Élection présidentielle tchadienne de 2024

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Élection présidentielle tchadienne de 2024
(1er tour)
(2e tour)
Mahamat Idriss Déby – MPS
Succès Masra – LT
Albert Pahimi Padacké – RNDT
Président de la République
Sortant
Mahamat Idriss Déby
Intérim
MPS

L'élection présidentielle tchadienne de 2024 a lieu le afin d'élire le président de la république du Tchad.

Le scrutin précédent voit la réélection d'Idriss Déby pour un sixième mandat. Il meurt toutefois en avril 2021 lors d'une offensive des rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad. Son fils Mahamat Idriss Déby prend le pouvoir à la tête d'une junte militaire et assure depuis une « transition » à la tête d'un Conseil militaire. Il supervise notamment la rédaction d'une nouvelle constitution adoptée par référendum courant décembre 2023, qui doit être suivie d'un retour du pouvoir aux civils, tout en permettant à Mahamat Idriss Déby de se présenter à l'élection présidentielle.

La déclaration de sa candidature début janvier est suivi un mois plus tard de la mort de son principal opposant, Yaya Dillo Djérou, au cours d'une opération qualifiée d'assassinat par l'opposition. Les principaux opposants restants voient leur candidatures invalidés, ne laissant en lice que Mahamat Idriss Déby et des candidats jugés fantoches par l'opposition, qui appelle en grande partie au boycott du scrutin.

Contexte[modifier | modifier le code]

Mort d'Idriss Déby et transition militaire[modifier | modifier le code]

Le président Idriss Déby, mort en fonction, et son fils et remplaçant par intérim Mahamat Idriss Déby.

Arrivé au pouvoir par la force militaire en 1990 avant d'être élu président à cinq reprises, Idriss Déby remporte l'élection présidentielle d'avril 2021, après avoir fait modifier la constitution en 2018 afin de passer outre à la limite du nombre de mandats présidentiels tout en allongeant sa durée de cinq à six ans[1],[2]. En , il obtient d'être nommé Maréchal par l'assemblée après une offensive victorieuse en avril contre des djihadistes[3]. Sa réélection pour un sixième mandat intervient dès le premier tour, avec 79,32 % des voix face à six candidats « sans poids politique », accusés d’être de simples « faire-valoir »[4].

Idriss Déby est toutefois tué le 20 avril au cours d'une visite sur le front opposant l'armée tchadienne aux rebelles du Front pour l'alternance et la concorde au Tchad. Un régime militaire de transition est instauré, mené par son fils, le général Mahamat Déby[5],[6],[7].

L'armée annonce le 20 avril même la dissolution de l'Assemblée nationale et du gouvernement, puis décrète la fermeture des frontières et l'instauration d'un couvre-feu. Le conseil annonce prendre le pouvoir pour une durée transitoire de dix-huit mois, à l'issue de laquelle la nouvelle élection présidentielle ainsi que les législatives reportées depuis 2015 doivent être organisées, soit vers [8].

L'accord de paix de Doha signé avec les mouvements rebelles le 8 août 2022 instaure la mise en place du « Dialogue national inclusif et souverain », un ensemble de commissions composées de près de 1 400 représentants chargés de s'accorder sur plusieurs lignes politiques portant notamment sur la paix et la réconciliation nationale, la forme de l’État, la future Constitution, les réformes institutionnelles, le processus électoral et les droits et libertés fondamentales[9]. Plusieurs partis dont la principale coalition de l’opposition, Wakit Tama, décident cependant de boycotter le Dialogue national, ouvert du 20 août au 30 septembre 2022. Ils accusent en effet la junte et les personnalités proches d'elle de procéder à un « monologue ». En retour, la junte procède à une répression politique brutale, la police et l'armée ceinturant courant septembre les quartiers de la capitale afin de disperser les tentatives de manifestations[10]. En parallèle, Mahamat Déby met en avant une prolongation de la transition de dix-huit mois supplémentaires, avant de revenir sur sa promesse de ne pas se présenter à la future élection présidentielle[11]. Ainsi, les prochaines élections ne se tiendront pas avant 2024[12].

Une nouvelle constitution est adoptée par référendum courant décembre 2023. Selon cette constitution, Mahamat Idriss Déby peut être candidat à la prochaine élection présidentielle qui doit se tenir avant [13]. Il est désigné candidat par les membres du Mouvement patriotique du salut, réuni en congrès le 13 janvier 2024 à N’Djamena[14]. Le 27 février suivant, l’Agence nationale de gestion des élections (ANGE) rend public le chronogramme du scrutin. La publication des candidatures valides par le Conseil constitutionnel doit ainsi intervenir le 24 mars, suivi du premier tour le 6 mai, et d'un éventuel second tour le 22 juin. La publication des résultats provisoires est quant à elle prévue le 7 juillet[15],[16].

Mort de Yaya Dillo Djérou[modifier | modifier le code]

Dans la nuit du 27 au 28 février 2024, un attentat vise les bureaux de l'Agence nationale de sécurité à N'Djaména, faisant plusieurs morts d'après le gouvernement[17]. L'attentat intervient le lendemain de l'arrestation d'un militant du Parti socialiste sans frontière (PSF) — l'un des principaux partis d'opposition — que le gouvernement tchadien accuse de tentative d'assassinat contre le président de la Cour suprême[18]. Le gouvernement accuse alors le président du PSF Yaya Dillo Djérou d'avoir commandité la tentative de meurtre. Cousin de Mahamat Idriss Déby et candidat à la présidentielle, celui ci avait récemment bénéficié du ralliement de l'oncle du président, Saleh Deby Itno. Dillo qualifie l'accusation de « mensonge » et de « mise-en-scène » destinée à écarter sa candidature[18],[17].

Le 28 février, l'Armée tchadienne prend d'assaut le siège du PSF où se trouve Yaya Diallo, qui est tué dans l'attaque[17]. Le lendemain, le Ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement Abderaman Koulamallah annonce la mort de Diallo, affirmant dans la foulée qu'il serait également derrière l'attentat de la nuit précédente, qu'il aurait mené en représailles de l'arrestation du militant du PSF. Le gouvernement affirme qu'il se serait retranché dans les locaux de son parti en refusant de se rendre, et qu'il aurait tiré sur la police, avant d'être abattu. La mort de Yaya Diallo, considéré comme le principal opposant à la junte tchadienne, est qualifié d'« assassinat » par les responsables de son parti et de l'opposition[17],[19].

Le ministre de la Communication, Abdraman Koulamallah, annonce le 1er mars l'arrestation de Saleh Deby Itno en soulignant que celui-ci se serait rendu. Le ministre affirme ainsi que l'action des forces de l'ordre ne visait pas à éliminer Yaya Diallo et qu'elles n'en serait « pas arrivés à cette extrémité » s'il s'était lui aussi rendu[20],[21]. Cette version est vivement rejetée par le PSF, qui affirme qu'il n'était pas armé et accuse la garde présidentielle d'avoir elle-même menée l'assaut, une version corroborée par le témoignage de journalistes de l’AFP ayant observées des mouvements des troupes des « bérets rouges » en direction du siège, ainsi que des tirs nourris d'armes automatiques. Les autorités procèdent rapidement à la démolition du siège du PSF, qui est rasé le 1er mars en l'absence de témoins, tenus à distance par un détachement de véhicules blindés de l'armée[22].

Le 4 mars 2024, le Premier ministre Succès Masra présente ses condoléances et annonce une « enquête de type international » pour « situer les responsabilités »[23]. Deux semaines plus tard, la coalition « Nous le Peuple » qui soutenait la candidature de Yaya Diallo demande le report de l’élection présidentielle, et l’ouverture d’un dialogue national inclusif[24].

Système électoral[modifier | modifier le code]

Le président de la République du Tchad est élu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Est élu le candidat ayant recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour. À défaut, un second tour est organisé le deuxième dimanche suivant entre les deux candidats arrivés en tête au premier, et celui recueillant le plus de voix est déclaré élu.

Campagne[modifier | modifier le code]

Mahamat Idriss Déby officialise sa candidature le 2 mars[25]. Il est notamment soutenu par l'ancien Premier ministre Saleh Kebzabo[26].

La période de dépôt des candidatures s'achève le 15 mars. Une quinzaine de personnalités politiques ont remis un dossier au Conseil constitutionnel[27]. Le 24 mars, le Conseil constitutionnel rejette dix candidatures dont celles des principaux opposants, et en accepte dix, dont celles de Déby, Masra et Albert Pahimi Padacké[28]. L'exclusion de nombreux opposants est vivement critiquée par l'opposition, qui accuse le Conseil — qualifié d'« inégalitaire et inféodés à la junte » — de n'avoir validé que des candidats soutenant en réalité le général Mahamat Déby, et dont les « candidatures prétextes » n'auraient pour but que de fournir une illusion de démocratie. Une grande partie de l'opposition réunie au sein de la plateforme Wakit Tamma appelle en conséquence au boycott du scrutin, qualifié de « mascarade »[29],[30]

Le 12 avril, le parti politique Tchad uni porte plainte contre la coalition Tchad uni de Mahamat Idriss Deby Itno pour plagiat[31]. Le lendemain, les évêques tchadiens réunis en conférence appellent les partis politiques aux bon déroulement du scrutin présidentiel[32].

Résultats[modifier | modifier le code]

Résultats nationaux
Candidats Partis Premier tour Second tour
Voix % Voix %
Mahamat Idriss Déby MPS
Succès Masra LT
Albert Pahimi Padacké RNDT
Yacine Abdramane Sakine PR
Brice Mbaimon Guedmbaye MPTR
Alladoum Djarma Balthazar ASTRE
Bongoro Bebzouné Théophile PRET
Lydie Beassemda PDI
Mansiri Lopsikréo LE
Nasra Djimasngar UNJ
Votes valides
Votes blancs et nuls
Total 100 100
Abstention
Inscrits / participation

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Le Tchad adopte une nouvelle Constitution renforçant les pouvoirs du président », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  2. « Le Tchad se dote d'une nouvelle Constitution qui renforce le régime présidentiel », sur France 24, FRANCE24, (consulté le ).
  3. « Idriss Deby devient le premier maréchal du Tchad », sur Franceinfo, (consulté le ).
  4. « Au Tchad, réélection sans surprise pour un sixième mandat du président Idriss Déby », Le Monde, 20 avril 2021
  5. « Idriss Déby, président du Tchad, est mort des suites de blessures reçues « sur le champ de bataille » ce week-end », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  6. « Tchad : le président Idriss Déby mortellement blessé sur un théâtre de combat, l’armée prend le pouvoir », sur leparisien.fr, (consulté le ).
  7. Le Point, magazine, « Tchad: Déby tué au combat, son fils nouvel homme fort à la tête d'un conseil militaire », sur Le Point, lepoint.fr, (consulté le ).
  8. « Tchad : tout juste réélu, le président Idriss Déby tué au combat », sur Libération, Libération (consulté le ).
  9. « Tchad: les participants au dialogue national inclusif et souverain s’apprêtent à entamer les débats », sur RFI, RFI, (consulté le ).
  10. « Au Tchad, le dialogue national à nouveau suspendu après trois jours de répression de manifestations », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  11. « Au Tchad, la laborieuse mise en place du « dialogue national » », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  12. Célian Macé, « Au Tchad, Mahamat Déby s’offre une rallonge de deux ans », sur Libération (consulté le )
  13. « Tchad: l’opposant Max Kemkoye «outré» que le MPS désigne Mahamat Idriss Déby pour la présidentielle », Radio France internationale,
  14. « Au Tchad, Mahamat Idriss Déby Itno désigné candidat à la présidentielle », sur Jeune Afrique (consulté le ).
  15. « Présidentielle au Tchad : le premier tour fixé au 6 mai », Jeune Afrique,
  16. « Tchad-L'élection présidentielle se tiendra en mai-juin », sur Boursorama, (consulté le ).
  17. a b c et d « Tchad : le principal opposant à la junte Yaya Dillo Djerou tué par l'armée au siège de son parti » Accès libre, sur france24.com, (consulté le )
  18. a et b « Attaque meurtrière au Tchad contre une agence des services de renseignement » Accès libre, sur france24.com, (consulté le )
  19. « Au Tchad, Yaya Dillo Djerou, principal opposant à la junte, a été tué par l’armée, annonce le gouvernement », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  20. « Tchad : Le siège du parti de l’opposant Yaya Dillo démoli », Alwihda (consulté le ).
  21. « Tchad : la vie de Saleh Deby n'est « absolument pas en danger », assure le gouvernement », Alwihda (consulté le ).
  22. « Au Tchad, le principal rival du général Déby a-t-il été « exécuté » ? », sur www.20minutes.fr, (consulté le ).
  23. RFI, « Afrique Tchad: Succès Masra annonce une «enquête de type international» sur la mort de l'opposant Yaya Dillo », sur rfi.fr, (consulté le ).
  24. RFI, « Afrique Tchad: la coalition «Nous le Peuple» demande le report de la présidentielle », sur rfi.fr, (consulté le ).
  25. « Présidentielle au Tchad : Mahamat Idriss Déby Itno a annoncé sa candidature - Jeune Afrique.com », sur JeuneAfrique.com (consulté le ).
  26. « Au Tchad, pourquoi Saleh Kebzabo soutient Mahamat Idriss Déby Itno - Jeune Afrique.com », sur JeuneAfrique.com (consulté le ).
  27. « Afrique Tchad: fin du dépôt des candidatures pour l'élection présidentielle », sur rfi.fr, (consulté le ).
  28. « Présidentielle au Tchad: dix dossiers de candidature rejetés dont ceux de plusieurs opposants », sur rfi.fr, (consulté le ).
  29. « Présidentielle au Tchad : les candidatures des principaux opposants au pouvoir écartées ».
  30. « Présidentielle au Tchad : la candidature des plusieurs opposants au pouvoir invalidée », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  31. « Tchad-L'élection présidentielle se tiendra en mai-juin », sur rfi.fr, (consulté le ).
  32. « Afrique Présidentielle au Tchad: les évêques appellent au bon déroulement de la campagne électorale », sur rfi.fr, (consulté le ).