Droit colonial allemand

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Sceau du juge impérial de Swakopmund.

Le droit colonial allemand est le droit appliqué historiquement dans l'empire colonial allemand. Peu étudié et peu différent des autres ensembles de droit colonial, ce système avait étendu le pouvoir judiciaire allemand sur les nations colonisées. Il s'est accompagné de recherches intensives et promues par les pouvoirs publics, quoique infructeuses, à propos du « droit indigène » qu'il était censé intégrer à l'avenir.

Historiographie[modifier | modifier le code]

Ce droit colonial a relativement peu été étudié, ce qui est lié à l'effacement de la mémoire de la colonisation dans la société allemande selon Pascale Cancik[1].

Comparaison avec le droit des autres empires[modifier | modifier le code]

Le droit colonial allemand ressemble beaucoup à celui des autres empires coloniaux dans sa démarche[2].

Institutions[modifier | modifier le code]

Dans chaque colonie, il y avait un ordre judiciaire, sans recours possible à la cour suprême métropolitaine[3].

Appréhension des ordres juridiques locaux[modifier | modifier le code]

Les juristes de l'empire allemand ont cherché à étudier les pratiques juridiques des nations qu'ils colonisaient et les ont caractérisées comme « droit indigène » (en allemand Eingeborenenrecht). Ainsi fut inventée l'anthropologie juridique, notamment à travers l'enquête postale de Albert Hermann Post (de)[4]. Le Reichstag a même créé une commission spéciale pour l'étude des ordres juridiques autochtones au sein de l'empire[5], en promouvant l'envoi de centaines de questionnaires contenant des milliers de questions aux bureaux coloniaux. Les fonctionnaires qui les ont reçu ont souvent été réticents à les remplir et les renvoyer à cause de la quantité énorme de travail que cela demandait[6]. Ces grands travaux n'ont toutefois mené ni à une véritable connaissance des cultures juridiques visées, ni à aucune codification systématique comme était l'objectif: en revanche, ces efforts ethnologiques ont préfiguré le développement de la discipline du droit comparé, ont renforcé les constructions racistes des intellectuels allemands, et ont joué un rôle important dans les discours de la scène politique de la métropole allemande de l'époque[7].

Selon Jan-Henning Böttger, la recherche sur le droit autochtone en Namibie faisait partie du projet colonisateur allemand, en transformant les idées autochtones en objets d'étude. Il considère que ces travaux ont préparé et légitimé le génocide des Héréros et des Namas[8].

Postérité[modifier | modifier le code]

Encore en 1940, le Reichskolonialgesetz, ou loi coloniale impériale, a été préparé par l'Académie du droit allemand et proposé par l'office colonial de la NSDAP avec l'idée de récupérer les anciennes colonies allemandes[9],[10].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Cancik 2023.
  2. Zollmann 2014.
  3. Hammen 1999.
  4. (en) Andrew Lyall, « Early German Legal Anthropology: Albert Hermann Post and His Questionnaire », Journal of African Law, vol. 52, no 1,‎ , p. 114–138 (ISSN 0021-8553, lire en ligne, consulté le )
  5. (de) Harald Sippel, « Der Deutsche Reichstag und das »Eingeborenenrecht«: Die Erforschung der Rechtsverhältnisse der autochthonen Völker in den deutschen Kolonien », Rabels Zeitschrift für ausländisches und internationales Privatrecht / The Rabel Journal of Comparative and International Private Law, vol. 61, no 4,‎ , p. 714–738 (ISSN 0033-7250, lire en ligne, consulté le )
  6. Cornel Zwierlein, « Übersetzungen ohne Original Die Erfassung des Rechts der „Naturvölker“ per Fragebogen in den deutschen Kolonien 1907 – 1914 », ZNR, vol. 34, nos 3-4,‎ , p. 219–245 (ISSN 0250-6459, DOI 10.5771/0250-6459-2012-3-4-219, lire en ligne, consulté le )
  7. (de) Rebekka Habermas, « V. Die deutschen Großforschungsprojekte zum „Eingeborenenrecht“ um 1900 und ihre Folgen », Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte: Germanistische Abteilung, vol. 129, no 1,‎ , p. 150–182 (ISSN 2304-4861 et 0323-4045, DOI 10.7767/zrgga.2012.129.1.150, lire en ligne, consulté le )
  8. Jan Henning Böttger, « Zivilisierung der »Vernichtung«. »Hererokrieg«, »Eingeborene« und »Eingeborenenrecht« im Kolonial- diskurs », Zeitschrift für Genozidforschung, vol. 4, no 1,‎ , p. 22–63 (ISSN 1438-8332, DOI 10.5771/1438-8332-2003-1-22, lire en ligne, consulté le )
  9. Paulette Reed-Anderson, « Chronologie zur Deutschen Kolonialgeschichte », sur bpb.de, (consulté le )
  10. (de) Werner Schubert, « II. Das imaginäre Kolonialreich: Die Vorbereitung der Kolonialgesetzgebung durch den Kolonialrechtsausschuß der Akademie für Deutsches Recht, das Reichskolonialamt und die Reichsministerien ( 1937-1942) », Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte: Germanistische Abteilung, vol. 115, no 1,‎ , p. 86–149 (ISSN 2304-4861, DOI 10.7767/zrgga.1998.115.1.86, lire en ligne, consulté le )

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (de) Horst Hammen, « Kolonialrecht und Kolonialgerichtsbarkeit in den ehemaligen deutschen Schutzgebieten - Ein Überblick », Verfassung und Recht in Übersee / Law and Politics in Africa, Asia and Latin America, vol. 32, no 2,‎ , p. 191–209 (ISSN 0506-7286, lire en ligne, consulté le )
  • (en) Jakob Zollmann, « German Colonial Law and Comparative Law, 1884–1919 », dans Entanglements in Legal History, vol. 1, Max Planck Institute for Legal History and Legal Theory, coll. « Conceptual Approaches », , 253–294 p. (ISBN 978-3-944773-00-1, lire en ligne)
  • (de) Pascale Cancik, « Zur Geschichte des Kolonialrechts – ein Gespräch », dans Michael Stolleis – zum Gedenken, Klostermann, , 47–66 p. (ISBN 978-3-465-14625-4, DOI 10.5771/9783465146254-47, lire en ligne)
  • (de) Felix Hanschmann, « Die Suspendierung des Konstitutionalismus im Herz der Finsternis: Recht, Rechtswissenschaft und koloniale Expansion des Deutschen Reiches », Kritische Justiz, vol. 45, no 2,‎ , p. 144–162 (ISSN 0023-4834, lire en ligne, consulté le )
  • (de) Norbert Berthold Wagner, Die deutschen Schutzgebiete: Erwerb, Organisation und Verlust aus juristischer Sicht, Nomos-Verl.-Ges, coll. « Juristische Zeitgeschichte Abt. 1, Allgemeine Reihe », (ISBN 978-3-7890-8033-3 et 978-3-8305-0466-5)
  • (de) Kolonialisierung des Rechts: zur kolonialen Rechts- und Verwaltungsordnung, Nomos, coll. « Schriften zur Rechtspolitologie », (ISBN 978-3-7890-7347-2)
  • (de) (Post)koloniale Rechtswissenschaft: Geschichte und Gegenwart des Kolonialismus in der deutschen Rechtswissenschaft, Mohr Siebeck, (ISBN 978-3-16-161841-3)

Au Togo[modifier | modifier le code]

  • (de) Rebekka Habermas, « Recht in Atakpame », dans Skandal in Togo: Ein Kapitel deutscher Kolonialherrschaft, FISCHER E-Books, (ISBN 978-3-10-490217-3, lire en ligne)
  • (de) Trutz von Trotha, « Zur Entstehung von Recht. Deutsche Kolonialherrschaft und Recht im "Schutzgebiet Togo", 1884-1914. », Rechtshistorisches Journal, no 07,‎ , p. 317–346 (ISSN 0723-1180, lire en ligne, consulté le )
  • E. A. B. van Rouveroy van Nieuwaal, « Bases Juridiques Du Droit Coutumier Au Togo Dans L'epoque Coloniale Allemande (1884-1914) », Verfassung und Recht in Übersee / Law and Politics in Africa, Asia and Latin America, vol. 13, no 1,‎ , p. 27–34 (ISSN 0506-7286, lire en ligne, consulté le )

En Nouvelle-Guinée[modifier | modifier le code]

  • (en) Anna Echterhölter, « Shells and Order: Questionnaires on Indigenous Law in German New Guinea », Journal for the History of Knowledge, vol. 1, no 1,‎ (ISSN 2632-282X, DOI 10.5334/jhk.21, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]