En attendant le vote...

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En attendant le vote...

Réalisation Missa Hébié
Scénario Missa Hébié
Marcel Beaulieu
Sociétés de production FASO Films & Com
Pays de production Drapeau du Burkina Faso Burkina Faso
Durée 100 minutes
Sortie 2011

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

En attendant le vote... est un film burkinabé réalisé par Missa Hébié, sorti en 2011. Il est adapté du roman En attendant le vote des bêtes sauvages d'Ahmadou Kourouma, publiée en 1998. Ce film sera récompensé du grand prix au FESPACO en 2011.

Situé dans le pays imaginaire de la République du Golfe, le film relate l’histoire de la dictature du président Koyaga qui accède au pouvoir à la suite d'un coup d’État. 21 ans plus tard, après avoir échappé à une tentative d'assassinat, Koyaga trouve refuge dans son village natal. Il assiste à un donsomana (un récit purificatoire), où le griot du village et son ‘répondeur’ lui exposent les faits tragiques de son mandat. L’intrigue oscille entre passé et présent, où, en une nuit, le récit cathartique du Griot parviendra à faire changer le régime de la République du Golfe.

Synopsis[modifier | modifier le code]

Le film débute dans le présent, c’est-à-dire environ deux décennies après le coup d’Etat de Koyaga, dictateur du pays imaginaire de la République du Golfe. Il est victime d’un attentat qui échoue de la part du groupe résistant mené par Dalémda. Voyant que sa demeure a été pillée et que son régime est au bord du renversement, Koyaga trouve refuge dans son village natal. Afin de récupérer le saint Coran et la météorite de sa mère, les deux fondements de son pouvoir, le dictateur doit assister à un récit cathartique : un Donsomana. Lors d’une veillée cette nuit-là, le Griot du village et son répondeur, Tiécoura, relatent à Koyaga les atrocités qu’il a commises tout au long de son mandat. Le film nous transporte donc vingt ans en arrière, l'année du coup d’Etat de Koyaga.  

Ancien combattant d'Algérie et d’Indochine, Koyaga accède au pouvoir par la force, avec le soutien de ses anciens camarades militaires. Il tue et émascule le Président Fricassa pour ensuite s’imposer à la tête du pays. En parallèle, un groupe de Résistance se forme, avec Maclédio et Dalméda à sa tête. Maclédio est un journaliste qui décide de fonder une radio libre contre le régime de Koyaga. Pourtant, le jour où il se rend à la maison de la radio nationale pour donner sa démission, il est arrêté par des gardes qui le mènent à Koyaga. Le dictateur ne lui donne pas le choix : il doit devenir présentateur pour la radio nationale au risque de se faire emprisonner. Maclédio accepte à contrecœur, mais cela change rapidement lorsqu’il se trouve exposé aux idées du tyran. Au fur et à mesure qu’il s’installe dans son nouveau poste, il s'éloigne de ses anciens camarades résistants pour enfin devenir le bras droit de Koyaga et son Ministre de l’Orientation.

Bien installé dans son rôle de tyran, Koyaga élimine ses opposants à tour de rôle. Il ordonne à Maclédio de lui fournir une liste d’opposants au régime, mais une part de ce dernier est toujours fidèle à ses anciens camarades. Il enlève donc leurs noms de la liste. Le dictateur met en scène un attentat contre lui-même pour ensuite condamner à mort les résistants qui allaient participer à cet attentat. Ces derniers sont fusillés par la garde le soir même. Pour riposter à cette attaque, Dalmeda et ses camarades commettent un attentat, véritable cette fois-ci, que le dictateur échappe de justesse.

Maclédio, maintenant dévoué à son maître, autorise alors de donner les noms de ses anciens amis (dont celui de Dalémda) à la milice. La garde se rend à la demeure de Dalméda, le capture et l'enferme en prison pour ensuite le torturer. Les autres résistants sont battus, et une scène de viol très violente est mise en scène. Zalissa en est la victime, et Abiré, sa fille, assiste au drame s’étant cachée sous le lit. À la suite de cet épisode, Dalméda est relâché de prison : malgré la torture qui lui a été infligée, celui-ci n’a pas cédé à passer dans l’autre camp. Abiré, de son côté, décide de venger ses parents. Elle fait en sorte de se rapprocher de Koyaga pour un jour le tuer. Un soir de fête, ce dernier tombe sous son charme et fait d’elle sa maîtresse. Dalméda, lui, se venge en organisant une révolte qui coutera la vie à plusieurs résistants. La catastrophe se poursuit le lendemain, lorsque Maclédio et quelques militaires se rendent au village de Dalméda et l’incendient.

La République du Golfe poursuit son régime dans une atmosphère chaotique. Afin d'apaiser les conflits, le conseil propose à Koyaga de postuler pour le FMI. Koyaga accepte et rencontre le responsable de l’organisation, qui lui donne les conditions requises pour entrer dans le FMI, l’une d’entre elles étant d’organiser des élections au suffrage universel. En entendant cela, Koyaga est furieux. Il chasse le responsable de chez lui et fait appel à une réunion urgente du conseil. Le dictateur s’emporte contre Macledio, son homme de confiance. Il le condamne de haute trahison contre le pays: c’est lui qui avait proposé cette rencontre avec le responsable du FMI. Maclédio est emprisonné et torturé, mais finalement relâché. Malgré la grâce du dictateur, Maclédio commence à se méfier de Koyaga.

Ce soir-là, Dalméda et son parti se réunissent pour fêter. Pourtant, les festivités sont abrégées lorsque Abiré, toujours fidèle à la résistance, appelle Dalémda pour le prévenir d’une potentielle attaque de la part de la milice de Koyaga. Dalméda écoute les conseils d’Abiré de se disperser, mais certains de ses camarades ne comprennent pas l’urgence de la situation et restent fêter. Quelques instants plus tard, après que Dalméda a quitté la soirée, la milice entre par force et tue les résistants présents. Ayant rejoint d’autres résistants à la suite de l’attaque, Dalméda organise une contre-attaque pour tuer Koyaga. Il téléphone à Abiré, qui est avec le président, et lui demande de l’amener dans la chambre à coucher, où il pourra être fusillé par la fenêtre. L’attentat échoue, ce qui nous ramène au présent, la nuit d’après, lorsque Koyaga a pris refuge dans son village natal.

Le jour d’après, Maclédio est amené en voiture avec Sama, le chef de la garde. Sama lui demande de sortir, et l'assassine. Koyaga, de son côté, accepte d’organiser des élections au suffrage universel après son donsomana. Il peut donc recevoir la météorite et le saint Coran de la part du Griot. Les personnages dansent ensemble pour fêter la fin de l'ère tyrannique sur la République du Golfe.

Détail des personnages[modifier | modifier le code]

  • Koyaga, ancien tirailleur sénégalais  qui usurpera le pouvoir et s'auto proclamera Président de la République du Golfe. Dictateur sanguinaire et calculateur, il règne sans partage depuis plus de vingt ans.
  • Maclédio, journaliste influent à la radio nationale et ancien opposant au régime, deviendra l'âme damnée de Koyaga (son “homme de destin”), son Conseiller personnel et son Ministre de l'Orientation.
  • Dalméda, chef des opposants syndicalistes, a fomenté le dernier coup d'État contre Koyaga avec l'aide de quelques amis et d’Abiré, la favorite du Président. Sa vieille amitié avec Maclédio ne lui sera d'aucun secours, bien au contraire.
  • Abiré, fille d'un couple d'opposants, se liera d'amitié avec Dalméda afin de venger ses parents, victimes de la répression cruelle de Sama et la garde. Pour atteindre son objectif, elle deviendra la maîtresse de Koyaga.
  • Bérou (le père d'Abiré), Zalissa (la mère d’Abiré) et Mensah sont les fidèles compagnons de lutte de Dalméda.
  • Sama est le chef de la garde rapprochée de Koyaga.
  • Le Griot, le Sora du maître Koyaga, officie la cérémonie cathartique en la ponctuant de commentaires élogieux et d'intermèdes musicaux.
  • Tiécoura est le Cordoua (répondeur) du Griot. C'est le "fou du roi", le seul dans l'entourage du dictateur qui puisse se moquer de lui et lui reprocher tous ses crimes, ouvertement et impunément.
  • Nadjouma, la mère de Koyaga, a été la championne inégalée de lutte de toutes les femmes de la tribu des "hommes nus". Elle met toute sa "magie" à la gloire de son fils, dont cette mystérieuse météorite qui confère des pouvoirs à Koyaga.
  • Fricassa est l'ancien dictateur de la République du Golfe que Koyaga a tué et émasculé pour prendre le pouvoir.

Distribution[modifier | modifier le code]

  • Barou Oumar Ouédraogo : Koyaga
  • Serge Bayala : Dalméda
  • Samira Sawadogo : Abiré
  • Ibrahima Mbaye : Maclédio
  • Maxime Sawadogo : Sama
  • Habib Dembélé : Tiécoura
  • Smockey : Fricassa
  • Kary Coulibaly : le Griot
  • Serge Henri: Bérou
  • Amelie Wabehi : Zalissa
  • Desiré Yameogo : Mensah
  • Lucas Fusi : Responsable FMI

Fiche technique[modifier | modifier le code]

  • Titre original : En attendant le vote...
  • Réalisation : Missa Hébié
  • Scénario : Missa Hébié et Marcel Beaulieu (adapté du roman En attendant le vote des bêtes sauvages d’Ahmadou Kourouma)
  • Décors : Rasmané Tiendrebeogo
  • Costumes : Sidi Ahamadou Ouedraogo
  • Image : Frédéric Serve
  • Musique : Wasis Diop
  • Son : Leonard Soubeiga
  • Montage image : Idit Bloch et Motandi Ouoba
  • Montage son : Nicolas Bourgeois
  • Mixage : Guillaume Leriche
  • Directeur de casting : Ildevert Meda
  • Scripte : Motandi Ouoba
  • Production : Noraogo Sawadogo, Selim Azzazi, Benjamin De Lajarte, Gregoire Jean-Baptiste, Frederic Serve
  • Sociétés de production : FASO Films & Com
  • Pays d’origine : Drapeau du Burkina Faso Burkina Faso
  • Langue originale : français
  • Format : 35 mm
  • Durée : 100 minutes
  • Date de sortie : 2011

Récompenses et festivals[modifier | modifier le code]

  • Étalon d'or de Yennenga, grand prix du festival FESPACO (Burkina-Faso)
  • Mention spéciale du Jury FESPACO 2011
  • Candidat pour Festival des 3 Continents
  • Journées Cinématographiques de Carthage

Partenariats[modifier | modifier le code]

  • Fonds Sud Cinéma et du Centre National de la Cinématographie (FR)
  • Ministère de la Culture et de la Communication (FR)
  • Fonds Images Afrique du Ministère des Affaires Étrangères et Européennes (FR)
  • Fonds Francophone de production audiovisuelle du Sud
  • Organisation internationale de la Francophonie
  • Centre Cinématographique Marocain
  • Ministère de la Culture, du Tourisme et de la Communication (Burkina Faso)
  • Radiodiffusion-television du Burkina
  • Ministère de la Défense (Burkina Faso)

Contexte historique[modifier | modifier le code]

Comme le roman de Kourouma, le scénario du film rappelle de très près à l’Histoire politique récente du Togo, pays qui à la fin des années 1990 assiste à une transition politique après les 38 ans de présidence de Gnassingbé Eyadéma, qui lui aussi, en tant qu’ancien chef militaire, prend le pouvoir en 1967 à la suite de l’assassinat de son prédécesseur Sylvanus Olympio. Tout comme dans En Attendant le Vote…, l’homme à la tête du pays n’accepte pas les principes de la démocratie, qui aurait donné plus de pouvoir au peuple. Ce parallélisme est confirmé par le drapeau de la République du Golfe, qui ressemble à celui du Togo. Ce film peut donc être classifié comme étant un film politique pour sa critique dissimulée de la corruption politique en Afrique et plus particulièrement au Togo entre 1967 et 2005. Cependant, le réalisateur Missa Hébié repousse toutes associations à tel registre.

Analyse et thèmes[modifier | modifier le code]

Violence physique et morale[modifier | modifier le code]

La violence au sein de la corruption étatique est un thème majeur du film. Les scènes de confrontation finissent sans exception en bain de sang. Les tactiques de gouvernance de Koyaga et de ses subordonnés se résument à la torture, au meurtre, au vandalisme et au chantage. L’esthétique de plusieurs plans du film dénonce cette violence non seulement physique mais aussi morale, notamment avec la superposition de la scène du viol d’Abiré avec celle de sa mère.

La radio[modifier | modifier le code]

La radio est un élément central du film en tant que catalyseur d'événements. En effet, le peuple est tenu au courant des intentions de leur président Koyaga à travers ce médium de communication, largement plus répandu que la presse et la télévision, notamment dans les zones rurales. Maclédio est un personnage clé pour sa dextérité avec ce médium propagandiste, et son changement de camp (du camp révolutionnaire à celui de Koyaga): il fait pivoter tout le déroulement de l’histoire. La place importante de la radio permet aussi de questionner la liberté d’expression dans un pays opprimé par dictature autoritaire.

Une dictature universelle[modifier | modifier le code]

Tourné au Burkina Faso et au Gabon, En Attendant le Vote… se passe dans un pays imaginaire désigné sous le nom de La République du Golfe. Malgré les allusions à l’histoire récente du Togo et aux cultures de l’Afrique de l’Ouest, la République du Golfe pourrait se référer à presque n’importe quel autre pays d’Afrique, ce qui rend sa critique d’autant plus universelle. Cette non-spécificité agrandit ainsi l’ombrelle de l’audience du film, car il touche tous les peuples ayant vécu une dictature semblable, un aspect important pour la critique politique du film.

La dimension politique du film[modifier | modifier le code]

Missa Hébié réfute la thèse selon laquelle son film retracerait et critique l’histoire politique du Togo.

« Je ne fais pas d'allusion. Je ne critique personne. J'ai fait un film pour l'Afrique, je n'ai pas fait ce film pour un pays particulièrement. Chaque cinéphile déduit, conclut comme il veut. »

En dépit de cette déclaration, le film laisse penser qu’il sert non seulement à critiquer la faiblesse et la corruption du système politique en Afrique subsaharienne, mais aussi à promouvoir l’instauration d’un système démocratique. Pourtant, le scénario se propose également sous un autre angle analytique, celui d’une critique du post-colonialisme, où les puissances occidentales (illustrées par le représentant du FMI) essaient de forcer une démocratie inapte à la société africaine sur la République du Golfe, ce qui pousse le dirigeant Koyaga à agir de manière erratique et violente.

La sorcellerie et les traditions[modifier | modifier le code]

Malgré l'aspect moderne du film, son scénario repose fortement sur l’engagement des personnages dans les coutumes traditionnelles de l’Afrique de l’Ouest, et plus précisément dans la sorcellerie africaine. Lorsqu’en dilemme, les personnages ont souvent recours à la magie, exécutée par un sorcier, soit pour les aider à prédire l’avenir ou pour les protéger. Tel est le cas lorsque Fricassa se fait prévenir de sa propre mort, et lorsque son palais est pris d'assaut par Koyaga et ses camarades. Malgré le fait que le cinéma soit une invention occidentale et représente l'arrivée de la modernité en Afrique centrale, ce film préserve un respect pour les traditions de la région et les met en avant, alliant ainsi modernisme et tradition.

Le donsomana est le chant des récits de chasse dans la culture malinké/mandingue. Il célèbre leurs exploits et a une fonction cathartique. Le film se déroule grâce à des scènes alternées entre une cérémonie de donsomana située dans le présent et des analepses qui expliquent les actions qui ont mené Koyaga à la cérémonie. Les analepses sont le produit de l’histoire que le Sora raconte à Koyaga lors de la cérémonie, sorcier qui prend ainsi la place du griot-narrateur traditionnel des contes oraux africains.

Une satire politique[modifier | modifier le code]

Koyaga se fait appeler par une pléthore de noms : “Grand Maître Chasseur”, “Président Dictateur Suprême de Tous les Petits Nègres de la République du Golfe”, “Akuaba Président Koyaga a la République des Ébènes”, “Maréchal” et enfin “Chef Suprême des armées”. Chacun de ces titres indique la supériorité de Koyaga vis-à-vis de son entourage et lui rend hommage. L'évolution des titres permet au spectateur de se situer chronologiquement dans l’histoire, et de comprendre lorsque Koyaga est encore marechal et lorsqu’il est président (il est de même avec Macledio, qui devient “Ministre de l’Orientation et Conseiller n.1”). L’hyperbole évidente de ces titres est une forme de satire pour se moquer du narcissisme des dictateurs.

Contraste avec la nouvelle[modifier | modifier le code]

Le roman En attendant le vote des bêtes sauvages, d’Ahmadou Kourouma diffère du film sur certains aspects.

Principalement et contrairement au film, qui se concentre sur l’âge adulte de Koyaga depuis la prise du pouvoir au donsomana, le roman de Kourouma propose une fresque historique de l’Afrique de l’ouest depuis la colonisation.  

Notes et références[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]