Aller au contenu

Peroxyde d'acétone

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
(Redirigé depuis C12H24O8)

Peroxyde d'acétone
Structure du peroxyde d'acétone
Identification
Nom UICPA 3,3,6,6-tétraméthyl-1,2,4,5-tétraoxane
(dimère)
3,3,6,6,9,9-hexaméthyl-1,2,4,5,7,8-hexaoxacyclononane
(trimère)
No CAS 17088-37-8
No E E929
Apparence poudre blanche,
odeur âcre
Propriétés chimiques
Formule dimère : C6H12O4  [Isomères]
148,157328 gmol-1
trimère : C9H18O6  [Isomères]
222,235992 gmol-1
tétramère : C12H24O8  [Isomères]
296,314656 gmol-1
Propriétés physiques
fusion 91 °C
ébullition 130 °C
Solubilité Insoluble dans l'eau;
Peu soluble dans l'éthanol, l'isopropanol, la glycérine, l'acide acétique glacial;
Soluble dans l'acétone, l'éther, l'acétate d'éthyle, l'hexane, le benzène
Masse volumique 1,18
Pression de vapeur saturante
  • 6,46 Pa (30 °C, trimère)[1]
  • 45,53 Pa (50 °C, trimère)[1]
Cristallographie
Système cristallin monoclinique[2]
Précautions
SGH
SGH01 : Explosif
Attention
H200

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.
Peroxyde d'acétone (poudre)
Trimère du peroxyde d'acétone (représentation 3D)

Le peroxyde d'acétone est un explosif primaire découvert en 1895 par Richard Wolffenstein[3]. C'est une famille de molécules instables constituées de peroxydes organiques cycliques, notamment sous la forme d'un dimère ou d'un trimère. Le produit connu sous le nom de peroxyde d'acétone contient majoritairement la forme trimère : le triperoxyde de triacétone, d'où le nom TATP (en anglais : triacetone triperoxide) ou TCAP (en anglais : tricyclicacetonperoxide).

On le rencontre le plus souvent sous la forme d'une poudre blanche cristalline qui dégage une odeur d'ammoniac âcre caractéristique[4].

La forme de trimère a été découverte en 1895 par Richard Wolffenstein[3]. En 1900, Adolf von Baeyer et Victor Villiger réalisent la première synthèse du dimère et décrivent l'utilisation des acides comme catalyseurs[5]. L'étude plus précise de cette synthèse et des produits a été réalisée au niveau de la moitié du XXe siècle avec les travaux de Golubović et Milas[6].

De fabrication simple[7], mais très dangereuse[8], il peut être obtenu à partir d’eau oxygénée (peroxyde d'hydrogène) et d’acétone (propanone). L'acide chlorhydrique[9], l'acide sulfurique[10], l'acide nitrique[11] (acides forts) ou encore le chlorure d'étain(IV)[12] servent à catalyser la réaction qui doit se faire à froid. L'obtention du précipité (des cristaux blancs) se fait par une réaction fortement exothermique. Les molécules contiennent dans leur cycle des liaisons peroxydes, ce qui explique l'instabilité du produit.

Expérimentalement, si l'on essaie de produire la réaction à chaud, le peroxyde d'acétone et le peroxyde d'hydrogène se vaporisent et se dégagent lentement sous forme d'une fumée blanche, épaisse et âcre, plus lourde que l'air ambiant, qui détone très violemment au contact d'une source de chaleur incandescente (étincelle, filament d'ampoule électrique...), ce qui est extrêmement dangereux et totalement incontrôlable.[réf. nécessaire]

La réaction est quasiment complète, mais la réaction produisant beaucoup de chaleur peut vaporiser le peroxyde d'hydrogène ou l'acide fort utilisé comme catalyseur, ce qui peut provoquer des brûlures irréversibles aux mains et aux yeux.

D'ailleurs, si le mélange est "noyé" dans l'acétone, les flocons de peroxyde d'acétone se dissolvent et le mélange se met spontanément à bouillir, jusqu'à disparition complète du peroxyde. À cette occasion, le récipient contenant le mélange peut se fêler ou se briser net sous l'effet de la chaleur intense.[réf. nécessaire]

Formes oligomères

[modifier | modifier le code]

Le peroxyde d'acétone existe sous plusieurs formes oligomères cycliques dont les formules chimiques sont :

  • C6H12O4 (diperoxyde d'acétone)
  • C9H18O6 (triperoxyde d'acétone)
  • C12H24O8 (tétraperoxyde d'acétone)

Les conditions de catalyse déterminent la part de chaque oligomère dans le mélange obtenu. Lorsque la concentration en catalyseur acide est faible, le trimère est obtenu majoritairement, quelle que soit la température ou le type d'acide[11]. Lorsque la concentration en catalyseur augmente, le dimère est obtenu comme produit secondaire, puis comme unique produit[11].

Le peroxyde d'acétone est une espèce chimique particulièrement instable. Cependant, les différents oligomères présentent des caractéristiques différentes :

  • Le dimère est la forme la moins stable vis-à-vis de sa décomposition explosive ;
  • Le trimère est plus stable mais reste cependant très sensible. Sa sensibilité est proche de celle du fulminate de mercure ce qui signifie qu'un choc violent est requis pour déclencher une explosion. Cependant, il est à noter qu'il est très sensible à la friction, ce qui le rend d'autant plus dangereux ;
  • Le tétramère est la forme la plus stable. Cependant, ses conditions de synthèses sont particulières et il ne s'agit donc pas de la forme la plus courante.

Cette baisse de stabilité au niveau des différentes formes est en partie explicable par des contraintes structurales accrues chez la forme dimère par rapport au trimère, notamment en ce qui concerne les angles de liaisons des atomes d'oxygène inclus dans le cycle des molécules.

Il s'agit d'une molécule métastable, ce qui signifie qu'en présence de certains catalyseurs, elle se décompose pour former le dimère, la forme la moins stable[12].

De plus, le peroxyde d'acétone a fortement tendance à se sublimer, ce qui augmente le risque d'explosion et donc d'accident.

Tous ces facteurs font que le stockage de ce produit est particulièrement dangereux et se fait dans des conditions particulières. Ainsi, pour plus de sécurité, il est conservé dans l'eau ou dans un mélange stabilisant[13].

Formes cristallines

[modifier | modifier le code]

Le trimère du peroxyde d'acétone se présente généralement sous la forme de cristaux monocliniques[2], mais d'autres formes peuvent être observées en fonction du type de catalyse employé[14].

Utilisation en synthèse

[modifier | modifier le code]

Le peroxyde d'acétone peut être utilisé pour oxyder les alcools[15].

L'explosion du peroxyde d'acétone dépend de plusieurs paramètres :

Les produits de l'explosion ne sont pas clairs et diffèrent selon les sources, cependant on retrouve systématiquement un gaz, ce qui explique le résultat soufflant. L'explosion dégagerait de l'acetone et de l'ozone principalement[17]. Une seule cuillère à café de TATP, soit 5 g suffit à faire exploser un ordinateur portable et sa puissance est équivalente à 80 % de celle du TNT[18]. L’explosion de 10 grammes de peroxyde d'acétone produit en effet 250 cm3 de gaz alors que le TNT en produit 285[19]

Une caractéristique du peroxyde d'acétone est que son explosion est peu exothermique, elle est dite entropique car le principal facteur favorisant sa réaction de décomposition est la création d'entropie[17].

En le mélangeant avec d'autres produits (plastifiant, poudre sans fumée...), il peut détoner sans avoir besoin d'être confiné.

Il est important de noter qu'en tant qu'espèce chimique instable, le peroxyde d'acétone peut exploser sous l'effet de nombreux facteurs et le type d'explosion dépend en outre de la quantité et du type d'oligomère.

Utilisation

[modifier | modifier le code]

Le peroxyde d'acétone est utilisé comme charge primaire dans des détonateurs[20].

Cet explosif, extrêmement instable, est facile à fabriquer avec des moyens artisanaux car ses ingrédients se trouvent facilement[4], ce qui explique que sa recette circule sur Internet[21]. Outre cette facilité de production, il est difficile à détecter[22], ce qui en fait un explosif souvent employé par les terroristes[7], notamment par les djihadistes qui le surnomment la « mère de Satan[4] ». Il a été utilisé lors d'un attentat raté par Richard Reid durant le vol Paris-Miami d'American Airlines en [23], ainsi que pour plusieurs autres attentats ou tentatives d'attentat (attentats de Paris en novembre 2015, attentats à Bruxelles en mars 2016, attentat à Manchester en mai 2017, attentat à Lyon en mai 2019)[4],[24],[25],[26],[27]. Des traces de TATP auraient également été retrouvées dans les ruines de la maison d'Alcanar utilisée par le groupe suspecté d'avoir organisé les attentats des 17 et 18 août 2017 en Catalogne. L'explosion accidentelle de cette maison le aurait conduit ce groupe à changer ses plans, et à commettre dès le lendemain une attaque meurtrière avec un camion de location plutôt qu'une attaque à l'explosif[28].

Alimentation

[modifier | modifier le code]

Le peroxyde d'acétone est repris dans les additifs alimentaires et codé E929. Il est utilisé comme agent de traitement de farines[29].

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. a et b H: Félix-Rivera, M.L. Ramírez-Cedeño, R.A. Sánchez-Cuprill, S.P. Hernández-Rivera: Triacetone triperoxide thermogravimetric study of vapor pressure and enthalpy of sublimation in 303–338 K temperature range in Thermochim. Acta 514 (2011) 37–43, DOI 10.1016/j.tca.2010.11.034.
  2. a et b Per Groth, « Crystal structure of 3,3,6,6,9,9-hexamethyl-1,2,4,5,7,8-hexaoxacyclononane (trimeric acetone peroxide) », Acta Chemica Scandinavica (1947-1973), vol. 23, no 4,‎ , p. 1311-1329 (DOI 10.3891/acta.chem.scand.23-1311)
  3. a et b (en) R Wolffenstein, « Über die Einwirkung von Wasserstoffsuperoxyd auf Aceton und Mesityloxyd », Chemische Berichte, vol. 28,‎ , p. 2265
  4. a b c et d Clarisse Martin, « Attentat à Manchester : qu'est-ce que le TATP, l'explosif utilisé par le terroriste ? », sur rtl.fr, .
  5. (en) Adolf Baeyer et Victor Villiger, « Ueber die Nomenclatur der Superoxyde und die Superoxyde der Aldehyde », Berichte der deutschen chemischen Gesellschaft, vol. 33,‎ , p. 2479–2487 (ISSN 1099-0682, DOI 10.1002/cber.190003302185, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) Nicholas A. Milas et Aleksander Golubovi[UNK]c, « Studies in Organic Peroxides. XXVI. Organic Peroxides Derived from Acetone and Hydrogen Peroxide », Journal of the American Chemical Society, vol. 81,‎ , p. 6461–6462 (DOI 10.1021/ja01533a033, lire en ligne, consulté le )
  7. a et b Hiroyuki Arai et Jun Nakamura, « Analysis of triacetonetriperoxide », Current Topics in Forensic Science, Proceedings of the Meeting of the International Association of Forensic Sciences, 14th, Tokyo, Aug. 26-30, 1996, vol. 4,‎ , p. 209-211
  8. « Deux adolescents grièvement blessés par leur bombe artisanale », sur lepoint.fr, (consulté le ).
  9. « Stand off synthesis and vapour detection of peroxide based explosive (PBE) », International Annual Conference of ICT, vol. 41,‎ , wuill1/1-wuill1/12
  10. Pacheco-Londono, Leonardo C.; Pena, Alvaro J.; Primera-Pedrozo, Oliva M.; Hernandez-Rivera, Samuel P.; Mina, Nairmen; Garcia, Rafael; Chamberlain, R. Thomas; Lareau, Richard T., « An experimental and theoretical study of the synthesis and vibrational spectroscopy of triacetone triperoxide (TATP) », Proceedings of SPIE-The International Society for Optical Engineering, vol. 5403,‎ , p. 279-287 (DOI 10.1117/12.542851)
  11. a b et c Robert Matyas et Jiri Pachman, « Study of TATP: Influence of Reaction Conditions on Product Composition », Propellants, Explosives, Pyrotechnics, vol. 35, no 1,‎ , p. 31-37 (DOI 10.1002/prep.200800044)
  12. a et b Robert Matyas, Jiri Pachman et How-Ghee Ang, « Study of TATP: Spontaneous Transformation of TATP to DADP - Full Paper », Propellants, Explosives, Pyrotechnics, vol. 34, no 6,‎ , p. 484-488 (DOI 10.1002/prep.200800043)
  13. Newman, Melvin S.; Fukunaga, Tadamichi, « An explosion during the preparation of neopentyl alcohol », J. Am. Chem. Soc., vol. 77,‎ , p. 6073
  14. Reany, Ofer; Kapon, Moshe; Botoshansky, Mark; Keinan, Ehud, « Rich Polymorphism in Triacetone-Triperoxide », Crystal Growth & Design, vol. 9, no 8,‎ , p. 3661-3670 (DOI 10.1021/cg900390y)
  15. Nesprias, Karina; Canizo, Adriana; Eyler, Nora; Mateo, Carmen, « Oxidation of alcohols employing polyfunctional cyclic organic peroxides », Afinidad, vol. 61, no 514,‎ , p. 471-475
  16. Cooper, Paul W., Explosives Engineering, New York: Wiley-VCH, 1996. (ISBN 0-471-18636-8)
  17. a et b Faina Dubnikova, Ronnie Kosloff, Joseph Almog et Yehuda Zeiri, « Decomposition of triacetone triperoxide is an entropic explosion », Journal of the American Chemical Society, vol. 127,‎ , p. 1146–1159 (ISSN 0002-7863, PMID 15669854, DOI 10.1021/ja0464903, lire en ligne, consulté le )
  18. Vincent Manilève, « Comment les terroristes du 13 novembre ont fabriqué leurs explosifs », sur slate.fr, .
  19. (en) Anna Doro-on, Risk Assessment for Water Infrastructure Safety and Security, CRC Press, , p. 76.
  20. Brevet DE 202 008 004 920
  21. Jean Chichizola et Christophe Cornevin, « La délicate traque de la «mère de Satan», explosif prisé des djihadistes », sur lefigaro.fr, .
  22. Lin, Hengwei; Suslick, Kenneth S., « A Colorimetric Sensor Array for Detection of Triacetone Triperoxide Vapor », J. Am. Chem. Soc., vol. 132, no 44,‎ , p. 15519-15521 (DOI 10.1021/ja107419t)
  23. Le figaro : une attaque terroriste aurait été déjouée à New-York
  24. « VIDEO. EN DIRECT. Attentats à Paris: Nouveau bilan de 129 morts et de 352 blessés », sur 20minutes.fr, (consulté le ).
  25. « DIRECT. Attentat déjoué : des explosifs découverts lors de l'interpellation à Montpellier », Franceinfo,‎ (lire en ligne, consulté le )
  26. « Attentat déjoué avant la présidentielle : l’attaque devait être « violente et imminente » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  27. « Explosion à Lyon : le suspect toujours en fuite, un ADN retrouvé », Le Parisien,‎ (lire en ligne, consulté le )
  28. Source: Early assessment finds TATP at Barcelona attackers' bomb factory, CNN, 19 août 2017
  29. « Additifs Alimentaires - E929 Peroxyde d'acétone », sur additifs-alimentaires.net (consulté le ).

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]