Mosaïque du cirque de Gafsa
Mosaïque du cirque de Gafsa | |
Type | Mosaïque |
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Dimensions | 3,40 m × 4,70 m[B 1] ; 3,45 m × 4,90 m[E 1]. |
Période | VIe siècle |
Culture | Rome antique |
Lieu de découverte | Gafsa |
Conservation | Musée national du Bardo |
Signe particulier | Inv. A. 19 |
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La mosaïque du cirque de Gafsa est une mosaïque romaine datée du VIe siècle et découverte à Gafsa. Elle est conservée au musée national du Bardo.
Histoire et localisation
La mosaïque fait partie des pièces importantes exposées au musée, par la thématique de présentation des jeux du cirque.
Histoire antique
La ville de Gafsa occupe le site de l'ancienne Capsa : grande ville dès le IIe siècle av. J.-C., elle est détruite par Marius en 106 av. J.-C.. Reconstruite, elle accède au statut de municipe puis colonie. Les vestiges archéologiques romains sont peu nombreux dans la ville actuelle[1].
La mosaïque est « une présentation tardive des jeux du cirque »[B 1] car elle date du VIe siècle[C 1],[F 1]. L’œuvre fait partie des « productions africaines les plus tardives »[F 1].
Redécouverte
La mosaïque est découverte en 1888[B 1].
Description
La mosaïque est en grande partie dégradée[B 1], et représente à la fois l'édifice et le spectacle qui s'y déroule : est conservée à peine la moitié de la représentation de la piste et une partie de la spina[B 1]. Sur les quatre chars appartenant aux factions, seuls en sont conservés deux.
Description de l’œuvre
Les différents personnages sont juxtaposés et sans perspective, représentés sans naturalisme : les corps sont « trapus et mal proportionnés ». Cette « méconnaissance totale de l'anatomie » trahit sa datation tardive[F 1].
Il y a une perspective mais uniquement frontale, contrairement à la vision aérienne de la mosaïque du cirque de Carthage[F 2]. La scène est celle qui serait perçue par un spectateur installé sur la spina de l'édifice[F 3]. Les couleurs utilisées vont dans le sens d'un « colorisme abstrait »[F 1].
Description de l'édifice
La mosaïque représente le long côté d'un cirque romain muni d'un portique à arcades[C 1]. Les arcades en plein cintre sont pourvues de colonnes torses[F 3]. Le mosaïste s'est inspiré du cirque de Rome pour refléter la générosité du donateur des jeux[F 4].
L'artiste a représenté les têtes des spectateurs qui s'entassent, entre les arcades des gradins de l'édifice[B 1]. Les spectateurs sont alignés et ont un « aspect stéréotypé et au regard inexpressif »[F 3]. Ces personnages sont normalement mus par « une passion partisane » pour une des factions en lice, et la façon dont ils sont représentés n'est pas cohérente avec l'agitation qui régnait dans les cirques lors des courses[F 5].
Description de la piste et du spectacle
Au milieu de la piste on reconnaît le socle de la spina autour duquel tournent les chars concurrents[C 1].
La piste est divisée en deux par la spina, représentée de manière schématique : les bornes sont également tracées de façon maladroite, et au milieu se trouve un obélisque pourvu de lignes horizontales. Une statue d'athlète est présente non loin de l'obélisque. Sur la partie inférieure de la spina, mal conservée, se trouvent une panthère et un autre animal, peut-être un cerf[F 5].
Sur l'arène on observe également un petit édicule à fronton, muni au-dessus d'une statue de Victoire et ce qui ressemble à une estrade, peut-être une « tribune amovible pour les juges de la course », que l'on trouve uniquement sur cette oeuvre[F 6].
Sur la piste, on trouve quatre loges (carceres) à droite avec, à leurs entrées, quatre personnages en bronze : ces personnages sont des statues d'athlètes[F 5], la place de ces statues était normalement au-dessus de ces carceres[C 1]. Les personnages sont asexués. Les carceres sont dessinées de manière maladroite : les colonnes n'ont pas la même taille, et les arcs ne sont pas similaires[F 5].
La scène de la course représente la phase finale de la compétition[E 1], « la plus excitante »[F 7], entre quatre quadriges aux couleurs des factions : les factions en lice sont les Bleus et les Verts[F 8]. Deux chars sont conservés ; les auriges sont vêtus d'une tunique à manches longues et d'une écharpe, et portent un casque, ils tiennent les rênes de leurs chevaux par la main[F 8]. Le juge au milieu de la piste porte une serviette blanche et s'apprête à remettre la palme de la victoire tandis qu'un musicien joue la fanfare : ce musicien porte une outre gonflée sur l'épaule et des tubes d'osier[F 8]. Le vainqueur est l'équipe des Verts et il freine son char[C 1], « buste incliné vers l'arrière ». Le vainqueur se tourne vers les spectateurs, mais le regard est sans expression et est soulignée « l'absence de véhémence dans l'action »[F 8]. La seconde équipe est représentée en plein élan, l'aurige a le corps penché en avant et fait claquer son fouet, « effort vain pour rattraper le quadrige précédent »[F 8]. L'artiste a fait des « erreurs grossières de dessin et de perspective », le char est représenté de manière fantaisiste[F 9]. Les deux autres équipes sont fragmentaires : on a conservé l'avant-train du troisième char, qui semble chuter, accident fréquent dans les courses de cirques. La représentation de la dernière équipe est à peu près perdue[F 9].
Dans le reste de l'arène, divers employés du cirque sont présents : les sparsores qui aspergent d'eau les chevaux et les chars, et les propulsores qui activent le train des attelages[C 1],[F 9].
Interprétation
Les mosaïques représentant les cirques sont fondamentales pour l'étude de ce type d'édifice[2] peu conservé.
Témoignage de la continuation de l'évergétisme
Les courses sont le lieu de rassemblements par affinités, et les équipes sont affiliées à des groupes sociaux. Les jeux sont payés par de riches citoyens, les évergètes, et organisées par les factions[C 2]. Elles possèdent en outre un symbole astral, et à chaque faction est liée une saison[E 1].
Le caractère local transparaît dans l'instrument utilisé par le musicien, une cornemuse est substituée à une trompette traditionnelle, la représentation de l'estrade et le choix du vainqueur, correspondant à l'équipe qui avait la faveur du commanditaire de l'oeuvre[F 10].
La mosaïque témoigne du maintien de ces traditions des jeux alors que la cité était entrée dans une phase de décadence tant dans son bâti que dans ses institutions[B 1]. Elle avait un but commémoratif, rappeler la générosité d'un donateur[C 2].
Témoignage tardif d'une passion romaine
L’œuvre représente les jeux du cirque[B 1] mais est d'« une exécution maladroite »[E 1]. Cette maladresse est peut-être le signe d'une perturbation dans la circulation des artistes et d'une exécution locale. Le style naïf se rapproche des dalles funéraires chrétiennes des Ve siècle et VIe siècle[F 9].
La représentation, réalisée dans « un style linéariste et abstrait »[C 1] est tardive et date de l'époque byzantine et la christianisation de la contrée. Elle est un témoignage de l'engouement de la population pour les jeux en dépit de la réprobation des institutions ecclésiastiques[B 1]. C'est un témoignage de cette passion qui dure depuis le IIe siècle[E 1] et est sur le point de s'éteindre sous la pression des institutions ecclésiastiques.
Aucun cirque n'a été identifié à Gafsa, et peut-être que les jeux se déroulaient dans « des édifices improvisés se réduisant, le plus souvent, à une spina rudimentaire ». Le mosaïste a représenté le cirque de Rome car les statues d'athlètes, les quadrupèdes, et plus encore le temple de Venus Murcia sont caractéristiques de cet édifice ; cependant cette représentation n'est pas fidèle et les détails sont incongrus. L'artiste souhaite faire part de l'ambiance dans ces lieux[F 4]. La mosaïque regroupe des éléments que l'on retrouve dans nombre de représentations de jeux du cirque[F 9].
Notes et références
- Lipinski 1992, p. 183.
- Beschaouch 2001, p. 106.
- Histoire générale de la Tunisie. Tome I. L'Antiquité
- Slim et al. 2003, p. 317.
- Le Musée du Bardo : les départements antiques
- Yacoub 1993, p. 124.
- Yacoub 1993, p. 125.
- Le musée du Bardo
- La Tunisie antique
- Slim et Fauqué 2001, p. 182.
- Splendeurs des mosaïques de Tunisie
- Yacoub 1995, p. 305.
- Yacoub 1995, p. 305-306.
- Yacoub 1995, p. 306.
- Yacoub 1995, p. 309.
- Yacoub 1995, p. 307.
- Yacoub 1995, p. 307-308.
- Yacoub 1995, p. 309-310.
- Yacoub 1995, p. 310.
- Yacoub 1995, p. 311.
- Yacoub 1995, p. 310-311.
Voir aussi
Liens externes
Articles connexes
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Ouvrages généraux
- Azedine Beschaouch, La légende de Carthage, Paris, Gallimard, , 176 p. (ISBN 2-07-053212-7).
- Aïcha Ben Abed-Ben Khedher, Le musée du Bardo : une visite guidée, Tunis, Cérès, , 76 p. (ISBN 978-9973-700-83-4)
- M'hamed Hassine Fantar, Samir Ouanallah et Abdelaziz Daoulatli, Le Bardo, la grande histoire de la Tunisie : musée, sites et monuments, Tunis, Alif, (ISBN 978-9938-9581-1-9).
- Hédi Slim, Ammar Mahjoubi, Khaled Belkhodja et Abdelmajid Ennabli, Histoire générale de la Tunisie, vol. I : L'Antiquité, Paris, Maisonneuve et Larose, (ISBN 978-2-7068-1695-6). .
- Hédi Slim et Nicolas Fauqué, La Tunisie antique : de Hannibal à saint Augustin, Paris, Mengès, , 259 p. (ISBN 978-2-85620-421-4). .
- Mohamed Yacoub, Le Musée du Bardo : départements antiques, Tunis, Agence nationale du patrimoine, , 294 p. (ISBN 978-9973-917-12-6). .
- Mohamed Yacoub, Splendeurs des mosaïques de Tunisie, Tunis, Agence nationale du patrimoine, , 421 p. (ISBN 9973-917-23-5). .
- Paul Gauckler, Inventaire des mosaïques de la Gaule et de l'Afrique, II : Afrique Proconsulaire (Tunisie), Paris, .
- Edward Lipinski, Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, Brepols, (ISBN 2-503-50033-1). .
- Mongi Ennaïfer, « Le thème des chevaux vainqueurs à travers la série des mosaïques africaines », MEFR, vol. 95-2, , p. 817-858
Travaux sur la mosaïque
- Mohamed Yacoub, « Les aspects particuliers de la scène de course dans la mosaïque de cirque de Gafsa », Les Cahiers de Tunisie, vol. 29/117-118, , p. 495-516