« Ravage (roman) » : différence entre les versions
→Analyse : lien interne |
Ajout de l'illustration de Constantin pour la couverture du livre chez Folio Balises : images externes Éditeur visuel |
||
Ligne 12 : | Ligne 12 : | ||
| collection = |
| collection = |
||
| dateparution = [[1943 en littérature|1943]] |
| dateparution = [[1943 en littérature|1943]] |
||
| image = |
| image =http://a137.idata.over-blog.com/2/10/55/20/JF_an3/ravage.jpg |
||
| légende = |
| légende = |
||
| dessinateur = |
| dessinateur = |
Version du 7 mai 2015 à 21:35
Ravage | |
Image illustrative de l’article Ravage (roman) | |
Auteur | René Barjavel |
---|---|
Pays | France |
Genre | Roman Science-fiction |
Éditeur | Denoël |
Lieu de parution | Paris |
Date de parution | 1943 |
Type de média | Livre papier |
Nombre de pages | 288 |
modifier |
Ravage est un roman de science-fiction de l'écrivain français René Barjavel, paru en 1943. Ce roman est suivi du roman Le Voyageur imprudent du même auteur.
Résumé
Ravage présente le naufrage d'une société mature, dans laquelle, un jour, l'électricité vient à disparaître et plus aucune machine ne peut fonctionner. Les habitants, anéantis par la soudaineté de la catastrophe, sombrent dans le chaos, privés d'eau courante, de lumière et de moyens de déplacement. Un thème typique de la science-fiction post-apocalyptique, brossant le portrait de la fin de l'humanité technologique.
Un étudiant en chimie agricole, François Deschamps, décide avec quelques autres personnes, de quitter Paris, mégalopole de vingt-cinq millions d'habitants, en proie au chaos et aux flammes pour retrouver son village d'enfance en Provence. Il espère pouvoir y reprendre une vie normale mais paysanne... Le chemin est cependant long et difficile, pour ceux qui n'ont jamais connu autre chose que le confort qu'offrent la technologie et la science.
Analyse
Plus qu'un simple roman de science-fiction, Ravage est une dystopie révélant le pessimisme de l'auteur vis-à-vis de l'utilisation du progrès scientifique par les hommes. Véritable parcours initiatique, le voyage des personnages pour retrouver l'Eden perdu se révélera encore plus terrible que la catastrophe elle-même.
Le roman écrit durant l'Occupation met en scène un protagoniste qui se méfie du progrès et prône le retour à la terre. Il fonde une nouvelle civilisation agricole sur laquelle il règne de manière autocratique. Dans cette description plutôt favorable du culte du chef, appelé « le patriarche », certains ont vu une allusion directe au Maréchal Pétain, d'autant que le texte contient nombre d'allusions à l'idéologie du Régime de Vichy. Enfin les scènes de pillage à Paris et la déroute des survivants rappellent nettement l'exode de 1940 des populations civiles.
Bien que Barjavel soit tout sauf un idéologue, il est incontestable que Ravage est une anticipation pessimiste influencée à divers degrés par l'idéologie du retour à la terre, qui néanmoins n'était pas exclusivement pétainiste. Les critiques du progrès « ramollissant » l'être humain ou l'asservissant faisaient largement débat à l'époque chez nombre d'intellectuels, inquiétés par la technique dévorante telle qu'elle est décrite dans Métropolis ou Les Temps modernes, de La France contre les robots de Bernanos ou du Monde sans âme de Daniel-Rops (Plon, 1932), aux invectives d'un George Orwell qui pouvait écrire en 1937 : « Il faut bien avouer que le passage du cheval à l'automobile se traduit par un amollissement de l'être humain »[1]. Barjavel était également lecteur de René Guénon et l'influence de La crise du monde moderne est patente dans cette vision romanesque très critique du progrès technique matérialiste ne pouvant conduire qu'à la fin du monde. Ainsi, Ravage est un roman typique de l'époque. Cependant, le philosophe Quentin Meillassoux fait du roman l'un des rares dans le genre de l'anticipation et de la science-fiction à illustrer le genre littéraire qu'il nomme « fiction hors-science », c'est-à-dire une trame narrative dans laquelle il se produit une rupture au sein de la continuité et de la stabilité des lois de la nature supposées dans son univers, et ce, de façon imprévisible et sans explication plausible (la rupture en question est la disparition soudaine de l'électricité)[2]. Au contraire, dans les romans de SF même les plus audacieux et futuristes, les lois de la nature sont stables ou rompues pour des raisons identifiables, toujours selon Meillassoux.
Par ailleurs la description du monde futur, un siècle en avant (l'action se situe en 2052), ne laisse pas de rappeler Wells dont Barjavel était certainement un grand lecteur : les ressemblances avec les villes futures décrites dans Quand le Dormeur s'éveillera ou Histoire des temps à venir sont évidentes, tout comme Le Voyageur imprudent n'est pas sans emprunter à la Machine à explorer le temps. Mais le Paris de 2052 est surtout une satire au vitriol de la prospective de l'époque (les vêtements moulants, l'agriculture intensive, l'agrochimie, les aliments synthétiques) et du « monde de l'avenir » selon Le Corbusier et Science et Vie, avec ses gratte-ciel, ses villes tentaculaires, ses « autostrades », ses avions à décollage vertical sillonnant le ciel de Paris et ses meubles en matière plastique (Orwell parlait pour sa part de « meubles en verre et caoutchouc » à la même époque). Ce type de vision de l'urbanisme futur, « table rase », a eu cours jusque dans les années 1960.
Si l'on a pu déceler une influence pétainiste dans Ravage, l'État français n'est pas épargné par les passages clairement pamphlétaires du roman, qui raille les ministères aux titres pré-orwelliens (ministères du progrès social, de la moralité publique, de la production et de la coordination, de la médecine gratuite et obligatoire…) les « artistes diplômés par le gouvernement » seuls autorisés à peindre, ou encore les « aïeux » surgelés veillant sur leurs descendants au milieu même des habitations : la satire, on le voit, est parfois très grosse.
En tant qu'anticipation, et comme toutes les anticipations, le roman est daté : Barjavel ne s'est guère intéressé aux développements de l'informatique avant les années 1960, contrairement à d'autres écrivains comme Francis G. Rayer ou Murray Leinster (1896-1975), il ignore les robots et la conquête de l'espace.
Cependant Ravage reste saisissant par sa description vivante de l'effondrement soudain de la civilisation machiniste, le retour immédiat de la barbarie et le passage brutal d'un monde aseptisé à la peste du Moyen Âge, aux pillages, aux meurtres et aux incendies monstres. Certaines descriptions sont très prophétiques et n'ont pas vieilli, et, comme chez tous les bons auteurs de SF, on mesure l'intérêt d'une œuvre au nombre d'idées originales qu'elle contient, celle de la fin générale de l'électricité n'étant pas la moindre. Ainsi, Richard Duncan a emis une théorie, postulant la fin de la civilisation industrielle (Théorie d'Olduvai), en se basant sur l'utilisation des ressources énergétiques ; il prédit la fin de l'ère industrielle pour l'an 2030, soit 20 ans avant la trame de Ravage.
Dans Le Voyageur imprudent, suite de Ravage publiée la même année, le personnage principal, voyageant dans le temps, assiste ainsi à quelques-uns des événements décrits dans ce roman-ci.
Classique de la science-fiction
Ce roman est considéré comme un grand classique de la science-fiction dans les ouvrages de références suivants :
- Annick Beguin, Les 100 principaux titres de la science-fiction, Cosmos 2000, 1981 ;
- Jacques Sadoul, Anthologie de la littérature de science-fiction, Ramsay, 1981 ;
- Cité dans La Bibliothèque idéale de la SF (1988) ;
- Lorris Murail, Les Maîtres de la science-fiction, Bordas, coll. « Compacts », 1993 ;
- Stan Barets, Le science-fictionnaire, Denoël, coll. « Présence du futur », 1994 ;
- Bibliothèque idéale du webzine Cafard cosmique.
Éditions françaises
- Denoël, 1943, réédition en 1949 ;
- Le Livre de poche, no 520, 1971 ;
- Gallimard, collection Folio no 238, 1972, couverture de François de Constantin ; rééditions en 1976, 1980, 1981, 1985 (ISBN 2-07-036238-8), 1989, 1995, 2005 et 2014 ;
- Famot, 1977 ;
- dans Romans extraordinaires, Omnibus, 1995 (ISBN 2-258-00139-0); rééditions en 1996 chez France Loisirs (ISBN 2-7242-9493-9) et 2008 (ISBN 978-2-298-01513-3) ;
- Gallimard, collection Folioplus classique no 95 (ISBN 978-2-070-34366-9).
Notes et références
- Le Quai de Wigan, Champs libre, 1982, p. 219
- Quentin Meillassoux, Métaphysique et fiction des mondes hors-science, Aux Forges de Vulcain, 2013, p. 60-68.
Annexes
Articles connexes
- Revolution (série télévisée)
- Théorie d'Olduvai