Forme en arche
Une forme en arche est une forme musicale basée sur la répétition, dans un ordre inversé, de toutes (ou presque toutes) les sections musicales de manière à former une forme générale symétrique (le plus souvent autour d'une section centrale). Les sections ne sont pas forcément répétées parfaitement à l'identique, du moment que l'essentiel du matériel thématique est bien rejoué. La plus simple (et donc la plus courante) des formes en arche est A–B–C–B–A. Pierre Boulez la nommait « forme en cloche »[1].
Il s'agit en quelque sorte de l'élargissement de forme A–B–A, très répandue depuis le repond grégorien et présente dans le menuet et trio. À l'opéra, Claudio Monteverdi organise la forme des cinq actes de L'Orfeo (1607) dans cette symétrie ; le prologue, articulé en cinq stances également. Le troisième acte, au centre, étant lui-même symétrique aux six stances de l'aria d'Orphée Possete spirto, située au cœur de l'œuvre[1].
Le Prélude à l'après-midi d'un faune de Claude Debussy peut correspondre à cette organisation, entre l'éveil et le rendormissement du faune.
Béla Bartók est reconnu pour être le père de la forme en arche[2] et pour son utilisation régulière dans la plupart de ses œuvres[3], notamment dans les quatrième et cinquième quatuors à cordes, le Concerto pour orchestre, la Musique pour cordes, percussion et célesta, le second concerto pour piano et dans une moindre mesure dans le second concerto pour violon[4],[5].
Certains musiciens vont même jusqu'à utiliser un procédé rétrograde de A dans la dernière partie à l'instar de Guillaume de Machaut dans le rondeau Ma fin est mon commencement, par exemple Alban Berg, dans la Suite lyrique (1926) : le scherzo noté Allegro misterioso est réintroduit sous sa forme rétrograde après le Trio estatico[2].
L’Adagio pour cordes de Samuel Barber et le Quatuor à cordes n°8 en ut mineur de Dmitri Chostakovitch utilisent aussi une forme en arche. Parmi les compositeurs contemporains, on peut noter que Luigi Dallapiccola y a eu recours à plusieurs reprises (Cinque canti, Ulisse, Commiato)[5], ainsi que Steve Reich (par exemple dans Reich/Richter et Music for 18 musicians).
Pour le musicologue Paul Wilson, cette forme crée de l'intérêt par l'interaction entre « mémoire, variation et progression ». Bien que la forme semble être statique et nier le progrès, les paires de mouvements créent un « processus non directionnel » avec le centre, et la forme « engendre en fait des possibilités expressives spécifiques qui seraient autrement indisponibles pour l'œuvre dans son ensemble »[4].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Abromont 2010, p. 92.
- Abromont 2010, p. 93.
- Gammond 1988, p. 125.
- (en) Paul Wilson, The Music of Béla Bartók, 1992. (ISBN 0-300-05111-5). p. 32.
- (it) « Principi Formali - Forma ad Arco », sur unisi.it (consulté le ).
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Peter Gammond et Denis Arnold (dir.) (trad. de l'anglais par Marie-Stella Pâris, Adaptation française par Alain Pâris), Dictionnaire encyclopédique de la musique : Université d'Oxford [« The New Oxford Companion to Music »], t. I : A à K, Paris, Éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », (1re éd. 1988), 1171 p. (OCLC 19339606, BNF 36632390), p. 125.
- Claude Abromont et Eugène de Montalembert, Guide des formes de la musique occidentale, Paris, Fayard / Henry Lemoine, coll. « Indispensables de la musique », , 237 p. (ISBN 978-2-213-65572-7, OCLC 701598321, BNF 42290337), p. 92.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]- Structure chiastique (en), un équivalent littéraire.