« Modèle de la goutte liquide » : différence entre les versions

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Le modèle de la goutte liquide est le plus ancien des modèles du noyau atomique, initié au début des années 1930 par [[George Gamow|Gamow]]<ref>{{Article |langue=English |auteur1=George Gamow |titre=Mass defect curve and Nuclear Constitution |périodique=Proceedings of the Royal Society A 126 |date=1930 |doi=https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspa.1930.0032 |pages=426-450}}</ref> et développé par [[Niels Bohr|Bohr]] et [[John Wheeler|Wheeler]] pour l’étude de la fission des noyaux <ref>{{Article |langue=English |auteur1=Niels Bohr|auteur2= John Archibald Wheeler |titre=The mechanism of nuclear fission|périodique= Physical Review vol 56|date=1939 |https://journals.aps.org/pr/pdf/10.1103/PhysRev.56.426|pages=426-450 }}</ref> ; il a été la base des premières études de l[[Énergie de liaison nucléaire|'énergie de liaison]] des noyaux et de l'énergie libérée par leur [[Fission nucléaire|fission]]. La première expression de l'énergie de liaison est la formule semi-empirique de [[Carl Friedrich von Weizsäcker|von Weizsäcker]]<ref name=":0">{{Article |langue=German |auteur1=C.F. von Weizsäcker |titre=Zur Theorie der Kernmassen |périodique=Zeitschrift für Physik vol 96 |date=1935 |doi=https://doi.org/10.1007/BF01337700 |pages=431-458 }}</ref>.
{{Ébauche|physique nucléaire}}
== Les bases physiques du [[modèle]] ==
En [[physique nucléaire]], le '''modèle de la goutte liquide''' est un modèle permettant de déterminer approximativement en une seule formule générale la distribution des énergies de liaison {{mvar|B}} en fonction du [[nombre de masse]] {{mvar|A}}, du nombre de protons {{mvar|Z}} et du nombre de neutrons {{mvar|N}} (avec <math>A=N+Z</math>).
Par ses dimensions et la nature des forces qui l’animent, le [[noyau atomique]] est un objet [[Mécanique quantique|quantique]] ; cependant, dès les années 1930, les physiciens ont noté qu’en première approximation, il avait un comportement collectif presque classique, et semblable à celui d’une goutte liquide chargée électriquement<ref>{{Ouvrage|langue=Français|auteur1=Bernard Fernandez|titre=De l'atome au noyau|passage=262-264|lieu=Paris|éditeur=Ellipses|date=2006|pages totales=578|isbn=2-7298-2784-67}}</ref>.


Ce comportement résulte de la propriété de saturation des [[Force nucléaire|forces nucléaires]] dans les noyaux proches de leur état fondamental : sauf pour les [[Noyau atomique|noyaux]] très légers, l'énergie pour extraire un nucléon (nucléon = [[neutron]] ou [[proton]]) d'un noyau est approximativement indépendante de sa taille.
L'idée est de traiter la matière nucléonique (nucléon = [[neutron]] ou [[proton]]) du [[noyau atomique|noyau]] comme un liquide. Un peu comme l'eau d'une goutte de pluie, sauf qu'ici les [[force de van der Waals|forces de van der Waals]] entre les [[molécule]]s d'eau sont remplacées par l'[[Interaction forte|interaction nucléaire forte]] entre les nucléons (« dilués » dans le volume du noyau).


La cohésion des [[Nucléon|nucléons]] du noyau atomique est assurée par des [[Force nucléaire|forces nucléaires]] à courte portée (interaction résiduelle de résidu de l'[[interaction nucléaire forte]]) : très répulsives à très courte portée (1 [[Femtomètre|fermi]] et moins), elles deviennent très attractives autour de 1,3 [[Femtomètre|fermi]], puis décroissent [[Fonction exponentielle|exponentiellement]] au-delà. En conséquence :
On retrouve ainsi :
* un terme de volume (en {{mvar|A}}) ;
* un terme de surface (les nucléons en surface sont moins liés que ceux au centre du noyau) ;
* un terme de répulsion coulombienne des protons entre eux ;
* des termes quantiques d'asymétrie et d’appariement.


* La distance moyenne entre les nucléons est constante et la [[masse volumique]] (<math> > 2\; 10^{17}kg/m^3)</math> du noyau est indépendante de sa taille.
Dans le modèle de la goutte liquide, le noyau est donc considéré comme un fluide chargé incompressible.
*Chaque nucléon au cœur du noyau n'est sensible qu'à l'attraction de ses voisins immédiats et non à celle de l'ensemble du noyau (saturation des forces).
*Les nucléons en surface ont moins de voisins et donc sont moins liés que ceux du cœur, phénomène analogue au phénomène de [[tension superficielle]] des liquides.


Contrairement à un liquide classique chargé électriquement où les charges migrent en surface, les protons chargés positivement se répartissent de manière homogène dans le noyau ; c'est une conséquence du [[Principe d'exclusion de Pauli|principe de Paul]]<nowiki/>i qui met des contraintes sur les états que peuvent occuper les nucléons.
== Formule ==
L’énergie de liaison est la suivante :


L'énergie de liaison d'un noyau notée traditionnellement {{mvar|B}}, est l'énergie nécessaire pour dissocier tous les nucléons d'un noyau. Dans le '''modèle nucléaire de la goutte liquide,''' elle comprendra :
:<math>B(A,Z) = E_\text{volume}(A,Z) - E_\text{surface}(A,Z) - E_\text{Coulomb}(A,Z) - E_\text{asymétrie}(A,Z)+...</math>


*un terme de volume ;
et peut être réécrit sous la forme :
* un terme de surface (les nucléons en surface sont moins liés que ceux au centre du noyau) ;
* un terme de répulsion coulombienne des protons entre eux ;
* des termes correctifs d'origine quantique.


== La formule semi-empirique de Bethe-Weizsäcker ==
:<math>B(A,Z)=a_v A-a_s A^{2/3}-a_c {Z^2 \over A^{1/3}}-a_a{(N-Z)^2 \over A} + \delta(A,Z)</math>
avec
*<math>a_v\approx 16~\textrm{MeV}</math> le terme de volume, directement proportionnel au nombre <math>A</math> de nucléons constituant le noyau
*<math>a_s\approx 17~\textrm{MeV}</math> le terme de surface – et il n'est pas difficile de s'en persuader géométriquement – proportionnel à <math>V^{2/3}</math> et donc à <math>A^{2/3}</math>
*<math>a_c\approx 0,7~\textrm{MeV}</math>
*<math>a_a\approx 23~\textrm{MeV}</math> le terme d'antisymétrie permettant d'inclure au modèle le [[principe d'exclusion de Pauli]]
* <math>\delta(A,Z) = \delta_o \ a_p \ A^{-3/4} </math>
** <math>a_p\approx 34~\textrm{MeV}</math>
** <math>\delta_o \begin{cases}+ 1 & \mbox{pour }A\mbox{ pair, Z et N pairs} \\ 0 & \mbox{pour }A\mbox{ impair} \\ - 1 & \mbox{pour }A\mbox{ pair, Z et N impairs}\end{cases} </math>


Dans la formule semi-empirique de [[Carl Friedrich von Weizsäcker|von Weizsäcker]]<ref name=":0" />, modifiée par [[Hans Bethe|Bethe]], le noyau est considéré dans son état fondamental et de forme sphérique. L'énergie de liaison du noyau est complètement déterminée par {{mvar|A}} son [[nombre de masse]], {{mvar|Z}} le nombre de ses protons et {{mvar|N}} celui de ses neutrons (avec <math>A=N+Z</math>). L'énergie de liaison tient compte de 2 termes correctifs d'origine quantique :
:: les noyaux ayant un nombre pair de nucléons, neutrons et protons sont plus stables que ceux ayant un nombre impair de nucléons, eux-mêmes plus stables que ceux ayant un nombre pair de nucléons et impair de neutrons et protons. Ceci rend notamment compte des effets de couplage par deux nucléons pour les spins.
:: Remarque : cela peut s'écrire : <math>\delta_o = \frac {(-1)^Z+(-1)^N} {2}</math>


<math>B(A,Z) = E_\text{volume}(A,Z) - E_\text{surface}(A,Z) - E_\text{Coulomb}(A,Z) - E_\text{asymétrie}(A,Z)+E_\text{appariemment}(A,Z)</math>
Le fait que le terme de volume soit positif montre que les nucléons à l’intérieur du noyau se lient par l’intermédiaire de l’interaction nucléaire. Les termes de surface diminuent l’énergie de liaison car, en surface, les nucléons ont moins de voisins avec qui interagir. Il en est de même pour le terme coulombien qui est répulsif et tend à éloigner les protons les uns des autres. On peut ajouter un terme d’asymétrie répulsif caractérisant le fait que le noyau est moins lié lorsque l’on s’éloigne de la vallée de stabilité, ce terme n’a pas d’origine macroscopique.


Le terme d'antisymétrie inclut les effets du [[principe d'exclusion de Pauli]], qui impose des contraintes sur les états que peuvent occuper les nucléons et favorise les noyaux où <math>N\approx Z</math>.
== Commentaires et comparaison avec la [[formule de Weizsäcker]] ==


Les nucléons sont des [[Fermion|fermions]] qui ont un [[spin]] <math>\pm 1/2 </math> ; lorsqu'ils sont associés par paire, ils sont plus liés que lorsqu'ils sont isolés, d'où le terme d'appariement.
=== Terme de répulsion coulombienne ===
Le terme de répulsion coulombienne est donné par <math> a_c {Z(Z-1) \over A^{1/3}} </math> ou <math> a_c {Z^2 \over A^{1/3}} </math> dans la [[formule de Weizsäcker]], terme nul lorsque le noyau n'est constitué que d'un seul proton.


Le rayon du noyau est proportionnel à <math>A^{1/3}</math> en raison de la saturation des forces nucléaires ; son volume est donc proportionnel à {{mvar|A}} et sa surface proportionnelle à <math> A^{2/3} </math>. L'énergie de liaison s'écrit sous la forme :
=== Terme de parité ===
Dans l'énergie de liaison ci-dessus, terme de parité <math> \delta(A,Z)</math> est compté positivement.


:<math>B(A,Z)=a_v A-a_s A^{2/3}-a_c {Z^2 \over A^{1/3}}-a_a{(N-Z)^2 \over A} + \delta(A,Z)</math>
La formule de Weizäcker donne <math>\delta(A,Z) = a_p \ A^{-1/2} </math> pour la valeur absolue de ce terme
[[Fichier:Liquid drop model.svg|vignette|Illustration de l'origine des différentes contribution à l'[[Liaison nucléaire|énergie de liaison]] des noyaux atomiques, dans la formule semi-empirique du modèle de la goutte liquide.]]
avec
*<math>a_v\approx 16~\textrm{MeV}</math>, coefficient du terme de volume
*<math>a_s\approx 17~\textrm{MeV}</math>, coefficient du terme de surface
*<math>a_c\approx 0,7~\textrm{MeV}</math>, coefficient de [[Électrostatique|l'énergie coulombienne]] des protons
*<math>a_a\approx 23~\textrm{MeV}</math> le coefficient du terme d'antisymétrie
* <math>\delta(A,Z) = \delta_o \ a_p \ A^{-3/4} </math>, le terme d'appariement qui favorise les noyaux avec {{mvar|N}} ou {{mvar|Z}} pairs
** <math>a_p\approx 34~\textrm{MeV}</math>
** <math>\delta_o \begin{cases}+ 1 & \mbox{pour }A\mbox{ pair, Z et N pairs} \\ 0 & \mbox{pour }A\mbox{ impair} \\ - 1 & \mbox{pour }A\mbox{ pair, Z et N impairs}\end{cases} </math>


== Valeur des constantes ==
== Valeur des constantes ==

Version du 5 avril 2021 à 12:21

Le modèle de la goutte liquide est le plus ancien des modèles du noyau atomique, initié au début des années 1930 par Gamow[1] et développé par Bohr et Wheeler pour l’étude de la fission des noyaux [2] ; il a été la base des premières études de l'énergie de liaison des noyaux et de l'énergie libérée par leur fission. La première expression de l'énergie de liaison est la formule semi-empirique de von Weizsäcker[3].

Les bases physiques du modèle

Par ses dimensions et la nature des forces qui l’animent, le noyau atomique est un objet quantique ; cependant, dès les années 1930, les physiciens ont noté qu’en première approximation, il avait un comportement collectif presque classique, et semblable à celui d’une goutte liquide chargée électriquement[4].

Ce comportement résulte de la propriété de saturation des forces nucléaires dans les noyaux proches de leur état fondamental : sauf pour les noyaux très légers, l'énergie pour extraire un nucléon (nucléon = neutron ou proton) d'un noyau est approximativement indépendante de sa taille.

La cohésion des nucléons du noyau atomique est assurée par des forces nucléaires à courte portée (interaction résiduelle de résidu de l'interaction nucléaire forte) : très répulsives à très courte portée (1 fermi et moins), elles deviennent très attractives autour de 1,3 fermi, puis décroissent exponentiellement au-delà. En conséquence :

  • La distance moyenne entre les nucléons est constante et la masse volumique ( du noyau est indépendante de sa taille.
  • Chaque nucléon au cœur du noyau n'est sensible qu'à l'attraction de ses voisins immédiats et non à celle de l'ensemble du noyau (saturation des forces).
  • Les nucléons en surface ont moins de voisins et donc sont moins liés que ceux du cœur, phénomène analogue au phénomène de tension superficielle des liquides.

Contrairement à un liquide classique chargé électriquement où les charges migrent en surface, les protons chargés positivement se répartissent de manière homogène dans le noyau ; c'est une conséquence du principe de Pauli qui met des contraintes sur les états que peuvent occuper les nucléons.

L'énergie de liaison d'un noyau notée traditionnellement B, est l'énergie nécessaire pour dissocier tous les nucléons d'un noyau. Dans le modèle nucléaire de la goutte liquide, elle comprendra :

  • un terme de volume ;
  • un terme de surface (les nucléons en surface sont moins liés que ceux au centre du noyau) ;
  • un terme de répulsion coulombienne des protons entre eux ;
  • des termes correctifs d'origine quantique.

La formule semi-empirique de Bethe-Weizsäcker

Dans la formule semi-empirique de von Weizsäcker[3], modifiée par Bethe, le noyau est considéré dans son état fondamental et de forme sphérique. L'énergie de liaison du noyau est complètement déterminée par A son nombre de masse, Z le nombre de ses protons et N celui de ses neutrons (avec ). L'énergie de liaison tient compte de 2 termes correctifs d'origine quantique :

Le terme d'antisymétrie inclut les effets du principe d'exclusion de Pauli, qui impose des contraintes sur les états que peuvent occuper les nucléons et favorise les noyaux où .

Les nucléons sont des fermions qui ont un spin  ; lorsqu'ils sont associés par paire, ils sont plus liés que lorsqu'ils sont isolés, d'où le terme d'appariement.

Le rayon du noyau est proportionnel à en raison de la saturation des forces nucléaires ; son volume est donc proportionnel à A et sa surface proportionnelle à . L'énergie de liaison s'écrit sous la forme :

Illustration de l'origine des différentes contribution à l'énergie de liaison des noyaux atomiques, dans la formule semi-empirique du modèle de la goutte liquide.

avec

  • , coefficient du terme de volume
  • , coefficient du terme de surface
  • , coefficient de l'énergie coulombienne des protons
  • le coefficient du terme d'antisymétrie
  • , le terme d'appariement qui favorise les noyaux avec N ou Z pairs

Valeur des constantes

Wapstra[5] Rohlf[6]
14,1 15,75
13 17,8
0,595 0,711
19 23,7
33,5 11,18
Apair
Zpair
Npair
-1 +1
Apair
Zimpair
Nimpair
+1 -1
Aimpair 0

On note la différence de signe pour l'énergie d'appariement dans les formulations.

Références

  1. (en) George Gamow, « Mass defect curve and Nuclear Constitution », Proceedings of the Royal Society A 126,‎ , p. 426-450 (DOI https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspa.1930.0032)
  2. (en) Niels Bohr et John Archibald Wheeler, « The mechanism of nuclear fission », Physical Review vol 56,‎ , p. 426-450
  3. a et b (de) C.F. von Weizsäcker, « Zur Theorie der Kernmassen », Zeitschrift für Physik vol 96,‎ , p. 431-458 (DOI https://doi.org/10.1007/BF01337700)
  4. Bernard Fernandez, De l'atome au noyau, Paris, Ellipses, , 578 p. (ISBN 2-7298-2784-67[à vérifier : ISBN invalide]), p. 262-264
  5. A. H. Wapstra, External Properties of Atomic Nuclei, Springer, (ISBN 978-3-642-45902-3, DOI 10.1007/978-3-642-45901-6_1), « Atomic Masses of Nuclides », p. 1–37.
  6. J. W. Rohlf, Modern Physics from α to Z0, John Wiley & Sons, , 664 p. (ISBN 978-0-471-57270-1).

Voir aussi

Articles connexes