Accord de Washington (2001)

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L'accord de Washington relatif à l'indemnisation des spoliations de familles juives intervenues lors de la Seconde Guerre mondiale est établi entre le gouvernement français et le gouvernement fédéral des États-Unis et signé à Washington le .

Cet accord fut entériné par le Décret no  2001-243 du , publié au JORF du [1], qui porte le texte de l'accord.

Son objet est de protéger les banques françaises et l’État français de toutes poursuites qui seraient intentées aux USA par des organisations juives américaines. Il établit que toute poursuite ne pourrait être traitée qu'en France par le canal des organisations mises en place à cet effet. En contrepartie le gouvernement français s'engage à prendre des dispositions garantissant la bonne exécution de promesses faites par la France d'indemniser les juifs des spoliations subies pendant la dernière guerre mondiale.

Le contexte historique[modifier | modifier le code]

Des organisations juives américaines engagèrent[Quand ?] des procédures juridiques (Class actions) contre les banques suisses qui conservaient les avoirs de familles juives anéanties lors de la Deuxième Guerre mondiale et contre les industriels allemands accusés d'avoir bénéficié du travail forcé de juifs déportés. Dans un ouvrage controversé, Norman G. Finkelstein stigmatise ces réclamations qu'il qualifie « d'Industrie de l'Holocauste  »[2].

Ces poursuites devant les tribunaux américains par des "class actions" auraient pu aboutir à des jugements imprévisibles. En France, le Président Jacques Chirac avait prononcé, le , lors d'une cérémonie commémorant la rafle du Vel' d'Hiv, un discours où il reconnaissait la complicité de l'État français dans l'extermination des juifs par les nazis. Son Premier ministre Alain Juppé crée alors une Mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France présidée par Jean Mattéoli, Président du Conseil Économique et Social.

Les États européens proposèrent des transactions avec les avocats américains, qui furent modérées par le sous-secrétaire d'État au Trésor de l’administration Clinton, Stuart E. Eisenstadt[3]. Celui-ci s'impliqua fortement pour éviter les dérapages des avocats juifs américains, dérapages qui auraient pu avoir des conséquences désastreuses sur la politique américaine en Europe et provoquer des tensions fortes entre les opinions française et américaine[4].

Lors des négociations avec les avocats américains, l'industrie allemande et le gouvernement allemand partagèrent la charge d'une indemnité de 10 milliards de marks accordée aux associations juives américaines. Les banques suisses acceptèrent un audit portant sur toutes les banques privées, conduit sous le contrôle d'un "Committee of independant persons" présidé par Paul Volcker et exécuté par près de 600 experts anglo-saxons qui travaillèrent trois ans. Le coût de cet audit (600 millions de francs suisses) fut trois fois plus élevé que toutes les sommes qui furent jugées susceptibles d'être des comptes dormants de Juifs victimes de l'Holocauste[5]. L'Union des Banques Suisses (UBS) accepta de verser 1,2 milliard de francs suisses. Les négociations avec les associations juives américaines furent conduites par le gouvernement Jospin et aboutirent à l'accord objet de cet article.

Contenu de l'accord[modifier | modifier le code]

Préambule[modifier | modifier le code]

Un long préambule reconnaît les initiatives de la France. En la Mission d'Étude a recommandé la mise en place d'une Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation. Cette commission a été créée par le décret du [6]. Par décret du , le Gouvernement français a approuvé les statuts de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, qui sera chargée, entre autres missions, de promouvoir la mémoire de la Shoah et d'assister les organisations chargées d'apporter un secours aux victimes de l'Holocauste et à leurs héritiers dans le besoin. Le décret précise qu'elle est dotée d'un capital de cent millions d'euros qui sera versé par les banques ayant opéré en France pendant la guerre[7]. L'établissement d'un fonds initial de 22,5 millions de dollars par les Banques, permettra d'effectuer des paiements à tout demandeur dont le dossier lui sera transmis par la Commission. Le décret Jospin du [8] attribue une indemnité de 180 000 F, ou une pension mensuelle de 3000 F (au choix du bénéficiaire), aux personnes juives orphelines par suite des persécutions nazies contre leurs parents qui ont été déportés du fait qu'ils étaient inscrits sur les listes de Juifs dressées par l'Administration française. Sont concernées les personnes qui avaient moins de 21 ans au moment du décès du parent[9]

Les articles[modifier | modifier le code]

L'article 1 précise que la Commission, le Fonds et la Fondation peuvent satisfaire toutes demandes à l'encontre des banques françaises ; que la plus large publicité sera faite sur l’existence de ce mécanisme d'indemnisation de façon qu'aucun ayant droit ne l'ignore ; que la France s'engage à ce que les 100 millions d'euros soient effectivement versés à la Fondation et que les banques satisferont toutes les demandes approuvées par la commission.

L'article 2 précise les mesures prises aux USA pour que toute demande d'indemnisation présentée aux USA soit traitée en France.

L'article 3 précise que le contenu des trois annexes est partie au traité.

L'article 4 précise : Fait à Washington le .

Annexes au traité[modifier | modifier le code]

L'annexe A définit les Banques concernées. Les compagnies d'assurance ne sont pas concernées.

L'annexe B précise le fonctionnement de la Commission. Elle mettra en place tous les dispositifs pour la plus large publicité. Une simple lettre posant la question devra être traitée. Une simple déclaration sera considérée comme une présomption de l’existence d'un compte bancaire non indemnisé. Le compte séquestre du fonds sera de 50 millions de dollars et 25 seront disponibles immédiatement. La commission devra opérer dans la plus grande transparence.

Elle précise que sa dotation lui permettra de contribuer à des organisations à but humanitaire. Le Conseil de la Fondation comprendra des représentants de la communauté juive française et d'autres personnalités françaises ou non.


Références[modifier | modifier le code]

  1. « Le décret 2001-243 », sur legifrance.gouv.fr.
  2. Norman G Finkelstein, L’Industrie de l’Holocauste : réflexions sur l’exploitation de la souffrance des juifs, La fabrique, 2001
  3. Stuart E. Eizenstat. Une justice tardive, Spoliations et travail forcé, un bilan de la Seconde Guerre Mondiale, Éditions du Seuil
  4. À ce titre, Stuart E. Eisenstadt fut élevé à la dignité de Chevalier de la Légion d'Honneur par Jacques Chirac
  5. Stuart E. Eizenstat, page 369
  6. Décret no 99-778 du 10 septembre 1999 instituant une commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation et Rapport au Premier ministre relatif au décret, JORF no 211 du 11 septembre 1999, p. 13632–13633, NOR PRMX9903660D, sur Légifrance.
  7. En fait le décret du 26 décembre 2000 précise seulement que les statuts de la fondation sont approuvés. Ces statuts sont consultables à la préfecture de Paris
  8. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?dateTexte=&categorieLien=id&cidTexte=JORFTEXT000000582825&fastPos=3&fastReqId=1072025567&oldAction=rechExpTexteJorf
  9. À la suite des protestations d'associations d'anciens Résistants, sera publié, 4 ans plus tard, le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004, qui attribue les mêmes indemnités aux orphelins dont les parents Résistants ont péri durant la Deuxième Guerre mondiale http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?dateTexte=&categorieLien=id&cidTexte=JORFTEXT000000250836&fastPos=1&fastReqId=1300063404&oldAction=rechExpTexteJorf

Liens externes[modifier | modifier le code]