En mathématiques, les fonctions régulières (i.e. les fonctions indéfiniment dérivables) et les fonctions analytiques sont deux types courants et d'importance parmi les fonctions. Si on peut prouver que toute fonction analytique réelle est régulière, la réciproque est fausse.
L'existence de fonctions régulières mais non analytiques représente la différence entre la géométrie différentielle et la géométrie analytique. En termes topologiques, on peut définir cette différence ainsi : le préfaisceau des fonctions différentiables sur une variété différentiable est fin, contrairement au cas analytique.
Les fonctions présentées dans cet article sont généralement utilisées pour construire des partitions de l’unité sur des variétés différentiables.
Les fonctions dérivées de tout ordre de f sont continues sur la droite réelle, avec :
où pn(x) est un polynôme de degré n − 1 défini par la suite p1(x) = 1 et
Démonstration
La preuve repose sur le fait que, pour tout entier positif m,
En effet, en utilisant le développement en série entière de la fonction exponentielle, on a pour tout entier m :
dont on déduit
La preuve de la formule de la dérivée d'ordre n de f se fera par récurrence. Les règles de calcul usuelles montrent que
Il reste à s'assurer de la continuité, donc que la limite à droite de f' en x = 0 est bien nulle. Or,
La récurrence de n à n + 1 se montre de façon similaire. Pour x > 0, on a
où pn+1(x) est un polynôme de degré n = (n + 1) − 1. Il est évident que la dérivée (n + 1)e de f est nulle pour x < 0. La limite à droite de f (n) de x = 0 s'obtient par
Ainsi, les fonctions f (n) sont toutes continues et dérivables en x = 0.
La fonction n'est pas analytique
La fonction f est donc indéfiniment dérivable en 0, et les valeurs de ses dérivées successives en 0 sont toutes nulles. Ainsi, le développement en série de Taylor de f converge en tout point vers la fonction nulle :
et le développement en série de f(x) ne converge pas vers f(x) pour x > 0. Ainsi, f n'est pas analytique en 0.
Étude sur le plan complexe
Cette pathologie n'apparait pas dans l'étude de la fonction dans le cadre de l'analyse complexe ; en effet, toutes les fonctions holomorphes sont analytiques.
On remarque que si f a des dérivées de tous ordres sur la droite réelle, le prolongement analytique de f sur la demi-droite positive x > 0 au plan complexe, défini par
a une singularité essentielle à l'origine, et n'y est donc pas continu, encore moins analytique. Par le grand théorème de Picard, il atteint toute valeur complexe (à l'exception de 0) infiniment souvent dans tout voisinage de l'origine.
Fonction régulière et non analytique sur toute la droite réelle
Puisque la série converge pour tout n ∈ N, la fonction peut être aisément montrée comme étant de classe C∞, par convergence normale, et le théorème de la limite sous le signe dérivé. De plus, pour tout rationnel dyadique multiple de π, on a, pour tout x := pπ⁄2q avec p, q ∈ N et tout ordre de dérivation sous la forme 2n, n ≥ 2, 2n > q, on a :
en utilisant le fait que cos(2kx) = 1 pour tout k tel que 2k > q. Par conséquent, pour tout x ∈ R
et donc le rayon de convergence de la série de Fourier de F en x est nul par le théorème de Cauchy-Hadamard. Comme l'espace d'analyticité d'une fonction est un ouvert, et comme l'ensemble des rationnels dyadiques est dense, on peut en conclure que F n'est analytique en aucun point de la droite réelle.
a un dénominateur strictement positif sur toute la droite réelle, ainsi g est également régulière. Plus encore, g(x) = 0 pour x ≤ 0 et g(x) = 1 pour x ≥ 1, ainsi elle montre une transition régulière de 0 à 1 sur l'intervalle unité [0;1]. Par translation, on peut construire une transition sur l’intervalle [a,b] avec a < b en considérant la fonction
En considérant un quadruplet réel a < b < c < d, la fonction régulière
vaut 1 sur l'intervalle [b,c] et s'annule en dehors de l’intervalle ouvert ]a,d[.
Pour toute suite α0, α1, α2, . . . de nombres réels ou complexes, on peut construire une fonction régulière F sur la droite réelle telle qu'elle prend les valeurs des suites à l'origine[1]. En particulier, chaque suite de nombres peut devenir les coefficients de la série entière d'une fonction régulière. Ce résultat est connu sous le nom de lemme de Borel, d'après Émile Borel.
On reprend la fonction g définie au paragraphe précédent et on pose :
La fonction h est régulière, vaut 1 sur [−1,1] et est nulle hors de ]−2,2[. On définit la suite de fonctions, pour tout entier n :
Par construction, cette suite vérifie la propriété :
et le théorème des bornes permet d'affirmer que ψn et ses dérivées sont bornées. Alors les constantes
avec la norme uniforme de ψn et ses n premières dérivées, sont des nombres réels bien définis. On pose les fonctions créneaux
Par dérivées successives,
dont on déduit
Il reste à prouver que
est bien définie et peut être dérivée terme à terme infiniment[2]. Pour cela, on remarque que pour tout k
↑Voir e.g. Chapter V, Section 2, Theorem 2.8 et Corollary 2.9 sur la dérivabilité de limites de suites de fonctions dans Herbert Amann et Joachim Escher, Analysis I, Bâle, Birkhäuser Verlag, , 373–374 p. (ISBN3-7643-7153-6)