Ilana Shmueli

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Ilana Shmueli
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Biographie
Naissance

Tchernivtsi (Județ de Cernăuți (en), Royaume de Roumanie)Voir et modifier les données sur Wikidata
Décès
Nom de naissance
Liane Josephine SchindlerVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Autres informations
Genre artistique
Distinction
Prix Theodor Kramer en 2009
Archives conservées par
Bibliothèque nationale autrichienne (LIT 401/12: Nachlass Ilana Shmueli)[1]Voir et modifier les données sur Wikidata


Ilana Shmueli, née le 7 mars 1924 et morte le 11 novembre 2011, est une poétesse israélienne d'expression allemande[2].

Biographie[modifier | modifier le code]

Ilana Shmueli est née Liane Josephine Schindler le 7 mars 1924 à Tchernivtsi, qui se trouvait à cette époque en Roumanie, aujourd'hui en Ukraine. Son père, Michael Schindler, est originaire de Bucovine, mais avait étudié l'ingénierie à Vienne et s'est marié à une Viennoise, avant de revenir dans sa terre natale fonder une entreprise de fabrication de meubles. La famille était plutôt aisée, son père impliqué dans des mouvements sionistes et président du club de football. Liane et sa sœur communiquaient en allemand, mais apprirent en plus le roumain, le latin, le français, l'hébreu et l'anglais, à l'école roumaine jusqu'en 1940. Puis vient l'occupation russe en 1940-41, où elle intégrèrent l'école yiddish. Michael Schindler, considéré comme sioniste et capitaliste, vit ses biens saisis. Leur situation se dégrade avec l'entrée des forces germano-roumaines : ils vivent dans un ghetto, dans la crainte des déportations qui se multiplient. Elle se lie avec Paul Antschel, le futur Paul Celan, fréquente des cercles littéraires interdits, se promene avec lui dans le Volksgarten interdit, sans étoile jaune. La sœur de Liane et sa meilleure amie se suicident à la même époque. En 1944, elle parvient à fuir avec ses parents : ils prennent un bateau bulgare à Constanța pour Istanbul et à partir de là, ils émigrent en Palestine mandataire.

Ilana étudie la musique à Tel Aviv et travaille en tant que secrétaire dans son école, puis la criminologie et les sciences sociales. Elle se marie en 1953 avec le musicologue Herzl Shmueli, en 1956, ils ont une fille. Elle est responsable de la formation des assistants sociaux spécialisés dans l'aide aux jeunes délinquants[3] jusqu'à sa retraite, et organise aussi des cours pour les immigrés russes. Elle ne commence à écrire qu'à partir de 1984, des poèmes en allemand et en hébreu, des souvenirs de son enfance à Tchernivtsi et de Paul Celan, qui paraissent au départ isolément dans des revues littéraires. Elle a aussi traduit des œuvres de l'hébreu en allemand. En 2009, elle obtint, avec Josef Burg, le prix Theodor Kramer pour l'écriture en exil et résistance[4].

Ilana Shmueli est aussi connue pour avoir été le dernier amour de Paul Celan, qu'elle retrouve à Paris en septembre 1965. En 1967, le poète se fit interner et se sépara de sa femme et de son fils. En 1969, Ilana lui montra Jérusalem, puis au début de l'année 1970, elle était avec lui à Paris, mais ne put empêcher son suicide en avril[5].

Après la mort de son époux en 2001, Ilana Shmueli s'installa à Jérusalem et publie plusieurs livres dont Sag, daß Jerusalem ist, d'abord en hébreu puis en allemand, avec des souvenirs de Paul Celan (2000), puis des souvenirs autobiographiques et un recueil de poèmes. Ilana Shmueli mourut le 11 novembre 2011 à Jérusalem.

Œuvre[modifier | modifier le code]

Une culture particulière s'est formée à Tchernivtsi au début du vingtième siècle : la minorité juive, qui utilisait largement la langue allemande comme vecteur de communication, sentant son annihilation approcher, s'est attachée à la création littéraire, en particulier à la poésie. Paul Celan fut une figure centrale de cette scène littéraire, Ilana Shmueli s'est en partie inspirée de son œuvre, d'un hermétisme assez proche du sien[6]. Il est cependant à noter que cette influence semble avoir été au moins en partie réciproque : ainsi le séjour de Celan en octobre 1969 à Jérusalem a fortement inspiré les dernières œuvres du poète[7]. Dans certains de ses poèmes, Celan reprend en effet des mots, voire des phrases, des lettres d'Ilana Shmueli[8]. La question de la langue, déjà difficile chez Celan, a revêtu une importance particulière chez Shmueli, qui est finalement revenue à l'allemand, bien qu'elle ait reconnu ne se sentir « dans aucune langue à la maison[9] », sentiment qu'elle rattache à la question israélienne des racines culturelles, indiciblement problématiques selon elle.

Publications[modifier | modifier le code]

  • Schotter unter der Zunge, Tel Aviv, 1996
  • Paul Celan et Ilana Shmueli, Briefwechsel, correspondance, Suhrkamp, Francfort, 2004.
  • Ein Kind aus guter Familie. Czernowitz 1924–1944, souvenirs autobiographiques, Rimbaud, Aix-la-Chapelle, 2006.
  • Fragmentos de una época, Arcadia, Barcelone, 2007, multilingue.
  • Zwischen dem Jetzt und dem Jetzt, poésies, Rimbaud, Aix-la-Chapelle, 2007.
  • Zeitläufe – ein Brief, Rimbaud, Aix-la-Chapelle, 2009.
  • Sag, daß Jerusalem ist, sur Paul Celan, Rimbaud, Aix-la-Chapelle, 2010, réédition, première édition en 2000 à Eggingen.
  • Leben im Entwurf, poésies posthumes, Rimbaud, Aix-la-Chapelle, 2012.

Plusieurs œuvres ont été traduites en français, notamment la correspondance avec Celan en 2006, anglais ou italien.

Références[modifier | modifier le code]

  1. « https://www.onb.ac.at/de/bibliothek/sammlungen/literatur/bestaende/personen/shmueli-ilana-1924-2011/ » (consulté le )
  2. Biographie d'Ilana Shmueli par Kirsten Heyerhoff sur le Portail de la Bucovine, site issu d'un projet du Délégué du gouvernement fédéral pour la Culture et les Médias, en ligne : https://www.bukowina-portal.de/de/ct/167-Ilana-Shmueli
  3. John E. Jackson, Le dernier amour de Celan, dans Le Temps du 16 décembre 2006, critique de la correspondance de Celan et Shmueli, en ligne : https://www.letemps.ch/culture/dernier-amour-celan
  4. Preis für Schreiben im Widerstand und im Exil vergeben, dans Der Standard du 14 avril 2009, en ligne : https://www.derstandard.at/story/1237229885052/preis-fuer-schreiben-im-widerstand-und-im-exil-vergeben
  5. Patrick Kéchichian, Paul Celan, lettres de l'ultime combat, dans Le Monde du 9 novembre 2006, en ligne : https://www.lemonde.fr/livres/article/2006/11/09/paul-celan-lettres-de-l-ultime-combat_832462_3260.html
  6. Radek Malý, The Poetry of Ilana Shmueli within the Cultural Context of Chernivtsi and Bukovina, dans Slovo a smysl, numéro 39, 19/2022, Univerzita Karlova v Praze - Filozofická fakulta, Vydavatelství, Prague, 2022, pages 84-94.
  7. Hans-Jürgen Schrader, Poetische Celan-Reminiszenzen und Erinnerungen an seinen Israel-Aufenthalt 1969 im Jerusalemer Lyris- Kreis, bei Ilana Shmueli und Manfred Winkler, dans Exilerfahrung und Konstruktionen von Identität 1933 bis 1945, De Gruyter, Berlin, 2013, pages 65 à 98.
  8. Shoshana Olidort et Jake Marmer, Love Is Talk, dans The Forward du 6 juillet 2011, en ligne : https://forward.com/culture/139495/love-is-talk/
  9. Natascha Freundel, reportage radiophonique sur Deutschland Funk dans l'émission Geschichten über Lesen und Leser du 2 mars 2007 à la foire du livre de Jérusalem en compagnie d'Ilana Shmueli, en ligne : https://www.deutschlandfunk.de/geschichten-ueber-lesen-und-leser-100.html