Monte d'Accoddi
| Monte d'Accoddi | |
Le Monte d'Accoddi vu du sud. | |
| Localisation | |
|---|---|
| Pays | |
| Région | Sardaigne |
| Province | Sassari |
| Commune | Sassari |
| Protection | Patrimoine mondial 2025 |
| Coordonnées | 40° 47′ 28″ nord, 8° 26′ 56″ est |
| Altitude | 65 m |
| Histoire | |
| Époque | Néolithique |
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Le Monte d'Accoddi est un site préhistorique situé dans la commune de Sassari, en Sardaigne. Le site a été occupé dès la fin du Néolithique ancien et fréquenté jusqu'à l'âge de Bronze. Le site comprend une terrasse monumentale, des vestiges d'habitats et plusieurs menhirs. Durant la période Ozieri, un premier bâtiment monumental très original, généralement identifié comme un sanctuaire, a été construit (Ozieri I) puis reconstruit (Ozieri II). Ce monument, constituant un type unique en son genre dans tout le bassin méditerranéen, a été abusivement comparé par divers auteurs à une ziggourat mésopotamienne ou à une pyramide égyptienne tronquée.
Historique
[modifier | modifier le code]Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la partie supérieure du site a été endommagée par le creusement de tranchées afin d'installer des batteries antiaériennes.
Le site archéologique est identifié en 1947 puis fouillé par l'archéologue Ercole Contu entre 1952 et 1959. La fouille des environs du monument permet de découvrir un village composé de cabanes quadrangulaires construites avec des murs en pierres sèches. Sur la base des découvertes archéologiques réalisées, Contu date alors la construction du monument de la première phase de la culture d’Ozieri (première moitié du IVe millénaire av. J.-C.) mais considère que le site a fait l'objet d'occupations sporadiques antérieures dès le Néolithique ancien ou moyen[1].
La seconde campagne de fouille dirigée par Santo Tinè, entre 1979 et 1989, est suivie d'une restauration du monument réalisée sur la base relevés stratigraphiques effectués lors de ces fouilles[1]. Les résultats des datations au radiocarbone publiés par Tinè et leur interprétation ultérieure se sont révélées incompatibles avec le cadre chronologique et culturel de la préhistoire sarde, et ils ont fait l'objet ultérieurement d'un réexamen et d'une comparaison avec de nouvelles datations provenant d'autres sites, afin de clarifier la chronologie du monument[2]. Ces nouvelles études ont confirmé les hypothèses de Contu, selon lesquelles le site fut occupé dès le Néolithique ancien avant de connaître deux phases de construction distinctes correspondant à deux bâtiments, de type plate-forme, successifs : un monument I, dit « temple rouge » avec un faciès culturel Ozieri I, puis un monument II construit durant l'âge du cuivre avec un faciès culturel Ozieri II[2].
Chronologie
[modifier | modifier le code]Au Néolithique final, le site est occupé par un village dont les substructures ont été identifiées en plusieurs endroits. Les céramiques découvertes par Contu dans de nombreux niveaux ainsi que dans une tranchée d’essai creusée à environ 90 m au nord-est du site peuvent être attribuées au faciès culturel de San Ciriaco[3]. Au début du IVe millénaire av. J.-C., un premier monument à rampe et terrasse a été construit et l'habitat qui l'entourait a continué d'être occupé. La présence de céramiques à faciès culturel d'Ozieri I est attestée dans les couches de fondation de l'édifice[4]. L'érection d'un menhir à l'ouest de la rampe pourrait avoir eu lieu durant cette phase ou durant la précédente[4]. Quatre datations attestent d'une occupation du premier sanctuaire durant la transition entre le Néolithique final et les débuts de l'âge du cuivre[4].
Au début de l'âge du cuivre, l'instabilité structurelle du premier bâtiment entraîne sa reconstruction, en l'intégrant dans une structure plus vaste présentant des caractéristiques générales similaires. Parallèlement, des structures d'habitat de forme elliptique se sont développées à l'ouest de la rampe[4]. L'abondance du matériel archéologique relatif à la période d'Ozieri semble indiquer qu'elle correspond à la période de fréquentation la plus intense du site[5].
Au IIIe millénaire av. J.-C., durant les phases Filigosa et Monte Claro, un nouvel habitat s'installe à l'est du monument[4]. L'occupation du site au Campaniforme est attestée par la découverte de céramiques et confirmée par une datation au radiocarbone mais le nombre limité de trouvailles suggère une occupation peu fréquente du site[5]. À partir de la fin du IIIe millénaire av. J.-C., le site semble abandonné et n'est plus fréquenté que de manière sporadique : les découvertes archéologiques se limitent à une sépulture d'enfant, contenant un vase tripode et une coupe, qui a été datée du début de l'âge du bronze et à de rares fragments de poterie attribués au Bronze moyen et final[5].
Description
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Monuments I et II
[modifier | modifier le code]Le bâtiment central visible aujourd'hui, a été restauré et partiellement reconstruit selon l'hypothèse de Tiné[1] d'un bâtiment comportant deux terrasses en gradins[6] correspondant à deux monuments (I et II) enchâssés. Le monument I est constitué d'une plateforme quadrangulaire de 23,8 m sur 27,4 m et haute de près de 5 m. La plate-forme était accessible, côté sud, par une rampe mesurant 25 m de long sur plus de 5 m de large. Un petite structure de forme rectangulaire (12,5 m sur 7,25 m) avec des murs constitués de petits blocs de pierre recouverts d'un torchis surmontait la plate-forme. Le sol et les murs de la cella étant peints à l'ocre rouge, ce premier monument a été appelé « le temple rouge » par les archéologues. Le monument II correspond à un agrandissement du monument I. La plate-forme du monument I est agrandie, en la renforçant sur tous les côtés avec des blocs cyclopéens empilés sans agencement particulier, et la rampe d'accès est prolongée pour atteindre 40 m de longueur. Les deux niveaux du monument II sont reliés par un escalier. Ce nouveau bâtiment mesure ainsi plus 40 m de long sur 30 m de large et 9 m de haut[7].
L'hypothèse ancienne, encore fréquemment colportée, selon laquelle ce bâtiment à rampe aurait des origines orientales, sous-entendu inspirées du modèle de la ziggourat mésopotamienne[6], n'a aucune confirmation scientifique. À l'exception de la présence de terrasses et d'une rampe, l'édifice présente des caractéristiques architecturales et des méthodes de construction bien différentes[5]. Bien que certains éléments puissent rappeler l'architecture mégalithique occidentale, en l'état actuel des connaissances, il demeure un monument unique en son genre[6].
Autel
[modifier | modifier le code]L'« autel » est constitué d'une dalle de forme forme trapézoïdale mesurant plus de 3 m de côté, reposant sur plusieurs piliers, visible au pied de la rampe côté droit. Cette dalle comporte de nombreuses perforations[7].
Menhirs
[modifier | modifier le code]Le site de Monte d'Accodi comporte trois menhirs en deux ensembles distincts. Les menhirs I et II sont situés à respectivement environ 200 m et 235 m au sud/sud-est du sanctuaire[8] alors que le menhir III est dressé au pied de la rampe du monument sur le côté gauche.
Le menhir I est constitué d'un bloc monolithique en calcaire (2,30 m de hauteur, 1,16 m de largeur et 0,97 m d’épaisseur) de section subrectangulaire aux angles arrondis. La face principale, orientée vers l’est, est plate alors que la face opposée présente un profil convexe. La partie supérieure du menhir est brisée et la surface, très érodée, présente d’importantes fractures et décollements, notamment sur le côté sud. Le menhir II (environ 2 m de haut, 0,97 m de largeur et 0,86 m d'épaisseur) est constitué d'un bloc monolithique en grès rouge de section subquadrangulaire aux angles biseautés. La face principale, orientée à l'ouest, est plane alors que la face opposée est de forme convexe. Le sommet est arrondi. Les faces nord et ouest sont relativement bien conservées, tandis que les autres parties sont très érodées. Les menhirs I et II, retrouvés renversés, ont été redressés sur place[8].
Le menhir III est un bloc de calcaire prismatique d'un peu moins de 5 m de hauteur comportant de nombreuses cupules[9]. Le menhir III a été découvert renversé et entouré de cendre, de restes carbonisés et de nombreux fragments de céramique datés de la phase Ozieri[7].
Essai d'interprétation
[modifier | modifier le code]L'architecture singulière du monument, dont la construction implique un effort collectif, suggère qu'il servait de point de référence sur un territoire intensément occupé, correspondant peut-être à l'île entière, et qu'il occupait une fonction symbolique dans une société prospère[5]. Les fouilles archéologiques ont permis d'écarter l'hypothèse d'un édifice funéraire, alors même qu'il existe un domus de janas à environ 500 m plus à l'ouest[6]. La fonction cultuelle est suggérée par la présence de la rampe, qui évoque la pratique des processions rituelles vers un « haut lieu », et l'hypothèse selon laquelle la grande dalle perforée placée à l'est du monument serait un « autel »[6]. La présence de trois menhirs, dont un est assurément antérieur à la construction du monument, conforte l’idée d'un site à forte fonction symbolique[6]. L'usage des deux pierres sphériques retrouvées sur place demeure énigmatique.
L'énorme quantité de restes animaux découverts lors des fouilles menées par Contu et lors des campagnes ultérieures semble indiquer qu'on y pratiquait des consommations rituelles lors de rassemblements communautaires ou des cérémonies religieuses[5] mais dans le cas d’un site abritant un village et un sanctuaire, il est souvent difficile de distinguer clairement les activités domestiques des activités rituelles[10].
La découverte sur le site d'une grande quantité de meules témoigne d'une intense activité agricole avec transformation des céréales, quant à la découverte de nombreux mortiers et de petits bassins elle semble indiquer la présence d'activités de transformation de l'ocre, notamment utilisée pour colorer les murs du monument (le « temple rouge ») et pour décorer les poteries[11]. Les activités liées à la production textile sur le site de Monte d’Accoddi sont documentées par la présence de nombreuses fusaïoles en argile, découvertes pour la plupart à l’est du site, et de poids de métiers à tisser. Ces découvertes sont associées à chacune des phases d’occupation du site (Ozieri, sub-Ozieri, Abealzu et Monte Claro)[11].
Des activités métallurgiques semblent avoir été présentes sur le site au moins dès la période Filigosa. Elles sont attestées par la découverte de divers objets (creusets, marteaux, broyeurs) et ce qui semble être des amas de scories. Contu a mis au jour 33 objets et fragments métalliques présents dans les couches archéologiques les plus anciennes (sous la rampe) et en corrélation avec les découvertes de la phase d'Ozieri. Ces objets étaient principalement en cuivre : outils à pointe, petites haches, lames, un poinçon, un hameçon, un poignard et un pendentif[12].
D'autres découvertes archéologiques comportent une signification clairement plus rituelle. L'état extrêmement fragmentaire des nombreuses statuettes en marbre à plaques percées découvertes sur place ne semble pas accidentelle : les statuettes présentent des fractures évidentes au niveau du cou, du tronc et des bras et les éclats visibles autour de la tête semblent témoigner d'une destruction violente. Selon Lilliu, la destruction des statuettes du Monte d’Accoddi et la dispersion des débris seraient intentionnelles en lien avec des rites de fertilité[11]. Plus généralement, sur divers sites insulaires, les statuettes prénuragiques ayant souvent été retrouvées mutilées, avec la tête partiellement ou totalement arrachée, ceci peut poser la question du caractère intentionnel de ces destructions[11].
Protection
[modifier | modifier le code]Le site archéologique de Monte d'Accoddi fait partie de l'ensemble inscrit en 2025 au Patrimoine mondial de l'UNESCO sous le nom Tradition funéraire dans la Sardaigne préhistorique – Les domus de janas[13].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (it) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en italien intitulé « Monte d'Accoddi » (voir la liste des auteurs).
- Melis 2023, p. 31.
- Melis 2023, p. 33-34.
- ↑ Melis 2023, p. 36.
- Melis 2023, p. 38.
- Melis 2023, p. 39.
- Melis 2017.
- Jean Guilaine, La mer partagée : La Méditerranée avant l'écriture (7000-2000 avant Jésus-Christ), Hachette, , 454 p. (ISBN 2-01-235067-4), p. 338-339
- (it) « Catalogo dei siti », dans Alberto Moravetti, Paolo Melis, Lavinia Foddai, Elisabetta Alba, La Sardegna preistorica : Storia, materiali monumenti, Carlo Delfino editore, , 500 p. (ISBN 9788893610827), p. 410-411
- ↑ (it) Salvatore Merella, I menhir della Sardegna, Sassari, , 372 p. (lire en ligne), p. 25-26
- ↑ Melis 2011, p. 213.
- Melis 2011, p. 214.
- ↑ Melis 2011, p. 215.
- ↑ « Tradition funéraire dans la Sardaigne préhistorique – Les domus de janas », sur UNESCO
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- (it) Ercole Contu, L'altare preistorico di Monte d'Accoddi, Sardegna Digital Library (lire en ligne)
- (it) Ercole Contu, Monte d´Accoddi (Sassari). Problematiche di studio e di ricerca di un singolare monumento preistorico, Oxford,
- (en) Maria Grazia Melis, « Monte d’Accoddi and the end of the Neolithic in Sardinia (Italy) », Documenta Praehistorica, vol. XXXVIII, , p. 207-219 (DOI https://doi.org/10.4312/dp.38.16)
- (it) Maria Grazia Melis, « L’eredità del Neolitico. La Sardegna tra il IV e il III millennio a.C. », dans Alberto Moravetti, Paolo Melis, Lavinia Foddai, Elisabetta Alba, La Sardegna preistorica : Storia, materiali monumenti, Carlo Delfino Editore, , 500 p. (ISBN 9788893610827), p. 94-95
- (en) Maria Grazia Melis, « The Chronology of Monte d’Accoddi (Sardinia, Italy) – New Radiocarbon Dates », Interdisciplinaria archaeologica - Natural sceinces in archeology, vol. XIV, no 1, , p. 31-40 (lire en ligne [PDF])
- (it) S. Tinè, S. Bafico et T. Mannoni, Monte d'Accoddi e la Cultura di Ozieri, in La Cultura di Ozieri: problematiche e nuove acquisizioni, Ozieri, , p. 19-36
Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- « Vue satellitaire du site », sur Maps.google