Musella lasiocarpa

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Musella lasiocarpa

Le Lotus d'or (Musella lasiocarpa), ou Muselle, est une espèce de plante de la famille des Musacées. Originaire du sud-ouest de la Chine, cette plante en danger d'extinction est utilisée par les populations locales comme plante médicinale, alimentaire et pour la fabrication de cordes.

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Description de l'espèce[modifier | modifier le code]

Syntype de l'espèce conservé à Paris

C'est une plante de petite taille, la pseudo-tige (constituée des gaines des feuilles) mesure entre 30 et 80 cm de haut[2], maximum 1m ou 1,2 m[3].

L'inflorescence se développe principalement au sommet de la tige[4] plus rarement de manière latérale[3], les bractées florales, de couleur jaune, orange ou rougeâtre, se maintiennent pendant plusieurs mois[4], donnant à l'ensemble l'apparence d'une fleur de lotus.

Les feuilles sont glauques, étroitement elliptiques, à apex pointu[4].

La plante est monoïque : elle présente des fleurs femelles distinctes des fleurs mâles.

Les fruits sont de toute petite taille (jusqu'à 3 cm), ovoïdes à trigones, non charnus et pubescents[4].

La plante se reproduit par ses rhizomes ou par ses graines[4]. Les fleurs sont pollinisées par des insectes, notamment des bourdons, abeilles et guêpes[5].

Distinction avec les espèces proches[modifier | modifier le code]

L'espèce est suffisamment originale au sein de sa famille pour ne pas prêter à confusion. Le genre Musella est monotypique[6].

On peut cependant indiquer que l'espèce se distingue[4] du genre Ensete par son caractère de plante pérenne, sa pseudo-tige non ou très faiblement renflée à la base et ses bractées colorées (et non vertes) ; et du genre Musa par sa pseudo-tige de moins de 60 cm, son inflorescence conique et dense, et ses bractées persistantes.

Taxonomie et classification[modifier | modifier le code]

Il s'agit de l'unique espèce du genre Musella[7],[8].

L'espèce a d'abord été décrite en 1889 par M.A. Franchet[9] qui la place dans le genre Musa mais crée la section Musella spécialement pour elle[7].

Cheesman en 1947 considère la section Musella de Franchet comme relevant du genre Ensete[7],[10].

Ce n'est qu'en 1978 que C.Y. Wu (in H.W. Li)[11] reconnaît Musella comme un genre à part entière[7].

En 2002[3] puis 2004[12] R.V. Valmayor et D.D. Lê proposent une nouvelle espèce de Musella : Musella splendida. Mais leur co-auteur de 2004, M. Häkkinen ne considère finalement (en 2008) ce nom que comme un synonyme de Ensete lasiocarpum[8].

Une variété à bractées orange-rougeâtre à rouges (var. rubribracteata) a été décrite en 2011[13]. Elle se distingue de la variété type par la couleur des bractées mais aussi celle de la face inférieure de son pétiole et de sa nervure centrale, également rouge.

Synonymes[modifier | modifier le code]

D'après le site Plants of the World Online[2] :

  • Ensete lasiocarpum (Franch.) Cheesman
  • Musa lasiocarpa Franch.
  • Musella lasiocarpa var. rubribracteata Zheng H.Li & H.Ma
  • Musella splendida R.V.Valmayor & D.D.Lê
  • Musa splendida Chevalier

Étymologie[modifier | modifier le code]

Le nom "Bananier des rochers" est donné comme la traduction du nom chinois de l'espèce cité par Franchet : « ngay tsiao »[9],[14].

Banane miniature, verte, pubescente, avec deux côtés nettement carénés.
fruit du Bananier des rochers

L'épithète spécifique lasiocarpa peut être décomposé sur la base des éthymons grecs anciens : λάσιος, (lásios) : « velu, laineux » et καρπός, (karpós) : « fruit », décliné au féminin en accord avec le nom générique Musella. En effet, le fruit (de très petite taille) est pubescent.

Le nom Muselle est utilisé par André Lassoudière en 2010[15].

Noms dans d'autres langues[modifier | modifier le code]

Anglais : Golden lotus banana (« bananier lotus doré »), Chinese dwarf banana (« bananier chinois nain »)

Chinois (pinyin) : 地涌金莲 (di yong jin lian[16] : « lotus doré s'élevant du sol »[14])

Écologie[modifier | modifier le code]

Origine et distribution[modifier | modifier le code]

Plante originaire du sud-ouest de la Chine (sud de la province du Guizhou, centre et ouest de la province du Yunnan), entre 1500 et 2500 m d'altitude[2]. Elle est ou aurait également été présente au Viet-Nam[2],[3], néanmoins l'évaluation de 2022 par l'UICN ne signale des populations sauvages plus que dans le nord du Yunnan (entre Lijiang et Kunming). Elle peut donc être considérée comme endémique du sud-ouest de la Chine[14].

Habitat[modifier | modifier le code]

En rapprochant la carte de distribution de l'espèce avec la carte des biomes du monde, on constate que le Lotus d'or croît dans l'écorégion des forêts subtropicales[2] des plateaux du Yunnan qui sont des forêts d'arbres à feuilles persistantes, avec notamment des espèces appartenant aux familles des Fagacées, Théacées et des Lauracées (les plus dominantes), mais aussi aux Anacardiacées, Euphorbiacées, Rubiacées, Oléacées, Betulacées, Symplococacées, Aquifoliacées, Magnoliacées et Berbéridacées[17].

Malgré l'adjectif « subtropical » utilisé pour décrire l'écorégion (laquelle n'est pertinente qu'à large échelle), l'évaluation de l'UICN précise que cette plante croît dans des milieux montagneux plutôt secs et froids, parfois même en situation de falaises[1].

Impact des humains sur les populations sauvages[modifier | modifier le code]

Un temps pensée disparue à l'état sauvage[14], un petit nombre de populations ont été (re)découvertes entre 2004 et 2019 dans le nord du Yunnan[18].

Malgré cette situation difficile, le Lotus d'or est largement cultivé ou toléré dans les agroécosystèmes pour ses divers usages, notamment comme fourrage et comme matière première pour tresser des cordes[14].

L'agriculture est donc principalement un facteur de risque pour l'espèce, en conduisant à la destruction de ses habitats naturels[14]. Le maintien de la plante dans les agroécosystèmes ne dépend plus d'un équilibre naturel mais seulement du bon vouloir et d'une priorisation d'intérêts de la part des populations humaines qui gèrent ces espaces.

Usages et aspects culturels[modifier | modifier le code]

Usages médicinaux[modifier | modifier le code]

Les fleurs fraîches et les bractées sont utilisées en emplâtre comme hémostatique (pour stopper les saignements) et comme anti-inflammatoire[14].

L'inflorescence (fleurs, bractée et bourgeon apical) est utilisée en infusion contre les irritations de l'estomac, la constipation et les « maladies féminines »[14].

La sève est utilisée en interne comme anti-poison (contre l'Aconit) et pour apaiser la gueule-de-bois[14].

Alimentation[modifier | modifier le code]

La partie interne de la pseudo-tige est comestible (après épluchage des gaines foliaires), elle peut-être bouillie ou mise en pickles dans du vinaigre. La pseudo-tige peut être coupée en tranches et séchée pour la conservation. Elle contient, tout comme les rhizomes, de l'amidon et peut être utilisée pour la confection de vin (usage rare)[14].

Fourrage[modifier | modifier le code]

La plante est utilisée comme fourrage pour les porcs[14].

Technologie[modifier | modifier le code]

Les fibres de la nervure centrale des feuilles sont utilisées pour tresser des cordes, des ceintures et pour confectionner des chaises[14].

Plante ornementale[modifier | modifier le code]

Appréciée comme plante d'ornement[14],[19], elle est commercialisée et donc potentiellement présente un peu partout dans le monde.

Aspects religieux[modifier | modifier le code]

Du fait de la ressemblance de la fleur au lotus et de sa longue durée de floraison, la plante serait sacrée pour les moines bouddhistes de la région du Yunnan[2] ainsi que pour les ethnies Dai et Bulang[15].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b (en) J. Plummer, R. Allen et S. Kallow, Musella lasiocarpa. The IUCN Red List of Threatened Species 2022: e.T98249468A98249661, IUCN, (DOI https://dx.doi.org/10.2305/IUCN.UK.2022-2.RLTS.T98249468A98249661.en)
  2. a b c d e et f (en) « Musella lasiocarpa (Franch.) C.Y.Wu ex H.W.Li | Plants of the World Online | Kew Science », sur Plants of the World Online (consulté le )
  3. a b c et d R.V. Valmayor et Dinh Danh , « Classification et caractérisation de Musella splendida sp. nov. », InfoMusa, vol. 11, no 2,‎ , p. 24-27 (lire en ligne Accès libre)
  4. a b c d e et f « Musaceae in Flora of China @ efloras.org », sur www.efloras.org (consulté le )
  5. A.-Z. Liu, W. J. Kress, H. Wang et D-Z. Li, « Insect pollination of Musella (Musaceae), a monotypic genus endemic to Yunnan, China », Plant Systematics and Evolution, vol. 235, no 1,‎ , p. 135–146 (DOI 10.1007/s00606-002-0200-6, lire en ligne Accès payant, consulté le )
  6. voir "Taxonomie et classification"
  7. a b c et d (en) Ai-Zhong Liu, W. John Kress et De-Zhu Li, « Phylogenetic analyses of the banana family (Musaceae) based on nuclear ribosomal (ITS) and chloroplast ( trnL - F ) evidence », TAXON, vol. 59, no 1,‎ , p. 20–28 (DOI 10.1002/tax.591003, lire en ligne, consulté le )
  8. a et b (en) « Typification and check-list of Musa L. names (Musaceae) with nomenclatural notes », Adansonia, vol. 30, no 1,‎ , p. 63–112 (lire en ligne, consulté le )
  9. a et b M.A. Franchet, « Un nouveau type de Musa : Musa lasiocarpa », Journal de Botanique (directeur : Louis Morot), Paris, vol. 3, no 20,‎ , p. 329-331 (lire en ligne Accès libre)
  10. E. E. Cheesman, « Classification of the Bananas: The Genus Ensete Horan », Kew Bulletin, vol. 2, no 2,‎ , p. 97–106 (ISSN 0075-5974, DOI 10.2307/4109206, lire en ligne, consulté le )
  11. (zh + la) Li, Hsi-Wen, « The Musaceae of Yunnan », Acta Phytotaxonomica Sinica, vol. 16, no 3,‎ , p. 54-64 (lire en ligne Accès libre [PDF])
  12. R.V. Valmayor, D.D. et M. Hakkinen, « Rediscovery of Musa splendida A. Chevalier and description of two new species (M. viridis and M. lutea) », The Philippine Agricultural Scientist, no 87,‎ , p. 110-118
  13. (en) Ma Hong, Pan Qingjie, Wang Lan et Li Zhenghong, « Musella lasiocarpa var. rubribracteata (Musaceae), a New Variety from Sichuan, China », Novon: A Journal for Botanical Nomenclature, vol. 21, no 3,‎ , p. 349–353 (ISSN 1055-3177, DOI 10.3417/2010125, lire en ligne, consulté le )
  14. a b c d e f g h i j k l et m (en) Ai-Zhong Liu, W. John Kress et Chun-Lin Long, « The ethnobotany of Musella lasiocarpa (Musaceae), an endemic plant of southwest China », Economic Botany, vol. 57, no 2,‎ , p. 279–281 (ISSN 0013-0001, DOI 10.1663/0013-0001(2003)057[0279:TEOMLM]2.0.CO;2, lire en ligne, consulté le )
  15. a et b André Lassoudière, L'histoire du bananier, Editions Quae, (ISBN 978-2-7592-0618-6, lire en ligne)
  16. « Musella lasiocarpa in Flora of China @ efloras.org », sur www.efloras.org (consulté le )
  17. (en) Hua Zhu, Shisun Zhou, Lichun Yan et Jipu Shi, « Studies on the Evergreen Broad-leaved Forests of Yunnan, Southwestern China », The Botanical Review, vol. 85, no 2,‎ , p. 131–148 (ISSN 0006-8101 et 1874-9372, DOI 10.1007/s12229-019-09210-1, lire en ligne, consulté le )
  18. Hong Ma, De-Xin Wang, Tai-Qiang Li et Zheng-Hong Li, « Phylogeographic study of Musella lasiocarpa (Musaceae): providing insight into the historical river capture events », Pakistan Journal of Botany, vol. 51, no 1,‎ (DOI 10.30848/PJB2019-1(17), lire en ligne Accès libre, consulté le )
  19. « Musella lasiocarpa - Plant Finder », sur www.missouribotanicalgarden.org (consulté le )

Liens externes[modifier | modifier le code]

Références biologiques[modifier | modifier le code]