Zār
Dans les cultures de la Corne de l'Afrique et des régions adjacentes du Moyen-Orient, le zār (en arabe, زار, en guèze, ዛር) désigne un démon, un esprit, qui prend possession d'un individu, la plupart du temps une femme, et qui cause maladie ou malaise[note 1]. Le zār désigne aussi le rituel destiné à exorciser la personne possédée[2].
Le zār est aussi devenu une pratique musicale, populaire dans la culture urbaine contemporaine du Caire et des autres grandes villes du monde islamique et réservé aux femmes. Le cérémonial implique l'usage de produits alimentaires et des performances musicales, et il culmine par une danse extatique pouvant durer de trois à sept nuits[2]. La lyre à six cordes, appelée tanbūra[3], est fréquemment utilisée ainsi que d'autres instruments, tels le manjur (en), une ceinture en cuir faite de sabots de chèvres, et divers instruments à percussion[4].
Origine
Au début du xxe siècle, les universitaires attribuent une origine éthiopienne (d'Abyssinie) à cette croyance, comme l'Encyclopédie de l'Islam de 1934[5]. Un voyageur du début du xixe siècle, William Cornwallis Harris, décrit le rituel abyssinien du sár, destiné à éliminer la maladie chez une personne, à l'occasion duquel une poule ou une chèvre est sacrifiée et son sang mélangé à de la graisse et du beurre ; la préparation est cachée sous une allée et ceux qui passent au-dessus sont censés aider à faire régresser la maladie[6]. Messing (1958) établit que le culte est particulièrement bien développé dans le nord de l'Éthiopie, la région Amhara, autour de la ville de Gondar. Son expansion au-delà de la Corne de l'Afrique daterait ainsi du xviiie siècle ou du début du xixe siècle, lorsqu'elle est introduite par les esclaves éthiopiens employés dans les harems ottomans de la province d'Égypte[5].
D'autres auteurs comme Frobenius suggèrent que le zār (mais aussi le culte bori, un culte comparable pratiqué par les peuples Haoussas) provient de Perse. Walker (1935) avance que son origine pourrait être liée à la cité de Zara, en Iran, ou une racine arabe زار, qui signifie « visiter », en allusion à la « visite » de l'esprit dans la personne du possédé. Modarressi (1986) suggère une étymologie perse[7]. Mirzai Asl (2002) suggère que l'expansion depuis l'Iran se serait produite au xixe siècle, à l'époque de la dynastie Kadjar, par le truchement d'Africains arrivés en Iran via la traite arabe[8]. Natvig (1988) rapporte que le culte zār sert de refuge aux femmes et aux hommes « efféminés » dans la région soudanaise (sud du Sahel) soumise à la loi islamique[9].
Variantes
Il existe des variantes du zār, telles que celle de la région de Suakin, un port soudanais (zār sawāknī)[10], celle du peuple Zandé (zār Nyamānyam, en référence à Nyame, le Dieu des Akan chez les Zandé[11]), ou encore celle des Babinga et des Nakurma (zār nugāra)[12]. On le rencontre aussi chez les Shilluk et les Dinka et, sous la forme du dinia, chez les Nouba[13].
Esprits
En Éthiopie, zār est le terme qui désigne les démons ou les esprits maléfiques. Dans le même temps, beaucoup d'Éthiopiens croient en des esprits bénéfiques et protecteurs, nommés abdar[14]. La croyance en ces esprits est aussi répandue chez les musulmans et chez les chrétiens[15].
Comme il est habituel dans les religions traditionnelles, les maladies psychiatriques, au sens moderne du terme, sont attribuées à des cas de possession par des esprits[16]. Ĥēṭ[17], est un terme utilisé pour les esprits possessifs, à l'instar de tumbura[18].
Une légende rapporte qu'il existe quatre-vingt-huit sároch, émissaires maléfiques au service d'un esprit nommé Warobal Mama[19], lesquels résident dans le lac Alobar dans la région de Menz, en Éthiopie[20].
Le zār fait partie des croyances communes parmi les émigrants éthiopiens en Amérique du Nord, en Europe ou en Israël. Par exemple, les Falashas conjuguent fréquemment la croyance juive avec celle du zār[21].
Dans le sud de l'Iran, le zār est compris comme un « vent mauvais », causant malaise et maladie. Il existe plusieurs de ces vents : Maturi, Šayḵ Šangar, Dingemāru, Omagāre, Bumaryom, Pepe, Bābur, Bibi, Namrud[22].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Zār » (voir la liste des auteurs).
Notes
- On trouve cela en Éthiopie, en Érythrée, à Djibouti, en Somalie, en Arabie, au sud et sud-ouest de l'Iran, en Égypte, au Soudan[1]…
Références
- Natvig 1987.
- Guiley 2009, p. 277.
- Makris 2000, p. 52.
- Poché 2001.
- Fakhouri 1968, p. 49.
- Cornwallis Harris 1844, vol. 2, p. 291.
- Modarressi 1986, p. 149-155.
- Mirzai Asl 2002, p. 229-246.
- Natvig 1988, p. 57-68.
- Makris 2000, p. 141.
- Makris 2000, p. 12.
- Makris 2000, p. 64.
- Makris 2000, p. 64-65.
- Ofcansky et Berry 1991.
- Beckwith, Fisher et Hancock 1990, p. 199.
- Kemp 2011.
- Makris 2000, p. 195.
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- Cornwallis Harris 1844, vol. 2, p. 269.
- Cornwallis Harris 1844, vol. 2, p. 343.
- Edelstein 2002, p. 153-170.
- Moghaddam 2009.
Bibliographie
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- (en) Mary Elaine Hegland, « Afro-Iranian Lives; The African-Baluchi Trance Dance », Iranian Studies, vol. 50, no 1, , p. 169-172 (DOI 10.1080/00210862.2017.1269454).
Filmographie
- Le film The African-Baluchi Trance Dance de 2012 dépeint une variété d'activités liées au zar dans le sud-est de l'Iran[1].
Liens externes
- (en) « The zar and the tumbura cults », sur aalsafi.tripod.com
- Hegland 2017, p. 169-172.