Mouvement Boogaloo

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Membres du mouvement Boogaloo en .

Le mouvement Boogaloo est un mouvement de l'extrême droite radicale américaine qui se caractérise par sa préparation à une guerre civile. Motivé par la défense du deuxième amendement de la Constitution des États-Unis, il considère qu'il faut accélérer l'éclatement d'un conflit armé pour éviter ce qu'il pense être la lente confiscation par les autorités, via des opérations de police, des armes à feu détenues par les particuliers. Mème Internet à l'origine, son nom est largement repris sur les réseaux sociaux lors de la pandémie de Covid-19 aux États-Unis, dans des appels au soulèvement armé contre l'État fédéral.

Origine[modifier | modifier le code]

Expression[modifier | modifier le code]

L'expression en elle-même vient du film Breakin' 2: Electric Boogaloo (en). Chris Hardwick, animateur de @midnight (en) sur Comedy Central, lance en 2014 un jeu sur Twitter visant à imaginer un titre de suite amusant. Le schéma « titre du film 2 : Electric Boogaloo » émerge alors[1]. Le sous-titre Electric Boogaloo devient un mème Internet. Par la suite, le nom d'une seconde guerre civile est calqué sur ce schéma : « Civil War 2 : Electric Boogaloo » sera réduit en boogaloo[2]. L'expression dérivée « boogaloo boys » ou « boogaloo bois » désigne les adeptes du mouvement[3] tels que Aaron Swenson, arrêté en après avoir diffusé des menaces à la police sur Facebook Live[4].

Par homophonie, certains groupes du mouvement le désignent aussi sous la forme Big Igloo et Big Luau, ce qui conduit à l'adoption de l'igloo comme symbole fréquent[réf. souhaitée] et de la chemise hawaïenne[5],[6] arborée pendant les lūʻaus comme tenue préférentielle.

Mouvement[modifier | modifier le code]

Ce mouvement rassemble, d'une part, l'opposition d'une partie de l'opinion américaine contre les mesures de confinement face au Covid-19 et, d'autre part, les idées plus anciennes du mouvement patriote et de l'alt-right. L'expression apparaît sur les réseaux sociaux. Principalement entre février et avril 2020, 125 groupes Facebook, en majorité privés, discutant autour d'un projet de soulèvement violent et armé contre l'État fédéral, sont dénombrés par Tech Transparency Project[N 1],[7]. Ils rassemblent environ 70 000 membres lorsque l'enquête est publiée. Les discussions au sein de ces groupes portent sur des questions de stratégie, de médecine militaire et d'armement[7]. En février et mars 2020, on compte 200 000 publications contenant le terme boogaloo sur les réseaux sociaux, dont 52% sur Twitter et 22% sur Reddit[8]:6.

Selon les médias américains, des militants d'extrême droite appartenant à la mouvance Boogaloo, parfois lourdement armés, se sont infiltrés dans de nombreuses manifestations de protestations consécutive à la mort de George Floyd, les violences policières et les discriminations raciales. Des spécialistes de ces groupes s'interrogent sur le rôle qu'auraient pu jouer certains de ces militants dans le déclenchement des violences qui ont embrasé des dizaines de villes américaines[9].

Analyse[modifier | modifier le code]

Contexte de la pandémie de Covid-19[modifier | modifier le code]

Une étude du laboratoire d'idées Institute for Strategic Dialogue montre une utilisation du contexte pandémique pour appeler au boogaloo et recruter des membres dans le mouvement[8]. Le confinement imposé par les autorités dans certains États américains est perçu par les membres du mouvement comme une violation des libertés fondamentales des Américains. Les tweets de Donald Trump contre le confinement de certains États, faisant référence au deuxième amendement, sont repris comme un appel à la mobilisation armée, dans la crainte d'une interdiction des armes à feu liée à l'état d'urgence[10],[11].

Membres[modifier | modifier le code]

Le mouvement boogaloo inclut des activistes pro-armes à feu, des anciens combattants, des militaires et policiers, des suprémacistes blancs, des soutiens comme des détracteurs de Donald Trump, ainsi que des citoyens sans idéologie politique affirmée[7]. Alors que les activistes pro-armes voient dans le projet de guerre civile une attaque contre le gouvernement, les suprémacistes blancs y voient l'occasion d'une guerre raciale[2].

Rôle des plateformes[modifier | modifier le code]

Comme pour d'autres mouvements depuis les attentats de Christchurch[12], Facebook est accusé d'une gestion peu efficace des contenus potentiellement dangereux sur sa plate-forme[13]. Par ailleurs, les fonctionnalités de partage de fichier ont été utilisées par les membres pour s'échanger divers documents : manuels militaires, manuels de la CIA, ouvrages de propagande[2].

Le 30 juin 2020, Facebook supprime environ 220 comptes du mouvement Boogaloo, par crainte que le groupe marginal ne planifie des violences dans le monde réel[14],[15].

Origine du terme[modifier | modifier le code]

L'ironie du trajet sémantique du terme, qui désigne à l'origine un courant musical afro-américain des années 1950 avant d'être employé par des suprémacistes blancs, est soulignée par la journaliste Hannah Allam (en) :

« a word coined by black and brown people now used by some who envision a country without them »

— Hannah Allam, npr.org[16]

« un mot inventé par les noirs et les métis, aujourd'hui récupéré par ceux qui envisagent un pays sans eux »

— npr.org[16]

Actions violentes et terroristes[modifier | modifier le code]

Le 11 avril, un membre du mouvement est arrêté au Texas après qu'il a posté une vidéo sur Facebook où il annonçait qu'il allait tendre une embuscade à un policier pour le tuer[15].

Le 29 mai 2020, alors qu'une des manifestations antiracistes se déroule dans la ville, deux hommes en voiture s'arrêtent devant le tribunal du comté de Santa Cruz, à Oakland, et tirent sur 2 policiers du comté qui y montaient la garde, tuant l'un et blessant gravement l'autre, avant de s'enfuir[17]. L'un des deux assaillants sera identifié comme le sergent Steven Carrillo, de l'US Air Force[17]. Le 7 juin, sa camionnette est repérée sur une route à la périphérie de Ben Lomond (comté de Santa Cruz, Californie). La police du comté tente alors de l'interpeller, mais Carrillo riposte avec un AR-15 et des bombes artisanales qu'il transportait dans son véhicule, tuant un policier et en blessant trois autres. Par la suite, il abandonne son véhicule et tente d'en carjacker un autre, avant d'être blessé par balles et arrêté vivant[18]. Un autre complice de l'attaque du tribunal identifié comme Robert Julius sera arrêté vivant[17]. Les enquêteurs démontrent qu'ils appartenaient au mouvement Boogaloo et que Carrillo était en route pour commettre un attentat d'ampleur[18].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Tech Transparency Projet fait partie de Campaign for Accountability (en), une organisation apolitique de veille de la vie publique.

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en-US) Matt Patches, « How ‘Breakin’ 2: Electric Boogaloo’ Became a Movie and Then a Meme », sur Grantland, (consulté le )
  2. a b et c (en) « The Boogaloo: Extremists’ New Slang Term for A Coming Civil War », sur Anti-Defamation League (consulté le )
  3. (en) Tess Owen, « The ‘Boogaloo Bois’ Are Bringing Their AR-15s and Civil War Ideology to the Lockdown Protests », sur Vice, (consulté le )
  4. Marlene Lenthang, « Texas man made a Facebook Live searching for cop to 'ambush and kill' », sur Mail Online, (consulté le )
  5. (en) David Charter, « ‘Boogaloo boys’ prepare for next American civil war in Hawaiian shirts », sur thetimes.co.uk,
  6. (en) « Why some protesters in America wear Hawaiian shirts », sur economist.com,
  7. a b et c (en) « Extremists Are Using Facebook to Organize for Civil War Amid Coronavirus », sur Tech Transparency Project, (consulté le )
  8. a et b (en) « Covid-19 Disinformation Briefing No. 2 : Far-right mobilisation », Institute for Strategic Dialogue,‎ (lire en ligne)
  9. Le Figaro avec AFP, « États-Unis: 3 militants d'extrême droite inculpés pour «incitation à la violence» », sur Le Figaro.fr,
  10. Slate.fr, « Trump fait le jeu des extrémistes anti-confinement », sur Slate.fr, (consulté le )
  11. Slate.fr, « Sur Facebook, plus d'une centaine de groupes prônent une seconde guerre civile américaine », sur Slate.fr, (consulté le )
  12. Michaël Szadkowski et Damien Leloup, « Modération de la haine suprémaciste : ce que font (ou pas) Facebook, YouTube et Twitter depuis Christchurch », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. (en) Christopher Mathias, « Amid The Pandemic, U.S. Militia Groups Plot ‘The Boogaloo,’ AKA Civil War, On Facebook », sur HuffPost, (consulté le )
  14. « Facebook supprime un réseau de comptes liés au violent mouvement Boogaloo », sur Top Gazette, (consulté le )
  15. a et b « Sous pression, Facebook bannit le groupe d'extrême droite «Boogaloo» », sur lefigaro.fr, (consulté le )
  16. (en) « 'Boogaloo' Is The New Far-Right Slang For Civil War », sur NPR.org (consulté le )
  17. a b et c (en) Andrew Blankstein, Ben Collins, « Alleged 'Boogaloo' extremist charged in killing of federal officer during George Floyd protest », sur nbcnews.com, (consulté le )
  18. a et b (en) « Deputy killed, 2 other officers injured after being ambushed in Santa Cruz County », sur abc7.com, (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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