Inégalités scolaires

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Les inégalités scolaires sont les inégalités de résultats entre élèves, souvent corrélées aux inégalités sociales[1]. En France, la lutte contre ces inégalités est un objectif important du système scolaire. En effet celui-ci s'est structuré avec l'établissement de la IIIe République autour d'un objectif d'égalité entre tous. Depuis d'importants progrès ont été enregistrés. Néanmoins les études récentes ont montré la résistance d'inégalités scolaires importantes, aux causes multiples.

Les inégalités sociales sont au cœur de la réflexion sur le système scolaire français[modifier | modifier le code]

Le projet républicain[modifier | modifier le code]

L'histoire des inégalités sociales au sein de l'enseignement s'appuie sur le temps long, comme le montre Benoît Falaize[2]. Certaines inégalités de réussite à l'école sont pour partie acceptées, car elles peuvent être expliquées par des différences individuelles. Mais d'autres ne sont pas acceptées, car on estime qu'elles peuvent être réduites si l'on met en place les méthodes adaptées. Ces inégalités que l'on pense pouvoir éviter ont souvent pour origine des inégalités sociales.

L'enseignement secondaire français (Collège et Lycée) a donc vu apparaître une réflexion sur ces inégalités pour ensuite tenter de les réduire.

Historiquement en France l'enseignement était dispensé principalement au sein de l'Eglise catholique, ou par des actions locales des autorités municipales[3]. Avec l'avènement de la IIIe République, le gouvernement a pris en main l'éducation, avec l'objectif affiché d'ouvrir à tous l'accès à la connaissance. Il s'agissait de parachever le combat contre les privilèges de la Première République, et de permettre à tous, par l'éducation, l'accès aux plus hautes fonctions[4].

Les réflexions de Bourdieu et Passeron, la critique de Boudon[modifier | modifier le code]

Néanmoins, ce discours républicain a été remis en question par la publication du livre «  Les héritiers », de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron. Leur thèse est qu'un enseignement identique ne garantit pas une égalité de résultat. En effet les familles transmettent un héritage culturel et social inégal. Les élèves sont donc plus ou moins en situation de réaliser des travaux correspondant aux attentes des enseignants. La réussite est donc souvent liée aux origines sociales.

Certes, selon eux, quelques rares élèves issus des catégories populaires réussissent tout de même dans ce cadre scolaire, mais ils sont peu nombreux, et ils doivent s'identifier aux codes des élites sociales, se séparant ainsi des codes de leur propre milieu; ils sont qualifiés par les auteurs de "transfuges de classe".

Raymond Boudon a discuté ces affirmation. Il affirme que les acteurs font des choix rationnels, qu'ils dosent leur investissement dans l'école en fonction de leurs choix de vie et opportunités sociales. Le niveau de réussite scolaire est donc selon lui le fait de choix, et non quelque chose de subi.

Des actions sur plusieurs axes, à l'origine de progrès conséquents[modifier | modifier le code]

L'égalité d'accès à l'école[modifier | modifier le code]

Le premier levier d'action de l'Etat républicain en faveur de l'égalité scolaire a été de supprimer les obstacles à la scolarisation (école payante ou interdite aux filles) avec l'ouverture progressive de tous les niveaux d'études à l'ensemble des jeunes d'une génération[5]. Cela s'est fait par paliers très espacés. Si l'école primaire laïque, gratuite et obligatoire remonte aux lois Ferry, il fallut attendre 1933 et surtout la Libération pour que le Collège cesse d'être payant, puis le lycée général s'est à son tour ouvert.

Les effectifs scolarisés ont donc considérablement augmenté, cette « massification » du Secondaire a permis à des publics issus des couches populaires d'accéder à un plus haut niveau d'études.

Inventer de nouvelles modalités pédagogiques[modifier | modifier le code]

La recherche pédagogique a été très riche au XXe siècle. Elle a montré que le cours magistral favorisait les enfants issus de milieux socialement favorisés. Plusieurs chercheurs ont alors appelé à mettre en place des pédagogies reposant sur la mise en activité des élèves, qu'ils estimaient plus propices à la réussite d'élèves issus de milieux défavorisés.

Ainsi dans la France des années 1950, on peut citer Célestin Freinet, qui a insisté sur la mise en place de projets par les élèves, et à partir des années 1980 c'est Philippe Meirieu qui s'impose comme principal animateur de la recherche pédagogique, en faveur de modalités pédagogiques plus variées, avec notamment de la mise en activité et de l'accompagnement.

Ces recherches se sont traduites par la mise en place de dispositifs favorisant l'activité des élèves, tels que les TPE en 2000 ou les EPI (Enseignements pratiques interdisciplinaires), ainsi que dans l'Accompagnement personnalisé.

Créer un enseignement adapté[modifier | modifier le code]

Enfin des filières spécifiques sont créées afin d'apporter une aide adaptée aux élèves à besoins particuliers. Il peut s'agir de filières différenciées vers le bac (création d'un baccalauréat technologique puis d'un baccalauréat professionnel), de collèges disposant de dotations supplémentaires dans des quartiers difficiles (Zones d'éducation prioritaires, sous des formes qui ont changé par la suite), de dispositifs aidant des élèves à besoins particuliers au sein des classes (PAP, PPRE, etc.).

Les inégalités sociales restent cependant importantes dans la réussite au Collège et au Lycée[modifier | modifier le code]

Les inégalités sociales et scolaires font de nouveau l'objet d'études[modifier | modifier le code]

Les progrès observés en France se mesurent désormais dans une comparaison internationale. Le principal indicateur est l'enquête PISA[6]. Or celle-ci a montré que la France mobilisait beaucoup de moyens pour une élite scolaire, et laissait une quantité importante d'élèves à un niveau plus faible que dans les autres pays[7]. Or cette inégale réussite était souvent corrélée au milieu social d'appartenance des élèves.

Pire encore, ces inégalités ne faisaient que se creuser, à chaque étude.

Les résultats de ces enquêtes ont relancé la réflexion en France sur la prise en compte des inégalités scolaires, et notamment sur la notion de "mérite". Un bon résultat est-il le fruit d'un travail scolaire seul, ou bien bénéficie-t-il de conditions sociales propices ? Le livre de l'Américain Michael Sandel, « La Tyrannie du mérite »[8], a alimenté cette réflexion.

Les causes de ce renouveau de l'importance des inégalités sociales dans l'enseignement sont complexes[modifier | modifier le code]

Le sujet des inégalités scolaires, qui depuis une vingtaine d'années suscitait moins de discussions et publications, a donc recouvré une certaine vivacité. En témoignent une vaste étude publiée par le CNESCO en 2016[9], ainsi que la publication de plusieurs livres et articles en France, notamment par le spécialiste du sujet Jean-Paul Delahaye[10], qui apportent des analyses complémentaires.

Les origines de ces inégalités croissantes sont multiples et font l'objet de débats. On peut citer parmi elles les structures du système scolaire, le budget qui serait mal employé, les pratiques pédagogiques (y compris celles qui étaient présentées comme innovantes) inadaptées, le manque de formation des enseignants, l'évolution de la société (avec comme révélateur la place des écrans), les enjeux de l'intégration de personnes issues de l'immigration[11].

Les mesures prises à ce jour par les ministres de l'Education ont surtout concerné l'enseignement primaire, avec surtout la réduction des effectifs par classe, en commençant par les quartiers difficiles. Plus globalement Il a ensuite été demandé à l'enseignement privé d'incorporer une part plus importante d'enfants issus des classes populaires (boursiers). Concernant l'enseignement secondaire, deux expérimentations ont également vu un travail sur la carte scolaire, entraînant la dispersion d'élèves auparavant réunis dans des collèges relevant de l'Education prioritaire, à Paris et à Toulouse[12].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Choukri Ben Ayed, Grande pauvreté, Inégalités sociales et école : sortir de la fatalité, Paris, Berger-Levrault, , 252 p. (ISBN 9782701321400)
  2. Benoît Falaize, La place des enfants pauvres dans les pensées éducatives du XVIIe à la fin du XXe siècle, in Grande pauvreté, inégalités sociales et école, Paris, Berger-Levrault, , 252 p. (ISBN 9782701321400), p. 39-52
  3. Jean-Noël Luc, Jean-François Condette, Yves Verneuil, Histoire de l'enseignement en France : XIXe – XXIe siècle, Paris, Armand Colin, , 416 p. (ISBN 9782200613334)
  4. Mona Ozouf, L’École, l’Église et la République, Paris, Points, , 272 p. (ISBN 9782020962445)
  5. Vincent Troger, Histoire du système éducatif, Paris, Que sais-je ?, , 128 p. (ISBN 2715407998)
  6. « PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis des Élèves) », sur Ministère de l'Education Nationale et… (consulté le ).
  7. https://www.vie-publique.fr/eclairage/19539-resultats-des-eleves-la-france-et-le-classement-pisa
  8. La Tyrannie du mérite : Qu'avons-nous fait du bien commun ? [« The Tyranny of Merit: What’s Become of the Common Good? »], Albin Michel, 2021, 384 p. (ISBN 978-2226445599)
  9. https://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2016/09/160927Dossier_synthese_inegalites.pdf
  10. L'école n'est pas faite pour les pauvres, Le bord de l'eau eds, 2022, 168p. (ISBN 9782356878410)
  11. « Enseignement et inégalités sociales », sur fairecours.com, (consulté le ).
  12. « A Toulouse aussi, la mixité sociale au collège réussit à tous », sur Le Café pédagogique, (consulté le ).