Italiens de Crimée

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Les Italiens de Crimée (en italien : Italiani di Crimea ; en ukrainien : Італійці Криму ; en russe : Итальянцы в Крыму) sont une minorité ethnique résidant en Crimée, et dont le noyau le plus important se trouve dans la ville de Kertch.

Histoire[modifier | modifier le code]

Localisation des comptoirs génois de Crimée au XVe siècle.

Des peuples italiens ont peuplé certaines régions de la Crimée et de l'Ukraine à l'époque romaine, mais aussi à l'époque de la république de Venise et de la république de Gênes. Certaines sources affirment qu'à la fin du XVIIIe siècle, 10 % de la population d'Odessa était italique[1].

En 1783, 25 000 Italiens émigrent en Crimée, récemment annexée par l'Empire russe[2] à l'initiative de l'impératrice Catherine II, neuf ans après son indépendance de l'Empire ottoman[3]. Entre 1830 et 1870, des migrants italiens arrivent à Kertch en provenance des Pouilles[4], principalement de Trani, de Bisceglie et de Molfetta. Ces migrants sont des paysans et des marins attirés par les opportunités d'emploi dans les ports maritimes locaux de Crimée, et par la possibilité de cultiver les terres fertiles et presque inexploitées de Crimée. Le général et patriote italien Giuseppe Garibaldi travaille comme marin au moins deux fois dans la région d'Odessa, entre 1825 et 1833. Une vague ultérieure d'Italiens arrive au début du XXe siècle, invités par les autorités impériales russes à développer des activités agricoles, principalement la culture de la vigne.

L'église catholique Santa Maria Assunta de Kertch (XIXe siècle).

À Kertch, les Italiens de Crimée construisent une église catholique romaine, encore connue localement sous le nom d'« Église des Italiens ». De Kertch, les Italiens se déplacent vers Feodosia (l'ancienne colonie génoise de Caffa), Simferopol, Marioupol, et vers d'autres ports maritimes impériaux russes de la mer Noire, comme Batoumi et Novorossiïsk.

Au début du XXe siècle, la communauté italienne est suffisamment nombreuse pour disposer d'une école primaire et d'une bibliothèque. Le journal local de l'époque, Kerčenskij Rabocij, publie des articles en italien[5]. Selon les informations contenues dans les archives statistiques ukrainiennes, les Italiens de Kertch représentent 1,8 % de la population en 1897, et 2 %, soit 3 000 personnes en 1921[6].

Répression[modifier | modifier le code]

Après la révolution d'Octobre, de nombreux Italiens sont considérés comme des étrangers et comme des ennemis. Ils font donc face à une forte répression[2].

Entre 1920 et 1930, de nombreux Italiens antifascistes cherchant asile en Union soviétique sont envoyés de Moscou à Kertch pour organiser la communauté italienne locale. Selon les plans des fermes collectives soviétiques, les Italiens sont contraints de créer un kolkhoze, nommé Sacco e Vanzetti en hommage aux deux anarchistes italiens du même nom. Ceux qui refusent d’obtempérer sont contraints de partir ou expulsés. Selon le recensement de 1933, le nombre d'Italiens dans la région de Kertch a déjà diminué de 1,3 %.

Entre 1936 et 1938, pendant les Grandes Purges, de nombreux Italiens sont accusés d'espionnage et arrêtés, torturés, déportés ou exécutés. En 1939, davantage d'Italiens fuient lorsque leur citoyenneté italienne risque d'être perdue, après que l'Union soviétique a imposé sa propre citoyenneté aux personnes d'origine étrangère. Après cela, 1 100 Italiens restent à Kertch et un nombre moindre dans d'autres communautés[7],[2].

En 1942, lorsque la Wehrmacht conquiert l'Ukraine et la Crimée, la minorité italienne est déportée vers l'Asie centrale selon les mêmes modalités que les Allemands de la Volga, déjà déportés en août 1941. L'ensemble de la communauté italienne, y compris les antifascistes installés dans les années 1920, ce qui correspond à 3 000 personnes, est rassemblé et envoyé au Kazakhstan dans des trains scellés, sur ordre de soldats sans signe distinctif mais qui parlaient russe[3]. Le voyage commence le et dure jusqu'en mars, date à laquelle le convoi arrive à Atbasar où les prisonniers sont transférés dans des camps de travail. La moitié du convoi (dont tous les enfants) sont morts pendant le voyage, ainsi que de nombreux autres lors de la détention dans les camps[8].

Les quelques survivants sont autorisés à retourner à Kertch sous la direction de Nikita Khrouchtchev. Quelques familles se dispersent dans autres territoires de l'Union soviétique, principalement au Kazakhstan.

Après l'effondrement de l'URSS[modifier | modifier le code]

Les descendants des Italiens survivants de Crimée représentent aujourd'hui environ 300 personnes, résidant principalement à Kertch[9],[10].

En 2014, l'annexion de la Crimée par la Russie inquiète les Ukrainiens d'origine italienne qui craignent qu'il leur soit impossible d'obtenir la nationalité italienne alors qu'ils sont désormais russes. La Russie n'a alors pas encore reconnu la déportation des Italiens en 1942[3].

Le , une délégation de l'association « Cerkio » (une organisation qui représente les Italiens de Crimée), conduite par sa présidente, Giulia Giacchetti Boico, et Silvio Berlusconi, rencontre Vladimir Poutine à Yalta. À la suite de cette réunion, le président russe publie un décret reconnaissant le sort des Italiens de Crimée sous le régime stalinien[11].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Storia degli italiani in Ucraina e Crimea « https://web.archive.org/web/20120330180533/http://www.ucraini.org.ua/?page_id=237 »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), .
  2. a b et c (en) Davide Berni, The Italian Minority of Crimea : History of a Diaspora between Emigration and Deportation (lire en ligne).
  3. a b et c « La grande peur des Italiens de Crimée », sur Les Echos, (consulté le )
  4. (it) Antonio Verardi, « La deportazione dei pugliesi di Crimea », sur pugliain.net, 3 juillet 2016.
  5. (it) « I Genovesi del Mar Nero », sur appunti.info
  6. Giacchetti Boico et Vignoli 2008, p. 6.
  7. (en-GB) « Alessandro Vincenzi – Forgotten Italians | Imp Festival » (consulté le )
  8. Giacchetti Boiko et Vignoli 2007.
  9. « Italiani perseguitati da Stalin e poi dimenticati », Il Giornale, 23 janvier 2011.
  10. (it) « La tragedia dimenticata degli italiani di Crimea », (consulté le )
  11. (ru) « Путин: список подлежащих реабилитации народов Крыма пополнят итальянцы » [« Poutine: les Italiens seront ajoutés à la liste des peuples de Crimée soumis à réhabilitation »], sur Ria Novosti,‎ (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (it) Giulia Giacchetti Boico et Giulio Vignoli, La tragedia sconosciuta degli Italiani di Crimea, Kertch,
  • (it) Giulia Giacchetti Boico et Giulio Vignoli, L'olocausto sconosciuto. Lo sterminio degli Italiani di Crimea, Rome, Edizioni Settimo Sigillo,
  • (it) Silvano Gallon, Giulia Giacchetti Boico, Edoardo Canetta, Tito Manlio Altomare et Stefano Mensurati, Gli Italiani di Crimea. Nuovi documenti e testimonianze sulla deportazione e lo sterminio, a cura di Giulio Vignoli, Rome, Edizioni Settimo Sigillo,
  • (it) Stefano Mensurati et Giulia Giacchetti Boico, La tragedia dimenticata. Gli italiani di Crimea, Libreria Editrice Goriziana,
  • (it) Silvano Gallon, Della comunità italiana di Crimea, del Mar d'Azov e del Mar Nero. : Dal primo Ottocento alla seconda guerra mondiale, IPE,
  • (it) Heloisa Rojas Gomez, Gli Italiani di Crimea : Dall'emigrazione al Gulag, Libreria Editrice Goriziana,

Liens externes[modifier | modifier le code]