Aller au contenu

Heiva i Tahiti

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
(Redirigé depuis Tiurai)

Heiva i Tahiti
Image illustrative de l’article Heiva i Tahiti
Le groupe O Tahiti E au Heiva i Tahiti 2019

Genre Musiques et danses traditionnelles
Lieu Papeete
Période juillet
Scènes Place To’atā
Capacité 4000 personnes
Date de création 1881
Site web https://www.heiva.org

Le Heiva i Tahiti est une manifestation culturelle traditionnelle qui a lieu chaque année au mois de juillet à Tahiti. Créé en 1881 sous le nom de Tiurai, il accueille des compétitions de chants et danses traditionnelles polynésiennes. La 130e édition a eu lieu en [1].

Présentation

[modifier | modifier le code]

Le Heiva de Tahiti a lieu chaque année à Tahiti, sur la grande scène de la place To’atā, dans le centre-ville de Papeete. L'événement se tient chaque année au mois de juillet, pendant une quinzaine de jours[2].

Danse et chant

[modifier | modifier le code]

Au cours du Heiva se déroulent des représentations artistiques (chants et danses traditionnels) de groupes en compétition pour différents prix. Les groupes de danse tahitienne sont répartis dans deux catégories : huraavatau pour les danseurs amateurs et huratau pour les danseurs professionnels. Ils comportent généralement 80 à 200 danseurs et sont accompagnés de musiciens[2]. En chant, trois catégories de chants traditionnels sont proposées : les tārava, les 'ūtē et les rū'au[3]. Au travers de ces performances, de nombreuses disciplines artistiques traditionnelles sont représentées : ’ori tahiti (danse traditionnelle), hīmeme (chant traditionnel), musique, percussions corporelles, 'ōrero (art oratoire polynésien), costumes[2].

Sport et artisanat

[modifier | modifier le code]
Des hommes sur une plage, tenant des javelots et s'apprêtant à les lancer
Lancer de javelot au Heiva en 2006
Course de porteurs de fruits

Des compétitions et représentations sportives traditionnelles ont lieu en marge des compétitions de musique et de danse : sports traditionnels au cours du Heiva Tū'aro mā'ohi (lever de pierre, lancer de javelot, course de porteurs de fruits, lutte traditionnelle), va'a (course en pirogue) dans le cadre du Heiva va'a[4], mais aussi courses hippiques, marche sur le feu, grimper de cocotier et décorticage de noix de coco[5].

L'événement accueille aussi généralement des expositions, par exemple sur les costumes des représentations[6] ou sur l'histoire du Heiva[7], ainsi que des ateliers d'artisanat (tressage, sculpture, vannerie)[6].

Le Heiva des écoles

[modifier | modifier le code]
Trois enfants dansent sur scène, vêtus de costumes de tissu et de feuilles, avec des couronnes végétales sur la tête
Le Heiva des écoles en 2019

Avant le début officiel du Heiva a lieu le Heiva des écoles ou Ta'upiti Ana'e, au cours duquel les écoles de danse de Polynésie proposent des spectacles de chants traditionnels, ukulélé, 'ori tahiti et percussions polynésiennes. Les spectacles ont lieu sur la place To’atā, comme pour le Heiva i Tahiti, pour les écoles avec le plus grand nombre d'élèves inscrits, et au Grand Théâtre de la Maison de la Culture de Papeete pour les autres[8]. Cet événement a été créé en 1994, avec 3 écoles participantes. En 2023, il a rassemblé 32 écoles[9].

1819 : l'interdiction des danses

[modifier | modifier le code]

Au XVIIIe siècle et XIXe siècle, avec l'arrivée de missionnaires chrétiens en Polynésie, les danses et manifestations traditionnelles sont attaquées car considérées comme trop lascives par les missionnaires. Un interdit contre le Heiva est édicté par le roi Pōmare II en 1819[10]. En 1820, l'article 23 du code tahitien adopté par Pōmare II indique que « Toutes chansons, jeux ou divertissements lascifs sont strictement interdits »[2]. Cette interdiction s'assouplit en 1842 avec la mise en place du protectorat français[11], puis en 1849 avec l'autorisation de la danse en certains lieux et certains jours[10].

1881 : le Tiurai

[modifier | modifier le code]

Le Heiva moderne naît en 1881, d'abord sous le nom de Tiurai (de l'anglais july, le mois de juillet). La Polynésie est associée aux célébrations de la fête nationale du 14 juillet : des événements sportifs et des concours floraux sont organisés à cette occasion. Quoique très encadré, le Tiurai devient un événement culturel majeur à Tahiti ainsi qu'un moment où se retrouvent les habitants des différents archipels[10].

Évolutions au XXe siècle

[modifier | modifier le code]

En 1956, le Heiva est profondément transformé sous l'influence de la chorégraphe Madeleine Moua. Lors d'un voyage en France hexagonale, elle y découvre la vivacité des danses traditionnelles et décide de créer une compagnie de danse à Tahiti, Heiva Tahiti, à l'origine d'un renouveau de la danse tahitienne[11]. L'ori tahiti s'impose alors comme la danse centrale du Heiva[10]. A partir du milieu des années 1960, Coco Hotahota contribue beaucoup à moderniser les chorégraphies et les costumes[12].

En 1985, lors de l'autonomie de la Polynésie française, le président Gaston Flosse choisit de renommer ces festivités, trop liées à la fête nationale française. Avec l'aide de l'Académie tahitienne, le nom de Heiva est choisi[13].

Enjeux de l'événement

[modifier | modifier le code]
Un homme assis sur un banc, lisant des feuilles un stylo à la main
John Marai révisant sa performance pour le Heiva 2017

Un « fait social total »

[modifier | modifier le code]

Le Heiva est considéré comme le plus grand événement culturel annuel de Polynésie[2]. Il mobilise fortement les personnes qui y participent, avec une préparation pendant plusieurs mois[5]. En 2019, la Direction de la culture et du patrimoine considérait que le temps de préparation était en moyenne de 1406 heures pour le chant et 5320 heures pour la danse[2]. Du fait de sa place dans la société tahitienne, l'anthropologue Simone Grand qualifie le Heiva de « fait social total »[14],[2].

Enjeux économiques et tourisme international

[modifier | modifier le code]
Un spectacle de danse polynésienne à Port-sur-Saône

Les enjeux sont également économiques : remporter un prix au Heiva apporte une grande notoriété locale aux groupes de chant et de danse, qui sont ensuite invités à participer à d'autres événements dans l'archipel[2]. Le Heiva participe aussi au rayonnement international de la culture polynésienne : les groupes vainqueurs font généralement des tournées à l'étranger, notamment au Japon et en Californie où l'on trouve des apprenants de 'ori tahiti et des communautés océaniennes. De plus, les groupes étrangers sont de plus en plus nombreux à participer au Heiva[2]. Le Heiva s'est aussi exporté hors de Polynésie, par exemple avec le Heiva i Paris, compétition de danse tahitienne à Paris[15]. Des événements internationaux sont organisés dans la veine du Heiva, comme l'’Ori Tahiti Nui Compétitions créé par deux anciennes lauréates du Heiva, Tumata Robinson et Manouche Lehartel[2], ou le Heiva ori international, organisé par Matani Kainuku, plusieurs fois gagnant du Heiva i Tahiti[16].

Le Heiva, vecteur de transmission culturelle ou spectacle pour les touristes ?

[modifier | modifier le code]

En termes culturels, le Heiva peut être vu comme une manière de préserver les formes traditionnelles de chant et de danse. Dans chaque catégorie de chant, les groupes participants doivent respecter des contraintes formelles[3]. En chant comme en danse, les spectacles s'appuient sur la culture et l'histoire polynésiennes et doivent respecter certains codes[5]. Ils sont aussi une occasion d'écrire en tahitien pour des participants qui ne le parlent pas toujours au quotidien[17]. Ainsi, pour l'anthropologue Damaris Caire, le Heiva est un vecteur de transmission des savoirs traditionnels[18]. Selon d'autres personnes, au contraire, les chants et danses du Heiva perdent leur signification et leur force en devenant de simples éléments du tourisme international à Tahiti[2]. Le succès de l'’ori tahiti à l'étranger et l'augmentation du nombre de danseurs étrangers, qui en maîtrisent souvent très bien les techniques, fait craindre à certains tahitiens d'être dépossédés du patrimoine de leur île[18].

De nombreux prix sont décernés chaque année par le jury du festival. Le tableau indique le lauréat du 1er prix dans chacune des principales catégories ces dernières années.

Danses traditionnelles Chants traditionnels
Catégories Hura Tau

(Prix Madeleine Moua)

Hura Ava Tau

(Prix Gilles Hollande)

Tārava Tahiti Tārava Raromata’i Tārava Tuha’a pae Hīmene Rūau ‘Ūtē Paripari ‘Ūtē Arearea
2019[19] O Tahiti E Tere Ori Tamari'i Pane Ora O Faa'a Tamanui Apatoa no Papara Tamanui Apatoa no Papara Tamari'i Mataiea Tamari'i Mataiea
2022[20] Hei Tahiti Ia Ora Te Hura Tamari'i Te’ahupo’o Tamari’i Mahina Nuna’a Rurutu Te Pape Ora no Papofai Tamari’i Teahupoo Tamariki Rapa
2023[21] Toakura Manohiva Reo Papara Tamari'i Mahina Tamariki Rapa Taru'u O Tamari'i Afareaitu

En 2023, le jury était composé de[21] :

  • en danse : Kehaulani Chanquy (vice présidente du jury), Manouche Lehartel, Heimoana Metua et Oscar Tereopa ;
  • en chant : Ma Zinguerlet (présidente du jury), Lee Rurua et Myrna Tuporo ;
  • en composition de musique et de chant : Jeff Taneri
  • en écriture : Merehau Anastase

Vidéographie

[modifier | modifier le code]

Les festivités du Heiva i Tahiti ont été captées depuis les années 1980 par RFO, puis également par TNTV à partir du début des années 2000. Conservées en France, les archives de RFO sont difficilement accessibles. Le Heiva a également fait l'objet d'un certain nombre de films documentaires, parmi lesquels :

  • 1984. Moeata et les autres. 22 minutes. Réalisé par Jacques Navarro et Hina Sylvain. Production ICA[22].
  • 1991. Sacré Coco. 26 minutes. Réalisé par Hina Sylvain. Production RFO[23].
  • 2015. Heiva i Tahiti by Makau. 8 épisodes de 26 minutes. Réalisé par Marc Emmanuel Louvat. Archipels productions[24].
  • 2017. Un jour de fête, le Heiva en Polynésie. 90 minutes. Réalisé par Sylvain Pierron et Denis Pinson. Archipels productions[25].
  • 2017. Heiva le rythme d'un peuple. 52 minutes. Réalisé par Denis Pinson. Archipels Productions[26].
  • 2018. Heiva, la colère des dieux. 63 minutes. Réalisé par Jonathan Bougard. In Vivo Prod[27].
  • 2018. Calicia meilleure danseuse. 27 minutes. Réalisé par Jonathan Bougard. In Vivo Prod[28].
  • 2019. Tarava Tahiti ! 58 minutes. Réalisé par Daniel Denis, Anne Marcellini. Association Corps et Culture[29].
  • 2023. Heiva, au cœur des traditions polynésiennes. 53 minutes. Réalisé par Hélène Mourot-Braudel. Production Edenpress[30].

Références

[modifier | modifier le code]
  1. « Heiva i Tahiti édition 2012 », (consulté le )
  2. a b c d e f g h i j et k Peter Brown, « Le Heiva (Tahiti) : la musique dansée comme « fait social total » », Hermès, vol. n° 86, no 1,‎ , p. 174 (ISSN 0767-9513 et 1963-1006, DOI 10.3917/herm.086.0174, lire en ligne, consulté le )
  3. a et b « Les chants diffèrent par leurs mélodies », sur Tahiti infos, les informations de Tahiti (consulté le )
  4. « Les festivités du Heiva démarrent le 17 juin », sur Tahiti infos, les informations de Tahiti (consulté le )
  5. a b et c Marie Caroline Carrère, « Le Heiva i Tahiti, la référence du 'ori tahiti à l’international », sur Tahiti infos, les informations de Tahiti (consulté le )
  6. a et b Delphine Barrais, « Les costumes du Heiva entrent dans la danse », sur Tahiti infos, les informations de Tahiti (consulté le )
  7. « Du Tiurai au Heiva », sur Polynésie la 1ère, (consulté le )
  8. « Ta'upiti Ana'e 2023 : 32 écoles, une explosion de couleurs et de culture polynésienne ! », sur Polynésie la 1ère, (consulté le )
  9. « 32 écoles au rendez-vous du Ta'upiti Ana'e », sur Tahiti infos, les informations de Tahiti (consulté le )
  10. a b c et d « Archives d'Outre-mer : le Heiva I Tahiti, grande tradition en Polynésie depuis 1881 », sur Outre-mer la 1ère, (consulté le )
  11. a et b « Danse tahitienne : la culture populaire au crible de la modernité », sur L'Obs, (consulté le )
  12. (en) Shih-Ming Li Chang, Dance Cultures Around the World, Human Kinetics, , 360 p. (ISBN 9781492572329)
  13. Thomas Teriiteporouarai, « Du Tiurai au Heiva, l’histoire d’une célébration qui a évolué », sur Polynésie la 1ère, (consulté le )
  14. (ty) Simone Grand, ’Ua re i te Lauréats au Heiva i Tahiti : Peu i reira te ta’ato’ara’a ’e ha’uti ai – Fait social total, Papeete, Éditions To’imata Tahiti,
  15. « Le meilleur du Heiva i Paris 2020 », sur Polynésie la 1ère, (consulté le )
  16. « Le Heiva ori international », sur Polynésie la 1ère, (consulté le )
  17. Corinne Tehetia, « Mirose Paia : "Mon rôle est de voir si les graphies ne sont pas mélangées" », sur Tahiti infos, les informations de Tahiti (consulté le )
  18. a et b Damaris Caire, « « Dansez, dansez, sinon nous sommes perdus ! » Le ‘ori tahiti et la transmission des savoir-faire », Journal de la Société des Océanistes, no 153,‎ , p. 307–322 (ISSN 0300-953x, DOI 10.4000/jso.13307, lire en ligne, consulté le )
  19. Valentine Bluet, « Le palmarès du Heiva i Tahiti 2019 - Radio1 Tahiti », (consulté le )
  20. « Soirée de remise des prix du Heiva i Tahiti 2022 », sur Présidence de la Polynésie française (consulté le )
  21. a et b « Heiva i Tahiti 2023 : le palmarès », sur Polynésie la 1ère, (consulté le )
  22. Tahiti VOD, « Moeata et les autres », sur Tahiti VOD (consulté le )
  23. Tahiti VOD, « Sacré Coco », sur Tahiti VOD (consulté le )
  24. Film-documentaire.fr, « Heiva i Tahiti By Makau », sur film-documentaire.fr (consulté le )
  25. « UN JOUR EN FÊTE- LE HEIVA EN POLYNESIE », sur FranceTvPro.fr (consulté le )
  26. « PATITIFA - HEIVA, LE RYTHME D'UN PEUPLE », sur FranceTvPro.fr (consulté le )
  27. (fr-fr) Heiva, la colère des dieux (2018) | Documentaire, consulté le
  28. Film-documentaire.fr, « Calicia meilleure danseuse », sur www.film-documentaire.fr (consulté le )
  29. Film-documentaire.fr, « Tarava Tahiti ! », sur www.film-documentaire.fr (consulté le )
  30. « Heiva, au cœur des traditions polynésiennes », sur FranceTvPro.fr, (consulté le )

Liens externes

[modifier | modifier le code]