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Lichen plan buccal

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Lichen plan buccal, face interne de la joue, en fond de bouche.
Exemple de lésions réticulaires blanches, typiques du lichen plan buccal (ici sur la muqueuse du fond de la joue, près des molaires).

Le lichen plan buccal est une affection inflammatoire chronique de la muqueuse buccale, non contagieuse, l'une des formes et variantes cliniques du lichen plan[1].

Ses symptômes, quand ils sont présents, sont d'abord la « présence de lésions réticulaires blanches, dans n’importe quel endroit de la muqueuse buccale »[2], associés, selon la forme clinique de la maladie, à un inconfort, des démangeaisons et sensations de brûlure, voire à une douleur intense rendant l'action de manger ou de déglutir difficile.

Des corticostéroïdes (sous forme topique), superpuissants[3] sont le traitement de première intention des poussées, mais une large gamme de traitements de deuxième/troisième intention existe, incluant des inhibiteurs topiques de la calcineurine, les corticostéroïdes systémiques, les rétinoïdes systémiques, les immunomodulateurs topiques/systémiques, etc.

Un suivi médical est nécessaire[4], car le lichen plan se transformera en cancer chez environ un patient sur cent.

L'étiologie du lichen plan buccal n'est pas entièrement comprise, mais il est considéré comme une maladie auto-immune[2]. L'inflammation de l'épithélium buccal est médiée, en réponse à un ou plusieurs antigènes inconnus[3], par certains types de globules blancs (principalement « les lymphocytes T cytotoxiques CD8+ et les lymphocytes T polarisés CD4+ Th1, bien que des preuves récentes indiquent l’implication d’autres sous-ensembles Th tels que Th9, Th17 et Tregs, suggérant qu’une relation plus complexe entre les cellules immunitaires existe au cours du processus pathologique »)[2].

En 2022, on sait qu'une réponse immunitaire, chronique et anormale, à certains antigènes présentés par les cellules immunitaires innées et les kératinocytes buccaux, induit ici « une augmentation anormalement élevée des cytokines, des chimiokines et de molécules d'adhésion (...) qui recrutent des lymphocytes T et des mastocytes sur le site malade, et orchestrent une interaction complexe entre les cellules qui aboutit à la mort des cellules kératinocytaires, à la destruction de la membrane basale de la muqueuse et à la chronicité à long terme de la maladie »[2].

La carence en vitamine D a été associée au lichen plan oral, sans que l'on sache encore en 2024 s'il existe une relation de cause à effet[5].

Mieux comprendre ces causes pourrait, espère-t-on, permettre de découvrir de nouvelles cibles thérapeutiques[2].

Prévalence géographique et par classe d'âge

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Selon une revue d'études récente (2020), sa prévalence globale est de 1,01 %, avec d'importantes différences géographiques (qui pourrait faire évoquer un facteur environnemental et/ou génétique)[6]. La maladie est généralement découverte et/ou confirmée par un spécialiste en médecine buccale/pathologie buccale, ou par un dentiste ou un dermatologue. Sa prévalence est la plus élevée en Europe (1,43 %) et la plus faible en Inde (0,49 %), où la kératose associée au tabagisme pourrait cependant masquer le lichen plan buccal et en atténuer sa prévalence apparente.

Sa prévalence signalée augmente nettement après 40 ans, puis progressivement avec l'âge[6], mais des cas existent aussi chez l'enfant[7].

Non-contagiosité

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Le lichen plan oral n'est pas contagieux[8].

Des marqueurs du Lichen plan buccal sont recherchés (par exemple dans la salive)[9], mais à ce jour, le diagnostic se base essentiellement sur les symptômes.

Un aspect caractéristique du lichen plan buccal est la structure en forme de réseau blanche qui est visible sur les muqueuses[8], mais on observe aussi des rougeurs, accompagnées de douleurs, de démangeaisons, de sensation de brûlure dans la bouche. Des formes érosives ou ulcératives, présentant des muqueuses ouvertes et endommagées, peuvent entraîner des douleurs ou des sensations de brûlure dans la bouche[8] et rendre la déglutition pénible, et la consommation d'aliments difficiles et inconfortable, alors que d'autres formes de lichen plan buccal ne provoquent souvent aucune gêne.

Dans la cavité buccale, les zones les plus fréquemment touchées, en ordre décroissant de fréquence, sont les joues, la langue, les gencives, le palais, les lèvres et le plancher buccal. L'emplacement le plus courant est l'intérieur des joues, vers le bas et à l'arrière, avec souvent une atteinte symétrique[10].

Statistiques

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Le lichen plan sur la muqueuse buccale est nettement plus fréquent que sur la peau[8],[11]. Environ deux pour cent de la population en Suisse souffre de cette maladie. Il touche plus fréquemment les personnes d'âge moyen, principalement entre 30 et 60 ans[8].

Les hommes et les femmes semblent globalement également touchés, mais certaines études suggèrent une légère prévalence chez les femmes[8], ce qui est courant concernant les maladies auto-immunes.

Les seuls des traitements disponibles à ce jour ne traitent que les symptômes, qui diminuent généralement ou disparaissent avec des corticostéroïdes[8],[11].

Selon Villa et al. (2024), le lichen plan se manifeste sur des régions de la peau (les plis, la zone génitale, la langue et la bouche), qui sont plus affectées que la moyenne par une communauté spécifique et variée de bactéries, de champignons ou de virus. On s'est naturellement demandé si ce microbiote particulier pouvait être la cause du Lichen plan buccal. Ce ne semble pas être le cas ; ces organismes se développant là probablement de manière simplement opportuniste (en profitant des lésions de l’épithélium) plutôt qu'en tant qu'agent causal de la maladie[12]. La cavité buccale saine a son propre microbiote buccal, de même que la salive[13],[14] ; en partie lié au microbiote intestinal. La dysbiose de ces microbiotes pourrait aggraver la maladie ; son traitement devrait donc être bien étudié, car de nombreux médicaments, dont les corticoïdes et les antibiotiques, peuvent aussi dégrader le microbiote et peut être alors aggraver la maladie.[Qui ?] invite[Quoi ?]... Le processus de guérison de la maladie devrait consister à traiter la dysbiose microbienne dont en restaurant un microbiote normal, tant sur la peau et les muqueuses que dans l'intestin.

Comme pour les autres formes de Lichen plan, la vitamine D pourrait être un oligoélément important dans ce cadre, une hypothèse encore à confirmer en 2024[5]. La consommation de thé vert a été proposé comme moyen de soulager la bouche[15]. L'application topique d'acide hyaluronique (à 0.2%) semble aussi avoir un effet bénéfique (par rapport à un placebo)[16]

Dans la muqueuse buccale, la maladie a souvent un caractère chronique[8].

Évolution et pronostic

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La maladie évolue par poussées intermittentes, avec des signes cliniques polymorphes (réticulaire, érosif, atrophique, plaque, papuleux, bulleux, etc.)[3].

C'est l'un des troubles buccaux potentiellement « malins » (pouvant - rarement - évoluer en tumeur maligne, c'est à dire en cancer)[17] ; en cas de lichen plan buccal chronique, des nodules peuvent évoluer en cancer (carcinome épidermoïde). C'est rare (environ un cas sur 100)[18], mais cela justifie un suivi médical régulier[8]. Des biomarqueurs de cette évolution vers le cancer font l'objet d'études[19].

Notes et références

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  1. Gunnar Wagner, Christian Rose et Michael Max Sachse, « Clinical variants of lichen planus », JDDG: Journal der Deutschen Dermatologischen Gesellschaft, vol. 11, no 4,‎ , p. 309–319 (ISSN 1610-0379 et 1610-0387, DOI 10.1111/ddg.12031, lire en ligne, consulté le ).
  2. a b c d et e Asma El‐Howati, Martin H. Thornhill, Helen E. Colley et Craig Murdoch, « Immune mechanisms in oral lichen planus », Oral Diseases, vol. 29, no 4,‎ , p. 1400–1415 (ISSN 1354-523X et 1601-0825, DOI 10.1111/odi.14142, lire en ligne, consulté le )
  3. a b et c Agathe Louisy, Eiryann Humbert et Mahtab Samimi, « Oral Lichen Planus: An Update on Diagnosis and Management », American Journal of Clinical Dermatology, vol. 25, no 1,‎ , p. 35–53 (ISSN 1175-0561 et 1179-1888, DOI 10.1007/s40257-023-00814-3, lire en ligne, consulté le )
  4. L. Ben Slama, « Affections potentiellement malignes de la muqueuse buccale : nomenclature et classification », Revue de Stomatologie et de Chirurgie Maxillo-faciale, vol. 111, no 4,‎ , p. 208–212 (ISSN 0035-1768, DOI 10.1016/j.stomax.2010.07.007, lire en ligne, consulté le ).
  5. a et b María García-Pola et Lucía Rodríguez-Fonseca, « Role of Vitamin D in Oral Lichen Planus: A Case Control Study », Nutrients, vol. 16, no 16,‎ , p. 2761 (ISSN 2072-6643, DOI 10.3390/nu16162761, lire en ligne, consulté le )
  6. a et b Miguel Ángel González‐Moles, Saman Warnakulasuriya, Isabel González‐Ruiz et Lucía González‐Ruiz, « Worldwide prevalence of oral lichen planus: A systematic review and meta‐analysis », Oral Diseases, vol. 27, no 4,‎ , p. 813–828 (ISSN 1354-523X et 1601-0825, DOI 10.1111/odi.13323, lire en ligne, consulté le )
  7. Shikha, S. Gupta, A. Mahajan et Ambika, « Childhood oral lichen planus: a case series with review of literature », European Archives of Paediatric Dentistry, vol. 23, no 2,‎ , p. 341–353 (ISSN 1818-6300 et 1996-9805, DOI 10.1007/s40368-021-00690-7, lire en ligne, consulté le )
  8. a b c d e f g h et i (de) « Oraler Lichen Planus », sur USZ (consulté le )
  9. Sineepat Talungchit, Waranun Buajeeb, Chotima Lerdtripop et Rudee Surarit, « Putative salivary protein biomarkers for the diagnosis of oral lichen planus: a case-control study », BMC Oral Health, vol. 18, no 1,‎ (ISSN 1472-6831, DOI 10.1186/s12903-018-0504-8, lire en ligne, consulté le )
  10. « Le lichen plan buccal : diagnostic et traitements », sur Dentaly.org, (consulté le )
  11. a et b « Corticostéroïdes pour le traitement du lichen plan buccal », sur www.cochrane.org (consulté le )
  12. Tomás G. Villa, Ángeles Sánchez-Pérez et Carmen Sieiro, « Oral lichen planus: a microbiologist point of view », International Microbiology, vol. 24, no 3,‎ , p. 275–289 (ISSN 1139-6709 et 1618-1905, PMID 33751292, PMCID PMC7943413, DOI 10.1007/s10123-021-00168-y, lire en ligne, consulté le ).
  13. FeiYan Yu, QianQian Wang, Miao Li et Ya-Hsin Cheng, Dysbiosis of saliva microbiome in patients with oral lichen planus, (lire en ligne).
  14. Kun Wang, Wenxin Lu, Qichao Tu et Yichen Ge, « Preliminary analysis of salivary microbiome and their potential roles in oral lichen planus », Scientific Reports, vol. 6, no 1,‎ (ISSN 2045-2322, DOI 10.1038/srep22943, lire en ligne, consulté le ).
  15. Jing Zhang et Gang Zhou, « Green tea consumption: an alternative approach to managing oral lichen planus », Inflammation Research, vol. 61, no 6,‎ , p. 535–539 (ISSN 1023-3830 et 1420-908X, DOI 10.1007/s00011-012-0440-z, lire en ligne, consulté le ).
  16. Rahul Raviraj Shetty, « The Efficacy of Topical Hyaluronic Acid 0.2% in the Management of Symptomatic Oral Lichen Planus », JOURNAL OF CLINICAL AND DIAGNOSTIC RESEARCH,‎ (ISSN 2249-782X, PMID 26894175, PMCID PMC4740703, DOI 10.7860/jcdr/2016/15934.7101, lire en ligne, consulté le ).
  17. Fernanda Weber Mello, Andressa Fernanda Paza Miguel, Kamile Leonardi Dutra et André Luís Porporatti, « Prevalence of oral potentially malignant disorders: A systematic review and meta‐analysis », Journal of Oral Pathology & Medicine, vol. 47, no 7,‎ , p. 633–640 (ISSN 0904-2512 et 1600-0714, DOI 10.1111/jop.12726, lire en ligne, consulté le )
  18. Michele Giuliani, Giuseppe Troiano, Massimo Cordaro et Massimo Corsalini, « Rate of malignant transformation of oral lichen planus: A systematic review », Oral Diseases, vol. 25, no 3,‎ , p. 693–709 (ISSN 1354-523X et 1601-0825, DOI 10.1111/odi.12885, lire en ligne, consulté le )
  19. Mircea Tampa, Constantin Caruntu, Madalina Mitran et Cristina Mitran, « Markers of Oral Lichen Planus Malignant Transformation », Disease Markers, vol. 2018,‎ , p. 1–13 (ISSN 0278-0240 et 1875-8630, DOI 10.1155/2018/1959506, lire en ligne, consulté le )

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Articles connexes

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Bibliographie

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Kurago ZB. Etiology and pathogenesis of oral lichen planus: an overview. Oral Surg - Oral Med - Oral Pathol - Oral Radiol., 2016; 122(1): 72–80.