Hégire

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L'hégire (arabe : هجرة [hiǧraʰ], « immigration » du point de vue de la première congrégation religieuse à Médine ; « exil » ; « rupture » ; « séparation ») désigne le départ de Mahomet et de plusieurs de ses compagnons de La Mecque vers l'oasis de Yathrib, ancien nom de Médine, en 622[1].

Le terme hégire signifie en arabe « immigration » (du point de vue de Médine) ; le sens de « rupture de liens » (sous-entendu : familiaux) est parfois rencontré. Cet événement crée une rupture fondamentale avec la société telle qu'elle était connue des Arabes jusqu'alors. Mahomet vient en effet de rompre un modèle sociétal établi sur les liens du sang (organisation clanique), en faveur d'un modèle de communauté de destin fondée sur la croyance. Dans ce nouveau modèle, où tout le monde est censé être « frère », il n'est plus permis d'abandonner le démuni ou le faible comme c'était le cas auparavant. Les clans puissants de La Mecque vont tout faire pour éliminer cette nouvelle forme de société qui diminue leur influence[2] car l'égalité entre les croyants est proclamée lors de la rédaction de la constitution de Médine, qu'ils soient libres ou esclaves, arabes ou non-arabes[3].

Pour marquer l'importance de cet événement, le calendrier musulman commence au premier jour de l'année lunaire de l'Hégire, ce qui correspond au .

Terminologie

Le substantif féminin « hégire » [eʒi:ʀ] a été emprunté, par l'intermédiaire de l'italien hegira, à l'arabe hiğra[4],[5] Souvent traduit par « fuite », hiğra dérive de la racine h-ǧ-r qui dénote une interruption de relations amicales ou une émigration[6]. Les musulmans qui quittèrent La Mecque pour Médine sont les muhâjirûn ou émigrés ; les Médinois convertis qui aidèrent les émigrants à s'installer sont les ansâr ou auxiliaires[6].

L'exil à Yathrib

Selon la tradition, Mahomet reçoit des messages d'Allah (« Dieu » en arabe) par l'intermédiaire de l'ange Gabriel en 610. Ainsi commence sa mission prophétique. Il est rejoint par plusieurs compagnons, mais ceux-ci font l'objet de violences et de pressions de la part des marchands de La Mecque car leur pouvoir est mis à mal par la nouvelle religion. Ces derniers craignaient une diminution des revenus qu'ils tiraient des pèlerins venus de toute la péninsule d'Arabie prier les idoles du sanctuaire de la ville, la Kaaba, aujourd'hui lieu de pèlerinage pour les musulmans du monde entier.

Après avoir envisagé de quitter La Mecque pour l'oasis de Taïf, à une centaine de kilomètres au sud, Mahomet est sollicité par des disciples originaires de Yathrib (la future « Médine »), une autre ville-oasis située à 400 km au nord par voie routière. Ils l'invitent à choisir leur cité.

Le , à Aqaba, près de La Mecque, les représentants de Yathrib signent avec Mahomet une alliance, le second serment d'allégeance d'al-Aqaba, et acceptent d'accueillir ses disciples mecquois[7]. Peu après, une poignée de fidèles de Mahomet partent de La Mecque, ce qui marque le début de l'Hégire. La date du premier départ est fixée rétrospectivement au du calendrier julien (cela correspond au du calendrier grégorien) par le calife Omar au moment de l'élaboration du nouveau calendrier musulman. Mahomet part de La Mecque vers Yathrib le (ce qui correspond au 26 safar). Il est parmi les derniers musulmans à quitter la ville et arrive à Yathrib le 24 (ce qui correspond au 12 rabi` al-awwal).

Formes modernes

Au XXIe siècle,[réf. nécessaire] le terme hégire ou hijra est utilisé pour désigner l'exil des musulmans qui, vivant en Occident, choisissent de retourner vivre en « terre d'islam ».

Depuis les années 1990, dans le courant salafiste, l’exil des pays qui pour eux « contredis[ent] leurs aspirations puritaines » est réactualisé et légitimé par des « soubassements doctrinaux indéniables »[8]. Dans les années 2010, l'État islamique donne un nouveau sens à ce terme : les croyants doivent quitter leur pays pour rejoindre physiquement la lutte djihadiste menée par cette organisation sur les territoires qu'elle contrôle. La hijra, qui était à l'origine pacifique et visait à préserver le musulman de la persécution, se transforme et se pervertit en un « pilier inhérent au jihad »[9],[10]. Il se développe une propagande qui lui est dédiée[9],[11] et elle est décrite par l’État islamique comme un acte « obligatoire »[9]. À propos de la hijra, Louis Blin parle d'un « voyage initiatique sans but de retour » : on peut la considérer comme une variante de la radicalisation sur place[12], à laquelle elle fait en quelque sorte pendant.

Notes et références

  1. Malek Chebel, Dictionnaire des symboles musulmans, Éditions Albin Michel, p. 196.
  2. Slimane Zhegidour, La vie quotidienne à La Mecque de Mahomet à nos jours, Éd. Hachette (ISBN 2-01-013947-X), chapitre : « La séparation ».
  3. Malek Chebel, Dictionnaire des symboles musulmans, Éditions Albin Michel, p. 111.
  4. « Hégire », dans le Dictionnaire de l'Académie française, sur Centre national de ressources textuelles et lexicales [consulté le 21 août 2016].
  5. Informations lexicographiques et étymologiques d'« hégire » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales [consulté le 21 août 2016].
  6. a et b (en) Jocelyn Hendrickson, « Hijra », dans Gerhard Böwering (éd.), The Princeton encyclopedia of islamic political thought, Princeton et Oxford, Princeton University Press, , XLIV-656 p., 26 cm (ISBN 0-691-13484-7 et 978-0-691-13484-0, OCLC 842343377, BNF 42735472, présentation en ligne), p. 219 [lire en ligne] et p. 220 [lire en ligne] [consulté le 21 août 2016].
  7. Charles Saint-Prot, Islam, l'avenir de la tradition : entre révolution et occidentalisation, Rocher, (ISBN 226806610X, lire en ligne).
  8. Mohamed-Ali Adraoui, « Partir au nom de Dieu ? Islam et migration », Migrations Société, nos 2015/3 (159-160),‎ (lire en ligne)
  9. a b et c Gharrafi, Miloud. « La propagande jihadiste : le cas de Daech », Les fanatismes aujourd'hui. Enjeux cliniques des nouvelles radicalités. ERES, 2018, pp. 445-465.
  10. Rebecca Gould, « La hijra pervertie par l'État islamique », Médias 24,
  11. « La hijra : ces musulmans qui quittent la France pour pratiquer un «islam sain» », Le Figaro,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. Blin, Louis. « Le djihadisme français, avatar sinistre du voyage en Orient et produit monstrueux de la modernité », Confluences Méditerranée, vol. 105, no. 2, 2018, pp. 199-210.

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