Takashima Shūhan

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Takashima Shūhan
高島 秋帆
Takashima Shūhan
Photographie de Takashima.

Naissance
Nagasaki (Japon)
Décès (à 67 ans)
Edo (Japon)
Origine Japonais
Allégeance Shogunat Tokugawa

Takashima Shūhan (高島 秋帆?), né le à Nagasaki et mort le à Edo, est un samouraï et ingénieur militaire japonais du XIXe siècle[1]. Il est à l'origine de l'introduction des premières armes à feu modernes au Japon, importées des Pays-Bas, à la fin de la période d'isolement de l'archipel[2]. Tout au long de sa vie, il fait partie des premiers réformistes japonais à plaider en faveur de la modernisation du Japon afin de tenir tête aux puissances occidentales. Son parcours est proche de celui de Sakuma Shōzan qui, lui aussi, est attaqué à l'époque pour son adhésion à des idées étrangères[2].

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse[modifier | modifier le code]

Peinture représentant, sur un fond ocre uni, un samouraï assis, vêtu de bleu et portant deux sabres
Portrait de Takashima Shūhan vers 1840.

Takashima naît le à Nagasaki dans la province d'Hizen. Son père, l'un des administrateurs de la ville, dirige le Nagasaki Kaisho (長崎会所?) qui est l'organisme officiel chargé des relations commerciales avec le comptoir néerlandais sur l'île de Dejima. La famille appartient au clan Takashima, une lignée de samouraïs elle-même issue du clan Sasaki.

Enfant, Takashima est marqué par l'incident de Nagasaki de 1808, lors duquel la frégate britannique HMS Phaeton, menaçant d'employer la force, contraint les autorités du port à la ravitailler avant de s'échapper[2]. Il est envoyé à Osaka pour ses études puis succède à son père en 1814. Takashima commence alors à se renseigner sur les armes occidentales et, après l'édit pour repousser les navires étrangers de 1825, parvient à en obtenir quelques-unes, incluant des canons de campagne, des mortiers et des armes feu, par l'intermédiaire des Néerlandais[2]. Elles sont connues au Japon sous le nom de Geweer (« fusil » en néerlandais) à partir des années 1840[2].

À cette époque, Nagasaki est le seul point de contact entre le Japon et les nations européennes en raison de la politique d'isolement du shogunat Tokugawa. Takashima est impressionné par l'écart entre les technologies japonaise et occidentale, en particulier en matière d'armement. Prenant appui sur des modèles hollandais, il fait construire à ses frais une fonderie d'artillerie en 1834 et présente un mortier de bronze à Nabeshima Shigeyoshi, daimyo de Saga, en 1835. Takashima accueille auprès de lui des étudiants envoyés par différents domaines, dont celui de Satsuma, inquiet après l'intrusion d'un navire de guerre américain dans la baie de Kagoshima en 1837, et ceux de Saga et Chōshū, deux fiefs méridionaux exposés à la pression des Occidentaux[3].

Carrière[modifier | modifier le code]

Illustration en couleur montrant, sur un terrain dégagé, des fantassins en rang armés de fusils ouvrant le feu en même temps que des batteries d'artillerie placées à côté d'eux
Démonstration de l'usage des armes modernes par Takashima Shūhan et ses hommes en 1841.

En 1840, Takashima est nommé toshiyori (年寄?, « administrateur principal ») de la ville de Nagasaki[4]. À partir de cette date et à la suite du déclenchement de la première guerre de l'opium entre le Royaume-Uni et l'Empire chinois, appelle le gouvernement shogunal à renforcer les capacités militaires du Japon[5]. Les événements de Chine montrent aux Japonais que la technologie et les méthodes militaires traditionnelles pour tenir les puissances occidentales à distance et qu'une modernisation radicale, en particulier celle de l'artillerie, est nécessaire pour être en position de résister[6].

Takashima établit deux compagnies d'infanterie équipées d'armes à feu ainsi qu'une batterie d'artillerie, faisant d'elles les premières unités du Japon basées sur le modèle occidental[2]. En 1841, il attire l'attention de l'intendant Egawa Tarōzaemon et réalise pour lui une démonstration avec 125 hommes, 4 canons et 50 fusils en s'appuyant sur des manuels hollandais issus des rangaku[2],[5].

Ses conseils sont écoutés et, en 1843, le gouvernement autorise l'utilisation d'armes occidentales pour la défense du pays[4]. En 1852, Satsuma et Saga disposent de fours à réverbère pour produire le fer nécessaire aux armes à feu[3].

Disgrâce et réhabilitation[modifier | modifier le code]

Monument dédié à Takashima Shūhan au temple Shūgetsu-in à Itabashi (Tokyo), décoré d'un canon et de boulets enflammés, lors d'une cérémonie en 1922.
Tombe de Takashima Shūhan au Daien-ji, à Tokyo.

Les enseignements de Takashima sont attaqués par les factions conservatrices au sein du shogunat qui sont contre l'introduction de la technologie occidentale au Japon et redoutent la croissance de la puissance militaire des tozama daimyō, extérieurs au premier cercle du shogun. Takashima est assigné à résidence de 1846 à 1853[2]. Officiellement, il est accusé d'avoir négligé la gestion du Nagasaki Kaisho et d'être impliqué dans une affaire de contrebande, plutôt que de sédition ou de trahison. Takasahima et le Nagasaki bugyō, un autre administrateur de Nagasaki, ont de très mauvaises relations et cette situation est exploitée par le rōjū (littéralement « ancien ») Mizuno Tadakuni, qui craint que le projet de Takashima de fabriquer des canons de bronze n'entrave la production de pièces de monnaie qui relève de sa compétence. Takashima est envoyé dans le domaine d'Oshi, dans la province de Musashi, mais rentre en grâce après l'expédition de Perry en 1853[2], après quoi il est nommé instructeur militaire dans l'armée shogunale en 1856[3]. Entretemps, son opinion sur la politique du sakoku a changé et, après sa libération, il milite pour l'ouverture du Japon au commerce international.

En 1862, il recommande au gouvernement d'équiper le Japon de 200 navires de guerre pour tenir tête à la menace navale étrangère. Le shogunat autorise alors chaque domaine à construire ou acheter ses propres navires afin de renforcer les capacités navales du pays[7].

Takashima meurt le à l'âge de 67 ans. Sa tombe se trouve dans l'enceinte du temple Daien-ji dans l'actuel arrondissement de Bunkyō à Tokyo et intègre la liste des sites historiques désignés par le gouvernement japonais en 1943[8],[9]. Son ancienne résidence de Nagasaki existe toujours et figure elle aussi dans la liste des sites historiques nationaux depuis 1922[9],[10].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Louis-Frédéric Nussbaum (trad. Käthe Roth), « Takashima Shūhan », dans Japan Encyclopedia, Harvard University Press, , p. 936.
  2. a b c d e f g h et i (en) Marius B. Jansen, The Making of Modern Japan, Harvard University Press, , p. 287-288.
  3. a b et c (en) Peter Kornicki, Meiji Japan: Political, Economic and Social History, 1868-1912, Routledge, , p. 246.
  4. a et b (en) Louis M. Cullen, A History of Japan, 1582-1941: Internal and External Worlds, Cambridge University Press, , p. 160.
  5. a et b (en) Sumiko Enbutsu, « Bloomin' good fortune in winter », The Japan Times, (consulté le ).
  6. (en) Peter Burt, The Music of Tōru Takemitsu, Cambridge University Press, , p. 5.
  7. (en) Conrad D. Totman, The Collapse of the Tokugawa Bakufu, 1862-1868, University of Hawaii Press, , p. 24.
  8. (ja) Agence pour les Affaires culturelles, « 国指定文化財等データベース – 高島秋帆墓 » [« Base de données des biens culturels désignés au niveau national – Tombe de Takashima Shūhan »], sur kunishitei.bunka.go.jp,‎ (consulté le ).
  9. a et b (ja) Yukio Isomura et Hideya Sakai, 国指定史跡事典 [« Encyclopédie des sites historiques désignés au niveau national »], Gakuseisha,‎ .
  10. (ja) Agence pour les Affaires culturelles, « 国指定文化財等データベース – 高島秋帆旧宅 » [« Base de données des biens culturels désignés au niveau national – Ancienne résidence de Takashima Shūhan »], sur kunishitei.bunka.go.jp,‎ (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]