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Force publique

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Deux soldats africains de la Force publique

La Force publique (FP) fut la dénomination des forces armées du territoire de l'actuelle République démocratique du Congo depuis 1885 (alors que le territoire était connu sous le nom d'État indépendant du Congo) jusqu'au début de la Deuxième république de la RDC en 1965.

Les débuts sous l'État indépendant du Congo

La défense de drapeau par la Force publique. photo de la Société de Géographie, 1928

La Force publique fut créée en 1885 par Camille Coquilhat lorsque le Roi Léopold II de Belgique, qui venait de prendre possession du pays sous le nom d'État indépendant du Congo, commanda à son ministre des Affaires intérieures de créer une force militaire et de police pour l'État. À partir de 1886, Léopold envoya de nombreux officiers belges détachés pour mettre en place la force militaire annoncée. Pour s'assurer la maîtrise de cette Force, le corps des officiers fut composé d'officiers belges mais aussi Suédois, Danois, et d'autres européens, dont certains étaient à la recherche d'aventures africaines ou de fortune facile. Un des officiers blancs, surnommé Kurtz d'origine polonaise était chargé de soumettre des ethnies ou communautés qui ne voulaient pas se soumettre à l'administration coloniale. Il ordonna alors à ses soldats de tuer les résistants et les payait en barre d'étain pour chaque tête d'ennemi qu'il rapportait. Kurtz bâtit une clôture autour de son jardin avec les têtes. Les autochtones du village où il habitait, appeurés acceptèrent alors de se convertir au christianisme.

Les sous-officiers étaient des africains d'origines variées. Nombre de ces «recrues» étaient des cannibales issus des tribus les plus féroces du haut-Congo. Léopold II acheta aussi des esclaves à Tippu Tipp, les esclaves, connus dès lors sous le nom de libérés, étaient libérés s’ils acceptaient de s'engager pour quatre ans dans la force publique, alors que d'autres avaient été kidnappés dans leur enfance lors de raids sur leur village, et élevés dans des missions catholiques où ils recevaient une éducation militaire proche de l'esclavage. D'autres encore étaient d'origine zanzibarite ou en provenance des zones côtières anciennement colonisées. La Force publique se construisit sur base de la défense du territoire et de la lutte contre les marchands d'esclaves. Sous Léopold II, un des rôles de la FP fut cependant d'assurer la rentabilité économique du territoire, par l'exploitation du caoutchouc et de l'ivoire, notamment en assurant par le contrôle du travail forcé les quotas de production avec des armes à feu et la chicotte ou fimbo — un fouet fait de lanières de peau d'hippopotame. Tout les Congolais qui outrepassaient le règlement colonial recevaient de 50 à 100 coups de fouet, nombre qui fut ensuite baissé à 20. Les coups pouvaient bien évidemment être mortels. La FP prenait régulièrement des otages, le plus souvent des femmes, afin de forcer leur mari à travailler pour remplir les quotas de production demandés. Les femmes étaient parfois violées. De nombreux villages furent incendiés, et les mains des cadavres devaient être coupées et ramenées pour justifier la dépense en munitions. Avec de nombreux abus, des mains étant régulièrement coupées à des individus vivants pour justifier de munitions dépensées autrement.

La première mission de la Force publique fut d'assurer la main-mise sur le territoire de l'EIC. La principale opération fut la guerre qu'elle mena contre les Arabo-Swahilis de l'est du pays de 1892 à 1894, guerre menée par Francis Dhanis. Louis Napoléon Chaltin occupera par ailleurs l'enclave de Lado en 1897.

De façon peu surprenante, la Force publique dut faire face à de nombreux problèmes de discipline au cours de son histoire. Au cours des premières années, les mutineries de la part des soldats noirs étaient fréquentes (voir notamment Révolte des Batetela), et au début des années 1890, l'essentiel de la partie orientale du territoire était aux mains des esclavagistes arabes (le contrôle de cette partie du territoire fut graduellement repris vers le milieu de la décennie)). Les problèmes d'organisation avec des officiers blancs furent également fréquents. Nombre d'entre eux utilisèrent en effet plus le pouvoir qui leur était donné sur le territoire pour leur profit personnel que pour servir les intérêts de l'État. Pour Stanley, le contrôle de certains officiers était le principal problème auquel il fallait faire face.

Quelque officiers et soldats fameux

Léon Rom, Guillaume van der Kerckhoven, Mathieu Pelzer, Kandolo, Yamba-Yamba, Lindsay Burke, Camille Coquilhat,Edmond Van der Meersch,P. Ermens, A. Gilliaert

Le Congo belge

Campagne de 1916-1917 dans l'Est africain

Après la reprise de l'État indépendant du Congo par le gouvernement belge en 1908, la Force publique fut organisée en 21 compagnies distinctes plus des unités séparées d'artillerie et de génie. Chaque compagnie devait comprendre au moins 4 officiers blancs, et plus de 150 askaris (soldats africains). 8 officiers congolais complétaient l'effectif. Ces officiers belges et congolais prirent rapidement la place des européens de toutes origines qui constituaient le corps des officiers sous l'État indépendant. Les troupes du Katanga étaient constituées en une force autonome de 6 compagnies et une unité cycliste.

En 1914, la Force publique, comprenait environ 17 000 soldats (forces katangaises incluses). La plupart servaient en de petites garnisons affectées à un territoire, avec un rôle de police. Seules les unités katangaises étaient organisées en bataillons, avec une fonction militaire première. Des efforts furent accomplis afin de remédier aux excès du temps de l'État indépendant, et pour transformer la FP en une force coloniale plus classique, mieux disciplinée, mais gardant un rôle répressif inévitable. La plupart des soldats étaient armés d'un unique fusil Albini 11mm. Ils continuèrent de porter un uniforme bleu avec un fez rouge, remplacés par un uniforme kaki pour la période 1915-17. L'enrôlement annuel était basé sur un système de quota de recrues (volontaires ou non) fixé par district, les non-volontaires étant désigné d'office par les chefs des villages. Il était d'une durée de 7 années.

Au cours de la Première Guerre mondiale, des unités de la Force publique renforcées combattirent l'Empire colonial allemand au Cameroun, au Rwanda, au Burundi et sur le territoire de l'actuelle Tanzanie. Elle remportèrent divers succès militaires, gagnant le respect de leurs alliés portugais et britanniques et de leurs ennemis allemands. De 1914 à fin 1917, 58 militaires européens, 1895 soldats et 7124 porteurs congolais périrent au combat ou d'épuisement.

Pour la période restante sous autorité belge, la Force publique continua son double rôle militaire et de police, bien qu'une gendarmerie séparée fut instituée en 1959, 10 mois avant l’indépendance du Congo, issue des troupes du service territorial de la FP. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, des détachements combattirent avec succès au côté des forces britanniques en Abyssinie italienne où la 23e D.I. italienne se rendit aux troupes belges et congolaises. En 1943 un corps expéditionnaire belge fut envoyé au Moyen-Orient où il fut ré-équipé, ré-entraîné et rénové sur base des normes britanniques. Il devint le 1st Belgian Congo Brigade Group. Mais en 1944 la décision fut prise de ne pas l'employer sur le théâtre d'opération européen, et de le renvoyer au Congo belge. Cette décision serait due au trop faible taux d'encadrement européen de cette Brigade au regard des critères de l'armée britannique.

Entre 1945 et 1960, la Belgique continua d'utiliser la Force publique comme un corps de police coupé du peuple, avec des unités mélangées comprenant au maximum 25 % de natifs de la province où ils servaient. Corps discipliné et exigeant, la Force publique impressionnait les visiteurs avec son apparence soignée et sérieuse, mais entretenait une culture de ségrégation, encouragée par ses officiers belges, qui conduisit à des tensions violentes dès l'indépendance proclamée en juin 1960. La chicotte elle-même ne fut abolie qu'en 1955. En 1957, pour la première fois, le contingent annuel de recrutement ne fut enfin formé que de volontaires. En septembre 1959 une Ecole d'Adjudants ouvrit ses portes au profit des militaires congolais qui, jusqu'à cette date, ne pouvaient dépasser le grade de 1er sergent-major. Le gouvernement belge ne prit pas à temps les mesures visant à la constitution d'un corps suffisant d'officiers pour diriger la FP, et à l'indépendance, seuls 20 cadets africains étaient en écolage.

Post-indépendance

Le 5 juillet 1960, soit 5 jours après la proclamation de l'indépendance, des troupes de la Force publique stationnées près de Léopoldville se mutinèrent contre leurs officiers blancs (qui étaient demeurés à la tête du corps d'armée) et attaquèrent de nombreuses cibles européennes et congolaises. Le fait à l'origine de cette rébellion aurait été des propos tenus aux soldats africains par le général belge commandant la FP au camp principal des environs de Léopoldville. Il leur aurait déclaré que l'indépendance n'apporterait aucun changement dans leur rôle ou statut. L'intention du général Janssen était avant tout de rappeler que la discipline devait être maintenue au sein de la Force publique, mais le discours fut compris comme une négation de l'indépendance nouvellement acquise. L'impact fut désastreux. L'insurrection fut à l'origine d'une panique parmi la population civile d'origine européenne (essentiellement belge). Nombre d'entre eux retournèrent en Europe, et le nouveau gouvernement perdit sa crédibilité en se montrant incapable de contenir les mutins et d'empêcher leurs exactions. La Force publique fut débaptisée en Armée nationale congolaise (ANC), et son commandement fut africanisé.

Cette flambée de violence conduisit immédiatement à une intervention de l'armée belge pour assurer la sécurité de ses citoyens et plus généralement des européens. Ce retour de l'ancienne puissance coloniale fut une violation flagrante de la souveraineté nationale, ce retour étant intervenu sans l'accord du gouvernement congolais. La crise qui s'ensuivit vit la montée en puissance de Joseph Mobutu, un ancien sergent-major de la Force publique qui avait été mis à la tête de l'armée par Patrice Lumumba, et qui finit par prendre définitivement le pouvoir en 1965, établissant une kleptocratie dictatoriale. Le régime de Mobutu se maintint jusqu'en 1997.

Voir aussi

Bibliographie

  • Flament, F. et al., La force publique de sa naissance à 1914, Bruxelles, IRCB, 1952.

R. Werbrouck, "La Campagne des Troupes Coloniales Belges en Abyssinie" Presses du Courrier d'Afrique, Léopoldville. Philippe Brousmiche, "Bortaï" Gamma 'Inédits" 1987

Liens internes

Liens externes