Application semi-linéaire

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En algèbre linéaire, en particulier en géométrie projective, une application semi-linéaire entre les espaces vectoriels V et W sur un corps K est une fonction qui est une application linéaire « à torsion près », donc semi -linéaire, où « torsion » signifie « automorphisme de corps de K ». Explicitement, c'est une application T : VW telle que :

  • est additive par rapport à l'addition vectorielle : pour tous et de  ;
  • il existe un automorphisme de corps θ de K tel que , où est l'image du scalaire par l'automorphisme . Si un tel automorphisme existe et que T est non nul, il est unique ; on dit alors que T est θ-semi-linéaire.

Si les espaces de départ et d'arrivée de T coïncident (c'est-à-dire T : VV ), on peut utiliser le terme de transformation semi-linéaire. Les transformations semi-linéaires inversibles d'un espace vectoriel V donné (pour tous les choix d'automorphisme de corps) forment un groupe, appelé groupe semi-linéaire général et noté par analogie avec et en prolongeant le groupe linéaire général. Le cas particulier où le corps est celui des nombres complexes et l'automorphisme est la conjugaison complexe, une application semi-linéaire est appelée une application antilinéaire.

Des notations similaires (en remplaçant les lettres latines par des grecques) sont utilisées pour les analogues semi-linéaires de transformations linéaires plus restreinte ; formellement, le produit semi-direct d'un groupe linéaire avec le groupe de Galois d'automorphismes de corps. Par exemple, PΣU est utilisé pour les analogues semi-linéaires du groupe unitaire spécial projectif PSU. Il faut cependant noter, même si cela n'a été établi que récemment, que ces groupes semi-linéaires généralisés ne sont pas bien définis, comme indiqué dans (Bray, Holt et Roney-Dougal 2009) : en effet, deux groupes classiques isomorphes G et H (sous-groupes de SL) peuvent avoir des extensions semi-linéaires non isomorphes. Au niveau des produits semi-directs, cela correspond à des actions différentes du groupe de Galois sur un groupe abstrait donné, vu qu'un produit semi-direct dépend de deux groupes et d'une action. Si l'extension n'est pas unique, il y a exactement deux extensions semi-linéaires ; par exemple, les groupes symplectiques ont une extension semi-linéaire unique, tandis que SU(n, q) a deux extensions si n est pair et q est impair, et de même pour PSU.

Définition[modifier | modifier le code]

Une application f : VW entre deux espaces vectoriels V et W sur des corps K et L respectivement est σ -semi-linéaire, ou simplement semi-linéaire, s'il existe un morphisme de corps σ : KL tel que pour tous x, y dans V et λ dans K on ait

Un plongement donné σ d'un corps K dans L permet d'identifier K avec un sous-corps de L, ce qui fait d'une application σ -semi-linéaire une application K-linéaire sous cette identification. Cependant, une application qui est τ -semi-linéaire pour un plongement distinct τσ ne sera pas K -linéaire par rapport à l'identification d'origine σ, à moins que f ne soit identiquement nul.

Plus généralement, une application ψ : MN entre un R-module à droite M et un S-module à gauche N est σ-semi -linéaire s'il existe un antimorphisme d'anneaux σ : RS tel que pour tous x, y dans M et λ dans R on ait

Le terme semi-linéaire s'applique à toute combinaison de modules gauche et droit avec un ajustement approprié des expressions ci-dessus, σ étant un morphisme correspondant aux besoins[1],[2].

Le couple est appelé dimorphisme[2].

Notions associées[modifier | modifier le code]

Transposition[modifier | modifier le code]

Soit soit un isomorphisme d'anneaux, un -module à droite et un -module à droite, et soit une application -semi-linéaire. On définit la transposée de comme l'application caractérisée par[3]

C'est une application -semi-linéaire.

Propriété[modifier | modifier le code]

Soit soit un isomorphisme d'anneaux, un -module à droite et un -module à droite, et soit une application -semi-linéaire. Pour , l'application

est une forme -linéaire[3].

Exemples[modifier | modifier le code]

  • Soit , soit muni de la base standard . On définit l'application par
Alors f est semi-linéaire (par rapport à l'automorphisme de conjugaison complexe) mais pas linéaire.
  • Soit le corps fini de cardinal , où p est la caractéristique. Soit le morphisme de Frobenius. Par le rêve du première année, on sait qu'il s'agit d'un automorphisme de corps. À chaque application linéaire entre deux espaces vectoriels V et W sur K, on peut associer une application -semi-linéaire
En fait, chaque application linéaire peut être convertie en une application semi-linéaire de cette manière. Cela fait partie d'une observation générale rassemblée dans le résultat suivant.
  • Soit un anneau non commutatif, un -module à gauche et un élément inversible de . On définit l'application , , de sorte que , où est un automorphisme intérieur de . Ainsi, l'homothétie n'est pas nécessairement linéaire, mais elle est -semi-linéaire[2].

Groupe semi-linéaire général[modifier | modifier le code]

Étant donné un espace vectoriel V, l'ensemble de toutes les transformations semi-linéaires inversibles VV (pour tous les automorphismes de corps) est le groupe ΓL(V).

Le groupe ΓL(V) se décompose en produit semi-direct

où Aut(K) est le groupe des automorphismes de K. De même, les transformations semi-linéaires d'autres groupes linéaires peuvent être définies comme le produit semi-direct avec le groupe d'automorphisme, ou plus intrinsèquement comme le groupe des applications semi-linéaires d'un espace vectoriel préservant certaines propriétés.

On identifie Aut(K) à un sous-groupe de ΓL(V) en fixant une base B de V et en définissant les applications semi-linéaires :

pour tout . On notera ce sous-groupe Aut(K)B . On obtient aussi une action usuelle de GL(V) sur ces compléments à GL(V) dans ΓL(V), qui correspond à un changement de base.

Démonstration[modifier | modifier le code]

Toute application linéaire est semi-linéaire, donc . Soit une base B de V. À présent, étant donné une application semi-linéaire f par rapport à un automorphisme de corps σ ∈ Aut(K), on définit g : VV par

Comme f(B) est aussi une base de V, il s'ensuit que g est simplement un changement de base de V et donc linéaire et inversible : g ∈ GL(V).

Soit alors . Pour tout dans V,

donc h est appartient au sous-groupe Aut(K) correspondant à la base fixe B. Cette factorisation est unique pour une base fixe B. De plus, GL(V) est normalisé par l'action de Aut(K)B, donc ΓL(V) = GL(V) ⋊ Aut(K).

Applications[modifier | modifier le code]

Géométrie projective[modifier | modifier le code]

Les groupes étendent les groupes classiques typiques dans GL(V). L'importance de considérer de telles applications découle de la considération de la géométrie projective. L'action induite de sur l'espace projectif associé P(V) donne le groupe semilinéaire projectif, noté , qui étend le groupe linéaire projectif, PGL(V).

La géométrie projective d'un espace vectoriel V, notée PG(V), est le treillis de tous les sous-espaces de V. Bien qu'une application semi-linéaire typique ne soit pas linéaire, il n'en est pas moins que chaque application semi-linéaire induit une application qui préserve l'inclusion . Autrement dit, toute application semi-linéaire induit une projectivité. La réciproque de cette observation (à l'exception de la droite projective) est le théorème fondamental de la géométrie projective. Ainsi, les applications semi-linéaires sont utiles car elles définissent le groupe d'automorphismes de la géométrie projective d'un espace vectoriel.

Groupe de Mathieu[modifier | modifier le code]

Le groupe PΓL(3,4) peut être utilisé pour construire le groupe de Mathieu M24, qui est un des groupes simples sporadiques ; PΓL(3,4) est un sous-groupe maximal de M24 et il existe plusieurs manières de l'étendre au groupe de Mathieu complet.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Ian R. Porteous, Clifford Algebras and the Classical Groups, Cambridge University Press, .
  2. a b et c Bourbaki 1989, p. 223.
  3. a et b Bourbaki 1989, p. 236.
  • E. F. Assmus et J. D. Key, Designs and Their Codes, Cambridge University Press, (ISBN 0-521-45839-0), p. 93
  • Nicolas Bourbaki, Algebra I, chapters 1-3, Springer,
  • John N. Bray, Derek F. Holt et Colva M. Roney-Dougal, « Certain classical groups are not well-defined », Journal of Group Theory, vol. 12, no 2,‎ , p. 171-180 (ISSN 1433-5883, DOI 10.1515/jgt.2008.069 Accès libre, MR 2502211)
  • Claude-Alain Faure et Alfred Frölicher, Modern Projective Geometry, Kluwer Academic Publishers, (ISBN 0-7923-6525-9)
  • K. W. Gruenberg et A. J. Weir, Linear Geometry, vol. 49, New York, Springer-Verlag, coll. « Graduate Texts in Mathematics », , 1re éd.
  • François Trèves, Topological vector spaces, distributions and kernels, vol. 25, Elsevier, coll. « Pure and Applied Mathematics », (ISBN 9781483223629)

Source partielle : (en) « Semilinear transformation », sur PlanetMath