Rachel Wriothesley

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Rachel Russell
Titre de noblesse
Comtesse
Biographie
Naissance
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Titchfield (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Décès
Activité
Père
Mère
Rachel de Ruvigny (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Fratrie
Elizabeth Wriothesley (d)
Elizabeth Percy (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conjoints
Francis Vaughan, Lord Vaughan (d) (à partir de )
William RussellVoir et modifier les données sur Wikidata
Enfants
Unnamed child Vaughan (d)
Rachel Russell (en)
Catherine Russell (d)
Wriothesley RussellVoir et modifier les données sur Wikidata

Rachel Wriothesley (1636 - 29 septembre 1723) est une noble anglaise, aux origines françaises. Elle est l'épouse du parlementaire William Russell, exécuté à la suite du complot de la Rye-House" en 1683. Epistolière de talent, ses lettres sont publiées dès 1773.

Origines familiales[modifier | modifier le code]

Son père est Thomas Wriothesley, quatrième comte de Southampton (1607-1667). Ce grand noble anglais se marie en 1634 avec Rachel Ruvigny, d’une famille de moyenne noblesse abbevilloise qui s’était rapprochée des sphères du pouvoir en se mettant au service de Sully (1559-1641), principal ministre de Henri IV (1553-1610), avant de se faire remarquer du roi Louis XIII (1601-1643) pour la fidélité et la loyauté dont ils avaient fait preuve envers lui au moment des ultimes feux de la résistance armée des bastions protestants dans les années 1620.

Des ressortissants huguenots français sont présents dans le comté de Southampton depuis 1567 et forment une communauté bien définie[1]. A l’origine forte de 51 familles, elle s’accroît au cours de la seconde moitié du XVIe, du fait des guerres de religion. A l’évidence sa position géographique y est pour beaucoup puisque le comté est proche de la Manche et donc des côtes françaises. Par la suite, il existe un vrai dynamisme migratoire, dû aussi au commerce ainsi qu’à la présence d’une église française. Ces quelques éléments permettent peut-être de mieux comprendre le mariage du comte avec Rachel. Pour l’historien américain spécialiste du XVIIe siècle anglais, Loïs G. Schwoerer, il s’agit vraisemblablement d’un mariage d’amour. Le comte, venant à Paris pour la seconde fois au moins, a ses entrées chez Sully, parrain de Rachel de Ruvigny, et se trouve bien en cour.

Il fait partie de ces nombreux aristocrates qui se rendent à Paris dans les années 1630. Pour Loïc Bienassis[2], cette décennie est particulièrement propice à l’étude des voyages parce qu’elle se tient entre les troubles liés à Buckingham (1592-1628), notamment l’aide que ce dernier apporte aux protestants de la Rochelle en 1627 et la guerre civile anglaise dans les années 1640. Ainsi, la présence de Southampton est loin d’être incongrue à Paris, ville dans laquelle il est un anglais parmi les autres, entre les diplomates – comme Walter Montagu (1603-1677) qui s’y rend plusieurs mois en 1631 puis en 1635 - les voyageurs francophiles- comme Kenelm Digby (1603-1665), catholique qui y séjourne pendant plusieurs mois à chacun de ses passages,- ou les voyageurs qui sont en étape pendant leur grand tour - comme Charles et Robert Cecil- fils du comte de Salisbury, qui séjournent pendant deux ans en France.

Les Wriothesley se sont illustrés au service du roi à partir de la première moitié du XVIe. Là, le premier Thomas Wriothesley a été élevé au titre de comte de Southampton, et a obtenu un ensemble de terres entre Winchester et Southampton, tout en exerçant des postes aux plus hautes sphères de l’état. Le titre s’est transmis jusqu’au second Thomas Wriothesley (1607-1667), et tous ont été des serviteurs de la monarchie anglaise.

Rachel, la nouvelle femme de Thomas est veuve d'Elysée de Beaujeu. Elle est réputée d’une grande vertu, alors même qu’elle faisait l’objet de grandes admirations de la part de gentilshommes pour sa beauté. L’année de l’arrivée de Southampton, le dramaturge Pierre Corneille (1606-1684) lui dédicace d’ailleurs sa pièce La Veuve[3]. Le mariage entre Rachel et Wriothesley permet en tout cas la création de liens familiaux très forts qui vont être déterminants pour les carrières des Ruvigny. Dès 1637, en effet, Henri de Ruvigny accomplit, pour le compte de Louis XIII, une première mission diplomatique vers l’Angleterre[4]. Il s‘agit de féliciter la famille royale pour la naissance de leur fille Anne, et de leur offrir une bague en diamant. Le séjour dure deux mois et, en plus de visiter sa famille, il se rend chez Robert Sidney (1595-1677), comte de Leicester, membre influent du Parlement.

Rachel Ruvigny, mère de Rachel Wriothesley, représentée en allégorie de la fortune par Antoon Van Dyck vers 1640.

Van Dyck représente en peinture lady Rachel Ruvigny dans un tableau dans lequel elle pose en allégorie de la fortune. Ce portrait témoigne des moyens financiers du couple qui est en mesure de passer commande auprès de l’un des peintres du moment. L’aristocrate pose avec une forme d’assurance implacable, véritable déesse qui porte dans sa main le globe doré de la Fortune, et semble descendre de nuages célestes, sorte de paradis. Le drapé très travaillé du tissu bleu s‘envole et dévoile les épaules de la comtesse, dégageant un port de tête flatteur, et laissant ses cheveux noirs et bouclés souligner les perles du collier, de la coiffe et des boucles d’oreille.

En 1640, Rachel Ruvigny meurt en couches. La famille Wriothesley demeure cependant proche de sa famille française. En 1647, Henri de Ruvigny épouse Marie Tallemant, également anglophile et rend de nouveau visite à sa famille anglaise . Celle-ci se rend en France en retour à plusieurs reprises.

Pendant la première révolution anglaise, Thomas Wriothesley s’est fortement engagé pour Charles Ier (1600-1649), lui étant fidèle même après sa mort en refusant de reconnaître Cromwell (1599-1658), ce qui l’illustre aux yeux de Charles II (1630-1685), fils du premier, qui en fait son lord-treasurer après la restauration de 1660.

Trajectoire personnelle[modifier | modifier le code]

Le Français est sa langue maternelle. En 1641, elle avait reçu la naturalisation française et son oncle Ruvigny l’avait couchée avec sa sœur sur son testament pour le cas où il n’aurait pas de postérité. Elle visite au moins une fois sa famille française entre 1648 et 1651, et son frère Henri, certainement filleul du premier marquis, qui y avait été envoyé, y est enterré depuis 1643[5]. Au-delà du rayonnement de la langue française auprès des élites européennes, son lien au français est empreint d’affectivité puisque c’est la langue de l’intime et de la famille pour elle.

Elle se trouve, par le second mariage de sa demi-sœur, Lady Elizabeth Wriothesley, la belle-sœur de Ralph Montagu (1638-1709). Ce dernier est ambassadeur d’Angleterre en France de 1662 à 1663, puis ambassadeur extraordinaire en 1669-1672 et en 1676-1678[6]

En 1669, Rachel, épouse en secondes noces, lord Russell, issu d’une famille de Parlementaires influents, à la tendance whig et de confession presbytérienne. Ils ont quatre enfants, Anne, Rachel, Catherine et Wriothesley.

Entré au parlement, William Russell est à la tête de la coalition qui, en 1672, renverse le ministère de la cabale. Plus tard, il se prononce contre lord Danby, devenu premier ministre, et sollicite en vain une accusation d'impeachment contre cet homme d'État. Il provoque des rigueurs contre les fauteurs du prétendu complot papiste (inventé par Titus Oates), auquel il croit de bonne foi, et propose d'écarter des conseils du roi le duc d'York, futur Jacques II (1679). Il prend une grande part à l'adoption par les Communes de l'Exclusion Bill qui excluait ce prince du trône, et porte cette loi à la Chambre des lords, qui la rejette en 1680.

Quand Charles II se met à gouverner sans le parlement, il entre dans le complot de Rye-House et est condamné à mort malgré ses dénégations sur la participation au complot. Son ami le duc de Monmouth, lui aussi accusé d’avoir participé au complot, propose à Russell de se rendre si cela pouvait le sauver mais celui-ci refuse, affirmant que cela ne l’aiderait en rien que ses amis meurent avec lui. Il subit son arrêt avec courage le 21 juillet 1683. Lady Rachel Russell et sa famille tombent alors en disgrâce jusqu'à la Glorieuse Révolution malgré des tentatives de réhabilitation du chef de famille[7]. Dans une lettre au roi en 1688, elle-même évoque d’ailleurs cette condamnation et souligne son caractère injuste.

En parallèle, face à la montée des exactions contre les protestants en France dans les années 1680, elle manifeste son intérêt pour ces événements, comme en témoigne une lettre à son ami le docteur Tillotson dans laquelle elle qualifie le roi de France de savage man:

  • «  Woborne Abbey, Not. 1686- I read a letter last night from my sister at Paris. She writes as everybody that has humane affections must; and says that of 1,800,000, there is not more than 10,000 esteemed to be left in France, and they, I guess, will soon be converted by the dragoons, or perish. So that near two millions of poor souls, made of the same clay as himself, have felt the rigor of that savage man» [8]                                                                                                                       

Mais Lady Russell ne fait pas que s’informer au moment de la Révocation, elle montre encore une forme d’excitation quant à l’arrivée des Français qui la pousse à remettre la langue française à l’ordre du jour sous son toit. Elle accueille d'ailleurs en premier lieu son oncle Ruvigny, arrivé en exil. Il s'installera par la suite à Greenwhich.

  • « […] we are all well, exercising our French. Master sung a French song yesterday with music, but the girls are all silent. My old uncle is very hearty after his journey; he made all his courts yesterday to the King and Queen in the morning, and Dowager in the afternoon; he was wonderfully well received;  »[9]

La Glorieuse Révolution voit le retour de la famille aux premiers plans des événements politiques. Edward, le frère de son beau-père Russell, (1653-1727) fait partie du groupe des sept immortels qui font appel à Guillaume d'Orange en 1688. Il le sert ensuite dans son conseil et en tant qu’Amiral de sa flotte. Guillaume d'Orange contribue à la révision du jugement sur Lord Russell dès le 7 mars 1689. Son cousin, La Caillemotte, meurt lors de la bataille de la Boyne, en 1690 au service de Guillaume. Il devient par là en quelque sorte martyr de la cause orangiste[10]. Henri de Ruvigny s'engage à son tour, devenant earl of Galway, et proche de Guillaume.

Les cousins Rachel et Henri entretiennent d'ailleurs une amitié très forte. En témoigne de nombreuses lettres entre eux et plus tard son achat d'une propriété près de la sienne pour aller la visiter le plus souvent. Il en fait son héritière et décède à ses cotés en 1720 à Stratton Park.

Russell a laissé un grand corpus de lettres, principalement en anglais, publiées pour la première fois en 1773, et regroupées au XIXe siècle par différents éditeurs, notamment par Parry and Mcmilan (Philadelphie)[11].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. ----[1] SPICER, Andrew, The french-speaking Reformed Community and their church in Southampton 1567-c 1620
  2. BIENASSIS, Loïc, « Les voyageurs britanniques à la cour de France dans les années 1630 » in ZUM KOLK, Caroline, BOUTIER, Jean, KLESMAN, Bernd, MOUREAU, François, Voyageurs étrangers à la cour de France, 1589-1789, PUR-Centre de recherches du château de Versailles, 2014 p. 295-310.
  3. CORNEILLE, Pierre, La veuve « À Madame de La Maisonfort, Madame, Le bon accueil qu’autrefois cette Veuve a reçu de vous l’oblige à vous remercier, et l’enhardit à vous demander la faveur de votre protection. Etant exposée aux coups de l’envie et de la médisance, elle n’en peut trouver de plus assurée que celle d’une personne sur qui ces deux monstres n’ont jamais de prise. Elle espère que vous ne la méconnaîtrez pas pour être dépouillée de tous autres ornements que les siens, et que vous la traiterez aussi bien qu’alors que la grâce de la représentation la mettait en son jour. Pourvu qu’elle vous puisse divertir encore une heure, elle trop contente, et se bannira sans regret du théâtre pour avoir une place dans votre cabinet. Elle honteuse de vous ressembler si peu, et a de grands sujets d’appréhender qu’on ne l’accuse de peu de jugement de se présenter devant vous, dont les perfections la feront paraître d’autant plus imparfaite ; mais quand elle considère qu’elles en sont en un si haut point, qu’on n’en peut avoir de légères teintures sans des privilèges tout particuliers du ciel, elle se rassure entièrement, et n’ose plus craindre qu’il se rencontre des esprits assez injustes pour lui imputer à défaut le manque des choses qui sont au-dessus des forces de la nature : en effet, madame, quelque difficulté que vous fassiez de croire aux miracles, il faut que vous en reconnaissiez en vous-même, ou que vous ne vous connaissiez pas, puisqu’il est tout vrai que des vertus et des qualités si peu commune que les vôtres ne sauraient avoir d’autre nom. Ce n’est pas mon dessein d’en faire ici les éloges ; outre qu’il serait superflu de particulariser ce que tout le monde sait, la bassesse de mon discours profanerait des choses si relevées. Ma plume est trop faible pour entreprendre de voler si haut ; c’est assez pour elle de vous rendre mes devoirs, et de vous protester, avec plus de vérité que d’éloquence, que je serai toute ma vie, Madame, Votre très humble et très obéissant serviteur, Corneille. »
  4. LÉOUTRE, Marie, Serving France, Ireland and England: Ruvigny, earl of Galway, 1648-1720, Routledge, 2018, p. 14.
  5. SCHWOERER, Lois G, Lady Rachel Russell: "one of the best of women", p.19, JHU, 2019 (1987).
  6. JETTOT, Stéphane, Représenter le roi ou la nation ? Les parlementaires dans la diplomatie anglaise, PUPS, Paris, 2012, p. 551
  7. Lettre de Ruvigny au roi Jacques III(Sept. 1685 « just before he left England ») Sire- Puis que par un funeste incident je ne dois pas me présenter devant votre mejestie j’espère qu’elle aura la bonté de me pardonner si je prends la liberté de luy ecrire ; je le fais avec un profond respect  pour rendre encore une fois a votre majestie mes tres humbles actions de graces du favorable traitement que j’en ay recue, et pour la supplier en toute humilité de croire, que je n’ay rien présumé de moy mesme lorsqu’avec sa permission je l’ay  entretenu sur le sujet de monsieur Russell ; qui suis-je? Et quels services ai je rendus pour imaginer de pouvoir obtenir une grace de la nature de celle que j’ay eu l’honneur de luy demander ? Sire je l’ay demandé appuie seulement sur la considération que vous aves pour la mémoire d’un grand chauvelier et d’un grand trésorier du feu roy vostre frère, et pour celuy de votre majestie avoient si étroitement unies, je l’ay encore demandé, etant persuadé qu’une action de votre clemence faveur d’une femme et d’un enfant de quatre ans pouvoit produire dans l’esprit du monde des effectees capables de convertir beaucoup de gens, qui peut etre n’ont pas  encore toute l’affection et toute la fidélité qu’elles doivent à vostre majestie ; ce sont là, sire, les veritables motifs qui m’ont poussé de vous parler d’une personne dont le merite ne vous est pas incognue ; j’espère sire de vostre justice que vous ne me croirez pas capable d’une si sotte presumption qui me rendroit indigne de l’honneur de votre bienveillance, et que vous aurez la bonté de vous resouvenir que je suis, avec tout le respect et toute la passion imaginable, sire, de vostre majestie, le tres humble...
  8. RUSSELL, Rachel, lettres, p138, Lady Russell à Fiztwilliam, « J’ai lu hier soir une lettre de ma sœur, qui est à Paris. Elle écrit comme tout un chacun qui a des sentiments humains le doit. Elle dit que du million huit cent mille huguenots, il n’y en a pas plus de dix mille estimés pouvoir être laissés en France et qu’ils seront, je crois rapidement convertis par les dragonnades ou qu’ils en mourront. C’est-à-dire que presque deux millions de pauvres hommes faits de la même glaise que lui ont fait les frais de la rigueur de cet homme sauvage. »
  9. [1] RUSSELL, Rachel, p 141. Lettre à Thornton, chapelain du duc de Bedford, aut de janvier 1686. « nous allons tous bien, nous sommes en train de pratiquer le français. Le maître a chanté en français, accompagné de musique mais les filles demeurent toutes muettes. Mon vieil oncle se montre très zélé depuis son voyage, il a rempli tous ses devoirs de courtisan hier, le matin au roi et à la reine, à la douairière dans l’après-midi. Il a été merveilleusement bien reçu,
  10. LADY RUSSEL Rachel. Letters, Complete. In One Volume. Philadelphia:  Parry And Mcmillan, 1854. P251 "LADY RUSSELL TO MADAME ROUVIGNY. Dieu nous a frappée, ma chère Madame, d'un coup qui nous paroit fort rude ; mais Dieu ne pense pas comme l’homme pense, et il faut croire qu'il ne prend pas plaisir à tourmenter ses pauvres créatures. Mais que songions-nous, que Dieu salût se détourner de son chemin en ses providences pour notre contentement. Non, assurément ; il faut nous supporter le mieux que nous puissions sur toutes sortes d'événements, et vivre en espérance qu'un jour nous verrons plus clairement la raison de tous ses noirs dispensations qui nous attaquent qui nous touchent si vivement. Madame, je ne combats pas votre vive douleur, vous le devoyez, à un fils, et à un homme si brave et si aimé ôté du monde. II a aussi toutes sortes de consolations qu'on peut possible atteindre, en la manière de sa mort : en toutes ses dernières actions, mon âme me fait fort esperer qu'il fut accepté, et que son Ame se repose en le bras de cet Sauveur en qui il se reposoit avec tant de foy. Dieu veut, Madame, que vous et moy faisons nos devoirs en telle sorte que les accidents qui nous peuvent arriver ne nous detournent pas des sentiers de Dieu ; mais au contraire nous ayant à passer doucement le peu de jours qui nous restent devant que nous entrons dans ces delices eternelles qu'il nous prepare. "
  11. LADY RUSSEL Rachel. Letters, Complete. In One Volume. Philadelphia:  Parry And Mcmillan, 1854.

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