Accident aérien de Cap Skirring
Accident aérien de Cap Skirring | |||
Convair CV-640 similaire à celui d'accident | |||
Caractéristiques de l'accident | |||
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Date | |||
Type | Collision avec le sol en vol contrôlé | ||
Causes | Erreurs de pilotage et négligences graves dans la maintenance de l'appareil | ||
Site | Diouloulou, Sénégal | ||
Coordonnées | 13° 03′ 00″ nord, 16° 36′ 00″ ouest | ||
Caractéristiques de l'appareil | |||
Type d'appareil | Convair CV-640 | ||
Compagnie | Gambcrest | ||
No d'identification | N862FW | ||
Lieu d'origine | Dakar | ||
Lieu de destination | Cap Skirring | ||
Phase | Approche | ||
Passagers | 50 | ||
Équipage | 6 | ||
Morts | 30 | ||
Survivants | 26 | ||
Géolocalisation sur la carte : Sénégal
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L'accident aérien de Cap Skirring est une catastrophe aérienne ayant eu lieu le au Sénégal. Un avion de type Convair CV-640 de la compagnie gambienne sous-traitante Gambcrest, affrété par le Club Méditerranée et Air Sénégal, décolle de Dakar pour transporter une cinquantaine de clients à Cap Skirring, en Casamance. Le pilote, qui souffre de troubles de la vue et de l'audition, essaie de poser l'avion dans l'allée éclairée d'un hôtel à une cinquantaine de kilomètres de son lieu d'arrivée, ayant pris l'endroit pour la piste d'atterrissage. L'appareil s'écrase et l'accident fait une trentaine de morts. L'appareil n'est pas aux normes de sécurité et est vétuste, ce qui a été signalé maintes fois par les clients du voyagiste. Les dirigeants de Club Méditerranée sont condamnés.
Historique
[modifier | modifier le code]L'accident
[modifier | modifier le code]Les gentils membres du Club Méditerranée décollent avec un vol Air Liberté de Paris, le au soir, et arrivent à Dakar vers deux heures du matin. Après environ 2 h 30 min d'attente, ils changent d'avion pour un vol de 45 minutes, théoriquement réalisé par Air Sénégal, pour le transfert jusqu'au sud du pays en Casamance, au village de Cap Skirring[n 1]. Certains passagers s'étonnent de la vétusté de l'appareil, avec de la « paille et terre jonchant le sol, sièges défoncés, ceintures de sécurité cassées ». L'avion transporte alors 56 personnes, dont l'équipage[n 2], et fait partie d'un groupe de trois appareils. Cet appareil vole sous pavillon Gambcrest, compagnie gambienne sous-traitante d'Air Sénégal[1]. Les conditions météo sont bonnes. Le commandant de bord américain Lemuel Lester Long et son copilote, le Norvégien Morten Steen Helgesen, font équipe depuis novembre 1991[2]. Cependant, le pilote fait l'objet de trois poursuites judiciaires aux États-Unis pour avoir violé la réglementation aérienne[3].
L'accident survient le matin du dimanche à 6 h 10 au niveau de Kafountine, à une cinquantaine de kilomètres du lieu d'arrivée, dans une zone marécageuse. L'aile gauche percute un arbre puis l'avion s'écrase. Bien que l'appareil soit littéralement disloqué, un passager arrive à sortir et donne l'alerte. Dans un premier temps, des passants pillent l'avion et les blessés, puis une ambulance locale arrive, dont les chauffeurs demandent aux blessés de payer avant de les embarquer[4]. Les secours arrivent rapidement et l'armée française participe aux recherches avec la gendarmerie sénégalaise. Le premier bilan du crash fait état de 28 morts (y compris l'équipage), plus 25 blessés, dont certains garderont de graves séquelles[n 3]. Les blessés sont transférés à Ziguinchor, puis hospitalisés à Dakar, certains blessés légers sont rapatriés peu après en France[1],[2],[n 4].
Dès 7 h 0, Gilbert Trigano est prévenu par son fils Serge et se rend place de la Bourse au siège du Club Med. Le dirigeant du Club s'envole pour le Sénégal dans un petit avion d'UAP Assistance, l'assureur du Club Med, avec du matériel de soins et trois médecins. Il arrive en fin d'après-midi[5]. Sur place, il vit douloureusement le drame[6]. Lorsqu'il revient à Dakar, où les blessés sont répartis dans différents hôpitaux, la décision est prise d'en rapatrier la plupart sur Paris. Un gros porteur avec quelques médecins est déjà sur place en attente[7].
Serge Trigano souligne que depuis une vingtaine d'années, le Club travaille avec Air Sénégal « et que les conditions de sécurité ont toujours été parfaites »[1]. Rapidement d'ailleurs, le directeur de la compagnie rejette toute responsabilité[8]. Gilbert Trigano, marqué par cet accident, passe la main à son fils l'année suivante[9].
Responsabilités
[modifier | modifier le code]Au départ, les causes de l'accident sont inconnues, mais l'hypothèse de l'erreur de pilotage est rapidement retenue, le pilote ayant essayé de se poser au mauvais endroit. Cependant, dès le lendemain de la catastrophe, le Club Med est également mis en cause pour le manque de contrôle des conditions de sécurité. Quelques années plus tard, au delà d'une accumulation d'erreurs, sont reprochés plus globalement le « laxisme et [la] négligence » de l'entreprise.
Le rapport d'enquête de l'État sénégalais terminé le confirme cette supposition, soulignant au sujet du pilote « l'inconsistance de ses performances [et que] son certificat médical prescrit, pour l'exercice de ses fonctions, des lentilles pour correction à longue distance et des lunettes de myopie pour correction de la vue à courte distance ». Âgé de 67 ans[n 5], alcoolique, ayant fait l'objet de trois poursuites judiciaires dans son pays natal, il a confondu les lumières de l'allée éclairée d'un hôtel avec la piste d'atterrissage. De plus, le rapport cite « le mécanicien d'accompagnement du vol, recruté localement, [qui] n'avait aucune qualification officielle sur le type d'aéronef accidenté ». Un rescapé affirme donc que le pilote « était myope, sourd et interdit de vol aux États-Unis après avoir été jugé responsable de deux accidents à l'atterrissage. »[2],[3],[10].
L'avion est un Convair CV 640 à hélices, conçu au tout début des années 50 et âgé de plusieurs dizaines d'années, appareil obsolète qui n'est alors plus vendu que d'occasion mais est encore utilisé par les pays émergents pour des raisons économiques[1]. Il ne possède aucun carnet de maintenance et sa boîte noire ne fonctionne pas[11].
Le , une association de victimes porte plainte contre X, ce qui permet d'ouvrir une information judiciaire. Le , Gilbert et Serge Trigano sont poursuivis pour homicides et blessures involontaires. Gilbert Trigano se défend, soulignant la lourde responsabilité du pilote, l'erreur humaine étant la conclusion du rapport d'expertise[12]. De son côté, son fils souligne, concernant les conditions de transport, « la méconnaissance complète de ces risques par le Club Méditerranée ». La faute est également rejetée sur Air Sénégal face au manque de contrôle des avions de son sous-traitant, indiquant que le Club n'était d'ailleurs pas informé par la compagnie sénégalaise de cette sous-traitance. Ce que contredit Air Sénégal. Pourtant, lors du procès, il est mis en évidence que « Air Sénégal ressemble plus à un aéroclub qu'à un transporteur national. Cet élément était de notoriété publique dans le monde aérien et dans celui du tourisme ». D'accablantes lettres de plainte des clients du Club, antérieures à l'accident, sont versées au dossier. Sont également retenus des avis de clients sur ce transfert entre Dakar et Cap Skirring, effectué dans des « conditions ahurissantes » à plusieurs reprises : vétusté, voire délabrement des appareils, manquements aux règles de sécurité, atterrissages en catastrophe, alcoolisme du pilote, sont rapportés par les passagers. Mais l'équipe dirigeante du Club Med n'en a jamais tenu compte[3],[10],[11].
Gilbert et Serge Trigano sont condamnés pour « homicides involontaires » à huit mois de prison avec sursis et 30 000 francs d'amende chacun. Il leur est reproché de ne pas avoir tout mis en œuvre pour assurer la sécurité de leurs clients[13].
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- Le Club Med possède à cette époque deux villages au Sénégal, un à Dakar, un à Cap Skirring ouvert au début des années 1980. La piste de Cap Skirring est à cette époque trop courte pour poser un appareil qui effectuerait un vol direct Paris - Cap Skirring, obligeant à changer d'avion pour un appareil plus petit. Elle sera rallongée de 300 mètres après l'accident.
- Membres d'équipage, dont un pilote américain Lemuel Lester Long et son copilote norvégien Morten Steen Helgesen, qui ont tous deux déjà fait cette ligne aérienne, une hôtesse gambienne, une hôtesse britannique, un mécanicien gambien.
- Suivant les sources, le nombre de victimes varie de 28 à 30 clients décédés et de 25 à 30 rescapés, ainsi que de quatre à six membres d'équipage morts. Les chiffres retenus dans cet article émanent des sources les plus récentes.
- Serge Trigano est remplacé par Philippe Bourguignon en .
- 67 ans, soit sept ans de plus que l'âge maximum d'un commandant de bord aux États-Unis.
Références
[modifier | modifier le code]- Bègles 1992.
- Gaetner 1996.
- Tassel 2000.
- Le crash de cap Skirring conduit au tribunal les anciens patrons du Club Méditerranée
- Trigano 1998, p. 227.
- Faujas 1994, p. 228.
- Trigano 1998, p. 228.
- Trigano 1998, p. 229.
- Faujas 1994, p. 235.
- Gaetner 2000.
- Lemaitre 2000.
- Trigano 1998, p. 229 à 230.
- Le Télégramme 2000.
Sources
[modifier | modifier le code]- Dominique Bègles, « Un avion du Club Med s'écrase au Sénégal LA MORT AU BOUT DU VOYAGE », sur humanite.fr, .
- Gilles Gaetner, « Sourd, myope et pilote de charter », sur lexpress.fr, .
- Gilles Gaetner, « Crash du Club Med: les Trigano à la barre », sur lexpress.fr, .
- Fabrice Tassel, « Le Club Med devant la justice pour le crash qui avait fait 28 victimes en 1992. «Aucun GO ne prend cet avion» », sur libération.fr, .
- Alain Lemaitre, « Les Trigano face aux rescapés du crash de Cap-Skirring », sur leparisien.fr, .
- « Accident du Cap Skirring : les Trigano condamnés amnistiés mais coupables », sur letelegramme.fr, .
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Gilbert Trigano et Serge Trigano, La saga du Club, Grasset, , 348 p. (ISBN 978-2246564812, présentation en ligne), chap. 19 (« Le drame de Cap Skirring »), p. 227 à 230.
- Alain Faujas et Gilbert Trigano (postface), Trigano : l'Aventure du Club Med, Flammarion, , 262 p. (ISBN 978-2080667809, présentation en ligne).