Utilisateur:Hamza.Tabaichount/Brouillon/Grève chez Dupuis Frères

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Contexte[modifier | modifier le code]

Le magasin de détail Dupuis Frères, communément appelé Dupuis, est fondé en 1868 par l'homme d'affaires Nazaire Dupuis. Ayant pignon sur rue à l'intersection des rues Saint-André et Sainte-Catherine, l'entreprise devient l'un des fleurons de l'industrie canadienne-française au début du XXe siècle. Profitant de la modernisation de la ville de Montréal et de l'amélioration des transports en commun, Dupuis agrandit sa clientèle et améliore ses infrastructures dans l'après-guerre. Ainsi, au début des années 1950, l'entreprise possède quatre entrepôts, un centre de vente par correspondance, une installation des livraisons, un département chargé de la vente en gros ainsi qu'un petit magasin situé à l’hôtel Windsor[1].

À l'époque, l'entreprise emploie environ 1200 personnes, en grande majorité des femmes (à l'image des autres grands magasins depuis le début du XXe siècle)[1]. De ce nombre, une grande majorité est syndiquée, à savoir 1035 employés[2]. Ces derniers sont représentés depuis 1919 par le Syndicat catholique et national des employés de magasin. Ce syndicat est affilié à la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC), ancêtre de la Confédération des syndicats nationaux (CSN)[3].

Alors que le syndicat local de Dupuis Frères est complaisant avec les patrons de l'entreprise et sollicite la loyauté des employés depuis 1919[4], il devient beaucoup plus combatif et revendicateur dans les années d'après-guerre (à l'image du reste de la CCTC)[4]. Cela se fait dans un contexte de mésentente entre le patronat et les employés, ces derniers étant insatisfaits des nouvelles méthodes de Roland Chagnon, gérant adjoint arrivé en 1948. Le nouveau cadre met en place un système de quotas et de surveillance des performances et n'hésite pas à licencier les anciens travailleurs qui ne lui conviennent plus (il met d'ailleurs à la retraite un directeur gérant populaire auprès des employés)[5]. Cela crée un climat tendu au sein de l'entreprise, menant éventuellement vers une revendication de meilleures conditions de travail. Ainsi, en 1950, le syndicat fait une requête à la Commission des relations ouvrières afin d'amorcer des négociations pour la mise en place d'une convention collective des employés de Dupuis Frères[4].

Bien que le patronat de l'entreprise semble initialement ouvert aux revendications syndicales[6], les mésententes ne tardent pas à arriver. Les négociations initiales, au printemps 1951, portent sur quatre principaux sujets: les salaires, les mécanismes de règlement de conflits (griefs), la semaine de travail et la reconnaissance syndicale[7]. Alors que la compagnie souhaite négocier séparément avec les employés du magasin et les préposés à la vente par correspondance, une décision de la Commission des relations ouvrières la force à discuter d'une entente collective unique[7]. Malgré un arbitrage de huit mois à partir d'août 1951, les employés de Dupuis Frères et l'entreprise n'arrivent toujours pas à s'entendre. Les travailleurs, moins bien payés que leurs homologues de chez Eaton et ne bénéficiant pas de la semaine de cinq jours (chose acquise dans plusieurs autres grands magasins)[8], mettent de l'avant plusieurs revendications: la semaine de travail de cinq jours à 40 heures pour les employés de magasin et 41.5 heures pour ceux du comptoir postal, une augmentation salariale de 5$ à 10$ par semaine et l'octroi d'un atelier fermé pour les activités syndicales[8]. La compagnie, par peur de devoir augmenter les prix, propose plutôt une hausse salariale de 2$, des primes de 10$ à 15$ à Noël et un rabais de 20% sur les achats en magasin[9]. Malgré l'arbitrage gouvernemental et une nouvelle proposition de convention collective par le syndicat en avril 1952, les discussions ne mènent à rien. Les employés votent donc en faveur de la grève le 1er mai 1952[10].

Déroulement[modifier | modifier le code]

Déclenchement de la grève (2 mai au 9 mai)[modifier | modifier le code]

La grève chez Dupuis Frères est déclenchée le 2 mai 1952 dans un climat de désordre. L'administration de l'entreprise, préparée au débrayage, met en place une série de mesures afin de contrer les grévistes: des dizaines de détectives privés sont présents pour assurer le maintien de l'ordre, on ferme l'accès à deux étages du magasin, on met des autobus à la disposition des employés désirant travailler (ils furent encouragés à le faire par téléphone la veille) et on utilise même un tunnel sous-terrain entre le magasin et un entrepôt afin de faciliter le passage de marchandises[10].

De plus, afin d'assurer la présence de clients et étouffer le débrayage, la compagnie offre aux acheteurs un rabais de 20% sur les marchandises[10]. Cela fait en sorte qu'en plus de la centaine de grévistes assurant la mobilisation et le piquetage, des milliers de personnes se ruent aux portes de Dupuis Frères durant les premiers jours de la grève (le nombre de clients est estimé à 50 000 le second jour du débrayage)[10]. Les clients testent également un système d'«auto-service» (selfservice) permettant au magasin de fonctionner avec une main d’œuvre réduite. La compagnie, pour pallier aux potentiels manques, embauche une centaine d'étudiants de l'École des hautes études commerciales (HEC) comme employés à temps partiel[11].

Face aux mesures de l'entreprise et à la forte affluence malgré le débrayage, les employés essayent tant bien que mal de maintenir des moyens de pression. On tente notamment de dissuader les clients d'entrer dans le magasin, provoquant des interventions policières: on procède à l'arrestation d'une jeune femme ayant invectivé des passants et de deux adolescents distribuant des autocollants en faveur de la grève[11]. Outre les lignes de piquetage et l'interpellation des acheteurs, les employés de Dupuis Frères et leurs sympathisants mobilisent également les médias afin de solliciter l'opinion publique. Ainsi, des journaux comme La Presse, Le Devoir ou encore The Montreal Star publient des communiqués et des déclarations mettant de l'avant les revendications syndicales et les positions patronales[12]. Gérard Picard, président de la CCTC, fait également des interventions sur les ondes de la radio montréalaise CHLP afin d'interpeller le grand public quant à la situation salariale des employés de Dupuis Frères[13].

Après une semaine de grève, l'administration de Dupuis Frères réussit tout de même à attirer un bon nombre de clients[12], neutralisant ainsi en partie les effets du débrayage des employés de l'entreprise.

Durcissement de ton : Phase 2 (9 mai au 9 juin) + Phase 3 (10 juin au 21 juillet)[modifier | modifier le code]

Phase 2 (9 mai au 9 juin) :

  • Le ton se durcit de part et d'autre. Actions de protestation de la part des syndicats. Recours aux tribunaux (voir p. 78) et à la police de la part de l'entreprise.
  • Support des autres secteurs (p. 79)

Phase 3 (10 juin au 21 juillet):

  • Paroxysme de la grève et dernière phase avant le dénouement. Le maire Camilien Houde recoit des oeufs pourris lors du défilé de la Saint Jean Baptiste (p. 83)
  • Sous la pression, reprise des négociations dans les dernières semaines de juin jusqu'au 2 juillet, sans aboutir à quoi que ce soit (p. 84).

Dénouement[modifier | modifier le code]

Face aux pressions, la compagnie commence à céder le 21 juillet 1952. Cette journée là, Dupuis Frères procède à une restructuration, congédiant l'impopulaire gérant adjoint Roland Chagnon et réembauchant Émile Boucher, l'ancien directeur du personnel très apprécié des employés (désormais promu vice-président exécutif)[14]. Les jours suivants, les dirigeants de l'entreprise s'assoient avec le syndicat afin de préparer une nouvelle convention collective. Dupuis finit par accepter l'essentiel des revendications syndicales: les salaires sont augmentés de 4$ à 6$ selon l'ancienneté (substantiel pour l'époque), la semaine de travail est fixée à 40h sur cinq jours, le syndicat devient officiellement l'unique négociateur, la formule Rand est instaurée pour les cotisations syndicales et un système de règlement des conflits par griefs est mis en place[14]. Le magasin Dupuis Frères met donc en place la première convention collective de son histoire et la grève des employés prend officiellement fin le samedi 26 juillet 1972[15].

Bilan[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b John Willis, « Cette manche au syndicat- La grève chez Dupuis Frères en 1952 », Labour/Le Travail,‎ , p. 57 (lire en ligne)
  2. John Willis, « Cette manche au syndicat- La grève chez Dupuis Frères en 1952 », Labour/Le Travail,‎ , p. 58 (lire en ligne)
  3. John Willis, « Cette manche au syndicat- La grève chez Dupuis Frères en 1952 », Labor/Le Travail,‎ , p. 59 (lire en ligne)
  4. a b et c John Willis, « Cette manche au syndicat- La grève chez Dupuis Frères en 1952 », Labour/Le Travail,‎ , p. 61 (lire en ligne)
  5. John Willis, « Cette manche au syndicat- La grève chez Dupuis Frères en 1952 », Labour/Le Travail,‎ , p. 66 (lire en ligne)
  6. John Willis, « Cette manche au syndicat- La grève chez Dupuis Frères en 1952 », Labour/Le Travail,‎ , p. 67 (lire en ligne)
  7. a et b John Willis, « Cette manche au syndicat- La grève chez Dupuis Frères en 1952 », Labour/Le Travail,‎ , p. 68 (lire en ligne)
  8. a et b John Willis, « Cette manche au syndicat- La grève chez Dupuis Frères en 1952 », Labour/Le Travail,‎ , p. 69 (lire en ligne)
  9. John Willis, « Cette manche au syndicat- La grève chez Dupuis Frères en 1952 », Labour/Le Travail,‎ , p. 70 (lire en ligne)
  10. a b c et d John Willis, « Cette manche au syndicat- La grève chez Dupuis Frères en 1952 », Labour/Le Travail,‎ , p. 71 (lire en ligne)
  11. a et b John Willis, « Cette manche au syndicat- La grève chez Dupuis Frères en 1952 », Labour/Le Travail,‎ , p. 73 (lire en ligne)
  12. a et b John Willis, « Cette manche au syndicat- La grève chez Dupuis Frères en 1952 », Labour/Le Travail,‎ , p. 75 (lire en ligne)
  13. John Willis, « Cette manche au syndicat- La grève chez Dupuis Frères en 1952 », Labour/Le Travail,‎ , p. 74 (lire en ligne)
  14. a et b John Willis, « Cette manche au syndicat- La grève chez Dupuis Frères en 1952 », Labour/Le Travail,‎ , p. 85 (lire en ligne)
  15. John Willis, « Cette manche au syndicat- La grève chez Dupuis Frères en 1952 », Labour/Le Travail,‎ , p. 86 (lire en ligne)