Territoire de Sagadahock
Le Territoire de Sagadahock, aussi appelé la Colonie de Sagadahock ou New Castle, était une colonie anglaise, comprenant principalement l'Est de l'actuel État américain du Maine.
Histoire
[modifier | modifier le code]En 1664, le roi Charles II d'Angleterre concède le territoire de Sagadahock à son frère, le duc d'York[1]. Ce territoire correspond, à quelques détails près, à celui concédé à William Alexander fils en 1635[1]. Cette concession est sans fondement puisque le Traité de Saint-Germain-en-Laye (1632) accordait explicitement le territoire au nord du fleuve Penobscot à la France[1]. Elle annule également une partie des concessions faites huit ans plus tôt à Charles de Saint-Étienne de La Tour, William Crowne et Thomas Temple; le désaveu du Roi pour les décisions d'Oliver Cromwell pourrait expliquer cette volte-face[1].
La France récupère l'Acadie en 1667 par la signature du Traité de Bréda[2]. Le roi d'Angleterre[note 1] envoie des lettres patentes à Thomas Temple l'année suivante lui enjoignant de restituer la colonie aux Français, comprenant de fait toutes les terres situées au nord du fleuve Penobscot, y compris le territoire de Sagadahock[3]. Thomas Temple refuse de restituer La Hève et le cap Sable, en se basant sur sa concession de 1657, qui fait une distinction entre l'Acadie et la Nouvelle-Écosse[3]. Le Roi d'Angleterre réplique en forçant Temple à restituer les terres sans délai, ce qu'il fait en 1670[3]. Par ces événements, les deux pays reconnaissent officiellement que l'Acadie s'étend jusqu'au-delà du fleuve Penobscot et non pas uniquement dans la péninsule[3].
Le roi Charles II restaure la concession du territoire de Sagadahock à son frère en 1674[3].
En 1686, un traité de neutralité est conclu entre la France et l'Angleterre[note 1], reconnaissant la souveraineté de chacun des pays sur les territoires occupés à ce moment, reconnaissant donc implicitement la souveraineté française sur l'Acadie[3]. Les Anglais commencent alors à considérer que c'est l'occupation qui détermine la souveraineté, et non l'exploration, une vision partiellement partagée par les Français[3]. Malgré la signature du traité, les Anglais réclament officiellement le territoire de Sagadahock dès 1681, en se basant sur les concessions de 1664 et 1674[3]. En 1688, leur tentative pour prendre ce territoire[3] provoque une attaque française[4]. En 1690, William Phips prend Port-Royal[4]. Guillaume et Marie annexent l'Acadie et le territoire de Sagadahock au Massachusetts en 1691[3]. La Nouvelle-Écosse est séparée du Massachusetts en 1696[3].
En représailles de la prise de la baie d'Hudson et de la destruction du fort Pemaquid par Pierre Lemoyne d'Iberville en 1696, les Anglais pillent Beaubassin la même année[4]. Les conquêtes respectives sont reconnues par le Traité de Ryswick en 1697[4], sans que le traité ne mentionne explicitement l'Acadie[3]. Le traité a pour effet d'annuler la souveraineté de l'Angleterre[note 1] sur l'Acadie mais les Anglais continuent de réclamer le territoire de Sagadahock[3]. Le gouverneur de Villebon envoie toutefois une lettre au Massachusetts informant que la France considère que l'Acadie s'étend jusqu'au fleuve Kennebec[3]. En fait, des commissaires sont chargés de délimiter les frontières, qui ne sont pas non plus mentionnées dans le traité et en viennent à rétrécir le territoire de l'Acadie jusqu'au fleuve Saint-Georges[3].
L'Acadie est perdue par la France lors de la signature du Traité d'Utrecht en 1713[5]. La France conserve en fait l'île Royale et l'île Saint-Jean[6]. Le traité mentionne que l'Acadie et la Nouvelle-Écosse sont synonymes, même si la France avait toujours soutenue que la colonie s'étendait jusqu'au fleuve Kennebec, ou au moins jusqu'au fleuve Penobscot[7]. Du point de vue du Massachusetts, le traité rétablit le territoire de Sagadahock et la Nouvelle-Écosse alors que, selon le nouveau gouverneur de la Nouvelle-Écosse, la colonie inclut toute l'ancienne Acadie et sa frontière ouest se trouve à la rivière Saint-George[7]. La Grande-Bretagne[note 1] considère que l'Acadie, et donc la Nouvelle-Écosse, s'étend au nord, jusqu'au fleuve Saint-Laurent[7]. La France considère quant à elle que l'Acadie, et donc la Nouvelle-Écosse, est limitée à la partie sud de la péninsule[7], autrement dit que ce n'est pas l'Acadie qu'elle possédait avant 1710 mais une autre Acadie, selon ses anciennes limites[8]. Les visions respectives de l'Acadie sont reflétées dans les cartes produites par les deux puissances[7]. Les Britanniques ne prennent pas possession de la partie continentale du territoire après la signature du traité, signifiant qu'elle reste de souveraineté française[7].
En 1763, la France cède ses possessions en Amérique du Nord à la Grande-Bretagne par la signature du Traité de Paris, qui est sans équivoque, mettant ainsi fin aux disputes sur les frontières de l'Acadie[9]. Le fleuve Sainte-Croix et la ligne plein nord constituent la nouvelle frontière, la même en fait que celle de la Nouvelle-Écosse de William Alexander, en 1621[7]. Le territoire de Sagadahock se retrouve donc par défaut à être une possession du Massachusetts[7].
Le Massachusetts continue de réclamer le territoire de Sagadahock, autrement dit les terres à l'est jusqu'au fleuve Sainte-Croix, tandis que la Nouvelle-Écosse revendique les terres à l'ouest jusqu'au fleuve Penobscot, en tant qu'héritière de l'Acadie[10]. Toutefois, le Traité de Paris et l'Acte de Québec font perdre de la partie nord du territoire de Sagadahock au profit du Québec[10].
Notes
[modifier | modifier le code]- L'Angleterre devient le Royaume de Grande-Bretagne en 1707, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande en 1801 et le Royaume-Uni en 1927.
Références
[modifier | modifier le code]- (en) William F. Ganong, « A Monograph of the Evolution of the Boundaries of the Province of New Brunswick », Proceedings and Transactions of the Royal Society of Canada, Royal Society of Canada, vol. VII, , p. 174-185
- Nicolas Landry et Nicole Lang, Histoire de l'Acadie, Sillery, Septentrion, , p. 33-34
- (en) Ganong (1901), op. cit., p. 185-191.
- Landry et Lang (2001), op. cit., p. 35-37.
- Cécyle Trépanier, « Le mythe de « l'Acadie des Maritimes » », Géographie et cultures, no 17, (lire en ligne).
- (en) Ganong (1901), op. cit., p. 191-194.
- (en) Ganong (1901), op. cit., p. 153-154.
- (en) Ganong (1901), op. cit., p. 197.
- (en) Ganong (1901), op. cit., p. 220-222.
- (en) Ganong (1901), op. cit., p. 223-225.