Guillaume Payen

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Guillaume Payen
Biographie
Naissance
Nationalité
française
Formation
Université Paris-Sorbonne
Activité
Historien
Autres informations
Sorbonne Université
Directeur de thèse

Guillaume Payen est un historien français.

Professeur certifié à Sorbonne Université depuis 2016, il y enseigne l'histoire de l'Allemagne et l'anglais pour historiens[1]. Il a reçu le prix Maurice Baumont 2016 de l’Académie des sciences morales et politiques[2] pour sa biographie du philosophe Martin Heidegger.

Formation

G. Payen a d’abord une formation de philosophe : il obtient à Paris-Sorbonne en 2000 une maîtrise de philosophie avec un mémoire traitant de "Sénèque et l'ascension vers la sagesse"[1]. Après un DEA en histoire sur Heidegger en 2005, il soutient sa thèse en 2010 dans la même discipline : "Racines et combat. L'existence politique de Martin Heidegger : patriotisme, nationalisme et engagement d'un intellectuel européen jusqu'à l'avènement du nazisme (1889-1933)", avec Hugo Ott dans son jury[1]. De 2011 à 2013[1], il reçoit une bourse post-doctorale de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah pour un projet de recherche sur "L'antisémitisme de Martin Heidegger (1889-1976), entre histoire et philosophie[3]".

Les gendarmes

De 2014 à 2017[1], Payen est chef du pôle histoire et faits sociaux contemporains à l’École des officiers de la gendarmerie nationale. Il conduit deux projets de recherche : l’un sur les systèmes d’information et de communication de la Gendarmerie nationale, l’autre sur les gendarmeries et polices européennes dans la Grande Guerre.

Heidegger

Ancien élève de Gérard Guest à Versailles[4], G. Payen était disposé à se "laisser séduire par la fable selon laquelle celui qui fut recteur et Führer de l’université de Fribourg se transforma par la suite en résistant[5]." Comme il l’expose dans l’introduction de sa biographie :

"l'enjeu historiographique majeur ne [lui] paraît pas tant de savoir si Heidegger fut nazi mais plutôt ce que ce nazisme de philosophe permet de comprendre sur le nazisme en général. Heidegger est intéressant en particulier pour étudier la force d'adhésion du NSDAP et ses ressorts, à partir d'un apparent paradoxe : pourquoi un philosophe si subtil et exigeant fut-il subjugué par un mouvement populiste et anti-intellectualiste qui ne s'adressait pas à ses semblables mais à la plèbe intellectuelle[6]?".

Sa biographie a pour sous-titre "catholicisme, révolution, nazisme", qui sont les "destins changeants de Heidegger". Avec le terme de "destin", il veut "rendre compte du jeu des déterminations sociales", de la propre croyance de Heidegger en "une providence réglant le cours du monde unie aux destinées qu'il se fixa tout au long de sa vie. Contraignants, car à la fois extérieurs et intérieurs, ces destins sont également changeants : la vie n'est linéaire qu'a posteriori, lorsqu'un examen rapide gomme l'effet du hasard et de la lutte de forces contraires[7]."

Pour Payen, Heidegger n'a pas appelé en 1933 à l'extermination des Juifs :

"Ce passage de cours sur l'essence de la vérité dans lequel Heidegger évoque l'anéantissement complet de l'ennemi intérieur" "se comprend dans le contexte de la campagne d'anéantissement de l'année 1933, en l'occurrence de révolution par l'élimination des oppositions qui vit s'instaurer un pouvoir nazi et totalitaire à Berlin et qui, dans les universités, introduisait le principe du chef et voulait lutter contre l'esprit non-allemand en « épurant » le corps professoral, en limitant le nombre d'étudiants juifs et en brûlant les livres corrupteurs. Le propos du philosophe ne venait que donner une forme philosophique au combat de la Corporation étudiante allemande, dont il voulait s'affirmer le chef spirituel : bref, général, il était une réflexion depuis les principes, et non un appel à une lutte concrète[8]."

Réception

Sa biographie a été largement reçue, y compris hors de France[9],[10]. Dans Le Monde, Nicolas Weill écrit : "L’intérêt de l’ouvrage tient […] à son ambition d’inscrire Heidegger et sa philosophie dans son contexte historique allemand[11]." Frédéric le Moal relève l’antimodernisme du philosophe, ainsi que l’importance du catholicisme de sa jeunesse, qui se transformera avec le nazisme en une religion sécularisée : « Philosophe antimoderne, il rompt avec son monde afin de développer une pensée "autonome et assumée", persuadé de sa supériorité et de son destin. […] Le livre confirme avec clarté l’antichristianisme des nazis directement relié à leur antisémitisme, mais aussi le caractère de religion sécularisée du national-socialisme. Heidegger, en réalité, conserva cette influence de la religiosité de sa jeunesse même quand il chercha à l’éradiquer[12]. » Pour David Gallo, il s’agit d’« une importante biographie » qui « se distingue par trois principales qualités" : "l’ampleur du travail documentaire réalisé », « la rigueur d’historien de Payen – d’autant plus appréciable qu’il s’affronte à un sujet hautement polémique », et « la clarté de la plume du biographe, qui sait rendre accessibles la pensée et la langue heidéggeriennes et montrer, au fil d’un récit dynamique, les nombreuses intrications entre la trajectoire individuelle du philosophe, les grandes évolutions de son époque, et le développement de sa réflexion philosophique[13]. » Tous les commentateurs ne sont pas aussi élogieux : pour Patrice Bollon, "si l'on passe sur ses côtés bavard et cuistre [...], ce pavé de près de 700 pages n'est qu'une bonne synthèse de ce qu'on sait à présent sur Heidegger" : c'est "un ouvrage sans génie mais très simple et clair[14]." Quant à Eryck de Rubercy, il y voit surtout une "nouvelle charge contre Heidegger[15]".

Bibliographie

  • Martin Heidegger. Catholicisme, révolution, nazisme, Paris, Éditions Perrin, 2016, 679 pages.

Liens internet

Références

  1. a b c d et e « "Guillaume Payen" », sur Sorbonne Université (consulté le )
  2. https://www.asmp.fr/prix_fondations/Palmares2016.pdf
  3. « Rencontre des boursiers de la Fondation », sur Fondation pour la Mémoire de la Shoah (consulté le )
  4. Guillaume Payen, Martin Heidegger. Catholicisme, révolution, nazisme, Paris, Perrin, , p. 21.
  5. Ibid.
  6. Guillaume Payen, Martin Heidegger. Catholicisme, révolution, nazisme, Paris, Perrin, , 679 p. (ISBN 978-2262036553), p. 18-19
  7. Guillaume Payen, Martin Heidegger. Catholicisme, révolution, nazisme, Paris, Perrin, , 679 p., p. 18
  8. Guillaume Payen, « Martin Heidegger, un recteur nazi et l' "anéantissement total" de l'ennemi intérieur », Philosophie,‎ , p. 51-72, ici p. 71-72
  9. (en) Matthew Sharpe, « Heidegger in 2018: Editor-translator's Introduction », Critical Horizons,‎ , p. 271-273 (lire en ligne)
  10. (de) Rainer Hudemann, « Rezension von/compte rendu de: Guillaume Payen, Martin Heidegger. Catholicisme, révolution, nazisme », Francia-Recensio,‎ (lire en ligne)
  11. Nicolas Weill, « Martin Heidegger, le gâchis », Le Monde des livres,‎ , p. 2-3
  12. « Heidegger l’Apostat », sur http://www.lelitteraire.com, (consulté le )
  13. David Gallo, « Comptes-rendus », Histoire, Économie et Société,‎ , p. 129-131 (lire en ligne)
  14. Patrice Bollon, « Heidegger vérolé en son être », Le Magazine littéraire,‎ , p. 58-59, ici p. 58
  15. Eryck de Rubercy, « Nouvelle charge contre Heidegger », Revue des deux mondes,‎ , p. 160-163