Espace de liberté (hydrologie)

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L’espace de liberté des cours d'eau est un concept géographique permettant une meilleure compréhension de l’aspect dynamique d’un cours d’eau et qui prône une gestion intégrée et un aménagement durable des territoires riverains.

Ce concept a été introduit pour la première fois en 1981 lors d’un colloque sur l’écologie et l’aménagement de la Loire en France[1]. Au Québec, cette approche a été élaborée par la collaboration des chercheuses Pascale Biron et Marie Larocque et du chercheur Thomas Buffin-Bélanger[2].

L’espace de liberté vise à changer la vision traditionnelle des cours d’eau, qui les considère généralement comme des entités statiques. Cette conception classique a tendance à percevoir un cours d’eau comme un élément fermement enraciné dans le paysage un peu comme une route. Donc dans cette conception, un enjeu comme l’érosion des rives, par exemple, sera considéré comme un problème qui doit être réparé. De nos jours, cette approche est qualifiée d’anthropocentrique et son invalidité fait l’unanimité parmi les experts. En effet, les limitations géographiques d’un cours d’eau sont loin d’être fixes et bien définies[3].

Un bon aménagement du territoire qui repose sur des connaissances scientifiques est impératif afin de diminuer la vulnérabilité des populations riveraines et de limiter les dommages sur les infrastructures, particulièrement dans un contexte de changements climatiques où la fréquence des inondations majeures est en augmentation[4].

Principes[modifier | modifier le code]

Le grand méandre de la Piquette, France

Le concept d’espace de liberté repose sur deux principes fondamentaux en hydrologie. Premièrement , l’espace de mobilité, qui est lié à la dynamique latérale des cours d’eau et deuxièmement, l’espace d’inondabilité, qui est lié à la récurrence des crues. L’espace de liberté d’un cours d’eau est définie comme étant la somme de ces deux paramètres à laquelle les milieux humides riverains s’y ajoutent étant donné leurs fonctions indispensables[5]. L’espace de mobilité correspond au déplacement potentiel du lit d’un cours d’eau au fil du temps[6]. En effet, les berges d’un cours d’eau sont constamment façonnées par les processus d’érosion latérale. Ces processus peuvent entrainer des problématiques pour les propriétaires riverains et les infrastructures. Cependant, cette érosion constitue un apport important de sédiments et contribue à l’évolution de la sinuosité du cours d’eau. Sur le long terme, le recoupement des méandres peut être observé, ce qui génère des milieux humides. Le déplacement d’un cours d’eau peut être déterminé en analysant les photographies aériennes d’époque et en comparant celles-ci avec des images satellitaires actuelles[5].

Importante crue de Cellettes, Loir-et-Cher, France

Ensuite, l’espace d’inondabilité correspond à la plaine inondable d’un cours d’eau. L’inondation est aussi un processus physique de grande importance étant donné qu’elle permet la recharge des aquifères, la fertilisation des plaines et d’assurer une certaine connectivité entre les milieux humides. En revanche, les inondations constituent un risque majeur pour les populations riveraines, les infrastructures et les activités agricoles. Il est donc primordial de bien cartographier ce risque afin d’avoir une bonne conception de l’espace de liberté[5]. Au Québec, cette cartographie fait partie des mandats du Ministère de la Sécurité Publique[7] et du Centre d’Expertise Hydrique[8].

Finalement, les milieux humides localisés dans les plaines inondables offrent une importante résilience naturelle aux inondations puisqu’ils ont une capacité de rétention des eaux de crues ce qui diminue les risques sur les populations riveraines. De plus, ce pouvoir tampon a également une importance lors des saisons plus sèches puisque les milieux humides relâchent progressivement l’eau emmagasinée dans le réseau hydrique, permettant ainsi de maintenir le débit des cours d’eau. Les milieux humides sont également des habitats essentiels pour une multitude d’espèces animales et végétales[5].

Finalement, ce qu’il faut retenir, c’est la formule suivante : espace de liberté = érosion + inondations + milieux humides[9].

Aspects légaux[modifier | modifier le code]

Du point de vue légal, au Québec, l’espace de liberté des cours d’eau est intégrée dans la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables (PPRLPI)[10] et dans la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU)[11]. Les municipalités ont donc l’obligation d’intégrer les concepts d’espace de liberté dans leur schéma d’aménagement et le Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec a théoriquement le pouvoir d’ordonner des modifications qui seraient nécessaires si une municipalité enfreint ces réglementations.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. V. Belleau-Arsenault, M. Robert, La notion d'espace de liberté des cours d'eau, [PDF], 2014
  2. « Espace de liberté », sur obv.nordestbsl.org, OBV du Nord-Est du Bas-Saint-Laurent, (consulté le )
  3. P. Marcoux-Viel, Espace de liberté des cours d'eau : s'inspirer des meilleures pratiques pour définir un cadre de gestion québécois, Université de Sherbrooke, [PDF], 2015
  4. (en) Margaret A. Palmer, Dennis P. Lettenmaier, N. LeRoy Poff et Sandra L. Postel, « Climate Change and River Ecosystems: Protection and Adaptation Options », Environmental Management, vol. 44, no 6,‎ , p. 1053–1068 (ISSN 0364-152X et 1432-1009, DOI 10.1007/s00267-009-9329-1, lire en ligne, consulté le )
  5. a b c et d P. Biron et al., Espace de liberté : un cadre de gestion intégrée pour la conservation des cours d'eau dans un contexte de changements climatiques, [PDF], 2013
  6. « 2.1.5. La notion d'espace de mobilité des cours d'eau », sur geni-alp.org, Géni Alp, (consulté le )
  7. « Inondations », sur securitepublique.gouv.qc.ca, Ministère de la Sécurité Publique du Québec, (consulté le )
  8. « Zones inondables - Rapports techniques et cartographie en eau libre », sur cehq.gouv.qc.ca, Centre d'Expertise Hydrique du Québec, (consulté le )
  9. « Projet sur l'applicabilité du concept d'espace de liberté dans la gestion des cours d'eau », sur cogesaf.qc.ca, Conseil de gouvernance de l'eau des bassins versants de la rivière Saint-François, (consulté le )
  10. Ministère du Développement Durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les Changements Climatiques du Québec. (2015). Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables. http://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/rives/guide-interpretationPPRLPI.pdf
  11. Commission de Protection du Territoire Agricole du Québec. (2006). Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. http://www.cptaq.gouv.qc.ca/fileadmin/fr/publications/lois/Autres.lois.modifiees.par.la.LPTAA/L.R.Q._c.A-19.1._art.5_56.4_113_148.1a148.13_267_267.1_.pdf