« Paradoxe de Peto » : différence entre les versions

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Le paradoxe de Peto est le constat, effectué par Richard Peto, qu'au niveau des espèces, l'incidence du cancer ne paraît pas être en Corrélation avec le nombre de cellules de l'organisme.[1] Par exemple, l'incidence des cancers chez l'être humain est bien plus élevée que chez les baleines,[2] et ceci malgré le fait qu'une baleine a beaucoup plus de cellules qu'un être humain. Si la probabilité de carcinogenèse étant constante pour une cellule donnée, on observerait au contraire une incidence beaucoup plus forte pour la baleine que pour l'homme.

Formulation initiale

Peto, un statisticien épidémiologiste de l'université d'Oxford, publia la première formulation de ce paradoxe en 1977.[3] Alors qu'il préparait un article de synthèse sur le modèle multi-étape de la carcinogenèse (proposé en 1954 par Peter Armitage et Richard Doll), Peto constata que à nombre de cellules équivalents, les êtres humains étaient beaucoup moins sujets au cancer que les souris :

« Un homme a 1000 fois plus de cellules qu'une souris [...] et vit typiquement trente fois plus longtemps. En soumettant deux organismes similaires au risque de cancer, l'un sur une durée trente fois plus grande que l'autre, on devrait trouver un facteur de l'ordre de 304 ou 306 (de l'ordre du million ou du milliard) sur le risque de carcinome induit par une cellule épithéliale. Et pourtant, il semble que dans la nature, le risque de carcinome induit chez la souris et chez l'homme ne sont pas aussi disparates. Se pourrait-il, alors, que les cellules de notre espèce soient réellement un milliard ou mille milliards de fois plus « cancerifuges » que les cellules de l'espèce murine? Biologiquement parlant, c'est tout à fait improbable. Si l'ADN humain n'est pas plus résistant à la carcinogenèse in vitro que celui de la souris, pourquoi ne mourrons-nous pas tous de multiples cancers à un age précoce? » (Epidemiology and Multistage Models", 1977)[4]

Peto conclut en suggérant que des évolutions adaptatives pouvaient être responsables de la variation interspécifique des taux de carcinogenèse.

Preuves expérimentales du paradoxe

À l'intérieur d'une même espèce, le risque de cancer et la taille corporelle semblent être corrélés positivement, même en tenant compte des autres facteurs de risque.[5] Une étude longitudinale de 25 ans, portant sur 17 738 fonctionnaires britanniques masculins, montra une corrélation positive entre la taille et l'incidence de cancer, avec un haut degré de significativité, même en contrôlant l'effet des autres facteurs de risque comme le tabagisme.[6] Une étude similaire publiée en 2011, portant sur plus d'un million de femmes britanniques, a montré une corrélation forte entre cancer et taille, même après prise en compte d'un grand nombre de facteurs de risque tant socioéconomiques que comportementaux.[7] Une analyse des causes de mortalité de 74 556 chiens domestiques également publiée en 2011 montre que l'incidence de cancer est plus faible dans les petites races, confirmant le résultat d'études antérieures.[8]

D'une espèce à l'autre, cependant, cette corrélation n'est plus observée. Une étude de 2015 des observations de nécropsies du zoo de San Diego, portant sur 36 espèces différentes de mammifères allant de la souris rayée de 28 g à l'éléphant de 4 800 kg, près de 100 000 fois plus massif. Cette étude n'a pas trouvé de corrélation entre la taille corporelle et l'incidence de cancer, apportant un soutien expérimental à l'observation initiale de Peto.[9]

Considérations évolutionnaires

Dans une certaine mesure, l'apparition de la vie multicellulaire a demandé un certain contrôle du taux de cancer,[10] et des liens ont été identifiés entre l'origine de la vie multicellulaire et le cancer.[11],[12] Afin de pouvoir constituer des corps plus gros et d'une durée de vie plus grande, les organismes ont eu besoin d'une meilleure répression du cancer. Ces preuves expérimentales suggèrent que les gros organismes comme les éléphants ont plus de traits adaptatifs leur permettant d'échapper au cancer.[13] La raison pour laquelle les organismes de taille intermédiaire n'ont pas ces mécanismes de contrôle est peut-être que l'avantage sélectif que ces gènes induisent par leur contrôle sur le cancer est compensé par d'autres inconvénients — notamment une fertilité réduite[14]

Le mécanisme pour réduire le risque de cancer varie d'une espèce à l'autre.[15] Un article de Cell Reports de janvier 2015 revendique la découverte chez la baleine boréale (Balaena mysticetus) de gènes qui pourraient être associés à la longévité.[16] À peu près à la même époque, une équipe de chercheurs a identifié sur le rat-taupe nu (Heterocephalus glaber ) un polysaccharide qui semble bloquer le développement des tumeurs.[17] En octobre 2015, deux études indépendantes ont montré que les éléphants avaient vingt copies du gène TP53 suppresseur de tumeurs, alors que les hommes et autres mamifères n'en ont qu'une.[18] Des recherches complémentaires ont constaté la présence de 14 copies de ce gène dans l'ADN des mammouths retrouvés congelés, mais un seul chez le lamantin ou le damans, les plus proches parents des éléphants.[19]

Ces résultats suggèrent une relation due à la sélection naturelle entre la taille de l'animal et sa capacité à inhiber les tumeurs, confortant l'hypothèse de Peto.

Metabolic and cell size considerations

A 2014 paper in Evolutionary Applications by Maciak and Michalak emphasized what they termed "a largely underappreciated relation of cell size to both metabolism and cell-division rates across species" as key factors underlying the paradox, and concluded that "larger organisms have bigger and slowly dividing cells with lower energy turnover, all significantly reducing the risk of cancer initiation."[20]

Maciak and Michalak argue that cell size is not uniform across mammalian species, making body size an imperfect proxy for the number of cells in an organism. (For example, the red blood cells of elephants are four times as big as those of shrews.)[21] Furthermore, larger cells divide more slowly than smaller ones, a difference which compounds exponentially over the life-span of the organism. Fewer cell divisions means fewer opportunities for cancer mutations, and mathematical models of cancer incidence are highly sensitive to cell-division rates.[22] Additionally, larger animals generally have lower basal metabolic rates, following a well-defined inverse logarithmic relationship. Consequently, their cells will incur less damage over time per unit of body mass. Combined, these factors may explain much of the apparent paradox.

Hypertumors

It has been suggested that malignant tumors are disadvantaged in larger hosts. In particular, it is hypothesized that natural selection acting on competing phenotypes among the cancer cell population will tend to favor aggressive “cheaters” that then grow as a tumor on their parent tumor, creating a hypertumor that damages or destroys the original neoplasm. In larger organisms, tumors need more time to reach lethal size, so hypertumors have more time to evolve. So, in large organisms, cancer may be more common and less lethal.[23]

Medical research

The apparent ability of bigger animals to suppress cancer across very large numbers of cells has spurred an active field of medical research.[14] In one experiment, laboratory mice were genetically altered to express active TP53 tumor antigens, similar to the ones found in elephants. The mutated mice exhibited increased tumor suppression ability, but also showed signs of premature aging.[24]

See also

References

  1. R. Peto, F. J. C. Roe, P. N. Lee, L. Levy et J. Clack, « Cancer and ageing in mice and men », British Journal of Cancer, vol. 32, no 4,‎ , p. 411–426 (PMID 1212409, DOI 10.1038/bjc.1975.242)
  2. John D. Nagy, Erin M. Victor et Jenese H. Cropper, « Why don't all whales have cancer? A novel hypothesis resolving Peto's paradox », Integrative and Comparative Biology, vol. 47, no 2,‎ , p. 317–328 (PMID 21672841, DOI 10.1093/icb/icm062)
  3. Richard Nunney, « The real war on cancer: the evolutionary dynamics of cancer suppression », Evolutionary Applications, vol. 6, no 1,‎ , p. 11–19 (DOI 10.1111/eva.12018)
  4. R. Peto « Epidemiology, multistage models, and short-term mutagenicity tests » () (lire en ligne, consulté le ) [archive du ]
    Cold Spring Harbor Conferences on Cell Proliferation
    « (ibid.) », dans The Origins of Human Cancer, vol. 4, Cold Spring Harbor Laboratory, p. 1403–1428
  5. Aleah Caulin et Carlo Maley, « Peto’s Paradox: Evolution’s Prescription for Cancer Prevention », Trends in Ecology and Evolution, Cell Press, vol. 26, no 4,‎ , p. 175–182 (PMID 21296451, PMCID 3060950, DOI 10.1016/j.tree.2011.01.002)
  6. George Smith et Martin Shipley, « Height and mortality from cancer among men: prospective observational study », BMJ, vol. 317, no 7169,‎ , p. 1351–1352 (PMID 9812932, PMCID 28717, DOI 10.1136/bmj.317.7169.1351)
  7. « Height and cancer incidence in the Million Women Study: prospective cohort, and meta-analysis of prospective studies of height and total cancer risk », Lancet Oncology, vol. 12, no 8,‎ , p. 785–794 (PMID 21782509, PMCID 3148429, DOI 10.1016/S1470-2045(11)70154-1)
  8. J.M. Fleming et K.E. Creevy, « Mortality in North American Dogs from 1984 to 2004: An Investigation into Age-, Size-, and Breed-Related Causes of Death », Journal of Veterinary Internal Medicine, vol. 25, no 2,‎ , p. 187–198 (PMID 21352376, DOI 10.1111/j.1939-1676.2011.0695.x, lire en ligne, consulté le )
  9. Joshua Schiffman, « Potential Mechanisms for Cancer Resistance in Elephants and Comparative Cellular Response to DNA Damage in Humans », JAMA, vol. 314,‎ , p. 1850 (DOI 10.1001/jama.2015.13134, lire en ligne, consulté le )
  10. A. F. Caulin et C. C. Maley, « Peto's Paradox: Evolution's prescription for cancer prevention », Trends in Ecology & Evolution, vol. 26, no 4,‎ , p. 175–182 (PMID 21296451, PMCID 3060950, DOI 10.1016/j.tree.2011.01.002)
  11. H Kobayashi et S Man, « Acquired multicellular-mediated resistance to alkylating agents in cancer », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, vol. 90, no 8,‎ , p. 3294–8 (DOI 10.1073/pnas.90.8.3294)
  12. Tomislav Domazet-Lošo et Diethard Tautz, « Phylostratigraphic tracking of cancer genes suggests a link to the emergence of multicellularity in metazoa », Biomed Central Biology, vol. 8, no 66,‎ (DOI 10.1186/1741-7007-8-66)
  13. Chi Dang, « Links between metabolism and cancer », Genes & Development, Cold Spring Harbor Laboratory Press, vol. 26,‎ , p. 877–90 (PMID 22549953, PMCID 3347786, DOI 10.1101/gad.189365.112)
  14. a et b Virginia Gewin, « Massive animals may hold secrets of cancer suppression », Nature News, (consulté le )
  15. (en) Carl Zimmer, « Elephants: Large, Long-Living and Less Prone to Cancer », The New York Times,‎ (lire en ligne)
  16. M. Keane, J. Semeiks, A. E. Webb, Y. I. Li, V. C. Quesada, T. Craig, L. B. Madsen, S. Van Dam, D. Brawand, P. C. I. Marques, P. Michalak, L. Kang, J. Bhak, H. S. Yim, N. V. Grishin, N. H. Nielsen, M. P. Heide-Jørgensen, E. M. Oziolor, C. W. Matson, G. M. Church, G. W. Stuart, J. C. Patton, J. C. George, R. Suydam, K. Larsen, C. López-Otín, M. J. o’Connell, J. W. Bickham, B. Thomsen et J. O. P. De Magalhães, « Insights into the Evolution of Longevity from the Bowhead Whale Genome », Cell Reports, vol. 10,‎ , p. 112–22 (PMID 25565328, DOI 10.1016/j.celrep.2014.12.008)
  17. T. Xian et J. Azpurua, « INK4 locus of the tumor-resistant rodent, the naked mole rat, expresses a functional p15/p16 hybrid isoform. », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 112, no 4,‎ , p. 1053–8 (PMID 25550505, PMCID 4313802, DOI 10.1073/pnas.1418203112)
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  19. Vincent Lynch, « TP53 copy number expansion correlates with the evolution of increased body size and an enhanced DNA damage response in elephants », bioRxiv (preprint),‎ (DOI 10.1101/028522, lire en ligne)
  20. S. MacIak et P. Michalak, « Cell size and cancer: A new solution to Peto's paradox? », Evolutionary Applications, vol. 8,‎ , p. 2–8 (DOI 10.1111/eva.12228)
  21. T. Ryan Gregory, « Mammal erythrocyte sizes », sur Genome Size, (consulté le )
  22. Peter Calabrese et Darryl Shibata, « A simple algebraic cancer equation: calculating how cancers may arise with normal mutation rates », BMC Cancer, vol. 10, no 3,‎ (DOI 10.1186/1471-2407-10-3, lire en ligne, consulté le )
  23. http://m.icb.oxfordjournals.org/content/47/2/317.full
  24. Stuart D. Tyner et Sundaresan Venkatachalam, « p53 mutant mice that display early ageing-associated phenotypes », Nature, vol. 415,‎ , p. 45–53 (PMID 11780111, DOI 10.1038/415045a, lire en ligne, consulté le )

Bibliography

  • (en) Barbara Natterson-Horowitz et Kathryn Bowers, Zoobiquity: What Animals Can Teach Us about Health and the Science of Healing, Alfred A. Knopf, (ISBN 978-0-307-95838-9)