuves de l'immatérialité de Dieu et de l'âme, tirées de l'Ecriture, des pères et de la raison, de l'Imprimerie Royale, (lire en ligne)