Aller au contenu

Réseau trophique

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 10 mars 2015 à 17:42 et modifiée en dernier par Speculos (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.

Un réseau trophique est un ensemble de chaînes alimentaires reliées entre elles au sein d'un écosystème et par lesquelles l'énergie et la biomasse circulent (échanges d'éléments tel que le flux de carbone et d'azote entre les différents niveaux de la chaîne alimentaire, échange de carbone entre les végétaux autotrophes et les hétérotrophes).

Le terme trophique se rapporte à tout ce qui est relatif à la nutrition d'un tissu vivant ou d'un organe. Par exemple, une relation trophique est le lien qui unit le prédateur et sa proie dans un écosystème.

Dans un écosystème, la structure des réseaux trophiques (les types et réseaux de relations alimentaires entre organismes) influence fortement la quantité, la diversité, la stabilité et la qualité de la biomasse et de la matière organique résiduelle (excrétions, nécromasse) produites par les écosystèmes[1]. La qualité d'un réseau trophique et de ses interactions a un lien direct avec la stabilité et résilience des populations qui en font partie [2].

Les réseaux trophiques sont affectés par les changements globaux, dont ceux liés au dérèglement climatique[3],[4], dont au niveau des espèces-clé[5].

Description

Réseau trophique en eaux côtières

La notion de réseau trophique désigne l'ensemble des relations trophiques existant à l'intérieur d'une biocénose entre les diverses catégories écologiques d'êtres vivants constituant cette dernière (producteurs, consommateurs, décomposeurs). Il peut aussi se définir comme étant la résultante de l'ensemble des chaînes alimentaires unissant les diverses populations d'espèces que comporte une biocénose.

Aux échelles humaines de temps, la structure de la communauté peut sembler en équilibre. Il s'agit en fait d'un équilibre instable maintenu en équilibre dynamique, par le jeu de deux grandes chaines de rétro-contrôles ; les relations « top-down » (régulation des ressources par leurs consommateurs) et « bottom-up » (rétroactions des ressources sur leurs consommateurs).

Mieux comprendre ces interactions est un des enjeux de l'écologie, car elles sont fortement affectées par les impacts en cascade des activités humaines (chasse, pêche, agriculture), qui diminuent fortement le nombre et la biomasse des espèces de haut niveau trophique, tout en augmentant ou perturbant les apports et les cycles de nutriments[6], conduisant notamment à des phénomènes d'appauvrissement en amont et de dystrophisation en aval des bassins versants, ou à des phénomènes d'eutrophisation et d'anoxie en mer[7].

Chaque réseau est caractérisé par des boucles de rétroactions complexes et des équilibres dynamiques, fortement influencées par les paramètres biotiques et abiotiques (température, pH, disponibilité en lumière, oxygène et nutriments notamment).

Ainsi, à titre d'exemple pour les milieux aquatiques, l'augmentation du nombre d'individus d'une espèce ou du nombre d'espèces herbivores tend à diminuer le nombre d'algues fixées ou en suspension. Mais dans le même temps cette pression herbivore favorise l'arrivée de lumière et rend disponible des nutriments, ce qui favorise la croissance d'autres algues ou plantes[8],[9].

Inversement, un déséquilibre écologique, tel que la pullulation en surface ou en pleine eau d'une espèce invasive introduite (n'ayant pas ou n'ayant plus de prédateur local) peut priver le milieu de lumière et le conduire à l'anoxie[10] voire à un phénomène de zone morte, ou une espèce invasive, comme la moule zébrée (Dreissena polymorpha), en filtrant des masses considérables d'eau va induire un changement de la composition alguale[11].

Selon les espèces herbivores (éventuellement exotiques et invasives) qui dominent le milieu, la pression herbivore peut être très sélective et alors induire d'importants changements dans le réseau trophique (changements de dynamiques démographiques et de colonisation, changement dans les tailles[12] ou dans le nombre d'espèces, etc.)[13].

Les relations inter-spécifiques, les structures en taille et biomasse de la communauté, les relations intra-spécifiques des assemblages de plantes ou microalgues en seront affectées et modifient en retour la structure et la dynamique des herbivores et de leurs prédateurs[14].

Chaîne alimentaire

Un exemple de chaîne alimentaire dans un lac suédois.

Une chaîne alimentaire est une suite d'êtres vivants de différents niveaux trophiques dans laquelle chacun mange des organismes de niveau trophique inférieur dans le but d'acquérir de l'énergie. Le premier maillon d'une chaîne est toujours un organisme autotrophe. Dans les mers et les océans, le phytoplancton assure ce rôle. Dans les profondeurs abyssales où les rayons du soleil ne parviennent pas, les bactéries thermophiles sont les premiers maillons de la chaîne. Cependant, la chaîne photosynthétique y existe tout de même ; en effet les organismes pélagiques meurent et coulent.

L'humain est souvent le dernier élément de la chaîne : c'est un superprédateur.

Dans un écosystème, les liens qui unissent les espèces sont le plus souvent d'ordre alimentaire. Ces relations forment des séquences où chaque individu mange le précédent et est mangé par celui qui le suit ; on parle de chaîne alimentaire. Chaque maillon est un niveau trophique.

Réseau limité

D'après la loi de Raymond Lindeman (1942), la quantité d'énergie passant d'un maillon à l'autre de la chaîne est de seulement 10 %. Ceci implique que les chaînes trophiques sont limitées ; par ailleurs, dans les échelons les plus bas de la chaîne, l'énergie est allouée en grande quantité à la reproduction. En bout de chaîne en revanche, les espèces ont une reproduction plus limitée et l'énergie est allouée à la survie (chasse, défense, etc.).

Certaines substances toxiques, « indésirables » ou polluantes sont bioaccumulées dans la chaîne alimentaire[15]. Elles constituent aussi une limite probable au nombre de maillons (niveaux trophiques) de la chaîne[réf. souhaitée].

Histoire du concept

Les réseaux trophiques ont été mis en évidence dès 1927 dans les travaux du biologiste Charles Elton (Animal ecology). Certaines espèces, dites espèces clé de voûte, ont un rôle important au sein des écosystèmes, par leur influence sur plusieurs autres espèces pouvant être réparties dans différents niveaux trophiques.

Depuis les années 1970, les écologues tentent de mieux comprendre les réseaux trophiques. On a d'abord cru que le degré de séparation entre 2 espèces d'un réseau trophique était d'au moins 4 liens, c'est-à-dire 4 relations de type « prédateur-proie », ce qui laissait penser que la disparition d'une espèce pouvait facilement être compensée par l'occupation de sa niche écologique par une autre. Cependant, l'observation des réseaux trophiques naturels a montré[16] que plus de 95 % des espèces d'un habitat naturel (aquatique ou terrestre) étaient liées à un réseau trophique dépendant de l'habitat en question, et à moins de trois liens les unes des autres (deux liens en moyenne).

De plus des interactions durables de type symbiose/parasitisme complexifient ces réseaux en rendant les espèces plus dépendantes les unes des autres que ce que l'on avait d'abord pensé, d'où les inquiétudes pour la régression accélérée de la biodiversité induite par l'Homme.

Cette proximité des espèces dans le réseau trophique (deux degrés de séparation) signifie que l'extinction d'une espèce peut avoir des impacts en cascade plus importants que ce qu'on pensait antérieurement. Même des espèces autrefois jugées banales et ubiquistes, parce que communes, pourraient être concernées par les impacts indirects d'un recul « en réseau » de la biodiversité.

Notes et références

  1. Canuel, E.A., Spivak, A.C., Waterson, E.J., Duffy, J.E., (2007). Biodiversity and food web structure influence short-term accumulation of sediment organic matter in an experimental seagrass system ; Limnol. Ocean. 52, 590-602.
  2. Ives A, Cardinale B (2004) Food–web interactions govern the resistance of communities after non-random extinctions. Nature (revue), 429, 174–177.
  3. Emmerson M, Bezemer M, Hunter MD, Jones TH (2005) Global change alters the stability of food webs. Global Change Biology, 11, 490–501.
  4. Petchey OL, McPhearson PT, Casey TM, Morin PJ (1999) Environmental warming alters food-web structure and ecosystem function. Nature, 402, 69–72.
  5. Sanford E (1999) Regulation of keystone predation by small changes in ocean temperature. Science, 283, 2095–2097.
  6. Deron E. Burkepile, Mark E. Hay (2006) Herbivore Vs Nutrient control of marine primary producers ; Context-Dependent Effects ; Ecology: Vol. 87, No. 12, pp. 3128-3139. Doi:10.1890/0012-9658(2006)87[3128:HVNCOM]2.0.CO;2
  7. James E. Cloern (US Geologica) ; http://www.int-res.com/articles/meps/210/m210p223.pd Our evolving conceptual model of the coastal eutrophication problem] ; Marine Ecology Progress series ; Vol. 210: 223–253, 2001/01/26
  8. Caraco, N.F., J.J. Cole, and D. L. Strayer. 2006.Top down control from the bottom: Regulation of eutrophication in a large river by benthic grazing. Limnol. Oceanogr. 51:664-670.
  9. Strayer, D.L., M.L. Pace, N.F. Caraco, J.J. Cole, and S.E.G. Findlay 2008. Hydrology and grazing jointly control a large-river food web. Ecology 89(1):12-18.
  10. Caraco, N.F. 2006. Water Chestnut impacts on oxygen in the tidal Hudson River. Aquatic Invaders 17:8-9.
  11. Fernald, S.H., N.F. Caraco, and J.J. Cole. 2007.Hanges in cyanobacterial dominance following the invasion of the zebra mussel Dreissena polymorpha: Long-term results from the Hudson River estuary. Estuaries and Coasts 30(1):163-170
  12. Peters RH (1983) The Ecological Implications of Body Size. Cambridge University Press, Cambridge.
  13. Andrea E. Alpine et James E. Cloern ; Trophic interactions and direct physical effects control phytoplankton biomass and production in an estuary ; Limnol. Oceanogr., 37(S), 1992, 946-955 0 1992, by the American Society of Limnology and Oceanography, Inc.
  14. Leonardos et Lucas, 2000 ; The nutritional value of algae grown under different culture conditions for Mytilus edulis L. larvae ; Aquaculture (Ed : Elservier), Volume 182, Number 3, 15 février 2000, pp. 301-315(15) (Résumé)
  15. Exemple : granulés de résine plastique, enduis de pesticides qui s'y sont agglomérés, confondus avec le frai de poisson dans le garbage patch, et consommés par divers animaux aquatiques, eux-mêmes mangés par les prédateurs marins.
  16. Williams, R.J., E.l. Berlow, J.a. Dunne, AL Barabasi et N.d Martinez, 2002 Two derees of separation in complex food webs, Proceedings of the National Academy of QSciences 99:12913-12916)

Voir aussi

Sur les autres projets Wikimedia :

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • (en) Berlow EL, Dunne JA, Martinez ND, Stark PB,Williams RJ, Brose U (2009) Simple prediction of interaction strengths in complex food webs. Proceedings of the National Academy of Sciences, 106, 187–191.
  • (en) Berlow EL, Neutel A, Cohen JE et al. (2004) Interaction strengths in food webs: issues and opportunities. Journal of Animal Ecology, 73, 585–598.
  • (en) Brose U (2008) Complex food webs prevent competitive exclusion among producer species. Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences, 275, 2507–2514.
  • (en) Brose U (in press) Body-mass constraints on foraging behaviour determine population and food-web dynamics. Functional Ecology: doi:10.1111/j.1365-2435.2009.01618.x.
  • (en) Emmerson M, Yearsley JM (2004) Weak interactions, omnivory and emergent food-web properties. Proceedings of the Royal Society B-Biological Sciences, 271, 397–405.
  • (en) Rall BC, Guill C, Brose U (2008) Food-web connectance and predator interference dampen the paradox of enrichment. Oikos, 117, 202–213.