Loi de Gresham

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Sir Thomas Gresham - Portrait par Anthonis Mor, vers 1554

La loi de Gresham, du nom du commerçant et financier (considéré notamment comme l'un des fondateurs de la bourse de Londres) anglais Thomas Gresham (vers 1519 - 1579), constate que « la mauvaise monnaie chasse la bonne ». En effet lorsque deux monnaies se trouvent simultanément en circulation avec un taux de change légal fixe, les agents économiques préfèrent conserver, thésauriser la « bonne » monnaie, et par contre utilisent pour payer leurs échanges la « mauvaise » dans le but de s'en défaire au plus vite.

Cette loi vaut en particulier dans les systèmes monétaires bimétalliques, quoique Thomas Gresham lui-même l'ait formulée à propos de la seule monnaie en argent de son époque, le shilling, dénaturée par un seigneuriage trop important, ce qui avait entraîné la disparition des shillings fondus avant ce seigneuriage. Attribuée à Thomas Gresham, cette loi est en fait ancienne :

Aristophane l'évoque déjà dans sa comédie les Grenouilles[1] ;
Nicole Oresme en démontre le mécanisme en 1371[2] ;
Nicolas Copernic a déjà analysé le phénomène dans son « Traité sur la monnaie » paru en 1526.

Le cas du système bimétallique

Dans un système bimétallique, il existe deux monnaies, fondées chacune sur un métal donné, généralement l’argent et l'or. Par ailleurs, il existe un rapport légal qui fixe la valeur de chaque monnaie par rapport à l'autre et à l'unité de compte légale : par exemple une livre (unité de compte) vaudra indifféremment une once d'or ou douze onces d'argent. Autrement dit, la force publique impose un taux de change fixe, appelé parfois « pair », entre les deux métaux.

Si par exemple le « pair » officiel est que douze unités (en poids) d'argent valent 1 unité d'or, alors que l'abondance relative (et donc le prix sur le marché libre) est de 10 pour 1 (i.e. l'or est plus abondant que le taux de change officiel le suppose, donc une valeur moindre qu'officiellement), les agents économiques auront intérêt :

  • à acheter l'argent avec de l'or au cours légal (avec cinq unités d'or ils obtiendront soixante unités d'argent), et le revendre sur le marché (ou soixante unités d'argent valent six unités d'or, l'opération permettant un gain de 1 unité d'or) ; c'est la banque centrale qui paie la différence, ses réserves d'argent se vident et pour les reconstituer elle en achète sur le marché (donc plus cher qu'au taux légal) ;
  • à spéculer sur une réévaluation de l'argent : apporter leur or à la banque centrale pour obtenir de l'argent à la place (à raison de 5 pour 60), attendre que l'État fixe un pair en rapport avec l'abondance relative réelle (10 pour 1 par exemple), et récupérer plus d'or qu'au départ (au nouveau pair, les 60 unités d'argent vaudront 6 unité d'or : même gain que dans l'opération précédente) ;
  • faire leurs achats en or, et surtout pas avec de l'argent qu'il sera préférable de thésauriser ou d'aller revendre sur le marché du métal. L'argent va donc disparaitre de la circulation monétaire pour rejoindre le marché du métal ou la thésaurisation.

En sens inverse, si l'abondance relative de l'argent augmente et passe à quatorze pour un, c'est l'or qui va disparaitre de la circulation monétaire au profit du marché du métal et de la thésaurisation, et c'est l'argent qui va circuler. En effet, dans cette situation, la valeur de la monnaie en or étant supérieure à la valeur de la monnaie en argent partout ailleurs, elle sera thésaurisée par les individus, ou échangée contre de la monnaie en argent avec les étrangers en fonction du pair de leur pays. Au contraire, les agents économiques n'utiliseront plus que l'argent dans leurs échanges économiques. Autrement dit, en surévaluant la valeur de l'argent par rapport à l'or, l'État en a fait de la « mauvaise monnaie », provoquant la disparition de l'or et son remplacement par l'argent[3].

Cette situation s'est produite au XIXe siècle dans les pays qui avaient adopté un système bimétallique, comme les États-Unis où cela entraina une grave crise du système monétaire, avec une « fuite » de la monnaie en or du pays.

Loi de Gresham et monnaie privée

Dans un système monétaire, la loi de Gresham n'existe que parce que l'État impose un cours légal, par exemple un taux de change entre deux étalons monétaires. Pour cette raison, quelques économistes libéraux, comme Friedrich Hayek, voient dans cette loi une justification à un système de monnaies privées. Pour eux, si les hommes étaient libres d'échanger les monnaies qu'ils souhaitent aux taux qu'ils fixent, alors c'est la bonne monnaie qui chasserait la mauvaise. Hayek voit une illustration de cela dans les situations de forte inflation, où les agents « fuient » devant la monnaie légale au profit de monnaies étrangères ou de biens réels, y compris des cigarettes ou des bouteilles de cognac[4].

Notes et références

  1. Vers 891-898 ; cf. Friedrich Hayek, Choice in Currency, A Way to Stop Inflation, The Institute of economics affair, 1976, p. 18.
  2. Jacques Heers, Jacques Cœur, Perrin, 2008, p. 27.
  3. Robert Mundell, « Uses and Abuses of Gresham's Law in the History of Money », Zagreb Journal of Economics, Volume 2, No. 2, 1998. [lire en ligne]
  4. Friedrich Hayek, Choice in Currency, A Way to Stop Inflation, The Institute of economics affair, 1976.

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